L’enfant perdue – Elena Ferrante – L’amie prodigieuse tome. IV

LIRE POUR NAPLES

Depuis un an, j’attendais le dernier tome de la série de l‘amie Prodigieuse.

Elena Ferrante a su faire vivre toute un monde, un quartier, une ville – Naples – sur cinq décennies.  Nous avons vu vieillir les personnages, naître des enfants, évoluer des amours et des désamours, s’éloigner et se rapprocher les deux amies Lenù et Lila. Nous avons vu arriver les idées nouvelles, le féminisme, évoluer des techniques…perdurer des vieilles rancunes, toujours dans la violence….J’ai été très attentive au foisonnement des idées autour de 1968, j’ai aimé voir émerger le talent littéraire d’Elena. Je n’ai pas eu besoin de consulter l’index des personnages classés par familles: s Greco, Cerullo, Sarratore… je me souvenais très bien de tous.

J’avais retenu que le tome 4 sortirait le 18 janvier, j’ai eu un avant-goût des 12 premiers chapitres sur ma liseuse. Et le 18, le livre entier s’est téléchargé à 6h du matin!

Cependant, ce dernier tome n’est pas mon préféré. Les premiers chapitres ont traîné : Elena va-t-elle quitter Pietro? Va-t-elle rejoindre Nino? Vont-ils fonder un nouveau couple? Les atermoiements,  les longueurs m’ont un peu agacée, ainsi que cette passion adolescente:

« A l’idée de lui nuire de ne plus le revoir, c’était comme si je me fanais d’un coup dans la douleur : la femme libre et cultivée perdait ses pétales, se détachant de la femme-mère, la femme-mère prenait ses distances avec la femme-maîtresse et la femme-maîtresse avec la mégère enragée, et toutes me semblaient sur le point de partir au gré du vent. Plus Milan approchait,  plus je réalisais que Lila écartée, je ne savais pas me donner de consistance si ce n’est en me modelant sur Nino. »

Comment l’écrivaine reconnue, déjà mère de famille, la féministe peut-elle être aussi midinette?

La contextualisation dans l’histoire italienne m’a passionnée dans toute  la série de l‘Amie Prodigieuse. Les Brigades Rouges, l’enlèvement d Aldo Moro ont marqué l’histoire italienne récente. Les prises de positions, fluctuantes dans le temps, de Nino me semblent bien  intéressantes, ses revirements opportunistes le font dériver de l’extrême gauche au centre droit . Le personnage de Pasquale  n’apparaît qu’en creux, traqué, protégé par sa sœur Carmen, lui reste fidèle aux idéaux communistes qui l’ont conduit aux Brigades rouges. En revanche, Elena qui était très politisée dans les tomes précédents est plutôt indifférente aux évolutions politiques.

Elena retourne à Naples dans son quartier. Elle semble s’être refermée sur des soucis domestiques; J’imagine peu la femme de lettres féministe et militante dans ce contexte.

C’est là qu’intervient le Tremblement de Terre qui a secoué Naples. Le roman vibre littéralement, prend de la consistance. Et le personnage de Lila reprend de l’importance. Lila – l’Amie Prodigieuse – occupe le devant de la scène. Non seulement elle intervient dans dans les relations mère-filles d’Elena avec ses filles mais elle semble tirer les ficelles du quartier. La disparition de Tina va encore rebattre les cartes…(attention de ne pas spoiler).

Le personnage principal n’est-il pas la ville de Naples? 

… » Lila l’avait initiée à l’idée d’un déferlement permanent de splendeurs et de misères, à l’intérieur d’une Naples cyclique où tout était merveilleux avant de devenir gris et absurde, et avant de scintiller à nouveau, comme lorsqu’un nuage passe devant le soleil et au’on a l’impression que celui-ci se cache[….]une fois le nuage dissipé le soleil redevient soudain aveuglant et il faut se protéger les yeux de la main tant il est ardent. Dans les récits de Lila, palais et jardins tombaient en ruine, retournaient à la nature, parfois peuples de nymphes, dryades, satyres et faunes ; ils étaient habités tantôt par des morts, tantôt par des démons que Dieu envoyait dans les châteaux mais aussi dans les maisons de gens ordinaires, pour leur faire expier leurs péchés ou pour mettre à l’épreuve les occupants à l’âme pure… »

Une ville de Naples sous la menace du Vésuve, terriblement bouillonnante, belle et corrompue…

C’est aussi le roman, de la maturité, des enfants qui grandissent, des corps qui vieillissent, s’affaissent, des personnages qui disparaissent, s’éloignent ou meurent.  Terriblement décrit, avec maestria mais aussi de la nostalgie…

L’histoire est bien terminée. Lila est effacée.

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

22 réflexions sur « L’enfant perdue – Elena Ferrante – L’amie prodigieuse tome. IV »

  1. J’ai bien aimé les deux premiers mais curieusement je n’ai pas eu envie de poursuivre. Je trouve la série pourtant très intéressante, bien documentée sur le plan historique et politique, de plus c’est ma jeunesse et il y a forcément des similitudes entre mon enfance et celle de Lina … mais ne pas continuer ne m’a pas manqué ! Bizarre ! Pourquoi?
    Peut-être parce que je n’aime pas vraiment les personnages ?

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    1. @Dasola : pourquoi être désolée? Il n’y a aucune obligation à lire un best-seller! Encore un tirage confidentiel, on pourrait vouloir le faire connaître autour de soi, mais l’Amie Prodigieuse n’a pas besoin eu bouche a oreille!

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  2. Je suis en train de lire le tome 3 et depuis le premier, plus ça va, plus je m’ennuie. Personnages peu attachants et que je trouve artificiels, histoire submergée dans un fatras de détails, même les références historiques ne me rappellent en rien ce que j’ai connu à la même époque et me semblent là juste pour donner in air de vérité au roman. Pourquoi diluer en 4 énormes volumes ce qui aurait pu très bien passer en un seul. Bref, pas convaincue, mais que chacun tente l’aventure !

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  3. Je pense que j ai préfere ce dernier tome en particulier la deuxieme partie mais la fin m’ a laissé perplexe et je cherche quelqu’un qui pourrait m’expliquer

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    1. Fin de l’histoire, fin d’une amitié puisque celle ci commence avec les poupées perdues, ou émancipation de Lila qui part pour une nouvelle vie en s’affranchissant de tout ce qui fut son environnement et qui l’entravait ?

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  4. Dans toutes les critiques on parle d une fin en apothéose moi je suis restée perplexe. qui peut m’éclairer et m’expliquer la fin

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  5. ‘merci .mais c’est tout? Dans les critiques on parle » d’enigme résolue ».Que signifie le retour des poupées? simplement que Lila est vivante?

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  6. Autres questions
    Quand alfonso a t il restitué les poupées a lina?
    Pourquoi Michele a t il tabassé Alfonso?
    Que faisait lina quand elle se promenait la nuit dans Naples?
    merci de m’éclairer car je suis perplexe

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    1. Oui, moi aussi je me pose les mêmes questions !
      La fin m’a aussi laissée perplexe. Ou étaient ces poupées pendant toutes ces années ? Pourquoi est-ce qu’elles réapparaissent à ce moment là ? Que c’est-il vraiment passé avec Tina ?

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  7. Déçue par le 4e tome qui a une centaine de pages inutiles à mon avis. Trop de chapitres sur la politique étouffent le récit qui n’est intéressant que par la confrontation entre ces deux amies/ennemies et leur vision personnelle de leur vie . Tome 1 Lena décide d’écrire après avoir appris la disparition de Lila pour que leur histoire ne se dissolve pas alors que c’est le désir essentiel de Lila.
    Tome4 Lena commence son roman « un’amicizia alors que Lila est encore visible et cherche même à avoir son avis. Il y a une contradiction sur la date de début du roman

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  8. Bonjour,
    Je viens de terminer le 4ème tome de cette extraordinaire histoire. J’ai tout simplement adoré. Je l’ai commencée il y a un an et j’ai savouré chaque page. La fin ne m’a pas déçue et éclaire toute l’histoire selon moi! La disparition de la poupée n’en était pas une et Lila,dès le début de son amitié avec Léna, l’a manipulée pour la mener à ce qu’elle ne se sentait peut être pas d’accomplir elle-même. Et mon interprétation m’amène à me demander si la disparition de Tina est également réelle! N’est-ce peut être pas une nouvelle façon de tirer les ficelles pour Lila ? En tout cas ces poupées qui réapparaissent à l’ultime fin semblent baser l’amitié sur une belle manipulation … Il y en aurait encore beaucoup à dire, vraiment je tire mon chapeau à cette superbe auteure!

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