Des Lendemains qui chantent – Alexia Stresi

PRINTEMPS DES ARTISTES

D’Alexia Stresi, j‘avais bien aimé Looping, l’histoire  extraordinaire, presque un conte, de la petite paysanne qui devient grande dame. Surtout la visite dans les arcanes de la politique italienne du fascisme à la Démocratie chrétienne.  Récemment, j’ai entendu Alexia Stresi   sur un podcast de Musique émoi qui m’a donné envie de lire son roman . Le challenge Le Printemps des Artistes m’a fait sortir les Lendemains qui chantent de ma PAL. 

Lecture agréable : la vie d’un ténor Elio Leone, enfant abandonné, doué d’une voix extraordinaire qui a eu la chance de trouver les bonnes personnes, le directeur d’un orphelinat, un curé mélomane, et une professeur de rôles éminente qui a accompagné ses débuts à l’Opéra. Débuts fulgurants, Elio Leone est le ténor du siècle! Entre Caruso et Pavarotti. mais survient la guerre, Leone est prisonnier en Allemagne, à la Libération les soviétiques envoient les Italiens en Sibérie. A son retour à Paris, Elio a tout perdu, sa femme, son enfant, la professeur de rôle a été fusillée et le ténor se tait….il aura de nombreuses aventures mais il vous faudra lire le livre pour les découvrir.

Quand j’ai relu ce que j’avais écrit pour Looping : « une histoire extraordinaire, presque un conte.... » j’ai été surprise, je pourrais reprendre en copié/collé la critique pour Des Lendemains qui chantent. Je n’ai pas été convaincue, trop d’invraisemblances dans cette histoire romanesque, pas assez d’épaisseur dans le personnage principal. En revanche, je me suis intéressée au professeur de rôle j’ignorais cette profession. 

J’ai   aimé toutes les allusions à l’œuvre de Verdi – bande sonore de cette lecture qui s’ouvre avec Rigoletto, fait chanter les pêcheurs d’une île napolitaine avec le chœur de Nabucco… 

 

Martin Eden , un film de Pietro Marcello (DVD)

CHALLENGE JACK LONDON

J’ai raté le film de Pietro Marcello, en salle à cause du confinement et il ne s’est libéré à la Médiathèque que récemment. J’étais très impatiente de visionner cette adaptation napolitaine du roman de Jack London qui m’avait beaucoup intéressée. C’est un peu dommage de le découvrir sur le petit écran,  depuis la pandémie, on se contente de moins. 

Il y a quelques années, deux blogs amis de Claudiaducia et Wens publiaient une rubrique « un livre, un film » que je lisais avec curiosité. Ils seraient plus qualifiés que moi pour cet article.  J’ai parfois du mal avec les adaptations.  Quand je viens de terminer un livre, je me suis fait une image mentale des héros ;  découvrir les traits de tel ou tel acteur me perturbe. Le réalisateur peut accorder une moindre importance à des scènes qui me paraissaient capitales. Faire tenir une œuvre de 600 pages en 1h30 ou 2h de film nécessite d’opérer des coupures. 

Un film  fidèle qui colle exactement au livre risque de l’affadir. L’idée de dépayser l’action, de la situer à Naples m’a séduite. J’aime cette ville, ses rues populeuses cadrent bien avec l’esprit du livre. Luca Marinelli est un Martin Eden convaincant, aussi bien en marin mal dégrossi qu’en apprenti écrivain, vers la fin,  décadent, il est moins séduisant mais bien dans l’esprit du personnage. Elena-Jessica Cressy m’a semblé plutôt falote, il lui manque l’éclat de la  Ruth du roman. Les étapes de l’apprentissage de Martin suivent la progression du livre. En revanche, avec le dépaysement de l’action, j’aurais aimé plus de couleur locale dans les luttes politiques.

Si le déplacement géographique ne m’a pas gênée, au contraire, le déplacement temporel  dans une modernité  floue m’a perturbée. La famille de sa sœur et son beau-frère est installée devant la télévision, années 70? 80? Des images bleues ou sépia montrent un magnifique trois-mâts d’un autre siècle.

London, au tout début du 20ème siècle découvre la philosophie avec Darwin, Nietzsche et Spencer, dans le film il ne reste que l’illustre Spencer, peut-être Marx et Gramsci auraient été plus couleur locale?

Une soirée agréable mais pas le grand film que j’espérais!

 

Pompéi au Grand Palais

EXPOSITION IMMERSIVE

L’éruption du Vésuve comme si vous y étiez

Depuis des mois, j’attendais cette exposition retardée pour cause de Confinement. Passionnée d’archéologie romaine et d’Italie, je m’étais promis de la voir dès l’ouverture. Et je n’étais pas la seule! j’ai eu du mal à réserver un créneau horaire sur Internet, ceux qui me convenaient étaient complets! Nous avons visité Pompéi il y a 24 ans et je brûlais de découvrir les découvertes  des fouilles récentes….

Des vidéos passionnantes retraçant l’éruption de 79 sont passées à la télévision Science Grand Format sur France 5 ainsi que sur Art. J’ai eu le loisir de les visionner en Replay pendant le confinement. De plus, le site du Grand Palais propose d’autres vidéos afin de préparer la visite.

Jeudi dernier je n’étais pas seule à faire la queue, masquée devant l’escalier et bien que mon horaire était de 16 h, j’ai dû patienter debout 45 minutes.

Visite immersive! Réalité Virtuelle!  Réalité augmentée!

Autant de technologies pour transporter le visiteur 2000 ans en arrière dans les maisons de taille réelle, telles qu’elles étaient la veille de leur destruction. Se promener, non pas dans un champ de ruine (et de fouilles archéologiques) mais dans une rue romaine. Entrer dans la Villa du jardin, découvrir en même temps que les archéologues la mosaïque de la Maison d’Orion et les chimères…voir la splendeur des fresques projetées, plus vraies que nature…..Etre surprise par le début de l’éruption, voir le panache grandir, sentir pleuvoir les ponces et lapilli…

Exposition spectaculaire! 

Certes, pourtant avec moi, bon public en général, cela n’a pas vraiment fonctionné. On a tout reconstruit, virtuellement, pour que je découvre la réalité et tout ce que je cherchais, c’était la réalité des pains carbonisés, les tesselles qui traînent encore sur le sol, les poteries cassées, les traces des gonds dans les entrées. Tous ces restes brûlés, usés, méconnaissables que mon imagination projette dans une cuisine, un atrium, un jardin.

Le virtuel tue la poésie des ruines, empêche le jeu de puzzle, écrase la démarche de celle qui se prend pour un archéologue et qui imagine à partir d’un détail la réalité manquante. Un site bien ruiné où il ne reste que quelques dalles du Cardo ou du décumanus, un égoût ou les céramiques des thermes, envahi de mauvaises herbes et de fleurs, me parle plus que toute réalité augmentée.

 

Certes, j’ai aimé me promener virtuellement dans les ruines des Cités millénaires à Palmyre, Mossoul, Alep ou Leptis Magna. la réalité virtuelle m’est apparue comme un sauvetage de ce qui n’existera peut être plus jamais du fait des destructions des guerres totales, des bombardements. Si jamais le tourisme revenait en Syrie, en Libye, en Irak que restera-t-il à visiter. Que reste-t-il des Bouddhas de Bâmiyân? Les reconstitutions virtuelles se justifient alors.  

Malgé ces réserves, tout le travail autour de l’Exposition du Grand Palais est exceptionnel. Ne vous privez surtout pas de la visite. Et Surtout regardez chez vous au calme les nombreuses vidéos sans être dérangé vous pourrez les visionner plusieurs fois, les étudier, vous en imprégner!

Luca Giordano – (1634 – 1705) Le triomphe de la peinture napolitaine au Petit Palais

Exposition temporaire au Petit Palais jusqu’au 23 février 2020 au Petit Palais

Luca Giordano : autoportrait

A l’entrée,  une série d’autoportraits nous permet de faire connaissance avec le peintre de sa jeunesse à l’âge mur.

Les expérimentations d’un jeune artiste

Dans cette première salle, nous assistons à l’apprentissage de l’artiste, « Luca-fa-presto »  étudie les maîtres imitant Titien, Reni ou Rubens…. si bien qu’on l’a accusé de faussaire.

Le Christ devant Pilate

Dans le Christ devant Pilate, il a combiné deux estampes de Dürer pour composer un tableau personnel.

La Vierge, l’Enfant avec Saint Jean Baptiste

La Vierge, l’Enfant avec Saint Jean Baptiste renvoie à la Vierge de Lorette de Raphaël montrant un artiste qui maîtrise l’art du pastiche.

La définition du Mythe Giordano dans les églises de Naples

Six très grands formats dans une salle tendue de violet avec des arcades tentent de rendre aux retables et grands tableaux d’église leur décor d’origine.

Je n’aime pas forcément tous ces chefs d’oeuvres de la Contre-Réforme comme La Madone du Rosaire où figurent Sainte Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne et Saint Dominique.

Saint Michel Archange chassant les Anges Rebelles

En revanche les deux grandes toiles héroïques : Saint Michel archange chassant les anges rebelles m’a frappée : peinture sculpturale sans aucune condescendance ou mièvrerie.

Saint Antoine donnant l’Aumône

L’héritage de Ribera

Le bon samaritain (1660)

est présenté dans une grande salle très sombre tendue de brun. On y fait dialoguer les tableaux et les peintres Ribera et Giordano, mais aussi Preti et Giordano, Caracciolo et Giordano, Caracciolo introduisant l’influence directe du Caravage dans des tableaux sombres, dramatiques au contre-jour à l’éclairage violent.

Le Bon Samaritain fut même attribué jusqu’au XXème siècle à Ribera.

Le martyr de Pierre

Au centre le Martyr de Pierre de Preti est accompagné de deux toiles de Giordano avec la même ambiance caravagesque, j’ai préféré le Preti, plus riche. Leur faisant face, sur la cimaise opposée : Apollon et Marsyas peints par Ribera (1637) et Giordano (1660). La composition rappelle le Martyr de Pierre, le Ribera est moins sombre, son Apollon plus gracieux, tandis que le Giordano est plus sombre, plus violent encore.

Ribera : Apollon et Marsyas

j’ai apprécié le dialogue des Saint Sébastien : Ribera (1651), Preti (1657) Giordano (1660) dans une salle tendue de rouge (et c’est encore le Preti que j’ai préféré).

Luca Giordano entre cynisme et stoïcisme est le titre de la section suivante : une collection de portraits de philosophes ainsi que deux tableaux de la Mort de Caton et Mort de Sénèque.

Le triomphe de la mort : Giordano et le spectacle de la Peste. La peste de Naples 1656 décima la population. Giordano montre l’intervention de Saint Gennaro. C’est encore l’occasion de la confrontation de Preti et de Giordano. 

Vient ensuite une série de dessins sur des sujets mythologiques ou bibliques qui montre la virtuosité de Giordano comme dessinateur.

Le baroque local

 

Cette fois-ci, Giordano est présenté à Pierre de Cortone, tous les deux invoquant la figure de Saint Alexis avec des teintes plus claires (fond jaune) et apparition de putti bien baroques.

Giordano n’a pas peint que des sujets religieux toute une salle présente des sujets mythologiques avec des héroïnes alanguies comme Ariane abandonnée, Diane et Endymion, le Retour de Persephone, Polyphème et Galatée

En 1694, départ pour l’Espagne où il a de nombreuses commandes royales pour l’Escurial, la Bibliothèque du Prado, Saint Laurent des allemands où il réalise d’éblouissantes fresques qu’on peut admirer dans une salle où elels sont projetées à 360° accompagnées de la musique de Scarlatti : Lamentations pour l’office des Ténèbres.

La dernière salle Le grand Séducteur à la Cour d’Espagne montre un style lumineux, aérien et insouciant avec une belle Assomption de la Vierge et Tancrède baptisant Clorinde qui fait plus penser à un badinage amoureux qu’à un acte religieux.

 

Gemito, le sculpteur de l’âme napolitaine au Petit Palais

Exposition temporaire au Petit Palais jusqu’au 26 janvier 2020

Le Joueur de Cartes

Quelle belle surprise!

Gemito (1852-1929) fut abandonné à sa naissance, adopté par une famille de maçon, il a grandi dans les rues de Naples et observé d’abord les artisans qui modelaient les personnages des crèches.

Figures de crèche napolitaine

Repéré très jeune, il commence à sculpter à 12 ans et son Joueur de cartes qu’il a modelé ) 16 ans est acheté par Victor Emmanuel pour être exposé à Capodimonte. A 18 ans il s’installe avec Antonio Mancini et exécute les têtes des scugnazzi, pêcheurs, enfants des rues qu’il connaît bien. pas d’innocence juvénile dans leur expression, plutôt des visages graves empreints d’inquiétude.

têtes enfantines

A 21 ans seulement, on lui commande des portraits d’artistes, bustes de plâtre ou de bronze de Verdi, Domenico Morelli, Giovani Boldini, Fortuny….

berger des Abruzzes

 

A Paris, il est pris sous la protection de Meissonnier. Dans l’exposition du Petit Palais, ses œuvres se trouvent en compagnie de tableaux de De Nittis et d’Antonio Mancini(le Petit Ecolier et le Petit Prêtre) Elles sont aussi avec la petite danseuse de Degas et un Gavroche de Menardo Rosso. Qui mieux que le sculpteur des gamins des rues, des porteurs d’eau ou des pêcheurs aurait pu comprendre Gavroche?

Le petit prêtre

Gemito, sculpteur de génie fut aussi un dessinateur hors pair.

 

Gemito et sa muse Mathilde rentrent à Naples en 1881, Mathilde meurt zr Gemito, désespéré part à Capri. A partir de 1885, son état mental se détériore. Il est hospitalisé mais continue à sculpter et dessiner avec succès.

la fin de l’exposition est plus académique avec le Retour à l »Antique, les bronzes de Dioniysos et d’Alexandre.

paysage dExposition – Luciano etMarco Pedecini

Pirhanas – Roberto Saviano

LIRE POUR L’ITALIE & pas seulement….

Roberto Saviano, pour avoir écrit Gomorra et Extra Pure, reportage sur la Camorra napolitaine, vit sous protection policière depuis plusieurs années. Ses livres et les adaptations en film ou télévisées sont régulièrement attaquées. De la non-fiction narrative, Saviano est passé à l’écriture d’un roman de fiction très alimentée par la réalité.

Dès que j’ai ouvert le livre, j’ai failli le refermer. Le premier chapitre Mange-merde m’a paru difficilement soutenable. Humiliation d’un petit et humiliation diffusée sur les Réseaux Sociaux.

Dois-je vraiment lire cela?

La limite entre la complaisance, le plaisir de lire des horreurs et la curiosité est vraiment floue.

Surtout que cela empire par la suite. Dès que ces adolescents, encore des enfants pour certains, se procurent des armes, ils passent très vite au meurtre. Meurtres gratuits tout d’abord, pour s’entraîner pour vérifier  les tutoriels sur lesquels ils apprennent le maniement des armes. Chevauchées infernales sur leurs motos, terreur des passants. On se croirait au cinéma, ou dans un jeu vidéo. Et puis conquête d’un pouvoir, d’un territoire. Luttes avec d’autres bandes. Luttes à mort.

Aucune perspective si ce n’est la consommation immédiate de biens dérisoires. Une entrée dans une boîte clinquante au Posilippo, du champagne, de la coke…et toujours des armes, des actions d’éclat au goût du sang.

Suis-je forcée de lire cela?

Et bien, je me suis laissée embarquer jusqu’au final, au meurtre d’un enfant.  Logique, inévitable. Tragédie totale qui mettra peut être le point final à la lecture mais pas à l’engrenage dans lequel les pirhanas sont entraînés. C’est bien écrit! Cela se lit bien. Mais cela me met mal à l’aise. Loin de moi le reproche qu’on a fait à l’auteur de pousser les adolescents à la violence, lire Saviano ne me fera commettre aucun délit mafieux!

Doit-on censurer ces images insoutenables comme celles de Daech? Faire des procès à ceux qui les regardent? Lien entre  terrorisme et violence des gangs mafieux. Ce n’est pas moi qui le fais, c’est Saviano lui-même. Ces enfants écrivent les louanges des islamistes sur leur mur Facebook, même s’ils sont de bons catholiques qui vont brûler des cierges à la Madone.

Saviano dédicace ses livres et je fais la queue avec mon exemplaire!

C’est en écoutant Saviano (La Grande Librairie), en lisant ses interviews du Monde, etc… que j’ai compris. Pirhanas est le développement romanesque de faits divers « une histoire incroyable« ayant vraiment eu lieu. Une bande d’enfants d’adolescents de 14 à 19 ans a vraiment pris le pouvoir sur Naples à une époque où les parrains se sont retrouvés en prison et où le territoire était à prendre. Le jeune  chef de bande n’est pas une fiction, même si le personnage est inventé. Pour écrire les dialogues, l’auteur s’est basé sur des écoutes téléphoniques authentiques.

J’ai eu le privilège d’avoir une invitation dans les salons de Gallimard et d’écouter Saviano. D’après lui, ces enfants sont des « génies criminels » des « enfants prodiges » qui ont su exploiter un vide de pouvoir pour développer le commerce de la drogue. Ce ne sont pas des enfants poussés par la misère, ce sont les enfants d’une petite bourgeoisie dont le pouvoir économique s’effondre. Logique capitaliste ou logique mafieuse? Ils ont compris qu’avec un investissement de 5000€, l’économie de la drogue pouvait les rendre multimillionnaires. Et pour la mise de départ, il faut des armes, des extorsions, des braquages. Mais pour garder le pouvoir, le territoire, il faut maintenir la terreur et la mort.

La différence entre les enfants-pirhanas et les parrains traditionnels adultes, c’est que les enfants vivent dans l’instant immédiat, No- future. Ils veulent tout et tout de suite. La mort est la suite logique, ils n’en ont pas peur. Comme les terroristes, ils vivent un désir de mort. Ce désir est selon Saviano, le point de contact avec le djihadisme. Le langage de la banlieue selon lui est violent et universel, comme le Rap.

Encore plus effrayant que je ne le croyais en lisant!

merci à Babélio et à Gallimard pour le livre et l’invitation!

 

 

L’enfant perdue – Elena Ferrante – L’amie prodigieuse tome. IV

LIRE POUR NAPLES

Depuis un an, j’attendais le dernier tome de la série de l‘amie Prodigieuse.

Elena Ferrante a su faire vivre toute un monde, un quartier, une ville – Naples – sur cinq décennies.  Nous avons vu vieillir les personnages, naître des enfants, évoluer des amours et des désamours, s’éloigner et se rapprocher les deux amies Lenù et Lila. Nous avons vu arriver les idées nouvelles, le féminisme, évoluer des techniques…perdurer des vieilles rancunes, toujours dans la violence….J’ai été très attentive au foisonnement des idées autour de 1968, j’ai aimé voir émerger le talent littéraire d’Elena. Je n’ai pas eu besoin de consulter l’index des personnages classés par familles: s Greco, Cerullo, Sarratore… je me souvenais très bien de tous.

J’avais retenu que le tome 4 sortirait le 18 janvier, j’ai eu un avant-goût des 12 premiers chapitres sur ma liseuse. Et le 18, le livre entier s’est téléchargé à 6h du matin!

Cependant, ce dernier tome n’est pas mon préféré. Les premiers chapitres ont traîné : Elena va-t-elle quitter Pietro? Va-t-elle rejoindre Nino? Vont-ils fonder un nouveau couple? Les atermoiements,  les longueurs m’ont un peu agacée, ainsi que cette passion adolescente:

« A l’idée de lui nuire de ne plus le revoir, c’était comme si je me fanais d’un coup dans la douleur : la femme libre et cultivée perdait ses pétales, se détachant de la femme-mère, la femme-mère prenait ses distances avec la femme-maîtresse et la femme-maîtresse avec la mégère enragée, et toutes me semblaient sur le point de partir au gré du vent. Plus Milan approchait,  plus je réalisais que Lila écartée, je ne savais pas me donner de consistance si ce n’est en me modelant sur Nino. »

Comment l’écrivaine reconnue, déjà mère de famille, la féministe peut-elle être aussi midinette?

La contextualisation dans l’histoire italienne m’a passionnée dans toute  la série de l‘Amie Prodigieuse. Les Brigades Rouges, l’enlèvement d Aldo Moro ont marqué l’histoire italienne récente. Les prises de positions, fluctuantes dans le temps, de Nino me semblent bien  intéressantes, ses revirements opportunistes le font dériver de l’extrême gauche au centre droit . Le personnage de Pasquale  n’apparaît qu’en creux, traqué, protégé par sa sœur Carmen, lui reste fidèle aux idéaux communistes qui l’ont conduit aux Brigades rouges. En revanche, Elena qui était très politisée dans les tomes précédents est plutôt indifférente aux évolutions politiques.

Elena retourne à Naples dans son quartier. Elle semble s’être refermée sur des soucis domestiques; J’imagine peu la femme de lettres féministe et militante dans ce contexte.

C’est là qu’intervient le Tremblement de Terre qui a secoué Naples. Le roman vibre littéralement, prend de la consistance. Et le personnage de Lila reprend de l’importance. Lila – l’Amie Prodigieuse – occupe le devant de la scène. Non seulement elle intervient dans dans les relations mère-filles d’Elena avec ses filles mais elle semble tirer les ficelles du quartier. La disparition de Tina va encore rebattre les cartes…(attention de ne pas spoiler).

Le personnage principal n’est-il pas la ville de Naples? 

… » Lila l’avait initiée à l’idée d’un déferlement permanent de splendeurs et de misères, à l’intérieur d’une Naples cyclique où tout était merveilleux avant de devenir gris et absurde, et avant de scintiller à nouveau, comme lorsqu’un nuage passe devant le soleil et au’on a l’impression que celui-ci se cache[….]une fois le nuage dissipé le soleil redevient soudain aveuglant et il faut se protéger les yeux de la main tant il est ardent. Dans les récits de Lila, palais et jardins tombaient en ruine, retournaient à la nature, parfois peuples de nymphes, dryades, satyres et faunes ; ils étaient habités tantôt par des morts, tantôt par des démons que Dieu envoyait dans les châteaux mais aussi dans les maisons de gens ordinaires, pour leur faire expier leurs péchés ou pour mettre à l’épreuve les occupants à l’âme pure… »

Une ville de Naples sous la menace du Vésuve, terriblement bouillonnante, belle et corrompue…

C’est aussi le roman, de la maturité, des enfants qui grandissent, des corps qui vieillissent, s’affaissent, des personnages qui disparaissent, s’éloignent ou meurent.  Terriblement décrit, avec maestria mais aussi de la nostalgie…

L’histoire est bien terminée. Lila est effacée.

 

Celle qui fuit et celle qui reste – Elena Ferrante

APRES L’AMIE PRODIGIEUSE ET LE NOUVEAU NOM….

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J’ai attendu de long mois la parution en français du 3ème tome de la saga d’Elena Ferrante, je me suis attachée à ces deux amies. J’étais impatiente de savoir quelles sortes de femmes elles allaient devenir en mûrissant.

Le récit se déroule entre 1968 et 1976. Elena vient d’écrire un roman qui a été salué par la critique, elle est fiancée à Pietro, fils d’intellectuels milanais en vue, qui vient d’être nommé à Florence. Elena qui a étudié à Pise et qui s’installe avec son mari, est donc celle qui fuit. Lila a quitté son mari elle est ouvrière dans une usine de salaison, elle est celle qui reste. Doit-on fuir Naples et son quartier pauvre pour réussir? Les deux amies séparées resteront-elles dans leur relation fusionnelle comme dans les deux premiers tomes de la saga?

Elena participe aux débats des étudiants en 1968 et après. Sa belle-soeur Mariarosa  l’introduit dans le mouvement féministe qui se constitue. Le féminisme et les dérives des gauchistes sont au coeur du roman. Pendant que les étudiants parlent, les ouvriers agissent. Lila monte un syndicat dans l’usine de charcuterie. Le patron fait appel aux fascistes pour faire le coup de poing. La violence est extrême dans le Quartier tenu par la Camorra depuis des décennies, la famille Solara tient commerçants et chômeurs dans son influence. Les amis de Lina et d’Elena se radicalisent.

A côté du contexte politique très bien expliqué, nous assistons tout au cours du livre à la transformation par le mariage de l’écrivaine politisée courtisée par les journalistes en femme au foyer aliénée, mère de famille frustrée incapable de donner une suite à son roman à succès. Pietro, le gentil professeur d’Université est parfaitement ennuyeux et égoïste dans son ménage.

Bien sûr, il faut qu’il se passe quelque chose…..mais je ne vous le raconterai pas. Lisez le livre!

l’été du commissaire Ricciardi – Maurizio de Giovanni

POLAR NAPOLITAIN

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Août 1931, il n’a pas plu depuis deux mois sur Naples, la chaleur est suffocante. La Duchesse de Camparino est retrouvée assassinée chez elle. L’enquête est délicate. Nous sommes dans le beau monde. Les deux ducs de Camparino pourraient être suspects : la duchesse trompait le vieux duc, le jeune duc la déteste. La victime a été trouvée dans ses appartements, la chaîne fermant le palazzo, intacte. Le suspect désigné est l’amant, un journaliste connu : une violente dispute a eu lieu la veille au vu et au su de tous.

Le commissaire Ricciardi, taciturne et intègre,  a une faculté curieuse, il entend les dernières paroles des défunts. Et dans ce cas précis, la victime réclame ses bagues.

L’action traîne un peu, les indices ne sont pas toujours crédibles mais la promenade dans Naples est parfaite des boutiques de la Via Toledo au Gambrinus où le commissaire a ses habitudes, : café et sfogliatella. Cuisine napolitaine appétissante, non pas de pizze, mais des ragoûts odorants qui mettent à la torture le brigadier Maione au régime, des anchois frits….

1931, les squadriste fascistes font régner leur ordre et menacent Ricciardi qui ne se laisse pas intimider. « Guignols, brutes, fanatiques »…

Il est aussi beaucoup question d’amour, de passion, de jalousie….

C’est le deuxième livre de la série et je compte bien lire le Printemps et l’Hiver quand je passerai devant à la médiathèque.

 

Le nouveau nom – Elena Ferrante

IL VIAGGIO D’EIMELLE

le nouveau nom

J’ai beaucoup aimé l’Amie Prodigieuse et j’ai immédiatement téléchargé le Nouveau Nom qui lui fait suite dans la saga d’Elena Ferrante. Comme je me méfie des lectures à la file d’un même auteur qui parfois provoque une lassitude, j’ai attendu quelques mois avant de continuer le feuilleton. Si l’effet de surprise ne joue pas dans ce deuxième tome, je n’en ai pas été déçue pour autant. J’ai lu quelque part (blog ou babélio?) que cette série était addictive, tout à fait un peu comme pour certaines, les séries télévisées, avec les personnages récurrents, les histoires d’amour qui s’emmêlent. C’est beaucoup plus! 

Lila(Lina) et Lenù (Elena) ont seize ans au début du Nouveau nom. Lila est Madame Caracci, avec son identité de femme mariée, mal mariée : dès le jour de son mariage elle a pris un dégoût irrémédiable pour Stefano. Elena, brillante élève au lycée mais  aussi gagner sa vie….Les amies s’entraident, partent en vacances à Ischia où elles découvrent le désir, et l’amour, pour le même garçon. Leur amitié sans faille survivra-t-elle?

Je n’aime pas les billets qui résument un roman. J’en resterai là. Le Nouveau nom n’est pas qu’un roman d’amour et d’amitié. Ce n’est pas seulement le quotidien d’un quartier pauvre de Naples. C’est beaucoup plus. C’est un roman féministe qui montre la condition des femmes dans les années 60 à Naples, femmes battues, humiliée, éreintées par les grossesses et les travaux ménagers

« Ce jour-là, en revanche, je vis très clairement les mères de famille du vieux quartier. Elles étaient nerveuses et résignées Elles se taisaient, lèvres serrées et dos courbé ou bien hurlaient de terribles insultes à leurs enfants qui les tourmentaient. « 

Le combat d’Elena pour sortir de la pauvreté par l’éducation, ses efforts acharnés pour briller dans ses études. Etre diplômée ne suffit pas pour sortir d’un milieu modeste.

« je faisais partie de ceux qui bûchaient jour et nuit, obtenaient d’excellents résultats, étaient même traités avec sympathie et estime, mais qui ne porteraient jamais inscrits sur eux toute la valeur, tout le prestige de nos études; j’aurais toujours peur : peur de dire ce qu’il ne fallait pas, d’employer un ton exagéré, d’être habillée de manière inadéquate, de révéler des sentiments mesquins et de ne pas avoir d’idées intéressantes ».

Le contexte des idées politiques, le roman  traverse les années 60 et les débats idéologiques. J’aurais peut être aimé en savoir plus sur 68. mais peut être, en Italie, cette année-là a eu moins de retentissement qu’en France..

Et maintenant, j’attends la suite!