La société des Belles Personnes – Tobie Nathan

LIRE POUR L’EGYPTE

« Nous sommes les compagnons de Bab el-Zouweila ; les marins du dernier voyage. Notre berceau est le Nil. Notre bateau est de soleil. Il tourne autour de la Terre emmenant les méritants de l’autre côté du monde, sur le continent des bienheureux. Souque, batelier, souque, jusqu’à trouver le vent de ta felouque. » Dans le cimetière
de Pantin,

[…]
« Zohar de son nom, Zohar de son prénom. L’homme que nous portons en terre s’appelait Zohar Zohar. Né en Égypte, du temps du roi Fouad, il a traversé les années de braise, celles du roi Farouk, et les années de plomb de la seconde moitié du XXe siècle, et il en est sorti entier, sans même perdre un seul fragment de son âme. Je l’ai peu connu, seulement ces derniers mois. Il fréquentait notre oratoire de Paris, la synagogue des Égyptiens. Mais il n’était pas très bavard. »

Le roman commence en fanfare : en fanfare au Cimetière de Pantin! Fanfare avec crotales et tambourins, simsimiyya – lyre égyptienne –   procession tourbillonnante et dansante. 

Corne de bélier des Juifs qui suivent, hommes vêtus de noir, barbes des Juifs religieux  – la société sacrée des morts pour le Kaddish.

L’homme qu’on porte en terre est un Juif égyptien. Une femme se lève pour l’éloge funèbre

Il était l’ami des princes et des rois. Mais il savait le plaisir des femmes. La pierre qu’il touchait devenait de feu…

Tobie Nathan nous conte dans ce roman l’histoire de cet homme Zohar Zohar doublement splendide, né dans le misérable quartier juif du vieux Caire ‘Haret el-Yahoud qui avait commencé sa carrière comme ramasseur de mégots pour devenir le patron d’un établissement « la Compagnie de l’Eau Bleue » recevant le gratin du Caire et même le roi Farouk. 

L’histoire commence en janvier 1952 avec l’incendie du Caire et les émeutes qui ont précédé le coup d’état des Officiers Libres de Nasser, Sadate le 22 juillet 1952 

« La mère de toutes les nuits »

 

Zohar Zohar est pris en otage par les militaires qui s’attaquent aux Juifs après la défaite des Egyptiens contre les Israéliens, parmi les soldats un curieux homme blond à l’accent allemand. Dieter Boehm, ancien SS qui veut poursuivre la Solution Finale au Proche Orient. Dans le conte oriental débridé nous faisons connaissance avec ces anciens nazis cachés de la justice occidentale, et du Grand Mufti de Jérusalem qui a fait allégeance à Hitler dans sa lutte contre les Britannique. Sinistres personnages.

Bab Zouweila

Conte oriental truculent avec tous ces Cairotes originaux, aux pratiques magiques, à la musique et aux danses venant du fond des siècles, magicienne chevauchant un buffle dans une folle procession de soutien à Zohar Zohar. Confrérie de Bab Zouweila – qui accepte aussi bien des Juifs que des Musulmans – les Belles Personnes – qui protègent Zohar et auxquelles Zohar sera fidèle jusqu’à sa mort.

Conte et roman historique qui se déroule ensuite à Paris, dans le Paris d’après Guerre, dans l’amitié et la fraternité de trois amis, un Juif lituanien, un résistant passé par la déportation et Zohar. Unis dans la vengeance contre les Nazis puis dans le commerce de la fourrure. Même quand l’action se déroule en Europe, le roman garde son style oriental par l’usage pittoresque de dictons égyptiens très imagés, titres et conclusion des différents chapitres. 

J’ai beaucoup aimé ce roman dans la même lignée de Ce Pays qui te Ressemble  qui met aussi en scène Zohar Zohar . Tobie Nathan excelle quand il évoque l’Egypte. 

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

2 réflexions sur « La société des Belles Personnes – Tobie Nathan »

  1. Si Tobie Nathan écrit comme il raconte, ça doit être passionnant ; j’en ai un dans ma PAL de lui, mais qu’est-ce que je n’ai pas dans ma PAL !

    J’aime

  2. C’est vrai que le style est très particulier d’après les extraits que tu cites, oriental, oui, lyrique, presque Egypte ancienne, si ce n’est ce cimetière de Pantin qui arrive comme un cheveu sur la soupe… un peu incongru quand on est en train d’imaginer, le désert brûlant et les pyramides…

    J’aime

Laisser un commentaire