LE MOIS ITALIEN D’EIMELLE
Mon « Voyage en Italie » 2023, m’a entraînée beaucoup plus loin que je ne l’imaginais : en Erythrée avec Lucarelli et en Somalie avec Madre piccola. La colonisation italienne fait encore parler d’elle aujourd’hui, des décennies plus tard, surtout quand la guerre pousse encore jusqu’à ses rivages des réfugiés venant de la Corne de l’Afrique.
Madre piccola a été rédigé en italien. L’auteure, Ubah Cristina Ali Farah, est italo-somalienne comme Domenica, l’une des héroïnes du roman. L’histoire se déroule en partie à Rome, en partie à Mogadiscio mais aussi aux Pays Bas, aux Etats Unis, à Londres, même en Finlande où la diaspora somalienne a trouvé asile.
« Les voix de la diaspora ont lentement envahi mes sens, en chœur, s’entremêlant et se mélangeant de façon
parfois vertigineuse, mais stable. »[…]
« Madre piccola naît donc d’une urgence et, encore une fois, d’une interrogation : comment une femme ou un
homme peuvent-ils de nouveau s’enraciner, retrouver leur centre de gravité dans un monde où ils ont perdu tout repère ? »
C’est un roman à plusieurs voix : celle de Domenica de mère italienne et de père somali qui se fait appeler Ahado, de son nom somalien et qui recherche son identité à la veille de donner naissance à son enfant. Barni, sa cousine, sage-femme, retrouve Domenica après une longue séparation. Taguere est le père de l’enfant, éloigné il raconte sa version de l’histoire en un monologue assez incohérent.
C’est le roman des exilés après une cruelle et interminable guerre civile que je ne suis pas arrivée à situer dans le temps. Selon Wikipedia les troubles auraient commencé en 1978 et la guerre civile aurait éclaté en 1991. C’est à cette dernière date que les principaux protagonistes de l’histoire se sont exilés. C’est aussi le roman de la solidarité qui permet aux réfugiés de chaque fois trouver une solution à une situation inextricable.
« J’avais pris la solidarité pour un fait culturel qui nous était propre. Mais quelle culture refuse la solidarité ? »
Offrir un toit, garder un enfant, prêter son passeport. Partager des fêtes…
Fraternité ou plutôt sororité, c’est souvent le point de vue des femmes qui est envisagé dans une civilisation patriarcale :
« Un chapitre pénible. Il est tellement difficile pour les hommes de chez nous de trouver leur place. De se
redéfinir. De s’adapter. De s’accepter. De s’humilier. Parce que vous voyez, nous les femmes, au fond, on a des points de repère immuables : la maison, le quotidien, la maternité, l’intimité des relations humaines, c’est ça qui nous empêche de sombrer. »
Roman d’amour aussi, et de filiations avec des liens si distendus qu’ils paraissent irréels.
J’ai été happée par ce livre, agacée parfois par les incohérences des comportements masculins, bluffée par le courage des femmes.