En vacances alors en Provence, à la suite de Daudet, de Mistral et de Pagnol, j’avais envie de compléter mes lectures par Giono. Sur la recommandation de Dominique, j’ai téléchargé Le Grand Troupeau, puis tardé à le lire. Les commémorations des deux guerres mondiales se superposant cette année, j’hésite même à allumer la télévision, les guerres actuelles suffisent !
Mais c’est un grand livre et j’aurais eu bien tort de le bouder.
Un grand livre pacifiste qui oppose la vie des hommes et des femmes des Alpes du pays de la Durance à la boucherie qui se déroule à Verdun et sur les autres champs de bataille de la guerre de 14.
Le Grand troupeau est il l’armée qui a réuni au début d’Aout 14 tous les hommes du village ou est-ce cette transhumance anticipée qui fait descendre de l’estive toutes les brebis derrière le vieux berger. Dans cet été si beau, les anciens décèlent la pourriture, sur une feuille de vigne, dans la Durance. Giono n’oublie pas la nature, les animaux. Ce bélier mouton-maître, qui perd son sang, anticipe la saignée de la guerre.
La vie est l’affaire des femmes, des jeunes surtout, qui sentent leur sang chaud après le départ de leurs hommes et qui fauchent, labourent et sèment à leur place.
Allers et retours entre les Alpes et le front. Chez ces hommes, des paysans pour la plupart, pas d’héroïsme inutile, mais une grande fraternité quand Joseph ou Olivier réconfortent leurs camarades blessés, leur parlent du village au moment où la vie s’écoule en blessures terribles. Attentif aussi à la nature, à un arbre blessé, un lézard qui vient d’éclore, à la fatigue d’une mule ou d’un cheval. Jamais de paroles cocardières, ni de vain patriotisme. Fatalité d’un combat dont jamais le sens n’est explicité. Pas de rébellion non plus. Les hommes, sont ce grand troupeau qu’on mène au combat, ordres qui n’admettent pas de discussion. Le seul Allemand rencontré, un prisonnier, est un brave homme.
C’est un hymne à la nature, à la vie, beauté des Alpes. Beaucoup de descriptions. Giono nous fait voir la lumière, la couleur du ciel. Il nous fait sentir les odeurs, celles agréables de la campagne mais aussi celles écœurantes du champ de bataille, des blessures qui suppurent, des maladies.
La météo a prédit du beau temps le matin et une arrivée nuageuse l’après midi.
Nous partons donc tôt à la Ciotat pour voir les Calanques et le Cap Canaille sous le soleil. Nous connaissons déjà la route, par Aubagne, Roquefort la Bedoule jusqu’à la Ciotat. Dans les campagnes, les amandiers fleurissent tandis que sur le littoral, dans les jardins c’est la gloire des mimosas. Un air de printemps !
le petit pont, contact entre la calcaire massif et le substrat orange
La route des Crêtes s’élève au dessus de la ville, le panorama sur le port et toute la rade est magnifié par une mer bleu marine un ciel décoré de petits nuages. Première surprise : un petit pont au contact entre le calcaire massif ruiniforme très blanc et l’épaisse couche rouge ocre en petits bancs bien stratifiés. Les rochers blancs ont des silhouettes grotesques, formant des piliers contournés comme des pions d’échecs. On a replanté le massif avec des pins qui sont sagement alignés.
les pins torturés par le vent
La route s’élève rapidement. Le vent fait onduler la canopée des pins comme blé sous la tempête. A un tournant, on découvre la mer agitée avec de petites vagues d’écume blanche. A chaque arrêt je croque les crêtes, dessin de géologue plutôt que paysages. J’éprouve un grand plaisir à analyser ces paysages tourmentés. Un petit voilier se balance.
les calanques
Au loin des îles se détachent des calanques. Je reconnais les anses où le bateau nous a promenées hier. Chaque calanque est bien différente. Au Cap Canaille la falaise orange est spectaculaire. Cassis est nichée au creux de sa baie. Un peu plus loin, la pente est travaillée en terrasses pour les vignes.
le cap canaille
La Sainte Baume
De Gémenos, nous nous engageons dans l’étroite vallée de saint Pons, très aménagée avec des moulins transformés en restaurants. De nombreuses promenades partent du ruisseau dans la forêt. Le guide signale une chapelle romane que je suis incapable de visiter. Difficile d’apprécier cet endroit si on ne peut pas fait de randonnées. Nous ne voyons pas non plus l’abbaye cistercienne.
Sainte Baume
La route est étroite et sinueuse, elle monte à l’assaut de la Sainte Baume. Coiffée d’un pain de sucre ou d’une barre de calcaire massif blanc qui se détache sur la végétation verte mais assez rase. Les motards sont très nombreux. Cela doit être un véritable plaisir de sentir le vent, les odeurs de la garrigue et de la forêt, de s’amuser dans les tournants. Dès qu’on s’élève en altitude, les chênes et les hêtres ont leur tenue hivernale. Les pins sont moins présents les chênes verts sont rabougris.
Du col de l’Espigoulier: la vue sur Marseille
Le col de l’Espigoulier (722m) a un panorama très dégagé sur Marseille et tous ses environs. Je regrette de si peu connaître la région. C’est plus amusant de reconnaître les lieux. Nous restons en altitude en continuant jusqu’au Plan-d’Aups-de-la-Sainte Baume : bourg perché d’où la vue est merveilleuse mais bien vide en ce moment. Nous passons sans nous arrêter devant l’Hostellerie De la Sainte Baume, la montagne est sacrée depuis les Gaulois, Marie-Magdeleine serait venue prier dans une grotte voisine. La montagne n’est pas sainte pour rien. La grande Hostellerie accueille des pèlerins.
La route vers Nans-les-Pins est une jolie route de montagne très étroite et sinueuse (cela ne se voyait pas sur la carte) je l’avais choisie pour éviter une descente trop rapide par Saint Zacharie ou Auriol. Nans les Pins a une belle place avec des platanes et des cafés , la circulation automobile est déviée vers les faubourgs et nous nous faisons un grand détour (qui est aussi l’itinéraire du GR) le long d’un ruisseau (l’Huvaune ?) pour arriver à Sainte Zacharie et Auriol.
On traverse Roquevaire, Aubagne qui ont gardé leur caractère de grosse bourgades provençales avec leurs platanes leurs cafés, les restaurants de pizzas, les cultures maraîchères. La proximité de Marseille, le développement industriel, les nombreuses autoroutes qui sillonnent la vallée de l’Huvaune, n’ont pas complètement gâché leur caractère.
mas et arbres en fleur
A Cassis on se trompe en suivant la route de Marseille par la Gineste au dessus des calanques. Le paysage est rocailleux, les arbustes ras. Juste auniveau de Carpiane, nous trouvons un parking avec des pins, un petit muret pour déjeuner. Vue sur un grand mas carré entouré de prés piquetés d’amandiers en fleurs. A l’horizon les crêtes calcaires se détachent. Pendant le pique-nique, nous remarquons une circulation intense vers les calanques. Une petite route monte, peut être découvrirons nous la mer ? La route est très étroite, des places sont prévues pour se croiser, facile quand il s’agit de deux petites voitures, plus compliqué avec les gros 4×4. Partout il y a des véhicules garés. Certains commencent la randonnée du bas, certains sortent les VTT. Il ya un grand parking sur la crête, ensuite il faut abandonner la voiture. Pour moi, c’est tout vu : une photo d’une falaise rouge qui descend sur la mer et retour en arrière. Je regarde avec envie les randonneurs, une autre fois, peut-être ? Quelle guigne !
A Cassis le centre est très embouteillé. Avec le beau temps, le dimanche après midi, l’affluence est grande. Et par-dessus le marché on tourne un film ! Nous avons de la chance, nous trouvons une place de parking juste quelques minutes avant le départ des bateaux de croisières pour les calanques. 19€ pour 5 calanques et 1h05 de croisières ou 16€ pour 45min. On choisit la plus longue. Je m’installe à l’avant, où on risque d’être trempé et les commentaires sont inaudibles. Je me prive de commentaires pour avoir le privilège de n’avoir personne devant moi etde contempler à loisir les falaises.
C’est une très belle promenade en mer. Près de Cassis un banc calcaire légèrement incliné fournit une sorte de plage surélevée où les gens sont nombreux en maillot de bain (en février) allongés à bronzer. Certains pêchent perchés sur des rochers. Dans une première calanque on voit les restes de carrières de calcaire, un petit port et l’arrivée du GR où les randonneurs se suivent à la queue-leu-leu. Les falaises deviennent de plus en plus hautes et inaccessibles. Comment ces pins aux formes torturées tiennent-ils sur la roche nue ? Le paysage est maintenant presque asiatique avec ces arbres biscornus, ces pics acérés. Parfois la falaise est trouée de fenêtres. Parfois elle est massive et on découvre des stalactites et des draperies. Je pense à la Baie d’Halong… et nous rentrons éblouies au port. Impossible d’envisager un café en terrasse tant la foule est dense.
Derrière la Crau, les Alpilles et au fond la neige du Ventoux
Nous traversons la Crau, de Saint Martin en Crau à Fos. Après les champs vert fluo et les prairies on voit la Crau désertique recouverte de gros galets de la Durance. Les troupeaux de moutons sont nombreux. Un magnifique bouc aux cornes torses aurait fait une belle photo. Les bergers gardent avec leurs chiens. Je pense au retour de transhumance raconté par Mistral. Sur le côté droit, les raffineries de Fos s’alignent à l’horizon. A gauche, le panorama est beau : les Alpilles aux crêtes découpées et le Ventoux et sa neige se détachent sur le ciel parfaitement bleu. Derrière une rangée de peupliers défeuillés, les vergers sont roses, pêchers ou amandiers ?
En face des complexes pétrochimiques de Fos, un village perché attire notre attention : le Castrum de Fossis. Comment l’atteindre ? Partout il y a de l’eau, des étangs, des canaux, la mer ouverte avec les gros cargos, l’étang de Berre agité par les vagues. Martigue est en contrebas : très belle image de cette ville bâtie autour de l’eau. Inaccessible. Regret de ne pouvoir s’y arrêter. Entre Martigues et Marignane, une jetée le Jaï nous permet de nous approcher de l’eau : court arrêt entre un canal aux eaux tranquilles où sont amarrés des bateaux et une plage blanche jonchée de coques et bordée de tamaris. Le vent souffle fort, il fait froid, on ne s’attarde pas.
Etang de Berre
Midi, on va chercher la mer sur la côte bleue derrière la chaine de l’Estaque. Rochers blancs abrupts, défilés, pins. La plage du Rouet à Carry. C’est une crique ravissante encadrée entre deux cap rocheux, l’un est surmonté d’une barre rocheuse calcaire et les villas sont cachées dans la pinède, l’autre est une grande falaise rouge portant des maisons et de petits immeubles. Deux petites plages de galets de part et d’autres d’un club nautique se peuplent sous le beau soleil, des familles arrivent avec serviette et glacières pour pique-niquer, une quinzaine de randonneurs se sont donné rendez-vous. Nous mangeons des crevettes grises et du pain beurré au soleil. On doit même retourner à la voiture chercher la crème solaire.
Plage du Rouet
Nous n’arrivons pas à atteindre en voiture les cafés que nous avons repérés de notre banc. On monte la colline pour découvrir que les maisons ont envahi toute la côte et qu’elles sont fermées de grilles « lotissement sécurisé », cette formule m’irrite.
Vers Sausset-les-pins, nous trouvons enfin la terrasse en bord de mer dot nous rêvions. Café face à la mer, bien abritées par le restaurant, il fait presque chaud. Je sors mon carnet moleskine pour dessiner une belle maison sous un pin sculptural face au rivage. Si les maisons ont barricadé les entrées du côté de la colline, il existe quand même un sentier côtier très fréquenté par ce samedi ensoleillé. Je regarde avec envie les promeneurs alors que aller à la voiture garée 10m plus loin est un effort douloureux ;
Il reste encore une soixantaine de kilomètres pour rejoindre le gîte. Le GPS nous guide dans les voies rapides qui contournent Marseille. Cette ville est insaisissable, tantôt nous sommes dans un massif calcaire sauvage, juste après la route est bordée d’usines monstrueuses, la campagne alterne avec les centres commerciaux, il faut être très attentif aux bifurcations si on ne veut pas s’embarquer sur la mauvaise autoroute. A Gardanne on trouve la D96 et une circulation moins stressante. On traverse des forêts, les chênes hivernaux nous rappellent que malgré le beau temps nous sommes à la fin février. Indications : Aix en Provence, Aubagne…Roquevaire, nous approchons de la Destrousse.
la campagne de Mascara
Notre gîte est une campagne – comme on le dit dans le Midi -, isolée au bout d’une petite route qui devient bientôt une piste blanche et arrive à un portail. Des chevaux paissent. Une grande bâtisse partagée entre la maison des propriétaires et le gite. Sous un auvent, un salon de jardin bien ombragé pour la belle saison. Une porte fenêtre s’ouvre sur une grande salle avec une très grande cheminée (malheureusement il n’y a pas de bois) une table recouverte d’une toile cirée à pois blanc sur fond gris, un buffet ciselé de motifs végétaux, fleurs et fruits, une cuisine en angle. Cela nous change de la bonbonnière design de Maussane design et IKEA ; ici c’est campagne traditionnelle. Les chambres sont à l’étage, la vue est merveilleuse sur les crêtes et la forêt.
Soleil resplendissant. D’Arles, il suffit de suivre la route des Saintes-Marie-de-la-Mer, et tout de suite nous sommes en Camargue. Est-ce du blé en herbe ou du riz, ces jeunes pousses vert vif ?
Très vite on voit les premiers taureaux noirs aux longues cornes effilées, je pense au toucheur Ourrias, le prétendant éconduit de Mireille. Je n’ai aucune sympathie pour la corrida mais j’aime voir ces belles bêtes brouter dans leur enclos. Le Musée de la Camargue m’apprendra que ce sont des animaux de divertissement et que la corrida, sous sa forme actuelle, n’a été importée que sous Napoléon III.
Après les taureaux noirs, les chevaux blancs. C’est un souvenir d’enfant : Crin blanc. Comme j’ai pu pleurer ! Partout, on propose des balades à cheval.
chevaux camarguais
Avant d’arriver aux Saintes, sur la gauche la petite route qui conduit à Cacharel nous a été recommandée par la propriétaire du gite. Cacharel est un hameau avec des mas, un restaurant, encore des promenades à cheval. De là, nous trouvons une piste de terre « fermée par temps de pluie » qui s’enfonce dans les marais, et qui rejoint au nord le Domaine Paul Ricard sur les bords de l’étang de Vacarès.
les cavaliers s’avancent
Avec ce beau soleil, la promenade est délicieuse. Roseaux et plans d’eau de chaque côté. L’horizon est barré par le Mont Ventoux ourlé de neige qui brille au soleil. Plus près, un peu décalées, les Alpilles ont des sommets déchiquetés. Des étendues de sable, des salicornes pourpres et verts. Cinq cavaliers avancent, leurs chevaux blancs faisant jaillir des gerbes d’eau qui éclabousse. Cinq hérons sont alignés sur le bord de l’eau. Les tamaris sont squelettiques dans leur tenue hivernale. Les roseaux très hauts se balancent.
roseaux
Un peu plus loin, dans l’eau bleue, nous découvrons les flamands roses. Ils avancent la tête dans l’eau. C’est une surprise de les voir étendre leur cou ou déployer les ailes sombres. De temps en temps, une belle aigrette blanche agite son cou ; elle avale, un poisson ? un ver ? Des sternes volent assez bas. On dirait des hirondelles. Sur les canaux croisent des foulques bruyantes. J’espérais les sarcelles d’hiver. Les canards sont ailleurs. Nous n’en verrons pas. Il aurait fallu suivre les sentiers de la Réserve Ornithologique. Mes jambes douloureuses e me donnent une autonomie de quelques dizaines de mètres, pas plus. J’enrage de ne pas pouvoir marcher.
Saintes Marie de La Mer est une station balnéaire aux maisons blanches et basses, aux ronds points monumentaux avec les statues de Crin Blanc, un taureau et un gardian en statue. Mireille est aussi statufiée mais près de l’église où elle est morte. Les boutiques ont un air désuet. Elles proposent des maillots de bain, des souvenirs d’un autre temps. Un peu plus loin, après le port et la marina, la plage est aménagée. Sable fin s’étendant à l’infini. J’enrage de ne pas marcher le long de l’eau !
Saintes Marie de la Mer : église
J’ai quand même fait l’effort d’aller jusqu’à l’église situé dans le centre piétonnier, interdit à la circulation. Autour de l’église avec son clocher carré, comme un donjon, il y a une belle place dallée. Les magasins vendent des peluches musicales de Flamants roses et des chaussons taureau noir et rouge. C’est très kitsch. L’été, les cafés ont des animations musicales, je vois des profils de chanteuses de flamenco ou de danseuses andalouses sur les enseignes. Aujourd’hui c’est vide et fermé. Je me traine jusqu’à l’église. Lisant Mireille, je l’avais imaginée, plus petite. Pierres claires à l’extérieur, sombre dedans et très haute. Les reliques sont dans des vitrines. Je ne suis pas venue les voir. Je voulais simplement voir le décor de Mireille.
Au retour, nous nous arrêtons au Musée de la Camargue. Musée moderne, dans une grande halle camarguaise, une grange ou une étable ? Beaucoup de belles photos, dans les vitrines des objets variés et de belle facture, trop peut être, je ne m’y retrouve pas. Tout est un peu mélangé, c’est dommage. On a préféré des commentaires audios aux panneaux. Remplaçant les écouteurs, des cornes de bovins. C’est joli, mais pas très pratique pour prendre des notes.
Mon dos est coincé. Je serais bien incapable de visiter le Petit Palais d’Avignon comme prévu. J’ai donc lu Mireille avec grand plaisir.
« Je chante une fille de Provence. Dans les amours de sa jeunesse. A travers la Crau, vers la mer dans les blés. Humble écolier du grand Homère, je veux la suivre ; Comme c’était seulement une fille de la glèbe. En dehors de la Crau il s’en est peu parlé. »
Mireille, c’est un peu Roméo et Juliette dans le pays d’Arles. Mireille est la fille d’un riche agriculteur, le Maître, pater familias dans la tradition romaine. Vincent, d’un vannier qui va de ferme en ferme vendre ses paniers, va-nu-pieds. Amours contrariées qui ne peut que se terminer tragiquement.
Mireille est un poème épique douze chants écrits en provençal. Frédéric Mistral se réclame d’Homère mais aussi de Virgile. Proximité de la Provence avec l’Antiquité gréco-latine. Mireille a été dédié à Lamartine qui a rédigé la préface :
« Le lendemain, au soleil couchant, je vis entrer Adolphe Dumas, suivi d’un beau et modeste jeune homme vêtu avec une sobre élégance, comme l’amant de Laure quand il brossait sa tunique noire et qu’il peignait sa lisse chevelure dans les rues d’Avignon. C’était Frédéric Mistral, le jeune poète villageois destiné à devenir comme Burns, le laboureur écossais, l’Homère de la Provence. »
Burns, aussi Byron de Childe Harold. Poète romantique ?
C’est le poème du Pays d’Arles décrit précision et lyrisme. Évocation de son histoire et de ses légendes.
Chant premier : Le Mas des Micocoules , à la veillée, les laboureurs écoutent le vieil Ambroise, chanter ses exploits sur mer. Vincent éveille l’amour de Mireille avec des aventures pourtant simples, pêche aux sangsues ou courses des garçons.
Chant deuxième : La Cueillette : Au cours de la cueillette des feuilles de mûrier Vincent et Mireille se rapprochent, Vincent grimpe avec elle dans le mûrier qui se fend. Ils trouvent un nid Mireille prend les oisillons dans son corsage…
« Chantez, chantez magnanarelles, en défeuillant vos rameaux….. »
La description détaillée des travaux des champs est l’un des charmes les plus prenants de l’œuvre de Mistral.
Chant troisième : Le dépouillement des cocons l’élevage des vers à soie est une occupation féminine. C’est l’occasion de rassembler les générations, de transmettre les contes, de rêver au prince charmant, d’avouer ses amours. J’ai beaucoup aimé ce chant où le fantastique s’invite avec la sorcière Taven.
Chant quatrième : Les Prétendants : occasion de découvrir les pêcheurs de Martigue, Le berger Alari avec une merveilleuse évocation de la transhumance, les chevaux blancs de la Camargue
« Car à cette race sauvage, son élément c’est la mer. Du char de Neptune échappée sans doute. Elle est encore teinte d’écume. Et quand la mer souffle et s’assombrit, Quand des vaisseaux rompent les câbles, les étalons de Camargue hennissent de bonheur. »
Enfin, le plus terrible, le toucheur de taureaux Ourrias :
« Des bœufs, il avait la structure, et l’œil sauvage et la noirceur, et l’ai revêche, et l’âme dure »
Par lui, arrive le drame.
Chant cinquième : Le Combat où s’affrontent Vincent et Ourrias ; combat épique où le jeune vannier s’illustre contre le redoutable adversaire. La morale est sauve, dans la nuit de la Saint Médard Ourrias est englouti dans le Rhône, la barque chavirée sous le poids de l’assassin. Et encore le chant devient fantastique avec la danse des Trèves sur le Pont de Trinquetaille.
Chant sixième : la Sorcière, Taven, aux Baux, invoque les Fées, les Follets, l’Esprit Fantastique, l’Agneau noir et la chèvre d’Or. De la description agreste de la vie des paysans de la Crau, nous sommes transportés en plein merveilleux. D’ordinaire, je suis très peu sensible aux charmes du fantastique, mais je me suis laissé transporter.
Le chant septième Les Vieillards, change de registre Maître Ambroise, le vannier vient au Mas des Micocoules, demander à Maître Ramon la main de Mireille pour son fils Vincent. De retour au Mas, Mistral va nous décrire une nouvelle coutume agricole : la Moisson, le repas des moissonneurs. Il donne des détails sur leur accoutrement, leurs outils, le travail de la terre.
Chant Huitième : La Crau Mireille désespérée, va aux Saintes-Maries supplier les patronnes de la Provence de fléchir ses parents. Occasion pour le poète de chanter la terre, les lézards, les alouettes huppées, les cigales, les papillons, la chaleur accablante de l’été, mais aussi d’invoquer un Saint local saint Gent, et la coutume du ramassage des limaçons.
la moisson
Chant neuvième : l’Assemblée met en scène tous les travailleurs du mas, faucheurs, faneuses, glaneuses, bergers ou moissonneurs et bergers. Le Maître les convoque pour retrouver sa fille. Encore une occasion de mieux chanter cette Provence agricole :
« Quarante moissonneurs, quarante, Pareils à des flammes dévorantes, De son vêtement touffu, odorant, gracieux, Dépouillant la terre ; ils allaient Sur la moisson qu’ils moissonnaient, comme des loups ! [ ….]Derrière les hommes, et en longues files comme les crossettes d’une vigne, tombait la javelle avec ordre : dans leurs bras les ardentes lieuses Vite ramassaient les poignées, Et vite, pressant la gerbe D’un coup de genou, la jetaient derrière elles »
Le ton devient épique quand il convoque l’Histoire de la Provence !
« Cela ressemblait par les champs aux pavillons d’un camp de guerre : comme celui de Beaucaire, autrefois quand Simon et la Croisade française, Et le légat qui les commande, Vinrent impétueux à toue nord Egorger la Provence et le Comte Raymond »
Chant dixième : la Camargue Mireille traverse la Camargue, elle est frappée d’un coup de soleil et cde chant se termine par les visions. Mêmesi, la veille d’une excursion aux Saintes Marie, ce chapitre m’a intéressée, je ne me suis pas laissé emporter par son délire ni par le discours mystique dont je me sens très éloignée et pas attirée du tout non plus par le Chant onzième Les Saintes même si j’y apprends qui était Saint Trophime dont j’ai visité l’église et le cloître à Arles, même si l’évocation de la Tarasque est pittoresque, et même si on retrouve le roi René…
Dans le dernier et douzième chant La radieuse mort de Mireille était inévitable, comme celle de Vincent qui arrive juste à temps pour lui toucher la main.
Ce n’est pas tant le roman d’amour qui m’a touchée que l’évocation de la vie rurale dans cette région d’Arles où nous passons une semaine. Pas un village, pas un aspect de la vie Provençale qui ne soit magnifiée et si magnifiquement chantée.
Nos premières photos seront celles des arbres en fleurs– cerisiers ou amandiers – avec les bouquets roses sur un ciel bleu franc.
La route traverse les Alpilles . Les crêtes déchiquetées des montagnes ont un écrin d’oliviers et de vignes. Chaque arbre en fleurs est prétexte à un arrêt. La route fait des épingles à cheveux. Les sommets culminent à moins de 500m (485m au sommet) et en moyenne 300m mais on se croirait en montagne. Des randonneurs équipés de bâtons de montagne grimpent sur le sentier de randonnée.
« Cette vallée est d’un aspect à la fois grec et romain : c’est un cirque comme celui d’Arles dont les monticules dégradés des Alpines sont les gradins. Le ciel azuré du Midi est coupé crûment par ces rochers… »
Les Antiques de Glanum étincellent sous le ciel bleu. Le Mausolée de Jules, ressemble à une pâtisserie de sucre blanc, genre de pièce-montée de mariage : un socle décoré de bas reliefs porte une sorte d’arc de triomphe carré encadré par des colonnes aux chapiteaux corinthiens, au dessus une tholos circulaire aux colonnes encadrant des personnages et coiffée d’un curieux cône ressemblant à un chapeau. Les scènes des bas-reliefs montrent des batailles, des cavaliers, je pense aux exploits de César puisque c’est le Mausolée de Jules. Les panneaux expliquent que sur une face Ménélas protégeant le corps de Patrocle et une chasse au sanglier de Méléagre sur une autre tandis que les armées de César ornent les dernières. Des guirlandes sont portées par des amours tandis que des têtes grimaçantes évoquent des diables, ou des masques de théâtre peut être des têtes de vaincus.
L’arc de triomphe de Glanum est décoré à l’intérieur de caissons à motifs floraux très délicats. Une bande de végétaux, feuilles de chênes, grappes de vignes, borde l’arrondi de l’arche.
Malheureusement le site de Glanum est fermé le lundi. Il faudra revenir.
Un sentier conduit au Cloitre de Saint Paul de Mausole ou Van Gogh a été interné. Des reproductions des tableaux de Van Gogh sur des panneaux de céramiques sont présentés sur le site où ils ont été peints. Van Gogh pouvait sortir de l’hôpital accompagné d’un gardien, il peignait donc dans les environs de Saint Paul. Les oliviers et la Montagne aux deux trous sont tout à fait à leur place, les oliviers ne sont peut être pas les mêmes mais la Montagne aux deux trous sont bien là ! Comme les oliviers (ciel jaune et soleil resplendissant) Un tableau montrel’asile de Saint Paul et les iris poussaient près de l’asile. Une allée conduit à l’établissement, les végétaux sont étiquetés, des fleurs roses sur de grosse feuilles arrondies vernissées égaient la végétation encore hivernale.
Le cloître est assez petit. Les arcades de fines colonnettes jumelles sont surmontées par les chambres des pensionnaires. Les murs de pierre blanche lisse sont recouverts en saison de vigne vierge et de rosiers grimpants. Des persiennes de bois gris bleu fané donnent un peu de couleur.
Les massifs du jardin, pensées, sont encadrés de basses rangées de buis.
Le buste de Van Gogh sculpté par Zadkine a été volé mais un bronze a été offert par un bienfaiteur américain.
chambre de Van Gogh
A l’étage la chambre de Vincent Van Gogh a été reconstituée, les murs gris vert, son lit de fer, les chaises de paille, un pupitre de bois, la sacoche de cuir qui ressemble à celle d’un artisan-plombier ou électricien. Sur le chevalet on a mis une reproduction. Les fenêtres sont gardées par d’épais barreaux mais la vue est merveilleuse sur les jardins de l’hôpital, ceux du voisinage et à l’horizon, le Ventoux est enneigé.
Dans la chambre voisine on a exposé de nombreux documents et explications sur la psychiatrie au 19ème siècle, ses méthodes, ses remèdes et sur les symptômes et les traitements de Van Gogh. Vincent était-il fou ?
Certes, et le médecin, la mère supérieure étaient éclairés. Tout en appliquant les traitements de l’époque ils lui ont permis de peindre et même de peindre à l’extérieur. On peut s’interroger sur les traitements qui lui auraient été appliqués à notre époque. Cette visite n’est pas spécialement gaie. Elle me donne envie de lire les lettres que Vincent a adressé à son frère Théo.
A l’arrière du cloitre se trouve un beau jardin, presque un champ six rangs de lavande, un grand rectangle d’iris. Trois arbres à kakis (Diospyros kaki) défeuillés étendent leur squelette. De l’autre côté d’un grand mur de pierres sèches des cyprès se détachent. Un petit cabanon de pierre s’adosse au mur sous l’ombre d’un grand néflier.
Si le cloître et la chambre de Van Gogh sont ouverts aux touristes, l’établissement n’a pas perdu sa vocation première : une association Valetudino pratique la thérapie basée sur la pratique artistique : des œuvres des patients sont proposés à la vente à la billetterie et certaines sont de bonne facture.
Le docteur Schweitzer fut interné là, non pas comme patient ou médecin, mais comme prisonnier pendant la Première Guerre mondiale, du fait de sa nationalité allemande, natif d’Alsace.
cabestan
A proximité du cloitre le grand cabestan est un témoin de l’activité des carrières. Depuis l’Age de fer, le calcaire molassique miocène de Saint Rémy fut exploité, à ciel ouvert d’abord au Mas de la Pyramide, puis dans les temps hellénistiques on utilisait l’escoude et romains, la pioche. Au 17ème et au 18ème siècle, l’extraction se fit souterraine. Le cabestan montre comment on remontait les blocs. Les termes des carriers sont amusants : la poulie mobile était le « singe » tandis que l’axe reposait sur une crapaudière.
La suite du parcours de Van Gogh continue en bordure d’agglomération sur le chemin des carrières. Les tableaux ne correspondent pas forcément au paysage actuel. Saint Rémy s’est étendue et l’urbanisation a gagné les champs de blé ou de fleurs dont on récoltait les graines pour la graineterie. Les tableaux montrent des paysans, dans la Sieste et le Paysan Bechaut illustrant la sympathie du peintre pour les paysans et les ouvriers. Van Gogh était un admirateur de l’œuvre de Zola
On croise la Via Domitia. Dans la région il y avait aussi la via Aurelia plus proche de la côte e direction d’Arles que nous avons vue hier.
Le parcours me mène en centre ville. Le lundi hors saison, toutes les boutiques sont fermées et c’est un peu triste. Le cœur de Saint Rémy est piétonnier, ville close dans laquelle on pénètre par des arches interdisant la circulation automobile. La place de la mairie est très sympathique avec ses platanes, le bel Hôtel de Ville en pierre claires et le clocher de l’église dépassant des toits.
L’abbaye de Montmajour se détache de profil sur la colline et se voit de loin, une tour carrée très haute, un bâtiment classique délabré dont il ne reste qu’une façade et le complexe abbatial roman ramassé à flanc de rocher. La billetterie donne sur la crypte, presque troglodyte aux voûtes en berceau romanes d’une grande simplicité et d’une grande pureté.
Montmajour : crypte
Une exposition contemporaine de Frank Pourcel a pour titre Ulysse, des constellations sont tracées sur des tissus noirs suspendus, très sobres aussi, constellation des murs, constellation des corps (entre autres) – je suis toujours sceptique sur ce genre d’installations contemporaines dans des lieux prestigieux qui profitent de l’architecture ancienne pour exposer tout et n’importe quoi – hier à Villeneuve c’était le comble de la vacuité.
Un plan incliné conduit à la nef de l’abbatiale (1153) de style provençal roman qui surprend par les volumes et la lumière. Ici aussi, sobriété et pureté. Toutefois, il n’en a pas toujours été ainsi : l’église était autrefois très décorée. Blanche et dénudée, elle est très belle.
Abbatiale
Ici je découvre la suite des constellations de Pourcel : des photos grand format, en noir et blanc, sur le thème d’Ithaque et d’Ulysse. Je ne reconnais pas Ithaque mais j’aime beaucoup ces corps à demi plongés dans l’eau. Dans les salles suivantes, suite de l’expo-photo grands formats en couleur. Pas de légende, il faut deviner, ce sont toutes des photos prises autour de la méditerranée, Turquie, Grèce, Egypte ou Tunisie, Italie aussi… dans la sacristie, la constellation des murs avec le mur pris à Ramallah, des images de Bosnie. Je commence à comprendre ; les constellations font sens et j’apprécie beaucoup l’exposition. Arrivées dans un très beau cloitre avec des chapiteaux romans sur de fines colonnettes qui me rappellent Saint Trophime visitée cet après midi, la dame bat le rappel
–» Si vous voulez monter à la Tour c’est maintenant, après ce sera trop tard ! »
J’abandonne les chapiteaux à regret pour monter à l’assaut des 125 marches de la tour carrée. L’abbaye a été fortifiée pendant la Guerre de Cent ans. Il y a une belle vue sur les Alpilles.
Nous rentrons par la route de Fontvieille et du Paradou. Une flèche signale un aqueduc romain, nous le suivons. Les ruines se tiennent dans des olivaies, un sentier permet de les suivre. En haut de la colline les arches et la maçonnerie disparaît le rocher est entaillé en une fente large d’1.50m environ. Là, je trouve la Meunerie de Barbagal dont nous avons vu la maquette : meunerie hydraulique sur huit niveaux avec deux meules par étage. La première fois que j’avais vu une telle installation c’était en Galice pour des moulins à foulons, ainsi qu’en Macédoine à Edesse.
aqueduc conduisant à la meunerie
Ici, on moulait le blé de la Crau. Heureusement que nous avons vu la maquette parce que sur place voit plus rien, que des cailloux sur une pente très forte et quelques buissons. Je suis néanmoins ravie de cette découverte.
Le ciel est très menaçant. La visite d’Arles se fait à la va-vite.
Le GPS nous conduit facilement place Constantin, à proximité des thermes de Constantin proches du Rhône. Malheureusement impossible de garer la voiture. La visite est brève : si de l’extérieur les thermes ont une façade bien préservée de brique et pierre avec une jolie coupole, à l’intérieur, il ne reste plus grand-chose : une salle avec des hypocaustes de brique comme d’habitude mais des parements de marbres il ne reste plus rien. Nous avons déjà vu d’autres thermes romains plus spectaculaires.
L’Amphithéâtre avec ses hautes arches d’une belle pierre blanche est très bien conservé. Des courses de taureaux et peut être d’autres spectacles s’y déroulent. Je ne trouve pas l’entrée (et ne fais que peu d’efforts, la pluie s’abattant brusquement) les gradins métalliques et la scène moderne ne me tentent pas.
il pleut sur Arles
Le Théâtre à proximité est d’accès plus facile. Deux très belles colonnes de belle brèche colorée surmontées de chapiteaux corinthiens, dominent la scène. Les gradins de pierres sont intacts. Il jouxte un parc. Sous le soleil, ce serait un endroit très agréable ; mais il pleut !
le porche de Saint Trophime
Le cloître Saint Trophime me procure un abri ! Malheureusement il est en rénovation et des palissades de tôle ondulée gâchent l’ensemble. Ce qui n’empêche pas de s’attacher aux détails des chapiteaux historiés.
cloitre de saint Trophime
Une grande salle est ornée de tapisseries de très grande taille et de bonne facture sur le thème de la Jérusalem délivrée du Tasse. L’une d’elle montre la blessure de Godefroi de Bouillon, une autre Tancrède au combat. Je retrouverai la suite de la série dans la grande église Saint Trophime voisine dont le porche est tout à fait curieux
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Réveil sous la pluie, allons donc à Arles nous abriter au Musée !
La route traverse la Crau, élevages de taureaux, centres équestres, chevaux camarguais blancs,hautes haies de thuyas ou cyprès. A l’entrée d’Arles, les arches d’un aqueduc.
Devant l’Office de tourisme, le manège à l’ancienne a placé un taureau noir à la place d’une monture classique. Des Arlésiennes décorent les peintures naïves.
On est accueilli par le lion d’Arles sous une citation de Mistral :
« Arles, ville du lion tu es assise au bord du Rhône comme une vénérée majestueuse reine à l’ombre de ta gloire et de tes monuments »
Le Lion d’Arles évoqué par Frédéric Mistral
« Rome à neuf l’avait vêtue. En pierres blanches bien bâties. De Grandes arènes,elle avait mis à ton front. Les cent vingt portes ! Tu avais ton Cirque : tu avais Princesse d’empire, Pour distraire tes caprices. Les pompeux Aqueducs, le Théâtre et l’Hippodrome… » Mireille – Frédéric Mistral
Le Musée Archéologique n’est pas en centre-ville comme nous le pensions mais le long du fleuve, près du cirque antique. Le bâtiment moderne bleu et verre n’est pas très élégant mais il est admirablement bien intégré au site. Du dehors on peut deviner les pièces exposées et de l’intérieur on sent le Rhône qui roule des eaux boueuses.
Arles est habitée depuis les temps les plus anciens. Une salle montre les sites de La Protohistoire – Âge du Fer de 700 à 50 av.JC – s’achevant avec la conquête romaine. Des stèles – les cippes – sont gravées de cavaliers. Ces cippes étaient des stèles supports pour un objet votif.
Arelate, ville romaine construite sur les deux rives du Rhône
Cité romaine – Arelate – fut fondée en 46 av. JC. Est présentée par une maquette avec les monuments tels qu’ils étaient à l’Antiquité de part et d’autre du fleuve. Un pont de bateaux reliait les deux rives. C’était un pont permanent comme le témoignait les premières arches de pierre surmontées d’un arc.
Deux très belles maquettes font revivre le forum assis sur des galeries à moitié souterraines en arcades pour égaliser le terrain. J’avais découvert ce procédé à Thessalonique. Le théâtre, l’amphithéâtre et le cirque où se déroulaient les courses de char sont très bien modélisées. Dans l’amphithéâtre un village fut logé jusqu’au dégagement des ruines en 1826. Autour de ces maquettes la salle est dédiée aux arts du spectacle, les statues qui décoraient le théâtre sont exposées, les stèles de la scène, les frises, les acrotères sous forme de masques de théâtre grimaçants.
Le village logé dans l’amphithéâtre
De nombreuses statues nous montrent les romains tels qu’ils vivaient à Arles. La célèbre tête de César retrouvé il y a peu dans la boue du fleuve, un énorme Auguste défiguré par les perforations des vers aquatiques
le chaland romain de 31m retrouvé dans le fleuve avec son chargement
Toute une aile du musée est dédiée au chaland Arles-Rhône3 – bateau plat de 31m de long retrouvé intact avec son chargement : des pierres de construction, son mât, sa rame gouvernail et même la cuisine installée à la poupe. Péniche ou pirogue, il pouvait remonter le fleuve à la voile si le vent soufflait du sud. Sinon, il était tiré par des hommes, des esclaves. L’état de conservation du chaland est stupéfiant. Étonnante aussi la taille de l’embarcation. Les vitrines autour du bateau montrent qu’Arles était un port de négoce des métaux : des barres de fer, des lingots de plomb, de cuivre et d’étain ont été retrouvés dans les sédiments en plus des innombrables amphores.
Une vidéo d’une trentaine de minutes retrace les fouilles archéologiques du fleuve et les traitements ultérieurs que l’épave a subis. Elle était enfouie sous 3 ou 4 m de sédiments sable, argile et de débris très abondants, céramiques et autres. Pour l’extraire on a été forcé de la scier en tronçons de 3 ou 4m en utilisant un berceau métallique. Préservé pendant des millénaires de l’oxydation il a dû être manipulé avec le plus grand soin pour ne pas se dessécher et l’eau a été remplacée par du polyéthylèn-glycol à Grenoble . 4Une carte du monde antique romain, permet d’imaginer les échanges commerciaux maritimes ou fluviaux.
D’autres vitrines présentent la vie des travailleurs du port : les emballeurs, les dockers saccarii(porteurs de sacs) ou phalangarii (porteurs d’amphores). Des bas-reliefs, des figurines les montrent au travail.
Tous les aspects de la vie quotidienne à Arles sont abordés. Une vitrine rassemble les navettes et divers accessoires des tisserands. D’autres présentent les outils du médecin, les produits de beauté.
Une maquette reconstitue la meunerie hydraulique de Barbegal près de Fontvieille. : 16 meules meunières installées sur 8 niveaux, actionnées par l’eau.
Une visite guidée est consacrée à la gastronomie romaine autour des vitrines de la vaisselle : céramique et verre…j’entends citer la dorade aux coings, illustrant les mélanges salé-sucré.
sarcophage sculpté : chasse au sanglier
Les sarcophages très finement sculptés racontent des scènes de chasse, des courses de chevaux, desthèmes classiques ou mythologiques comme Phèdre et Hippolyte, ou plus tard des histoires chrétiennes, une nativité, des apôtreset évangélistes….
mosaïque du Temps
Quelques mosaïques sont assez belles : l’enlèvement d’Europe, une autre autour d’un personnage représentant le temps assis à côté d’une sorte de roue décorée par les signes du zodiaque est entouré de scènes représentant les âges de la vie.
Deux expositions temporaires sur le thème du chaland avec des panneaux et une expo-photo des paysages du Rhône pourraient être visitées. Nous sommes restées plus de deux heures et sommes saturées. Le soleil brille, des tables pique-nique sur les bords du Rhône nous invitent à manger notre salade de pommes de terre-thon-anchois-olives !