ROUMANIE
415 pages, deux semaines pour en venir à bout.
« Comme tous les peuples, celui dont sortaient Ilona et Iochka n’avait pas d’histoire. Pas dans le sens qu’on
pourrait croire – qu’on ne lui accorderait pas d’importance – mais dans le sens d’être absent du monde, mort sans aucune autre suite. Parce que ceux qui avaient écrit l’histoire, depuis toujours, avaient marqué, noté les faits, les guerres, les ententes entre les puissants que l’on appelle la paix, en laissant croire à tout le monde que les petites gens n’étaient que des instruments, de la chair à canon et des bêtes de somme, »
Dans une vallée perdue des Carpathes, des hommes construisent une voie ferrée qui n’arrive nulle part, un hôpital psychiatrique héberge des « fous » ou peut-être des opposants au régime. L’électricité est parvenue presque jusqu’à eux.
Iochka est arrivé dans la vallée après avoir fait la guerre avec l’armée roumaine (du côté des Allemands) puis avoir été déporté dans un camp soviétique du côté du Caucase, il trouve la paix dans la vallée et il est rejoint par Ilona.
C’est une histoire d’amour. Les descriptions érotiques sont circonstanciées et parfois tirent en longueur (suis-je forcée de lire tout cela?) .
C’est aussi l’histoire d’amitié virile entre les quatre notables : Iochka, le forgeron, le Contremaître du chantier, le docteur de l’hôpital et le pope qui vit plus haut dans son ermitage. Amitié autour d’une bouteille de palinca, ils boivent beaucoup. La gnôle délient les langues, alimente des disputes entre le pope et le docteur athée, scelle des réconciliations. Ils boivent vraiment beaucoup (suis-je forcée de les suivre pendant des pages?).
A force de lire, je découvre les histoires individuelles (je suis restée sur ma faim en ce qui concerne le médecin, comment est-il arrivé là?). Chaque histoire se développe. Chacun se dévoile dans sa complexité. Je m’attache aux personnages.
C’est aussi l’histoire de la Roumanie, toute une tranche d’histoire de la Seconde Guerre mondiale à l’installation des communistes, la chute des Ceausescu, la modernisation qui gagne avec la construction des chalets de touristes dans la vallée. Histoire désenchantée où la chute du dictateur apporte peu aux gens ordinaires :
Peut-être que le régime était tombé, peut-être qu’un chef avait été exécuté sommairement un matin d’hiver dans l’espoir que le passé soit révolu mais quiconque aurait observé le monde aurait compris une vérité que les plus simples, à qui personne ne demandait rien, connaissaient : un homme avait disparu mais son époque n’était pas finie et peut-être ne finirait-elle jamais. Parce que, mais cela seuls les sages le comprennent et le comprendront jamais, les mondes dirigés par un seul homme ne sont pas dirigés par lui mais par des milliers
[…]
Au plus petit signe d’hésitation du puissant, lorsque les peuples se révoltent, ceux qui l’entourent l’exécutent et
mettent en place un autre puissant derrière lequel ils se cacheront et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps.
[…]
Sans bruit et sans chercher à tirer des ficelles pour la faire disparaître, le nouveau propriétaire avait couvert le terrassement et les rails d’un talus qui enterrait sous un mètre de terre toute l’histoire passée de ces lieux. »
Malgré les longueurs, je me suis laissé emporter dans ce roman très exotique pour moi. J’ai bien aimé partager les moments de fête, les traditions orthodoxes gardées fidèlement par la pope beaucoup moins borné que je ne l’imaginais au début, un fin lettré collectionneur d’icones et d’objets d’art.
Roman de tolérance aussi : le Contremaître communiste, le docteur athée, le pope se disputent, comparent leur vision de la vie, se réconcilient, s’associent pour prendre soin de Iochka, le taiseux, l’homme simple.
Bucarest/ Paris:
George, fidèle lecteur et commentateur roumain m’a envoyé une documentation sur l’auteur Cristian Fulas que je recopie ici :
Cristian Fulaș, né le 3 juillet 1978 à Caracal, diplômé en lettres, puis études approfondies en théorie de la littérature. Il a fait ses débuts en 2015 avec Fîșii de rûsine (Gestalt Books; Prix de l’Observatoire culturel pour ses débuts; Prix du colloque « Liviu Rebreanu »; Prix du magazine Accente; nominé aux USR Awards pour ses débuts; nominé pour le prix du livre de l’année du Iași Journal). Des fragments du roman ont été traduits en français, italien, allemand, anglais, bulgare, croate, suédois, hongrois. En 2015, il publie Jurnal de debutant (Tracus Arte Publishing House), et en 2016 After Crying (Max Blecher & Gestalt Books Publishing House ; nominé pour le prix du livre de l’année du journal Iași). Il a traduit une cinquantaine de titres de l’anglais, de l’italien et du français, parmi lesquels on cite : Machiavelli’s Dream (Christophe Bataille), Tell Them About Battles, Kings and Elephants (Mathias Énard), Classic Myths (Jenny March), Igitur • A Throw by Dés (Stéphane Mallarmé).Du même auteur, le court volume en prose Cei frumoși si cei buni (2017) et les romans Fîșii de rûsine (2018)(Bandes de honte) et Dupa plîns (2019)(Après avoir pleuré) sont également parus aux éditions Polirom. En 2018, il publie Povestea lui Dosoftei à la Maison d’édition du Musée littéraire de Iași, dans le cadre d’un projet FILIT. Depuis 2019, il traduit Marcel Proust, « À la recherche du temps perdu ».
Tu as eu du mal quand même? (et les descriptions érotiques où l’auteur ne s’occupe pas de son lecteur, tu zappes!)
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Il m’attend, mais vu mon état d’épuisement actuel, je ne vais pas me lancer … (un méchant virus qui m’a laissée vraiment par terre. Je ne suis pas encore relevée !)
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@Aifelle : soigne toi bien pour récupérer. Il n’est pas si ardu que cela, sauf que j’avais peu de temps à consacrer à la lecture (nous étions en voyage) et que je m’y suis un peu perdue.
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J’ai failli l’acheter, il me tente… on verra s’il recroise ma route en librairie !
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Il me tente (ou tentait) aussi… Tu as tout de même quelques restrictions, du coup, j’hésite.
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@kathel : je l’ai lu en voyage à Madère. Lecture hachée parce que j’étais très occupée ce qui n’est pas évident dans un tel roman. Si tu le lis sur des plages plus grande cela facilite la lecture d un pavé toifu
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Povestea lui Dosoftei = Fr: L’histoire de Dosoftei (1624-1693) Il était un érudit roumain, métropolite de Moldavie, poète et traducteur. En 2005, l’Église orthodoxe roumaine l’a fait passer parmi les saints.
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….En francais, « Fulas » on prononce : « Fulasch »… 🙂
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j’ai commencé de le lire mais je ne suis pas convaincue
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@Dominique : j ai failli l abandonner au début mais je ne regrette pas de l’avoir terminé
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Je viens de voir un téléfilm allemand intéressant sur la Roumanie qui montre la corruption du monde politique hérité de Ceauscescu (les anciens du régime sont arrivés à se replacer sans difficulté) et le problème de la surexploitation forestière qui saccage les forêts dans les Carpates sans aucune considération écologique pour remplir les poches de ces politiciens véreux ! Rien n’a changé semble-t-il !
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@claudialucia : Merci de le signale , le titre pour que je voie en replay?
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Je pensais le lire aussi mais j’hésite un peu maintenant
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@doudou : malgré des bémols c est une lecture très intéressante
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Comme tu le dis, c’est un livre qui a l’air assez exotique. Quoi qu’il en soit, une manière très sympa de mettre en valeur la littérature roumaine, merci pour ton billet !
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