Mekhnès, 1946 – 1955, Mathilde, une jeune alsacienne, enceinte vient rejoindre son mari, Amine, qu’elle a épousé en Alsace à la fin de la guerre. Officier de l’armée française, prisonnier de guerre dont le rêve est de faire fructifier la terre que son père a acquis à 25 km de Mekhnès. Mathilde rêve d’aventure ; très amoureuse d’Amine, elle ne sait pas ce qui l’attend au Maroc.
La ferme est isolée, la terre ingrate, Mathilde se trouve bien solitaire. Etrangère dans la famille traditionnelle de son mari qui vit dans la médina. Moquée et méprisée par les Français de la ville européenne. Heureusement, Mathilde est inventive, pleine d’énergie et mère de deux enfants Aïcha et Selim. Aïcha étudie dans une école catholique, son intelligence aiguisée lui donne un statut de première de classe alors que ses petites camarades la snobent.
Au fil des années, la ferme se développe. Mathilde soigne les femmes dans une sorte de dispensaire. Amine a trouvé un débouché à l’exportation pour les fruits de ses vergers. La vie pourrait être plus douce si les luttes pour l’Indépendance ne devenaient pas de plus en plus pressantes.
« Il fut un temps pas si lointain où nous appelions terroristes ceux qui sont devenus des résistants. Après plus de quarante ans de protectorat, comment ne pas comprendre que les Marocains revendiquent cette liberté pour laquelle ils se sont battus, cette liberté dont nous leur avons transmis le goût, dont nous leur avons enseigné la valeur… »
Cette famille mixte ne sait plus où se situer. Comme les colons, ils ont un domaine et des ouvriers agricoles. Amine était fier de son statut d’ancien combattant .
« Non, à cet instant, ils appartenaient tous les deux à un camp qui n’existait pas, un camp où se mêlaient de manière égale et donc étrange, une indulgence pour la violence et une compassion pour les assassins et les assassinés. Tous les sentiments qui s’élevaient en eux leur apparaissaient comme une traîtrise et ils préféraient donc les taire. Ils étaient à la fois victimes et bourreaux, compagnons et adversaires, deux êtres hybrides incapable de donner un nom à leur loyauté. Ils étaient deux excommuniés qui ne pouvaient plus prier dans aucune église et dont le dieu est un dieu secret, intime, dont ils ignorent jusqu’au nom.. »
Cette ambiguïté, cette ambivalence se trouve aussi dans son statut de femme. Comment se définir parmi les femmes de la famille de son mari? Mathilde se sent proche de sa bonne, berbère, mais si différente, illettrée et peu soignée, elle voudrait aussi être l’amie de Selma, la petite sœur de son mari qui cherche à s’émanciper mais qui devra faire un mariage de convenance.
L‘IMA poursuit avec Les Juifs d’Orient la série : Hajj pèlerinage à la Mecqueet Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire avec la même ambition et la même approche chronologique dans un Orient qui s’étend de l’Atlantique à la Perse et à l’Arabie. Coexistence millénaire des Juifs et des Musulmans .
brique funéraire – Espagne IV -VI ème siècle
La chronologie remonte à la destruction du premier temple (586 av JC) et l’exil à Babylone, puis à la destruction du second temple (70)et l’interdiction aux Juifs de vivre à Jérusalem qui devient Aelia Capitolina (130)
Des papyrus trouvés dans l’Île Eléphantine sont datés 449 – 427 – 402 av JC
Des objets illustrent l’époque romaine : lampes portant la ménorah en décor,(Egypte, Tunisie, Maroc) des ossuaires de marbre, mosaïques de la synagogue de Hammam Lif (Tunisie) avec des inscriptions en latin. magnifique vase de Cana en albâtre.
Doura Europos traversée de la Mer rouge
La synagogue de Doura Europos (Syrie 244 -245) fut entièrement peinte à fresques sur des thèmes bibliques. On entre dans une petite salle où les photographies des fresques ont un aspect saisissant. On s’y croirait. C’est une surprise totale. Je n’imaginais pas de telles peintures figuratives.
Doura Europos scène du Livre d’Esther
Un dessin animé montre la rencontre du prophète Mohamet avec les tribus juives de Médine qui se soldera mal.
En parallèle une peinture de J Atlan rappelle la figure de la Kahena (reine berbère, peut être juive qui mourut en 703 dans les Aurès combattant les invasions arabes;
Dans une petite salle un documentaire nous montre la Gueniza du Caire et les autographes de Maïmonide. C’est très émouvant de voir ces documents : en plus des écrits religieux on découvre même la punition d’un écolier qui a fait des lignes, répétant 500 fois que « le silence est d’or » on imagine le garçonnet turbulent! Dans une vitrine sont exposés des manuscrits et même celui de la main de Maïmonide (la photo était floue à travers le verre) .
Une salle reproduit la synagogue de Tolède je remarque le sceau personnel de Todros Halevi fils de Don Samuel halevi Aboulafia de Tolède.
Souvenir de pèlerinage à Jérusalem (affiche)
Le Temps des Séfarades raconte la vie des Juifs à Istanbul avec des photos anciennes et d’amusants souvenirs de pèlerinages à Jérusalem
Istanbul, les trois religions
Le temps de l’Europe avec un grand tableau de Crémieux, des photos de classe de l’Alliance Israélite évoque l’Algérie et la colonisation française. En face des dessins et aquarelles de Delacroix, Chasseriau montre l’intérêt pour l’orientalisme.
tikim pour la Torah
La vie des communautés juives au tournant du XXème siècle
montre des objets venant du Maroc (vêtements, bijoux, objets)
bijouxMaroc
bijoux et photos du Yémen . Un film m’a étonnée : un pèlerinage à la Ghriba de Djerba, ces Juifs semblent sortis de la haute Antiquité alors qu’il a été filmé en 1952. La Ghriba était bien vide lors de nos passages il y a 3 ans.
Ctouba : contrat de mariage
Dans une salle, des photos de familles marocaines, algériennes et tunisiennes montrent l’exil vers la France ou le départ en Israël. Un monde disparu.
La fin de l’exposition montre la création de l’Etat hébreu et ses conséquences : départ des juifs marocains (Aliya spirituelle pour ces populations très religieuses, mais aussi émigration économique de villageois très pauvres), l’arrivée des Juifs Irakiens, accueillis au DDT alors qu’ils avaient revêtu leurs plus beaux habits. Déchirements de ces Irakiens établis depuis l’Exil à Babylone bien avant l’arrivée des Arabes.
Une vidéo très joyeuse de Yemennight 2020,Talia Collisjeunes yéménites rappeuses préparant la mariée avec le maquillage au henné, danses et musique aux paroles ironiques sur le pays où coule le miel, le lait, les dattes….j’aimerais retrouver sur Internet cette vidéo.
Cette exposition est très ambitieuse, peut être trop. Très riche en documents, peut être trop. Qui trop embrasse, mal étreint. Je me suis sentie un peu perdue dans tous ces témoignages très touchants mais pas toujours bien mis en évidence. Il y avait matière à plusieurs expositions.
L’Islam entre Croisés et Mongols XIème – XIIIème siècle
Attention! Livre d’Histoire savante destiné à des initiés qui maîtrisent histoire et géographie sur le monde d’Islam, de l’Atlantique (Maroc et Espagne) jusqu’à la Chine d’où viennent les Mongols, en passant par les steppes d’Asie Centrale, Afghanistan et Transoxiane, Perse et Mésopotamie. J’ai interrompu ma lecture à nombreuses reprises pour saisir mon ami smartphone et GoogleMaps pour situer les villes Merv, Tus, Nichapour… Coquetteries de l’auteur qui utilise les vocables d’Ifrikiya (Tunisie) ou Jéziré (Mésopotamie) que je connaissais déjà. De même quand il assimile les envahisseurs nomades aux Bédouins. Bédouins lesAlmoravides ou Almohades qui conquièrent l’Andalousie, cela me paraît naturel, comme les Berbères au Maghreb… Bédouins, les hordes des Turcs et Mongols, c’est déjà plus étonnant, encore plus quand les Chevaliers Francs entrent dans cette catégorie.
L’auteur nous rend accessible les textes de trois historiens arabes médiévaux : Ibn Khaldoun (1332 -1406), Ibn Al-Athir(1160 – 1233) et Maqrizi (1364- 1442) qu’il fait dialoguer avec Machiavel (1469 -1527). Chacun de ces chroniqueurs va raconter à sa manière l’histoire de la région.
shawbak
Même si ma lecture fut laborieuse et lente ce fut un réel plaisir d’entrer dans ces chroniques pratiquement sans filtre ni anachronisme. L’universitaire contemporain s’efface pour nous présenter les textes, intervenant fort peu pour nous laisser la saveur orientale et l’authenticité médiévale. Il cite les textes racontant les massacres mongols, les dialogues entre les différents chefs de guerre hésitant entre telle ou telle alliance (Ibn Al-Athir) .
Comme les historiens médiévaux, il enregistre toutes les dynasties, les changements d’alliances, de capitales. Là, je me perds un peu. Un ouvrage de vulgarisation aurait simplifié, mis l’accent sur tel ou tel chef de guerre en laissant de côté les intrigues secondaires. Mais De l’autre Côté des croisades n’est pas une vulgarisation, c’est un ouvrage universitaire suivi d’un corpus de notes (70 pages) avec index, bibliographie, repères chronologiques etc… Rien que pour cette somme de notes, il est à ranger à côté des encyclopédies et des dictionnaires. Pour qui voudrait une histoire plus accessibleLes Croisades vues par les Arabesd’Amin Maaloufdonnent un récit vivant que j’avais beaucoup apprécié . Le récit de la conquête du pouvoir par Baybars (1277 -1223) dans Hakawati de Alameddine sur le mode d’un conte oriental m’a aussi beaucoup appris.
le Caire Bab zoueila (1090)
Chronique de la succession des dynasties, des migrations des capitales, c’est aussi une réflexion plus générale sur la conquête du pouvoir, de la succession dynastique, et du renversement par un conquérant plus agressif. Ibn Khaldoun oppose le centre sédentaire qui perçoit l’impôt, s’enrichit, s’amollit tandis que les bédouins en périphérie, guerriers, s’enrichissant de razzias et prédations vont à la conquête du centre, s’associant à un chef charismatique ‘asabiya, puis se sédentarisant, s’amollissent. D’après Ibn Khaldoun, la durée moyenne d’une dynastie serait d’une « vie »(120 ans). J’ai eu du mal à cerner cette notion d‘asabiya. Un autre concept est resté flou malgré mes efforts : le « dépotoir d’empire »situé en marge des capitales Bagdad, Mossoul, Damas ou Le Caire.
p.73 : « L’ironie de l’histoire a voulu que l’Anatolie soit aujourd’hui devenu la « Turquie », expression politique majeure du monde turc et surtout que Constantinople ait remplacé Bagdad et Le Caire… »
Ibn Al-Athir va moins généraliser et montre les choix et les stratégies individuelles : alliances ou appel au Jihad
p157 : « s’éloigner de plus puissant que soi et ne céder aux instances et aux raisons de la religion sont de véritables structures de l’Histoire selon Ibn Al-Athir. Il en existe d’autre comme le balancement d’Orient en Occident »
Une autre stratégie serait le maintient d’un glacisfavorisant un voisin peu dangereux pour se protéger des incursions bédouines.
Ajloun : château de Saladin pont levis et barbacane
Et les Croisades? Evènements majeurs de la géopolitique de l’époque et de la région, mais moins redoutées que l’intervention des Mongols. L’auteur les présente comme la reconquête de l’empire romain, les resituant dans le cadre plus vaste des expéditions des Normands en Sicile et Afrikiya, et la Reconquista en Espagne et de la maîtrise des mers par les républiques Italiennes dans le Bassin Méditerranéen.
Maqrizi a un point de vue égyptien. L’Egypte occupe une position privilégiée. Le rôle des mamelouks est bien mis en évidence.
Quant à Machiavel,théoricien de la prise du pouvoir, il introduit une nouvelle notion : le peuple dont le prince doit tenir compte s’il veut se maintenir au pouvoir.
Malgré mes difficultés, malgré certaines longueurs, j’ai été contente d’aborder de si près les auteurs de l’époque.
Si le voyage est une si bonne école, c’est parce qu’il est une source d’émerveillement en même temps qu’une leçon de modestie. À quinze ans, j’avais vu Palerme, Tanger, Zagreb, Lisbonne, j’avais passé le canal de Corinthe par voie de terre et par voie de mer, j’avais navigué en gondole, pique-niqué sur les marches d’églises baroques, fait ma prière sur l’Acropole, joué avec un caméléon, couru sur le stade d’Olympie, caressé le sable du Sahara, soutenu la tour de Pise, dégusté des souvlakis et des loukoums à la rose, dormi dans une oasis, glissé mes pieds dans des babouches, assisté à la relève des Evzones, admiré un coucher de soleil au cap Sounion, gravi l’Etna et le Vésuve, plongé dans les rouleaux d’Essaouira, suivi des étoiles filantes dans le ciel d’Anatolie.
Merci pour cette parenthèse heureuse à bord de votre Combi Volkswagen! Merci pour le récit de vacances ensoleillées au bord de la mer en Corse, en Sicile, en Grèce ou en Turquie, dans les yeux émerveillés d’un enfant, paysages que nous avons sillonnés mais où je saisis toute occasion de revoir.
Le Draa : les enfants préfèrent jouer aux cartes plutôt que de regarder le sublime paysage de la Vallée du Draa
Une injonction paternelle : « Sois heureux ! » dans cette période bénie de l’enfance, dans l’insouciance des années 80 quand l’esprit hippie flotte encore (surtout en Californie), mai 68 est encore en mémoire. Cette injonction n’est pas gratuite, elle est sous-tendue par l’Histoire (l’auteur est historien) de son père orphelin de la Déportation, et Jablonkase définit lui-même comme un « enfant-Shoah ».En filigrane, on devine l’errance des Juifs
« Notre Terre promise, c’est la carriole qui nous y mènera. Fidèles au camping-car qui était lui-même une fidélité au judaïsme, mes parents n’ont jamais eu de résidence secondaire. »
Auprès de ses camarades de lycée, Ivan ne se vante pas de ses voyages et de ses vacances atypiques « vacances ridicules » écrit-il qui ne correspondait à rien de répertorié
« Cette manie ambulatoire était suspecte, elle inquiétait les conformistes de masse par son aspect excentrique ; elle paraissait grossière aux enfants de l’élite. nous bougions tout le temps, nous étions les SDF de l’été. Instables. Nomades nous avions des choses en commun avec les gens du voyage »
Sans doute je suis prétentieuse, mais il me semble que ce livre a été écrit pour moi, mes semblables :
« Quels que soient mes succès et mes échecs, je n’ai jamais oublié d’où je viens. Je viens du pays des sans-pays.
Je suis avec ceux qui traînent leur passé comme une caravane. Je suis du côté des marcheurs, des rêveurs, des colporteurs, des bringuebalants. Du côté du camping-car. »
Et ce n’est sans doute pas un hasard qui me ramène Rue Saint Maur, quartier raflé en 1942 et près des terrasses qui furent la cible des terroristes
On peut railler la « bobo-écolo attitude », mais, à l’heure où le populisme et le fanatisme sévissent de tous côtés, elle est le bastion de valeurs dont nous avons désespérément besoin : la culture, le progrès social, l’ouverture à autrui, une certaine idée du vivre-ensemble. Ce sont ces valeurs qui ont été visées lors des attentats de Paris, le 13 novembre 2015,
Je me suis lancée dans cette biographie des Vies de Job (c’est l’auteur qui met le titre au pluriel). Pierre Assouline est hanté par Job. Il se lance dans une enquête minutieuse dans les textes bibliques mais aussi dans la littérature, la peinture et même la musique pour traquer le personnage.
« Telle est l’histoire de mon ami Job, symbole du juste confronté au Mal et à la souffrance. C’est l’histoire d’un livre et c’est l’histoire d’un homme. L’histoire d’un livre fait homme. »
Pour enquêter sur l’Histoire d’un livre, Pierre Assouline recherchera la société des écrivains et le soutien de François Nourrissier, de Carlos Fuentes dans le prologue que j’ai un peu de mal à suivre.
Erreur de ma part, j’ai égaré ma Bible, et ne peux pas revenir au texte. D’ailleurs quel texte? quelle traduction? La Thora traduite par Zadoc Kahn? ou Le Livre de Job de Renan? Assouline raconte l’histoire des traductions, de la Septante à la Vulgate, cela plane bien au-dessus de moi, je décroche un peu. La souffrance des traducteurs m’indiffère. mais je croise Artaud, Yeats, Proust et Kafka qui me parlent plus.
La voyageuse voit sa curiosité éveillée quand Assouline arrive à Jérusalem pour approfondir ses recherches. Je l’imaginais en compagnie de talmudistes, je le trouve à l’Ecole Biblique chez les dominicains. Je réprime un ressentiment : les dominicains me renvoient à l’Inquisition, et cela je réprouve! Quelle étroitesse d’esprit de ma part! Cette Ecole biblique renferme une bibliothèque où la convivialité et l’ouverture d’esprit de ce phalanstère sont remarquables. Régis Debray vient de quitter les lieux, Claudel y a travaillé…La première perle que je trouve (et note dans mon pense-bête) est Yossel Rakover s’adresse à Dieu de Zvi Kolitz, récit en date du 28 avril 1943 prétendument trouvé dans une bouteille sous les ruines du ghetto de Varsovie. Il me vient une furieuse envie de trouver ce texte!
Si Assouline a préféré l’Ecole Biblique à l’Université hébraïque, c’est à cause de la langue française. Vies de Job est avant tout littéraire, et la langue importe, comme la littérature.
fresque de doura europos
Parmi toutes les sources, Assouline n’oublie pas que Job vut aussi en islam : Ayoub, pour les Musulmans est aussi un prophète. Il a ses pèlerinages, en Jordanie et même à Boukhara où nous avons visité son « tombeau ».
Digression chez les solitaires de Port-Royal où Sacy a fait une traduction (1688). Nouveau venu chez les traducteurs au 21ème siècle, un médiéviste : Alféri qui m’emmène dans l’univers du Nom de la Rose, et puis seul sur l’île de Groix.La quête de Job transporte Assouline, et ses lecteurs, comme des gobe-trotter à Heidelberg, à Bombay….Job, l’homme souffrant sur son fumier est ubiquiste. Et la voyageuse nomade se régale du périple littéraire. Les chapitres sont divisés en paragraphes numérotés (comme les versets des textes sacrés?) courts qui sautent du coq à l’âne. On voyage dans le temps et dans l’espace.
Occasion de nombreuses rencontres même Eliezer Ben Yehouda ou parfois Woody Allen. On suit même Etherie (ou Egérie) une pérégrine venue de Galice ou d’Aquitaine entre les pâqus 381 et 384, venue à Carnéas, à l’endroit où Job était sur son fumier. Je ne peux pas citer toutes les excursions aussi variées que l’hôpital psychiatrique où l’on accueille les fous de Jérusalem (comme il existe à Florence un syndrome de Stendhal) ou au théâtre de l’Odéon à Paris…Rencontres inattendues : Toni Negri , lui et les gauchistes italiens étaient-ils d’autres Job? Muriel Spark. Et même les Chants de Maldoror.
William Blake
Illustrations : Job raillé par sa femme (sur la couverture) de De La Tour, les fresques de la synagogue de Doura Europos, Job sur ses cendres de Fouquet, mais aussi le Job de notre temps et les peintures de François Szulman et Jean Rustin que cette lecture m’ont fait découvrir. Depuis que j’ai un smartphone je cherche les illustrations des tableaux .
La partie la plus émouvante, la plus personnelle : le chapitre Les miens. L’auteur nous entraîne au Maroc dans le Sahara, à Figuig d’où sa famille est originaire. De l’ancêtre engagé en 1918 pour obtenir la nationalité française, à Casablanca où l’auteur a passé son enfance. a Paris le Grand-père qui avait réussi…Le roman familial bascule dans la tragédie. Revient Job! Du Livre de Job au Kaddish et aux deuils, il n’y a qu’un pas…Ecrire sur Job, c’est aussi évoquer cette douleur.
Jean rustin
Comment ça va avec la souffrance? La maladie de Job, les ulcères, la lèpre, les maladies de peau diverses. Le sida. Les souffrances de Job – pièce de Khanokh Levin, je note encore. Il faudrait que je revienne à Khanokh Levin, traduit par une amie proche. De la peau malade, on glisse vers le tatouage des déportés. La souffrance culmine avec la Shoah. « Job est rentré de déportation » est la conclusion du chapitre. Mais il y a pire : la mort des enfants. Le dernier chapitre qui l’évoque est presque impossible à lire. Tant de souffrance , et pourquoi? Pourquoi demande Ricoeur. Manitou, philosophe de haute volée revient sur cette souffrance, s’attachant au scandale de Job. J’ai du mal à comprendre. Après la mort des enfants, j’ai du mal à terminer le livre.
Je quitte à regrets ce livre, j’y reviendrai. J ‘ai téléchargé sur la liseuse la traduction de Renan et celle de Zadoc Kahn. Et toutes ces références des livres que j’ouvrirai avec une autre intention. J’aime les livres qui ouvrent des portes sur d’autres lectures.
« ...vous venez d’écrire un roman policier d’un genre nouveau, le polar marrant pour ne pas dire déconnant!… »
Un polar marocain? (c’est dans le rayon polar que je l’ai trouvé) Et bien non!
C’est un livre léger, drôle, qui raconte comment un écrivain de polars à succès – Brahim Orourke – marié à une écossaise et revenu depuis peu au pays se prépare à accueillir et reçoit ses beaux-parents à El-Jadida.
Confrontation des cultures! Un regard amusé sur un Maroc quotidien, loin du folklore pour touristes. Aimable divertissement!
Film sur la prostitution au Maroc. Politiquement incorrect? En tout cas interdit par la censure et ayant déclenché des réactions violentes dans son pays. Sorti aujourd’hui sur nos écrans parisiens.
J’ai passé un excellent moment. Des filles belles, chaleureuses, pleines de vie, joyeuses et généreuses. La vie ne leur fait pas de cadeau, mais elles ont décidé d’en profiter et de donner à ceux qui sont moins bien lotis qu’elles, et même de prendre des vacances!
Le Maroc est à l’honneur à paris cet automne : une belle exposition au Louvre, Le Maroc contemporain à l’Institut du Monde Arabe et de la peinture au Musée Delacroix.
Dans le hall d’entrée, une citation d‘Ibn Battuta revenant de Chine en 1349 accueille le visiteur. Le grand lustre de la Qaraouyine brille de toutes ses ampoules. Joie de pouvoir enfin découvrir cette mosquée fameuse interdite aux non-musulmans! Un autre lustre est descendu à la hauteur de nos yeux ; surprise, c’est la cloche d’une église espagnole qui a été transformée en luminaire, symbole de la victoire de Gibraltat.
volubilis, ruines antiques
L’histoire du Maroc débute à Volubilis, on y date la naissance du Maghreb-el-Aqsa à 788 – 927, dynastie des Idrissides). Volubilis, ville antique, abritait une importante communauté juive : une stèle de pierre du 4ème siècle et une lampe à huile portant un chandelier sont exposées dans une vitrine.
Fès et tombeaux mérinides
Fèsfut fondée par Idriss II(808-828). Un très bel autochrome montre la ville en 1926 – je ne savais pas que la photographie couleur existait en ce temps là. Au Sud, Sigilmasa (9ème -10ème) était une importante étape caravanière. Une vitrine illustre les échanges commerciaux : une stèle gravée dans du marbre blanc d’Alméria a été retrouvée à Gao tandis que des objets animistes maliens avaient fait le voyage inverse.
J’ai été très émue de voir les clichés et croquis de Théodore Monod (1964) ainsi que le coffret de sel peint rapporté par l’explorateur.
marrakech
Les Almoravides (1049-1147) prirent Marrakechpour capitale. un diaporama montre les remparts et la palmeraie en 1935. De cette époque date la merveilleuse poterie d’Alméria à glaçure verte, brune et noire et deux animaux merveilleux : griffon et lion de bronze gravé, hauts de plus d’un mètre, renfermant dans leur ventre un mécanisme émettant des sons. Le griffon surmonte la cathédrale de Pise. Les tissus almoravides étaient aussi très prisés dans toute l’Europe. Ces soieries ont été conservées dans les églises comme la chasuble de la basilique de Toulouse, finesse des fils, richesse des fils d’or, motifs délicats.
Retournons à Fès pour admirer les portes de bronze plaqué sur du cèdre de la Qaraouyine
1147-1269 Les Almohades prennent la succession et lancent un nouveau dogme religieux rigoriste à la suite d’Ibn Tumart. Au milieu des Corans précieux de ces pieux musulmans j’ai la surprise de trouver les manuscrits de la Mishna de Maïmonide: le Livre des connaissances et le Livre des dames.
Encore un minbar marqueté ; de nombreuses céramiques glaçurées évoquant l’importance de l’eau dans les ablutions rituelles : margelles de puits et jarres énormes très décorée. Même la monnaie avait été transformée ; par piété les pièces rondes furent remplacées par des carrées symbolisant la Kaaba. L’heure des prières devait être calculée exactement : d’où le développement des astrolabes et des horloges. Les récipients de la fameuse clepsydre Bou Ananiade Fès sont à portée de vue.
Clepsydre
Enfin les Mérinides (1269- 1465) règnent. La reconquête des rois catholiques sonne le déclin du Maroc médiéval même si les Saadiens, plus tard construisent une civilisation brillante.
Cette exposition m’a remis en tête une chronologie des dynasties qui était floue malgré nos voyages au Maroc. Elle m’a permis d’entrevoir les merveilles cachées des mosquées marocaines et m’a offert de belles surprises.
L’histoire est souvent plus passionnante que les romans historiques. Au cours de mes voyages au Maroc j’ai souvent rencontré le personnage de Lyautey. J’ai donc coché avec enthousiasme la case proposant ce livre dans la Masse Critique.
Merci à Babelio et à l’éditeur de me l’avoir offert!
Cependant, je ne dois pas être la lectrice idéale pour cet ouvrage très documenté, très spécialisé, avec citations, bibliographie, très « thèse universitaire ».Les historiens apprécieront.
Pour moi, c’est un pensum. Trop aride, trop touffu. Trop d’illustres personnages, de monarchistes, nationalistes, catholiques militants. Trop d’intrigues ministérielles. D’ambitions militaires. de casernements, de pacifications d’Indochine à Madagascar.
j’aurais aimé plus de Maroc, plus de désert, plus de décor dans ces villes impériales, Casablanca, Rabat.
J’ai été intéressée d’apprendre qu’à Paris, la colonisation n’allait pas de soi, que Lyautey a dû louvoyer, insister, intriguer, pour imposer ses vues.
Ce voyage à Fès, Fottorino aurait voulu le faire en compagnie de son père marocain. Trop malade, il partira seul.
« Le marcheur de Fès, ce devait être toi. Ce sera moi. […] Je vais marcher par procuration. Traverser le vieux mellah ou Moshe-Maurice est devenu Maurice le Français »
On le comprend d’emblée. Il ne s’agira pas de tourisme mais de la quête du père biologique, connu sur le tard. Quête d’une identité juive pour celui qui n’a pas été élevé dans cette tradition.
« Je sais qu’il n’existe plus un juif au mellah, seulement des cicatrices à l’embrasure des portes, là où étaient jadis fixées les mezouza – ou plutôt les mezouzot, au pluriel – en signe de prière et de paix«
Il reste, dans la ville moderne, quelques Juifs qui ont connu le père marocain de Fottorino et qui vont lui raconter Fès d’autrefois et le guider dans le mellah. Parler de ses ancêtres, de ceux qui sont morts, de ceux qui sont partis en Israël, ou au Canada… de l’enfance de son père, de sa sœur qui repose au cimetière.
Il fait revivre pour l’instant du voyage, tout un monde disparu, découvre des ancêtres, des parents éloignés. Anecdotes pittoresques parfois, touchantes toujours. Évocation de la figure du docteur Guigui., de Maimonide et de sa clepsydre….
Fottorino se sent accepté, adopté. L’émotion le submerge au cimetière où il trouve ceux dont on lui a parlé. Et au petit musée juif du cimetière, il ressent comme un malaise, comme une imposture.
« Je reste parmi ces morts et enterrés, et envolés, une sorte de pièce rapportée. Un intrus.[…]A cinquante deux ans passés, je me sens comme un gosse pris en flagrant ; délit de mensonge. Il fautfinir la comédie
Émotion contradictoire : il croit trouver parmi ces photos son sosie.
Un livre plein de sensibilité autant qu’un document sur les Juifs du Maroc.