Exposition temporaire jusqu’au 28 janvier2024
Cette grande exposition se tient au 5ème étage de la Cinémathèque dans le Parc de Bercy, prendre son temps pour admirer le bâtiment de Frank Gehry (1994) et s’il fait beau flâner dans le parc.
On entre dans la 1ère section qui présente des portraits et autoportraits de Varda dont on a un peu oublié les images de jeunesse tant la dame à la coiffure bicolore est encore présente dans nos mémoires.
Les 7 familles d’Agnès la met en scène avec ses familles de Théâtre au Festival d’Avignon, dont elle était la photographe, rue Daguerre qu’elle a abondamment photographié et filmé, en compagnie de cinéastes, Demy, bien sûr mais aussi Godard. Amusant de chercher et trouver (ou pas) les visages de Piccoli, Samy Frey, Depardieu tout jeune, Brigitte Bardot, Sylvia de Monfort, Noiret…et tant d’autres qui ravivent tant de souvenirs.
Curieuse du monde rappelle un aspect de son œuvre que j’avais oublié : ses films des Back panthers, les Murs peints de Californie, Cuba, Chine,et même Madonna interviewée…
Féministe, joyeuse : L’une chante et l’autre pas est un grand souvenir des années 70, figures de Delphine Seyrig, de Valérie Mairesse, Giselle Halimi . projeté sur un mur la réception de sa palme d’or d’honneur à Cannes et la manifestation d’actrices, réalisatrices pour entendre son discours où Varda expose les chiffres ahurissants : seulement à ce jour deux femmes palmées et encore pour Varda une palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et Jane Campion a dû partager la sienne avec un réalisateur-homme.
J’avis choisi la date de notre visite en fonction de la rétrospective : justement dans la salle Franju se joue Les Glaneurs et la Glaneuse dont j’avais raté la sortie et que j’ai vu avec énormément de plaisir
Du temps de Millet glaneurs et glaneuse se baissaient et amassaient les épis après la moisson. Mais ce sont plutôt des glaneurs de patates que Varda a rencontrés. Société d’abondance qui jette par tonnes les pommes de terre hors calibre, trop grosses, en forme de cœur.Société de misère qui ramasse, Varda donne la parole à ceux qui ramassent pour manger tout simplement. La parole à ceux qui ne l’ont jamais.
Dans les vignes et les vergers, on ne glane pas, on grappille les pommes laissées sur l’arbre, les tombées, les trop petites, les trop grosses. Dans les vignes, grappillage aussi après la vendange, dans les vignes délaissées non cueillie.
Un avocat en robe rappelle le Droit : le Droit prévoit glanage et grappillage, prévoit les dates, les horaires. Oui c’est légal, prévu par le Code.
Glanage urbain aussi. Fin de marchés, dans les cageots pour les miséreux, mais pas que. Rencontre d’un homme droit dans ses bottes, salarié, intégré qui fait les poubelles par devoir militant. Scandale de ces poubelles de supermarchés pleines de victuailles encore bonnes que certain arrosent d’eau de Javel pour interdire de les consommer. Depuis la sortie du film (2000) c’est maintenant interdit.
Glanage d’objets, ou plutôt accumulation de ce qui pourrait encore servir et qui est abandonné dans la rue. Encore un avocat en robe pour dire le Droit de la propriété de ces objets abandonnés : détournement sympathique de ces objets : collection de frigos devenus œuvres d’art.
Quel joli enchaînement que ce frigo plein de figurines, play-mobiles casqués, manifestation ouvrière enfermée monté juste avant une vraie manif avec drapeaux rouges dans les avenues parisiennes. Un des intervenants de la Table ronde nous fait remarquer ce montage marabout-bout-de-ficelle-selle de cheval…. la manif arrive à Denfert Rochereau, il y a un lion de bronze, lion de pierre d’Arles….Il faut avoir vu le film un bon nombre de fois pour remarquer comment Varda a glané des images sans aucun rapport évident et avoir donné du sens au montage.
mais j’anticipe sur la Table Ronde réunissant quatre spécialistes Nathalie Mauffrey, Sylvain Dreyer, Antoine Compagnon et Pierre-Antoine Burquin.
Curieusement Antoine Compagnon est surtout venu en tant que spécialiste des chiffonniers du XIXème siècle. Chiffonniers, biffins, ancêtre de ces glaneurs du XXIème siècle. Coïncidence? La rue Mouffetard était le rendez-vous des chiffonniers et un des premiers films d’Agnès Varda est L’Opéra-Mouffe (1958)
les Glaneurs, on comprend, mais la Glaneuse? la Glaneuse c’est Varda, elle même, qui ramasse « au hasard? » des images et des objets pour les réunir au montage. Occasion de mentionner le concept de Cinécriture ou de Roaddocumentary . Des camions, des camions, sur l’autoroute. Quel autre cinéaste s’arrêterait aux camions, encore de ces objets triviaux qui n’ont rien à faire au cinéma…
Et j’ai oublié ses films les plus célèbres : Cléo de 5 à 7 (1962) Sans Toit ni loi(1985) Visages-villages (2018)..
Une après-midi bien remplie!