A l’ombre des jeunes filles en fleur (première partie)

LECTURE COMMUNE AVEC CLAUDIALUCIA (ET D’AUTRES)

logo de la lecture commune

Au fil de mes lectures, mon indice de Proustolâtrie fluctue de façon spectaculaire. Enthousiaste à Combray, agacée dans le salon de Mme Verdurin dans Un amour de Swann, je ne me suis pas découragée et j’ai entamé dans la foulée A l’Ombre des Jeunes Filles en Fleurs. Les lectures communes et les défis me motivent. 

A l’Ombre des Jeunes Filles en Fleurs est une lecture au long cours, presque 1000 pages en Livre de Poche. Comme je lis sur liseuse, je n’avais pas pris conscience de l’épaisseur du pavé! 

Trois parties composent cet ouvrage : La Première Partie se déroule à Paris. De nouveau personnages apparaissent : Le Marquis de Norpois, Bergotte, le Professeur Cottard….Swann est décrit sous un nouveau jour : c’est le mari d’Odette

« On dira peut-être que cela tenait à ce que la simplicité du Swann élégant n’avait été chez lui qu’une forme plus raffinée de la vanité et que, comme certains israélites, l’ancien ami de mes parents avait pu présenter tour à tour les états successifs par où avaient passé ceux de sa race, depuis le snobisme le plus naïf et la plus grossière goujaterie, jusqu’à la plus fine politesse. »

Le narrateur, n’est plus l’enfant naïf de Combray, c’est sans doute un adolescent, presque un jeune homme qui se préoccupe déjà de sa carrière future, écrivain ou diplomate?, qui est amoureux de Gilberte avec qui il « joue » dans les jardins des Champs Elysées. Ces « jeux » m’ont un peu désorientée, jeux d’enfants ou flirts? Le « temps perdu » est vraiment très flou ici. Le lecteur ne peut pas se référer à la scolarité de Marcel. On n’y fait jamais allusion, et pourtant Bloch semble être un camarade de lycée. Quel lycée? Par ailleurs, la fragilité de la santé de Marcel, les précautions dont il est entouré le confinent dans un état d’enfance attardée qui m’a interrogée. 

La jeune fille en fleur est la fille de Swann, Gilberte qui répond positivement à ses avances et l’invite à ses goûters. Ici encore, je suis étonnée par le mélange de jeux d’enfants, sortes de dinettes, et l’intensité des sentiments du jeune Marcel. Les deux jeunes gens deviennent inséparables et le narrateur, un familier des Swann. Rapidement la jeune fille se lasse, les assiduités de son chevalier servant l’ennuient. Marcel imagine comment la reconquérir…

quand j’étais seul en tête à tête avec ma Gilberte fictive, cherchais quelles pouvaient être ses vraies intentions à
mon égard et l’imaginais ainsi, son attention toujours tournée vers moi.

Bizarrement, Marcel continue à fréquenter la maison et les soirées de Madame Swann alors que Gilberte le fuit. A se demander s’il n’est pas plus fasciné par la mère que par la fille. Aux dîners de Madame Swann, il rencontre Bergotte, l’écrivain qu’il admire depuis l’enfance. Cette rencontre est très gratifiante, le Maître semble l’apprécier. Les conversations mondaines sont savoureuses; les échanges aigres-doux, les ragots  de Monsieur de Norpois m’ont amusée. A propos de Bergotte

« Vulgaire par moments, parlant à d’autres comme un livre, et même pas comme un livre de lui, mais comme un livre ennuyeux, ce qu’au moins ne sont pas les siens, tel est ce Bergotte. »

Dans ces dîners mondain, le jeune Marcel est initié à la vie artistique :il raconte sa première représentation théâtrale pour entendre la Berma, « l’artiste sublime, à laquelle Bergotte trouvait du génie » est un bonheur de lecture de finesse d’analyse. Il ne sait pas s’il a été conquis ou déçu. Il attendait tant de cette expérience! 

Dans les conversations, il est aussi question de politique. Monsieur de Norpois et le père de Marcel sont diplomates. Des alliances se forment. mais qui est donc ce Théodose?

« Au moment où j’allai chez Mme Swann, l’affaire Dreyfus n’avait pas encore éclaté, et certains grands Juifs étaient fort puissants. Aucun ne l’était plus que sir Rufus Israels dont la femme, lady Israels, était tante de
Swann. »

En filigrane, même avant que ne se déclenche l’Affaire Dreyfus se profile l’antisémitisme ou, au contraire une société où les Juifs auraient une importance spéciale. Ce thème des Juifs, déjà abordé quand Marcel a invité Bloch à Combray, l’antisémitisme et l’Affaire Dreyfus devient de plus en plus présent.

J’ai aussi aimé voir la modernité faire son apparition dans ce volume, l’électricité dans la nouvelle demeure de Madame Verdurin, le téléphone… Modernité aussi dans l’art

« Sans doute, il est aisé de s’imaginer, dans une illusion analogue à celle qui uniformise toutes choses à l’horizon, que toutes les révolutions qui ont eu lieu jusqu’ici dans la peinture ou la musique respectaient tout de même
certaines règles et que ce qui est immédiatement devant nous, impressionnisme, recherche de la dissonance,
emploi exclusif de la gamme chinoise, cubisme, futurisme, diffère outrageusement de ce qui a précédé. »

A mesure que je rédige mon billet je me rends compte de la richesse de cette partie parisienne qui m’a moins plu que la suite à Balbec .  Je me rends compte qu’il faudrait le relire en fixant un nouvel axe de lecture. Peut être laisser de côté Gilberte, la jeune fille en fleurs et me concentrer sur un point précis.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

13 réflexions sur « A l’ombre des jeunes filles en fleur (première partie) »

  1. Comme je te l’ai dit , je ne publierai mes billets ( pas encore rédigés) sur A l’ombre des jeunes filles en fleurs (que je n’ai pas encore entièrement terminé) que le 3 Juillet.

    Par contre j’ai repris Le jeudi avec Marcel Proust avec le LIvre 2 car j’ai lu des passages que j’aime beaucoup. Je suis comme toi parfois je m’ennuie, parfois je suis admirative. Mais décidément, je ne suis pas une proustolâtre ! C’est vrai que c’est toujours très riche mais souvent j ai l’impression que c’est répétitif…

    J’aime

    1. @claudialucia : globalement nous sommes d’accord. Nous nous ennuyant sur les mêmes textes et l’intérêt se fait sur d’autres.
      Mais le défi continue et je marche bien quand on me defie

      J’aime

  2. Votre billet ravive de bons souvenirs de lecture. Je me souviens que Mr de Norpois m’ennuyait beaucoup et les passages sur le téléphone m’ont ravie. Merci et bonne fin de semaine à vous

    J’aime

  3. Bonsoir Miriam, c’est dans ce tome qu’il y a la mort de la grand-mère? Je suis fan des trois premiers volumes après j’ai eu un peu de mal et j’ai calé au milieu du Temps retrouvé. Mais je trouve que Proust est plutôt facile à lire. Bonne soirée.

    J’aime

  4. Ton billet plus le commentaire de ClaudiaLucia me font penser que Proust n’est pas pour moi. En tout cas pas la totalité parce que je n’ai rien contre les meilleurs passages.

    J’aime

  5. C’est le tome que j’aime le moins parce que s’il y a des pages splendides sur sa grand-mère, sur balbec et Elstir , par contre les diners mondains m’ont toujours pesés et Bloch encore plus

    la rencontre avec les jeunes filles ne m’indispose pas mais ne me fait pas vibrer non plus

    J’aime

    1. @ta d loi du ciné bonjour avec du retard j ai encore été repêcher ton commentaire dans les indésirables.
      Merci pour l’invitation. Je suis actuellement en vacances et j’ai emporté ma liseuse. En lecture électronique il est difficile d’évaluer l’épaisseur d’un ouvrage.

      J’aime

Laisser un commentaire