BALADES EN ÎLE DE FRANCE

Le Voyage commence à la Gare de Bièvres (RER C). Quelques mètres plus loin coule la rivière, à l’ombre mais enserrée entre les propriétés, on passe un pont puis deux avant de grimper à flanc de coteau bordée belles maisons. A un coin un magnifique pavillon de meulière dans un jardin : c’est la Poste.

Un peu plus loin, les étals de la Foire de la Photographie : marchands et collectionneurs proposent sur leurs étals des appareils anciens ou simplement d’occasion, simple appareil-photo, caméras ou projecteurs, certains en bois vernis, d’autres vendent des photos anciennes, et des cartes postales. Nous n’avons pas le temps de nous attarder. Bièvres possède un Musée de la photographie, occasion d’y retourner ?

Après avoir retraversé la rivière en empruntant le GR11, nous montons une côte raide sur une route jusqu’au Val d’Alban où nous faisons la pause à l’ombre d’un petit bois(il fait déjà très chaud par cette journée radieuse de Juin). Jens nous fait la lecture d’un ouvrage A TRAVERS CHAMPS ET VILLES, REGARDS SUR LES NATURES CULTIVEES D’ÎLE DE France (INRA) et nous parle de la Fraise, culture qui faisait la réputation de la vallée de la Bièvre dès le 17ème siècle. Verrière la Buisson, non loin d’ici était une pépinière pour les plants de fraisiers qui étaient également cultivés dans les vallées de l’Yvette et de l’Orge. Alors, de nombreuses communes de la Région Parisiennes étaient réputées pour les cultures maraîchères et fruitières. Le RER C qui passe à Bièvres et Jouy-en-Josas faisait partie de la Grande Ceinture ferroviaire de Paris construite de 1877 à 1885 utilisée pour le transport des voyageurs, du fret et également à vocation militaire. Ce chemin de fer pouvait acheminer les fraises à Paris. Notons que l’extension du rail a entraîné ultérieurement une spécialisation au niveau national des cultures et une raréfaction variétale. Ces variétés d’Île de France tombent en désuétude maintenant.
D’Agriculture, il sera question pendant ce Voyage Métropolitain pendant la traversée du Plateau de Saclay recouvert d’un limon éolien très fertile et actuellement cultivé principalement en grandes cultures de céréales. Il n’en a pas toujours été ainsi : une couche d’argile sous le limon, imperméable, retenait l’eau stagnante et un marécage occupait jusqu’au 17ème siècle le plateau. C’est le drainage en rigoles aboutissant à l’aqueduc de Buc qui a fait disparaître le marécage et transformé le paysage en un paysage de cultures. Encore une fois, le Voyage Métropolitain a invité un spécialiste : Roland Vidal, professeur à l’Ecole du Paysage de Versailles qui nous fait une petite conférence illustrée d’une carte du relief, et d’une coupe géologique. On comprend que le Bassin Parisien a relief plat est creusé par les cours d’eau de profondeur variable.
Le drainage au temps de Louis XIV répondait à un double but : pour la Cour, il contribuait à l’alimentation des bassins et jeux d’eau glorifiant le prestige du Roi-Soleil, il était aussi utile pour le Peuple en créant des terres à blé très productives. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas besoin d’irriguer les champs de Saclay même le maïs. Le roi a confié la culture à de très grands fermes de plusieurs centaines d’hectares. Le drainage mettait en œuvre des « rigoles », tuyauterie en poterie souterraine dont on a perdu la cartographie du réseau. Il arrive, quand on construit une route qu’on abime un de ces conduit souterrain et les champs, privés de drainage se retrouvent inondés.
Les eaux sont retenues dans deux étangs artificiels jumeaux séparés par une digue. L’un d’eux est une réserve ornithologique où nous avons admiré deux beaux hérons et de nombreuses bernaches. L’autre rassemble des eaux utilisées par les Centres d’Essai de l’Armement et le CEA ne sont peut-être pas de même qualité. Dans l’un d’eux, nous avons observé un curieux phénomène de poissons énormes tournant sur eux-mêmes en remuant la vase, leurs nageoires émergeant en un ballet infernal. Ce sont peut-être des carpes, certaines très grosses nageaient tranquillement près de la digue.

Un hangar rempli de bottes de paille nous a offert une confortable salle à manger odorante et fraîche pour notre pique-nique. Une animatrice de l’Association Terre&Cité est intervenue sur le thème de la préservation des terres agricoles sur le Plateau de Saclay menacé par l’urbanisation et la bétonisation des terres. Alors que la construction de lotissements mite toute l’Île de France, le Plateau de Saclay conserve encore 15 exploitations agricoles menacées. La préservation de cet espace agricole est une sorte de « cadeau » du CEA installé sur le Plateau au temps de De Gaulle du Centre d’Expérimentation de l’Armement (terrain militaire). Ces deux organismes ont fait peur aux riverains, effrayés par le Nucléaire (CEA) et par les nuisances sonores de l’Expérimentation des Armes. Personne n’avait envie de les avoir pour voisins….Cependant, l’installation de Grandes Ecoles dont HEC tout proche à Jouy-en-Josas, Polytechnique à Palaiseau, et du campus universitaire Paris-Sud à Orsay valorise la région. La pression foncière est donc redoutable ! Dès les années 2000, les agriculteurs se sont posé la question de leur existence en tant qu’agriculteurs et se sont regroupés pour demander un audit Patrimonial. A la suite de la concertation avec les différents acteurs locaux il a été créé une Zone de Protection Naturelle Agricole et Forestière avec la sanctuarisation de 2400 ha agricoles. Depuis 2015, l’Association Terre et Cités est aussi partie prenante d’un projet européen dans le Programme LEADER(Liaison Entre les Actions de Développement de l’Economie Rurale). Comme sur le Plateau de Saclay, de nombreux chercheurs (INRA, Université Paris-Sud, Polytechnique) sont partie prenante de recherche appliquée, de nombreux partenariat ont pu se mettre en place. De la part des agriculteurs, depuis les années 80 de nombreux efforts de diversification, de circuits courts, de vente directe, de passage à l’agriculture biologique, méthanisation…ont été entrepris. Le Plateau de Saclay se trouve comme une sorte de laboratoire d’une agriculture innovante, seule garante du maintien rural de ce territoire convoité. Des contacts ont été pris avec la Silicon Valley en Californie où la problématique est analogue.
Cette intervention est complémentaire de celle de ce matin. Mais le problème demeure entier tant que le rêve des habitants est de posséder un pavillon avec un jardin ! L’urbanisation sort même du cadre de l’Île de France.
Pause dans la Cueillette de la Ferme de Viltain où la diversification s’est étendue à l’élevage, à l’arboriculture(pour la cueillette) et l’horticulture (idem). Ce week-end de l’Ascension, se tient une sorte de marché fermier où des producteurs des régions de France vienne proposer vin, charcuterie, miel….à des acheteurs très nombreux.

Nous descendons dans la vallée de la Bièvre par un sentier ombragé. La descente nous paraît interminable. Renseignement pris, il y a 100 m de dénivelée entre le plateau culminant à 168 m et la vallée autour de 60 m. Et il faudra remonter pour rejoindre Versailles ! Le sentier suit le tracé du GR dans une belle forêt entre Jouy-en-Josas et Buc où nous passons sous les arcades de l’aqueduc de Buc (encore fonctionnel). Encore une petite montée dans la forêt et nous arrivons à la ligne de Chemin de fer et Versailles Chantiers.

Comme il y a quinze jours, on nous fait le meilleur accueil au Potager du Roi. Le debriefing se fait assis sur des bottes de paille. Décidément la paille est le dénominateur commun de la journée ! Nous concluons la rencontre sur une citation de Maspéro dans les Passagers du Roissy Express que je me promets de lire dès notre retour.
