Trois étages – le livre de Eshkol Nevo/ Tre Piani – le film de Nanni Moretti

UN LIVRE/UN FILM

LITTERATURE ISRAELIENNE

j’ai découvert Eshkol Nevo avec La Dernière Interview et je m’étais promis de lire Trois Etages. La sortie du film de Nanni Moretti, Tre Piani, a précipité cette lecture. J’aime beaucoup ce réalisateur mais je ne voulais pas voir le film avant d’avoir fini le livre. J’aime prendre mon temps, le temps du livre, pour découvrir une histoire, me faire mon propre cinéma, imaginer les décors, vivre trois jours à Tel Aviv avant de voir les images italiennes que Moretti aura imaginées. 

Trois étages, trois histoires, trois confessions. 

« Tu sais, j’ai du mal à parler de ces choses-là, mais j’ai pas la force, non plus, de me censurer, je vais tout te raconter simplement, et toi, tu vas me promettre de ne pas t’en servir pour un bouquin, »

Arnon – du Premier Etage –   a invité un ami écrivain pour se confier. Il a besoin de voir plus clair dans son comportement, devenu depuis quelques temps dysfonctionnel, et son couple en crise. Il a confié sa fille de sept ans à son voisin de palier atteint d’Alzheimer, et soupçonne que le vieil homme a abusé de la fillette. Aucune preuve tangible, mais une inquiétude, un remords, qui l’entraîne à devenir violent ce que sa femme ne supporte pas. Les catastrophes s’enchaînent…Arnon n’attend pas d’excuse ou de pardon de son ami qui n’intervient pas dans le récit. Il cherche à comprendre ce qui lui arrive. 

Au deuxième étage, Hani rédige une longue lettre à Neta, son amie d’enfance partie aux Etats Unis. Son mari la délaisse voyage à l’étranger pour son travail. Elle se retrouve mère au foyer tout juste bonne à conduire ses enfants à l’école et aux activités extra-scolaire, sans ambitions, sans contact avec des adultes. Frustrée, elle débloque, voit des chouettes perchées lui parler…Elle non plus n’attend pas de réponse de Neta, elle ressuscite les confidences entre amies du temps de leur adolescence.  

Au troisième étage, Deborah – juge d’instance retraitée, enregistre des cassettes sur le répondeur de Michaël, son mari décédé. Elle poursuit le dialogue jamais interrompu. Déborah vit mal sa solitude. A Tel Aviv, un mouvement social rappelant Les Indignés ou Occupy , Nuit Debout, ou la Place Tahrir regroupe des manifestations, les manifestants ont planté des tentes où se déroulent des forums.

« Après tout, combien de fois avons-nous regardé, brûlant d’envie, nos concitoyens s’assembler sur les places et
scander des slogans chers à notre cœur, alors que nous étions empêchés de les rejoindre, à cause de nos fonctions ? Mais aujourd’hui, avec la retraite, la porte de la cage s’est ouverte. Dans ces conditions, me suis-je demandé, pourquoi devrais-je rester derrière les barreaux ? »

Deborah décide de rejoindre le mouvement et de mettre au service des jeunes manifestants ses connaissances du Droit et son expérience juridique. A l’occasion, elle fait la connaissance d’un homme de son âge, veuf, qui l’entraîne dans un voyage dans le désert. Sur la route elle va raconter son histoire….

j’avais envie de toquer à la porte de chaque voisin, celle de Ruth, de Hani, des Katz, des Raziel, et de leur dire :
Réveillez-vous, citoyens de Bourgeville. Laissez là vos parties de poker et votre inquiétude excessive pour vos
enfants, et les infidélités minables que la vacuité de votre existence, et non le désir, favorise. Levez-vous de vos
fauteuils télé trop confortables

On se demande si ces histoires vont se rejoindre.

L’histoire de Hani m’a moins touchée que les deux autres, celle de Déborah m’a beaucoup plu.

Ce n’est pas un dilemme à imposer à une mère, Michaël. Car quel pacte est le plus important : entre une femme et son conjoint ou entre une mère et ses enfants ?

Histoires de paternité, de rapports père/fille, mère/fils…qui s’inscrivent dans l’espace réduit d’un immeuble de trois étages.

TRE PIANI – le film de Nanni Moretti

l’affiche du film

Ayant terminé, et aimé, le livre, je me suis précipitée au cinéma pour voir l’adaptation filmée. En général, le film qui a un format de 1h30 ou 2h, doit faire des choix dans le récit se focalise sur un aspect tandis que le livre prend son temps. Et le propos est souvent appauvri. 

Curieusement Nanni Moretti a puisé dans le livre l’idée générale, des dialogues entiers s’y retrouvent mais il a « complété » l’histoire. Le mari de la juge, apparait bien vivant dans les deux tiers du film et l’homme que rencontre la juge est à peine esquissé. 

En revanche, l’adaptation à l’Italie et Rome d’aujourd’hui est très réussie. Pas de forum gauchistes, à la place un vestiaire où Dora, la Juge, porte les vêtements de son mari décédé. Le personnage de la jeune mère délaissée est aussi plus fouillé que dans le livre.

En définitive, le film est un objet indépendant du livre,  il convient de les voir séparément et de ne pas les comparer!

Bon film, j’aurais dû attendre un peu!

Jaune Caravage – Gilda Piersanti _ Pocket

LE MOIS ITALIEN 2021

Je suis toujours fidèle au rendez-vous de Mai du Mois Italien que Martine anime avec enthousiasme. En revanche, j’ai fait quelques infidélités à nos policiers vedettes, Brunetti et Montalbano pour découvrir une nouvelle héroïne : Mariella De Luca, inspectrice principale romaine qui fait équipe avec sa collègue Silvia à la Questure de Rome. L’auteure, Gilda Piersanti,   née en Italie, vit à Paris et écrit en français. 

Jaune Caravage fait partie d’une série Les saisons meurtrières que je découvre à l’occasion. Peut être eût-il été judicieux de commencer par les premiers, qui ont aussi un titre coloré : Rouge abattoir, Vert Palatino et Bleu Catacombes. Les allusions aux épisodes précédents n’entravent pas la compréhension. J’ai été attirée par la couverture avec une belle photo du Tibre. 

254 pages qui se tournent toutes seules pour une enquête bien embrouillée avec des rebondissements et une chute déconcertante (dont je ne vous dirai rien). Lecture distrayante avec ce qu’il faut de meurtres, de sexe et de drogue en filigrane. Passions adolescentes. Amitiés de lycée. Rêves de photos de mode et de gloire.

Et le Caravage dans tout cela? vous le trouverez à S. Luigi dei Francesi :

« Eva l’avait sortie de l’ombre comme le Christ de Caravage sort Mathieu de son tripot obscur et l’inonde de lumière jaune. Jaune Caravage. »

et à la Villa Borghese .

L’intrigue se déroule d’abord vers la Via Ostiense près du Gazomètre, un peu à l’écart de la Rome pour touristes. Si c’est la Rome touristique que vous connaissez,  vous retrouverez les bords du Tibre et le Castel  Sant Angelo et le pont qui y conduit. Vous imaginerez les traversées de Rome sur la Vespa rouge d’Eva…

Pour l’ambiance :  des vers, des chansons, des poèmes et même des évocations artistiques plus sophistiquées, musique et peinture. Comme les pages se tournent vite, c’est bien amené, pas prétentieux.

 

 

Une journée dans la Rome Antique. Sur les pas d’un Romain – Alberto Angela

1LIRE POUR ROME

Comment on lave le linge au temps des Romains ? C’est simple, on l’apporte à la fullonica : la foulerie,
l’équivalent de notre blanchisserie. Les vêtements vont y subir divers traitements qui nous obligeraient à nous
pincer le nez. Les tuniques, les toges, les draps et le reste finissent en effet dans des bassins emplis d’eau
additionnée d’une substance alcaline comme la soude, l’argile smectique (encore appelée « terre à foulon ») ou,
tenez-vous bien, l’urine humaine ! Aux coins des rues, en particulier près des fouleries,

Après le foulage, on procède au rinçage puis au battage, et l’on traite le linge avec des apprêts pour lui redonner
du lustre et de la tenue. Ensuite, on l’essore et on l’étend dans la cour, voire dans la rue, et pour finir on le
défroisse sous de grandes presses à vis.

A emporter pour un prochain voyage à Rome ou même pour n’importe quel site antique romain! 

A notre dernier passage à Rome, j’avais pris pour guide Dominique Fernandez et le Piéton de Rome et j’avais suivi ses pas  sur le forum, la Via Appia, au Château Saint Ange, puis sur les traces de Michel-Ange, du Caravage et du Bernin dans , les églises, les fontaines et les rues. Dix jours n’avaient pas suffi. 

Alberto Angela propose une démarche différente :

 Un jour, un mardi de l’an 115 après J.C. sous le règne de Trajan. Rome est à l’apogée de sa puissance et peut-être de sa beauté

C’est donc au rythme de la clepsydre que vous serez initiés au quotidien de la Rome antique.

Heure par heure, dès le lever du jour, le lecteur voit la ville s’éveiller . Il  rencontre des Romains: un dominus dans sa villa cossue se lève, s’habille, fait sa toilette aidé de ses esclaves. Puis nous pénétrons dans les insulae – immeubles collectifs – visitons des appartements. Nous nous laissons porter par la foule  des rues, atmosphère d’une ville indienne. L’école se fait en plein air. Nos pas nous porteront aux forums, nous assisterons à un procès dans la basilique Julia, à une exécution au Colisée, puis des combats de gladiateurs. Déjeuner dans une popina, un restaurant de rue. Bien sûr nous irons aux thermes! Banquet dans une villa avec un menu fastueux….

Avec de courts chapitres, d’une écriture agréable, d’un style vivant presque cinématographique, l’auteur aborde des sujets variés : habillement, menus et recettes élaborées inspirées par le plus grand des chefs Apicius. Il resitue les activités commerciales dans le cadre de l’Empire Romain.  Il n’oublie pas la sexualité. Aucune invention, les descriptions sont documentées à partir textes anciens, graffitis, mosaïques. Alberto Angela cite ses sources avec précision.

j’ai passé un très agréable moment de lecture et me promets de relire ce livre à de prochaines visites archéologiques

 

 

Elsa mon amour – Simonetta Greggio

LE MOIS ITALIEN/IL VIAGGIO

« Toutes mes clés sont dans mes romans. Que celui ou celle, qui tentera de raconter mon histoire le sache, hors de mes pages, mon existence n’est que commérage. Quelques détails, quelques goûts, quelques inflexions. Aborder l’histoire d’autrui n’est acceptable que dans la désinvolture oublieuse et amicale d’une partie de carte avec un inconnu » 

Les lectures communes permettent de s’échapper de la routine et d’aller vers des livres auxquels je n’aurais pas pensé.

Si je connais de nom Elsa Morante, je n’ai rien lu d’elle. Cette biographie me sert donc d’introduction et je me promets de lire au moins la Storia très prochainement. Cette biographie est-elle désinvolte, amicale ou commérage?

Elsa Morante et Moravia à Capri

De nombreux personnages, écrivains ou cinéastes,  apparaissent dans ce roman. Parfois furtivement, parfois ils ont droit à tout un chapitre et même plusieurs. Moravia, son mari est plutôt décrit comme compagnon d’écriture et de travail que comme amant ou mari. A la fin :  longue citation du Mépris, tel que Godard l’a filmé. Portrait vachard comme celui de Malaparte sous un jour peu flatteur.  Personnages mondains comme les  Agnelli, Virginia et Eduardo du temps du fascisme – personnages influents dans l’Italie d’alors. Avec beaucoup plus de tendresse : Anna Magnani,  Pasolini qui traverse le roman à nombreuses reprises. Très belle évocation de Leonor Fini. Plus équivoque, le personnage de Visconti avec qui Elsa a entretenu une relation plutôt univoque. Fellini, Pavese…combien d’autres? Toute une période de la vie intellectuelle italienne. Un peu « people » quand même. L’auteure a-t-elle évité l’écueil du commérage?

Histoire d’amour avec sa ville de Rome  où j’ai eu plaisir à y retourner :

« Je me suis souvenue à quel point ma ville est un Caravage, chiaroscuro, un miracle secret. Une intimité effarouchée, un baiser volé. Une ville habitée par des bêtes monstrueuses, mi-chevaux, mi-dauphins, animaux mythiques chers à mon âme. Je suis moi-même l’un des monstres sacrés de Piazza Navona….. »

Rome, bien plus que l’Italie, est ma patrie »

On peut aussi faire une lecture historique, s’intéresser au rapport entre les intellectuels et les puissants au fascisme, s’intéresser à la façon dont deux écrivains juifs (à moitié mais les Allemands ne faisaient pas dans la nuance) ont traversé la période de la guerre.

Bizarre! je me suis plus attachée aux comparses qu’à Elsa elle-même. Peut être parce que ces amis faisaient partie de sa personnalité?

elle écrit aussi

« Pourquoi croit-on que les écrivains écrivent, si ce n’est pour prêter leur voix à ceux qui n’en ont pas – qui n’en n’ont plus? »

Comme si l’évocation de ses amis étaient l’essentiel de sa vie? Il faut vraiment que je lise dans le texte!

 

 

Suburra – Carlo Bonini & Giancarlo De Cataldo

LIRE POUR L’ITALIE/ROMAN NOIR

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J’avais lu avec grand intérêt Rome Brûle (Suburra2) (2016) . J’avais regretté de lire la série à l’envers, j’ai donc acheté Suburra (2013) pour combler cette lacune. Et m’apercevoir ensuite que la série est beaucoup plus longue avec eux autres romans :  Romanzo criminale (2006) et Je suis le Libanais (2014). Ceci pour remettre de l’ordre au cas où les amateurs de romans policiers voudraient tout lire. Attention, ces livres sont des pavés et très violents! Je frôle l’overdose de règlements de comptes, vengeances, et coups tordus, je vais laisser reposer et je reprendrais ces ouvrages un peu plus tard.

Court prologue 1993, la suite se déroule à la fin de l’ère berlusconienne (2011), il y a même une scène somptueuse de la retransmission de la démission de Berlusconi (12 novembre 2011) traité de « mafieux » et de « bouffon » par la foule, dans une réunion mondaine de politiciens….mais le Premier Ministre n’est pas en cause dans ce roman. En revanche, la corruption dans Rome est le sujet de l’intrigue. Corruption, cocaine, prostitution et affairisme sont les ressorts de l’action qui mêle allègrement la pègre et le personnel politique, ainsi que certains fonctionnaires et même dignitaires ecclésiastiques.

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Plusieurs familles se partagent les affaires, « ceux de la Romanina » les Gitans, « Ceux d’Ostie », des Calabrais, des Napolitains, et même une filière géorgienne. Nous assistons le long des 515 pages à la guerre des clans pour les territoires, le  trafic de la cocaïne, et simplement pour les luttes de pouvoir. Le Samouraï, la personnalité la plus marquante, un bandit très classieux règne. Il faudra donc assister à de fastidieuses et interminables exécutions. Tout aussi répétitives, les préparations des innombrables rails de cocaïne et descriptions des effets de la-dite substance. Vulgarité du sexe tarifé…. J’ai trouvé  des longueurs.

Ce bémol  – violence et sexe sont des composantes obligées de la littérature du genre – ne retire rien à l’intérêt de l’analyse du fonctionnement des mafias. L’un des auteurs est journaliste, l’autre magistrat, leur récit est donc tout à fait crédible (malheureusement). Le contexte politique est aussi essentiel. Evidemment la promenade dans Rome est plaisante. J’avais été très scotchée par cet aspect dans Rome brûle presque un témoignage. Le thème principal : la spéculation immobilière est aussi très intéressant.

J’avais été un peu perdue dans la foule des personnages de Rome Brûle, ils sont aussi nombreux dans Suburra, heureusement certains se retrouvent dans les deux romans. la psychologie des personnages est très fouillée : certains ne sont que des voyous primaires et brutaux mais d’autres ont des personnalités plus complexes et plus consistants. Le samouraï est particulièrement intéressant, alors que dans l’opus suivant, incarcéré, il tire les ficelles sans vraiment apparaître.

Une série passionnante (mais à consommer avec modération).

Rome brûle – C. Bonini -G.de Cataldo

LIRE POUR L’ITALIE

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Roman noir!

Prologue : Rome brûle comme au temps de Néron?

C’est  un livre d’actualité. Il se déroule du 12 mars 2015 au 23 mai.

Politique fiction? En effet, c’est presque une enquête journalistique  même si le nom du maire de Rome et de certains acteurs ont été modifiés. Ignazio Marino maire de 2013 à 2015, est sorti indemne du scandale de la Mafia Capitale (lire ICI l’article du courrier International) mais tombe quelques mois plus tard dans le scandale du dinergate à deux mois de l’inauguration de l’Année Sainte proclamée par le Pape François (les auteurs l’ont présenté en vedette américaine). La victoire du Mouvement cinq étoiles (20/06/2016) est prévisible, quoique absente du livre puisque il se déroule l’année précédente.

Et même si le roman n’avait rien à voir avec la réalité ce serait un excellent roman dénonçant la corruption et la mafia, montrant comment les chantiers (principalement celui du métro) sont gangrenés par cette corruption. Comment les fascistes infiltrent les syndicats de la ville.

Et même si les auteurs avaient fait une pure fiction, ce serait un excellent roman(bis) avec un humour décapant(twitter pendant la messe à Saint Pierre) ou but religieux du tracé de la Ligne C du métro : du Vatican à saint Jean de Latran pour l’Année sainte (mais nous l’avons expérimenté le métro n’a pas été terminé. Si les religieux ne sont pas épargnés, les communistes non plus! On rappelle la dérive du PCI vers le PD avec toutes les étapes, sur le mode ironique.

Moins drôles mais toujours très noirs, les groupuscules fascistes, dont la bêtise et l’ignorance peut être exploitée  à tout et n’importe quoi…..

Un bémol vient du nombre des personnages que j’ai confondus pendant le quart du livre, difficile pour moi de les différencier, mais c’est un peu ma faute. Rome Brûle fait suite à Suburra que j’aurais dû lire avant. Et les Italiens ont dû retrouver dans ce roman à clé des personnages sans se perdre comme moi.

 

 

 

 

 

 

http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2014/12/09/mafia-capitale-l-enorme-scandale-qui-secoue-l-italie

Le Ciel de la Chapelle Sixtine – Leon Morell

LIRE POUR ROME

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1508 – 1512 , Michel Ange a peint le plafond de la chapelle Sixtine en 4 ans.

L’histoire est racontée par Aurelio, un jeune paysan de Forli, ébloui, enfant par l’Ange de Bologne de Michel-Ange.  Il vient à Rome apprendre la sculpture auprès du maestro. Ce procédé met en scène un peintre célèbre du point de vue d’un apprenti, rappelle Les doutes de Salaï de Rita Monaldi racontant le séjour de Léonard de Vinci à Rome. Ce n’est pas le premier roman illustrant la vie de Michel- Ange que je lis : Parle leur de batailles de rois et d’éléphants de Mathias Enard et Pietra Viva de Leonor de Recondo  tous les deux très littéraires m’avaient plongé dans l’univers de Michel-Ange.

Moins littéraire, mais plus historique, Le Ciel de la Chapelle Sixtine replace l’oeuvre dans le contexte  des luttes du Pape terrible, Jules II, contre Venise, d’abord puis contre les Français qui guerroient en Emilie-Romagne. Il donne une description pittoresque de Rome où, selon les paroles de Michel-Ange à son frère venu chercher une sinécure, il n’y a que des prêtres, des pèlerins et des courtisanes.

« Derrière les murs du Vatican régnait une guerre entre les artistes dans laquelle aucun des combattants ne connaissait les armes de son concurrent… »

Intrigues de Bramante et de Raphaël auprès de Jules II pendant la construction de Saint Pierre. Michel-Ange, sculpteur et non fresquiste, est mis au défit de peindre ce plafond si difficile…chacun attend qu’il trébuche….

« Bramante et Jules étaient possédés par la même folie des grandeurs. Jules volait donner à la ville une dimension divine. »

Michel-ange avait quitté florence pour sculpter dans du marbre le amusée de Jules mais

« Bramante persuada Jules que  cela lui porterait malheur de construire un mausolée de son vivant. Ce fut la fin du projet. Michel-Ange avait perdu son emploi. »

C’est avec grand plaisir que j’ai fait des promenades entre le Château Saint Ange, le Trastevere et le Pont Sisto, la villa Chigi (Farnesina)où visités il y a quelques semaines, entre le Corso et la Via Giulia…

C’est aussi avec grand intérêt que j’ai suivi les travaux des fresquistes de la bottega, le giornate, journées de travail, la préparation des enduits, les préparatifs sur cartons perforés, les couleurs, l’épisode des moisissures qui attaquèrent les premières scènes….

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Aurelio n’apprendra pas la sculpture. Plutôt modèle qu’apprenti, c’est lui qui inspire Adam de la Création de l’homme. Parce que ce roman historique est aussi un roman d’amour. Michel-Ange aime Aurelio, qui aime Aphrodite, la courtisane cachée du pape, qui,elle aime Michel-Ange et lui commande la sculpture qui la rendra éternelle dans le marbre… mais ces amours sont contrariés. Celui qui prononce le nom d’Aphrodite en ville, a sa langue coupée…De son côté, Michel-Ange qui se peint en Jérémie « c’est notre sort de supporter la souffrance » va chercher uniquement sa jouissance dans son art.

Quand je retournerai à Rome pour revoir la Chapelle Sixtine, il faudra que je relise ce livre pour comprendre la signification de chacune des scènes, des personnages, prophètes, sybilles ou ignudi…

 

 

 

 

Peintre des Ruines, mais pas seulement Hubert Robert au Louvre

PARIS EN EXPO

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le port de Rome

exposition temporaire du 9 mars 2016 – au 30 mai renseignements pratiques : (ICI)

Hubert Robert arrive à Rome en 1754, il y restera 10 ans et sa peinture restera marquée par ce séjour.

L’exposition du Louvre commence par ces années romaines et par une série de dessins à la sanguine éblouissants. On se promène dans Rome, Tivoli ou au Vatican. L’étude des monument est précise, étude de l »architecture et aussi de la vie quotidienne. Jamais, il ne néglige le détail qui donnera vie à l’étude de l’antique : le chien endormi dans le coin droit des Dessinateurs du Palatin, ou à droite, ailleurs…. je me suis amusée à chercher les chiens. On étend le linge dans les ruines ou les villas (villa Madama) Dans l’atelier des restaurateurs d’antiquité un amoureux apporte un bouquet à une servante.

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Villa Madama

Etudes de dessins sanguines, parfois lavis et aquarelle prépareront de charmants tableaux dans les teintes chaudes de la pierre, les tons plus pastels d’une campagne romaine imaginaire…

Quand le peintre rentre à Paris, il continue à peindre des ruines antiques. C’est la mode. Il expose un curieux Port de Rome où les bateaux sont à qui devant le Panthéon. Des vomitoires du Colisée on voit la statue équestre de Marc Aurèle….Hubert Robert prend des libertés avec la topographie et livre des compositions rassemblant tout ce qu’on voudrait voir à Rome. Les cascades coulent à flot à Tivoli et même dans un bassin de la Villa Giulia!

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A mesure qu’on avance dans l’exposition et dans la chronologie, les tableaux deviennent de plus en plus grands, colorés et fantastiques. Que dire de cet incendie de Rome? On voudrait y placer Néron mais les personnages sont vêtus comme ses contemporains du 18ème siècle! Hubert robert réinvente Rome, mais pas seulement l’Egypte aussi, des danseuses font une ronde autour de l’obélisque détruit devant un arrière plan de pyramides, le sphinx lui même est fendu, allusions aux conquêtes napoléoniennes(?)

l'incendie de l'opéra (chercher les pompiers avec leurs lances)
l’incendie de l’opéra (chercher les pompiers avec leurs lances)

En plus de cette antiquité rêvé des anticomanes qui lui passent commande, il peint aussi Paris toujours avec son goût des ruines : l’incendie de l’opéra le lendemain, quand les pompiers arrosent encore les braises et que on transporte un blessé sur sa civière est presque un reportage de fait divers. Et cette Bastille qu’on a pris la veille et qu’on commence à démolir? Il peint aussi la démolition des maisons encombrant les ponts de Paris et comme il aime toujours la lessive, il place au premier plan des bateaux-lavoirs d’une précision méticuleuse….

Dans la veine du reporter, ses dessins et peintures effectuées en prison quand la Révolution l’y enferma..

Robert comme concepteur de jardins, on aimerait voir ce qui reste de Méréville.

Dernier volet de l’exposition, Hubert Robert comme conservateur de musée quand le Louvre devient le Louvre.

 

 

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Trastevere et Janicule

CARNET ROMAIN

fontaine Paola
fontaine Paola

Le microbus 125(fréquence toutes les 30 minutes) s’arrête non loin  de la Farnesina et fait un circuit dans le Trastevère, se faufile entre les tables des restaurants de la Via della Scala, débouche sur le Lungotevere coupe le gros Viale Trastevere pour abordeder des quartiers moins touristiques et moins clinquants, port et industrie. Au retour, il frôle le Janicule. Des dames avec leur cabas du marché nous expliquent où descendre pour emprunter un autre microbus, le 115 qui monte à la promenade du Janicule.

Trouver d’abord un restaurant agréable pour notre dernier jour à Rome.  Premier essai devant l’Eglise della Scala, une table au soleil, mais c’est un fast-food, on peut composer à sa guise sn sandwich ou sa salade. Nous aimerions un peu de gastronomie romaine. On dit que dans le Trastevere on cuisine bien les abats…Après avoir étudié le menu, nous prenons la fuite. Deuxième essai, un peu plus loin. Des tables plus chic. A la carte pas de secundi, seulement des hamburgers. Les primi ont l’air appétissants. J’hésite entre une Salade Fellini, une salade Pasolini ou Antonioni, je change d’avis pur des tonnarelli à la sauce tomate-basilic.

La serveuse est sympathique et énergique. Google-maps donne les horaires du microbus 115 (ce serait beaucoup plus court d’y monter à pied !)

DSCN5933 - Copie
église della Scala modeste de l’extérieure toute dorée de l’intérieur

Avant le repas je visite les deux églises de la rue Della Scala : la première della Scala modeste à l’extérieur luxueusement parée de marbres colorés de lustres dorés, les tableaux sont mal éclairés.

Santa Maria in Trastevere est très ancienne, elle a gardé sa façade brune et ses mosaïques. Dans le narthex, on a incorporé des marbres antiques, certains sont gravés de symboles paléochrétiens. La crèche de Noël est sympathique : à côté de la Nativité on voit un repas villageois sous un auvent de paille, sauf que les invités sont pour la plupart africains, une crèche pour les migrants ? A l’intérieur de très belles mosaïques.

DSCN5936 - CopieNous attendons les 115 devant une belle fontaine. Un SDF très propre sur lui, look randonneur fait sa lessive lave chaussettes et slip, rince, essore et les étend sur un banc au soleil.

 

 

 

 

 

 

Le 115 grimpe par des épingles à cheveux et passe devant la Fontaine Paola que j’avais ratée en montant à pied au Janicule et un monument moderne de l’Unité Italienne. Il semble que toute la colline soit une commémoration des combats de Garibaldi en 1949. Nous descendons du bus sur la terrasse devant la statue équestre de Garibaldi ? Ce genre de monument n’est vraiment pas ma tasse de thé, j’y avais jeté un coup d’œil distrait. J’ai lu qu’Anita Garibaldi y était représentée. Le personnage m’intéresse, ce n’est pas l’épouse du héros mais une combattante à qui Garibaldi rend hommage à chaque action.

Je parcours la passeggiata jusqu’au Chêne du Tasse, bien mort amis soutenu par un pilier en brique. Je passe devant le Phare offert par les Italiens d’Argentine, incongru, nous sommes loin du rivage !

Au retour le 115 ne marque pas l’arrêt à la fontaine et nous nous retrouvons sur le Viale Trastevere ce qui est plus pratique parce que le tramway 8 se succède à bonne fréquence.

San Francesco in Ripa :

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Je m’étais promise d’aller admirer la Bienheureuse Ludovica du Bernin allongée sr l’autel en extase. Volupté céleste ou amoureuse ? Le marbre rouge se déploie en plis élégants et compliqués. Un autel ?

Passant devant Santa Maria in Trastevere, j’entre au hasard. Bonne pioche ! le chœur est éclairé et je peux admirer les mosaïques.

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Dernières pizzas pour diner chez Boccaccia , je choisis un assortiment à taglio, radiccio et coppa, artichaut-mozzarella ,.

Nous regretterons notre quartier si vivant et coloré décorée par le linge qui sèche d’une fenêtre à l’autre, moins l’appartement avec sa cuisine à la cave.

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La Couleur du soleil – Andrea Camilleri

CARNET ROMAIN

Saint Mathieu à San Luigi dei Francesi
Saint Mathieu à San Luigi dei Francesi

Itinéraire Caravage

Comme souvent, en Italie, j’ai pris Dominique Fernandez pour guide avec le Piéton de Rome qui avait tracé un  itinéraire Caravage de S Luigi dei Francesi à la Galleria Borghèse et au Musée du Capitole et enfin au Palais Corsini le temps nous a manqué pour voir tous les le chef d’œuvres du maître, au Vatican ou au Palais Barberini. Cependant ma curiosité a été aiguisée. Je voulais en savoir plus sur le Caravage. Je serais bien inspirée de relire la biographie romancée de Fernandez la course à l’abime.

Caravage autoportrait à la Galerie Brghèse
Caravage autoportrait à la Galerie Brghèse

Camilleri

Je viens de terminer la Révolution de la Lune , roman historique relatant un épisode de l’histoire sicilienne, où la veuve du vice-roi règne pendant 28 jours. Roman historique sur le mode burlesque qui m’a fait beaucoup rire. Je suis aussi fan de Montalbano. Camilleri, c’est beaucoup plus que l’auteur de Montalbano. Ce court roman, presque une nouvelle, est une commande à l’occasion d’une exposition Caravage en 2006 à Düsseldorf.

 

la couleur du soleil

Saint Jérôme (galerie Borghèse)
Saint Jérôme (galerie Borghèse)

Par des circonstances aussi rocambolesques que mafieuses (on est en Sicile) Camilleri entre en possession de fragments du journal du Caravage et nous  livre  ceux qui concernent son séjour à Malte, son évasion et son passage en Sicile où il est recueilli par des amateurs de sa peinture qui le protègent pour qu’il peigne à Messine et à Palerme.

Le soleil est noir pour le peintre. Son goût du clair-obscur et les atmosphères sombres dans lesquels évoluent ses personnages ne seraient pas exactement un choix artistique mais plutôt une altération de la vision.

Les scènes violentes qu’il a peint correspondraient aussi à cette vie violente. Le Caravage, protégé des puissants comme Scipion Borghèse, qui admirent sa peinture est plutôt mauvais garçon, il a la lame facile et rapide et ses fréquentations sont peu recommandables….cela, je le savais déjà. Plus étonnantes sont ces hallucinations, ces rêves sanglants, ces draperies qu’ils voulaient blanches qui virent au rouge-sang….

Hallucinatoire ou réaliste, ce roman est original. Cependant, je préfère la tragi-comédie de ses autres romans historiques que j’ai lus, à ce roman très noir.