Kampuchea – Patrick Deville

LIRE POUR LE CAMBODGE (et le Vietnam, et la Thaïlande, et le Laos…)

Angkor

Après Peste&Choléra qui m’a beaucoup intéressée, j’ai cherché Kampuchéa sorti quelques mois après notre retour du Cambodge.

C’est un livre très différent, plutôt un carnet de voyage relatant une errance de Bangkok où il commence et se termine, un reportage au Procès de Douch – le tortionnaire du sinistre S-21 à Phnom Penh, et des digressions au Vietnam et au Laos.

sur le Tonlé-Sap
Sur le Tonlé-Sap – Cambodge

Le titre du livre – Kampuchéa – nom que les Khmers rouges avaient donné au Cambodge – laisse imaginer une sorte d’histoire du Cambodge. Deville commence son histoire en 1860 avec la découverte d’Angkor par Mouhot. Coquetterie d’auteur, il feint de dater les évènements à partir de cette nouvelle ère, ce nous oblige à faire un petit exercice de calcul mental.

Deville joue avec le lecteur en l’égarant aussi bien dans l’espace. Il fournit des indices plus ou moins clairs, ne nomme pas toujours les lieux si bien qu’il faut deviner où se déroule l’action. Un bonne connaissance de l’Asie du Sud-Est est même nécessaire pour se repérer dans ce livre-puzzle.

L’histoire n’est jamais racontée linéairement. Des épisodes, dans le plus grand désordre chronologique,  surgissent au fil du voyage, des rencontres, des digressions. On peut considérer cette lecture comme un jeu. Parfois agaçant. Ce n’est plus l’histoire du Cambodge qui est narrée, plutôt celle de l’Indochine, avec ses pionniers: Mouhot le premier, mais aussi Garnier et Lagrée qui ont cartographié le Mékong, ainsi qu’Auguste Pavie qui cartographia le Tonlé Sap et installa le télégraphe entre Phnom Penh et Bangkok, parti à dos d’éléphant. Rencontres fortuites avec Loti, Brazza ou Stanley, des plus grands explorateurs. Plus tardives avec Malraux ou Graham Green.

Morceaux de bravoures, l’entrée des Khmers rouges le 17 avril 1975 à Phnom Penh, DienBien Phu, ou la débâcle des américains  à Saïgon, même les affrontements entre chemises jaunes et chemises rouges à Bangkok en 2011. On croise Sihanouk et Hô Chi  Minh…. Récit cinématographique:long travelling sur Catinat à Saïgon.

a
Nha Trang – Vietnam

« Je vais descendre vers Danang, ou peut être à Nha Trang sur les traces du bon docteur Yersin. Par la route Mandarine ou en train, au milieu des flamboyants et des tamariniers. puis descendre à Hô Chi Minh-Ville et de-là regagner Bangkok, remonter au nord vers Chiang Mai, puis Hanoï, puis Haïphong, corir à nouveau sur la grand-roue dont le moyeu est Phnom Penh, comme l’écureuil de Cendrars dans la cage des latitudes et des longitudes, chercher une issue…. »

Rencontres passionnantes mais un peu frustrantes,  à peine commence-t-on à se situer que le chapitre suivant nous emmène ailleurs.


 

Lire un policier Laotien? Le déjeuner du Coroner – Colin Cotterill

le-dejeuner-du-coroner.1301127633.jpg

Un voyage au Laos en projet?

Non, seulement une suggestion d’Amazon lorsque j’ai commandé Le saut du Varan de Bizot!

Séduite ausi par la couverture exotique et désuète d’un pousse-pousse.

Une petite réserve : pourquoi la traductrice a-t-elle choisi de garder l’anglicisme coroner ? médecin légiste aurait mieux fait l’affaire. Après tout Siri Paiboun est un médecin qui a fait ses études à Paris, et  des traces de francophonie subsistent  à l’hôpital de Vientiane où se déroule le roman!

1976, Laos sous gouvernement du Pathet Lao. Le Grand Frère de Hanoï est également très présent. Austérité, idéologie, slogans sous le regard ironique et désabusé d’un vieux (72 ans) combattant, médecin dans la jungle, qui aspire plus à la retraite qu’à contribuer au pouvoir révolutionnaire qu’il a soutenu pendant tant d’année. C’est donc dans l’humour que commence le roman.

Placardisé dans la morgue de l’hôpital de Vientiane avec un trisomique comme adjoint et une infirmière effrontée, Siri fait un piètre coroner. Il préfère soigner les vivants. Jusqu’à ce que la femme d’un dirigeant soit autopsiée ….et enlevée par son mari peu de temps après,  le dossier volé. Intrigué, le héros commence une véritable enquête au…. lycée, seul endroit où subsistent encore des réactifs chimiques.

Et comme sa vocation de détective s’est éveillée, arrivent d’autres clients à la morgue : des vietnamiens, noyés, torturés à l’électricité, présentant de curieuses lésions….

L’enquête qui avait commencé comme un crime domestique (mais dans les sphères du pouvoir) tourne au thriller. On met des bâtons dans les roues, on surveille, on tire sur la porte de Siri. Ce dernier se trouve transporté en avion dans la forêt chez les Hmongs. Et là, nouveau tournant, nous atterrissons en pleine sorcellerie. Siri est-il la réincarnation d’un héros Yeh Ming, vieux de 1000 ans qui a mis en dérouteune armée anamite à l’aide d’une seule corne de buffle?

Les amulettes et les esprits interviendront  maintenant dans les différentes affaires que cherche à démêler Siri. le lecteur est perplexe dans la confusion générale. Violence et bouffonneries vont alors se succéder, explosions et incendies. Mais, curieusement le roman reste bon enfant. Siri n’est pas Rambo, loin de là! le Laos est plutôt tranquille, les pénuries aidant…

Généralement les interventions surnaturelles me rebutent. Curieusement ici, non! Et même je repense au film thaïlandais Oncle Boonmee   dont je n’avais pas du tout apprécié les fantômes. Je le reverrais bien maintenant de retour du Cambodge, après toutes ces lectures asiatiques. Réincarnation et fantômes vont- ils bien ensemble?

En tout cas je me promets de lire les autres romans de Cotterill pour retrouver Siri!

Et puis pourquoi pas un voyage au Laos? Nous avions abordé l’Asie du sud-est par laThaïlande, l’exotisme m’avais enchantée, au Vietnam nous avions retrouvé quelques sensations et découvert toute une civilisation, les Khmers, c’était encore autre chose. Diversité et culture, nous avons encore bien des choses à apprendre.