LIRE POUR LE CAMBODGE (et le Vietnam, et la Thaïlande, et le Laos…)

Après Peste&Choléra qui m’a beaucoup intéressée, j’ai cherché Kampuchéa sorti quelques mois après notre retour du Cambodge.
C’est un livre très différent, plutôt un carnet de voyage relatant une errance de Bangkok où il commence et se termine, un reportage au Procès de Douch – le tortionnaire du sinistre S-21 à Phnom Penh, et des digressions au Vietnam et au Laos.

Le titre du livre – Kampuchéa – nom que les Khmers rouges avaient donné au Cambodge – laisse imaginer une sorte d’histoire du Cambodge. Deville commence son histoire en 1860 avec la découverte d’Angkor par Mouhot. Coquetterie d’auteur, il feint de dater les évènements à partir de cette nouvelle ère, ce nous oblige à faire un petit exercice de calcul mental.
Deville joue avec le lecteur en l’égarant aussi bien dans l’espace. Il fournit des indices plus ou moins clairs, ne nomme pas toujours les lieux si bien qu’il faut deviner où se déroule l’action. Un bonne connaissance de l’Asie du Sud-Est est même nécessaire pour se repérer dans ce livre-puzzle.
L’histoire n’est jamais racontée linéairement. Des épisodes, dans le plus grand désordre chronologique, surgissent au fil du voyage, des rencontres, des digressions. On peut considérer cette lecture comme un jeu. Parfois agaçant. Ce n’est plus l’histoire du Cambodge qui est narrée, plutôt celle de l’Indochine, avec ses pionniers: Mouhot le premier, mais aussi Garnier et Lagrée qui ont cartographié le Mékong, ainsi qu’Auguste Pavie qui cartographia le Tonlé Sap et installa le télégraphe entre Phnom Penh et Bangkok, parti à dos d’éléphant. Rencontres fortuites avec Loti, Brazza ou Stanley, des plus grands explorateurs. Plus tardives avec Malraux ou Graham Green.
Morceaux de bravoures, l’entrée des Khmers rouges le 17 avril 1975 à Phnom Penh, DienBien Phu, ou la débâcle des américains à Saïgon, même les affrontements entre chemises jaunes et chemises rouges à Bangkok en 2011. On croise Sihanouk et Hô Chi Minh…. Récit cinématographique:long travelling sur Catinat à Saïgon.

« Je vais descendre vers Danang, ou peut être à Nha Trang sur les traces du bon docteur Yersin. Par la route Mandarine ou en train, au milieu des flamboyants et des tamariniers. puis descendre à Hô Chi Minh-Ville et de-là regagner Bangkok, remonter au nord vers Chiang Mai, puis Hanoï, puis Haïphong, corir à nouveau sur la grand-roue dont le moyeu est Phnom Penh, comme l’écureuil de Cendrars dans la cage des latitudes et des longitudes, chercher une issue…. »
Rencontres passionnantes mais un peu frustrantes, à peine commence-t-on à se situer que le chapitre suivant nous emmène ailleurs.