Pour commencer ce mois d’Avril du printemps des Artistes :
Exposition temporaire jusqu’au 29 mai 2023
matisse : Odalisque au coffret rouge 1927
L’Orangerie présente les œuvres de Matisse « au tournant des années 30 » avec pour fil conducteur la revue LES CAHIERS DE L’ARTfondée en 1926 à laquelle Matisse et Picasso vont contribuer. C’est une période de doute pour Matisse qui va se consacrer au dessin, à la grande peinture décorative et va explorer de nouvelles techniques comme les papiers découpés de ses grandes compostions de La Danse.
Femme à la voilette (1926-1927)
C’est aussi en 1927 que les Cahiers d’Art publient L’Art Nègre avec la collection de Paul Guillaume – coïncidence, je viens de terminer l’étude de Diagne sur Senghor : l’Art Africain comme philosophie qui fait longuement référence aux écrits de Paul Guillaume –
Fenêtre à Tahiti – c’est un carton de tapisserie
Autour de 1930, Matisse fait un tour du monde, en Océanie sur les pas de Gauguin puis aux Etats Unis, Martinique et Guadeloupe. Sur un mur, présentation d’un film muet Tabou réalisé par Murnau et Flaherty – splendides images de cocotiers et de jeunes gens couronnés de tiaré.
la salle suivante est consacrée à la DANSE un film montre Matisse ajustant les papiers découpés avec une longue baguette et un escalier roulant.
Dans une grande salle grise les dessins de Matisseet ceux de Picasso sont encore présentés. une certains analogie dans l’inspiration : Picasso illustre les Métamorphoses d’Ovide, Matisse, l‘Ulysse de James Joyce. Les deux dessinent des nymphes et des satyres. Matisse illustre aussi les Poésies de Mallarmé.
Eole
Les sculptures des deux artistes se répondent : baigneuse de Picasso et deux Vénus à la Coquille de Matisse.
le Chant
Retour à Nice pour Matisse. La période de doute en peinture cède la place à une explosion de couleur dans Les Jardins d’hiver
odalisque à la robe persane jaune anémone
Après toutes ces études, la dernière salle est un feu d’artifice de couleurs vives, de motifs fleuris, fleurs, fruits, oranges citrons, anémones. Matisse peint son modèle au milieu de l’atelier et joue avec les motifs de sa robe rayée ou de la blouse roumaine.
J’avais imaginé que nous visiterions le Domaine de Vanibel(café, vanille cacao). La visite est guidée et il faut s’inscrire par téléphone à l’avance. Trop tard ! c’est complet.
A l’entrée de Vieux-Habitants, le Musée du Café est installé dans l’usine de bonification du café Chaulet (depuis 1860). De premier abord, c’est tout neuf, il manque un peu le charme de la patine. Beaucoup plus tard j’apprendrai que le cyclone Fiona a fait de gros dégâts et qu’on a û reconstruire. Ce n’est pas vraiment un musée mais une entreprise où l’on peut sentir la torréfaction et entendre les grains aspirés dans des tuyaux. On ne voit pas grand-chose à part des sacs de jute dans l’entrepôt contigu. La visite commence avec la dégustation d’un délicieux café puis on visite seul en lisant des panneaux très détaillés.
Les opérations de bonification du café (Chaulet est bonifieur)et les machines sont présentées, maintenant toutes sont électriques mais au début un moulin avec une roue à aube actionnait les anciennes machines.
Le café est cueilli de septembre à décembre sous forme de cerises (drupes rouges) la première opération sera donc le décerisage pour débarrasser de la pulpe qui fermente rapidement, puis décorticage, lavage et séchage des graines, en fin latorréfaction.
Un panneau raconte l’histoire de l’arrivée du café aux Antilles : Gabriel Mathieu de Clieu apporta les deux premiers pieds d’Arabica provenant de Versailles dans une serre portable à bord du Dromadaire. Le bateau encalminé doit se débarrasser de ses réserves d’eau. Il faut partager l’eau restante entre les hommes et les caféiers. Lorsque les alizés reviennent un seul plant a survécu. La plan miraculé est replanté dans le domaine du Chevalier de Clieu. Il obtient une récolte miraculeuse au bout de 18 mois qu’il partage avec les maisons religieuses et certains habitants de la région. L’apogée de la fièvre caféière en 1777.
La plantation de café a subi les aléas des tempêtes : en 1928 un cyclone ravage la Côte-sous-le-vent et la culture bananière remplace celle du café. En 1992 l’exportation du café de Guadeloupe est quasi-nulle mais Chaulet tient à maintenir la qualité.
Après les achats de fruits exotiques à Malendure , nous rentrons vers 17h heureuses de profiter d’une bonne heure de soleil dans notre beau jardin.
Aux Manguiers Otantik : de notre terrasse le Bakoua
Après dîner, Marie-Jo nous raconte l’histoire des Manguiers Otantik, propriété familiale octroyée à l’arrière-grand-père, ancien combattant de la Grande Guerre. Peu à peu la famille a défriché, embelli, construit les cases pour les visiteurs, familles et amis. Nous ne sommes pas dans un « village de vacances » de promoteur et notre hôtesse tient à maintenir une ambiance familiale. Elle nous parle des poules « sauvages » qu’il ne faut pas nourrir et qui assurent la propreté du terrain picorant les insectes et myriapodes désagréables comme les ravets (cafards), scolopendres et scorpions. Elle conte aussi l’adoption de ses chats, le premier, mal sevré, trop petit a été élevé par un autre chaton à peine plus âgé. Les deux complices sont joueurs et affectueux, ils s’amusent à effrayer les poules. La chienne Zelda est tranquille mais elle a un regard suppliant quand nous mangeons. Je la questionne au sujet de l’arbre fascinant avec sa « chevelure » bicolore ses nombreuses branches et ses racines aériennes comme celles des palétuviers qu’on compare parfois à des échasses. C’est un Bakoua, Pandanus sanderi. Ses racines souterraines s’étendraient très loin et maintiendrait le sol en cas de cyclone et de catastrophe. En Martinique, on confectionne avec ses fibres le chapeau traditionnel qui s’appelle aussi bakoua. Notre hôtesse nous montre aussi les crotons qui bordent les allées et la verveine blanche appréciée des colibris, les héliconias en buisson. Cette conversation en fin de soirée est très précieuse. Les échanges avec les habitants locaux sont essentiels au voyage.
Le raccourci pour Pointe Noire par Beaugendre et Morphy (D22) est proche de la côte. Mais il monte et descend entre maisons et jardins. Pour la passagère, il est plus agréable à parcourir mais pas pour la conductrice stressée par le manque de visibilité et l’étroitesse de la route. Il rejoint la RN 2 à l’entrée de Pointe Noire nous passons entre les vieilles maisons de bois certaines ont un étage et un balcon rouillé qui semble branlant.
Malendure
La route suit de très près la côte entre Mahaut et Bouillante. Nous passons la très chic et très touristique station de Malendure, belle plage de sable. Des voiliers croisent au large. On pourrait faire un tour en mer dans la Réserve Cousteau ou observer des tortues. Les parkings sont pleins, la foule des touristes nous rebute. Sur la corniche des étals de fruits exotiques sont très appétissants, très bien présentés. Comme je rêve de papayes, de caramboles et d’ananas je suis comblée. Mais tant d’abondance est suspecte. Tant de jolis restaurants sont bien touristiques. Le soir, Marie-Jo notre hôtesse, confirmera mes soupçons : pour elle Malendure « ce n’est plus la Guadeloupe mais la côte d’Azur », un repaire à touristes, trop riche, trop clinquant, les guadeloupéens ne s’y retrouvent plus.
Nous avions prévu initialement d’aller aux sources chaudes de Bouillante et au restaurant. Nous dépassons les Bains Thomas sans les voir.
Rocroy
la plage de Rocroy
Rocroy est une petite plage sauvage bordée de roches volcaniques. Un seul restaurant sur le sable : La Baie de Rocroy qui possède une belle terrasse couverte quelques tables sur le sable et des chaises longues. La plage est déserte – à l’exception de deux iguanes sur les rochers. Voici que Dominique me téléphone, la sonnerie fait fuir l’un d’eux, l’autre, monte dans les herbes sèches. Comme je ne réponds pas, elle rappelle et la deuxième sonnerie le fait disparaître. Je réserve au restaurant pour midi.
iguane
L’Habitation Grivelière
L’Habitation Grivelière est une plantation de café dont la visite est très recommandée par nos guides. Après recherche sur Internet, j’ apprends qu’elle est fermée pour rénovation mais leur site propose aux visiteurs de monter pour se promener dans les alentours.
La petite route au-dessus de la Grande Rivière de Vieux-Habitants, tortille entre les maisons, prend de la hauteur jusqu’à un hameau très pittoresque aux curieuses maisons encastrées dans la pente. Un atelier d’artiste promet des bijoux de graines et autres réalisations naturelles. A la sortie du village, la route se rétrécit encore.
Un panneau original fait son apparition : « klaxon obligatoire ». Nous comprenons pourquoi : impossible de se croiser, tournants brusques, descentes effrayantes suivies de remontées raides (en première). La voiture grimpe péniblement. La nature est exubérante. On se croit en pleine jungle. Les troncs des grands arbres sont recouverts de lianes. Les grandes feuilles découpées des philodendrons se déploient à plusieurs mètres au-dessus de nous. Encore plus haut, les branches sont colonisées par les épiphytes : touffes de Bromélias qui ressemblent à des nids, Tillandsias (mousses espagnoles) qui dégoulinent. Pour laisser passer une voiture, nous nous garons : la paroi rocheuse est recouverte de Tradescantia (misère) qui rampe partout. Les Oreilles d’éléphant Alocasia macrorhizos . Je suis encore plus enchantée qu’au jardin botanique. Six kilomètres de cette route sauvage nous conduisent au portail fermé (depuis 2011, bravo les guides !).On devine les toits de tôle de l’Habitation Grivelière parmi la végétation. Impossible d’imaginer la plantation et l’usine. A la suite de la route, une piste cimentée tout à fait carrossable pour les véhicules hauts monte encore plus loin. Ici on appelle « Traces » les pistes et les sentiers. Cette trace conduit à la Cascade Paradis. Dix heures, trop tard pour entreprendre une randonnée. Une femme très enceinte me le déconseille, il faut franchir à gué la rivière et c’est loin. Je me fixe 20 minutes, traverse sans difficulté le cours d’eau et grimpe une belle montée. Jusqu’à la rivière, je distingue des clôtures et bien cachées, des maisons. Les haies et les clôtures sont recouvertes de lianes fleuries : la Suzanne aux yeux noirs (Thunbergia alata), je la croyais africaine comment est-elle parvenue ici ? Il y a aussi de belles corolles violette des ipomées. Sur le chemin, des bouses de vaches.
La descente redoutée est impressionnante.
Vieux-Habitants
Le nom de la bourgade nous inspirait. Le pittoresque n’est pas au rendez-vous comme à Pointe Noire. L’agglomération de 7000 âmes fondée en 1636 est la plus ancienne paroisse de l’île avec sa grande église en basalte assez massive et peu ornée sauf le porche. Elle domine un vaste cimetière où les tombes sont souvent de véritables chapelles familiales souvent carrelées. Ici, la mort est minérale, le végétal n’a pas sa place. La Mairie est un bâtiment moderne. Un peu plus loin se trouve le grand stade avec des tribunes. Teddy Riner est statufié sur le socle une plaque célèbre ses victoires sportives. Il fait le pendant avec le monument aux morts avec sa liste des morts pour la France. Au milieu des constructions modernes il reste quelques cases de bois, l’antenne parabolique témoigne que celle-ci est encore habitée à côté d’autres vides, presque ruinées.
Plage de Rocroy
J’hésite à me baigner : l’eau est agitée, un peu verdâtre et il y a des sargasses que le serveur dit urticantes(selon Internet il n’en est rien). On nous a installé une petite table sur la plage, à l’ombre. Dominique a commandé des moules thaï et moi, un tartare de saumon accompagné de riz et de salade et de fins copeaux de gingembre avec du wakame. Excellent et très fin. Les moules sont très pimentées, il y a surtout une herbe verte aux feuilles arrondies qui pique plus que le piment ; le serveur est étonné. Les Antillais mangent plus pimenté que nous.
Nous sommes conquises et reviendrons samedi, nous réservons.
Au programme de l’après-midi : le sentier côtier entre la Pointe Allègre et la Plage de Cluny, promenade recommandée sur nos guides.
Difficile de trouver l’accès à la Pointe Allègre, nous le dépassons et faisons demi-tour devant Leclerc de Sainte Rose et prenons le premier accès à la plage qui nous a mené à Vinty, nids de poules énormes, parking à moitié inondé. La mer est bien agitée, personne ne se baigne. Sous les arbres des couples d’âges divers ont installé pliants et chaises longues décidés à profiter du calme et de l’isolement du rivage. Un jeune sportif en tenue de footballer, arborant une grande croix argentée fait des allers-retours à grande foulée sur le sable à la limite de l’écume. Sur les troncs d’arbre je vois les marques jaunes du sentier du littoral. Je les suit jusqu’à ce qu’une grande mare me barre le chemin. Impossible de passer. Peut être à marée basse en suivant la plage ? Une vague plus puissante que les autres me dépasse et me trempe mon pantalon jusqu’aux cuisses. pas grave, il fait chaud.
La route suivante passe entre des maisons et devient rapidement une mauvaise piste. Nous interrogeons les habitants si c’est le chemin de la Pointe Allègre ? personne n’en sait rien.
Un peu plus loin, une vague piste traverse une prairie avec des vaches. Pas carrossable pour une voiture basse.
Nathalie, la vendeuse de sorbets-coco
Au coin du chemin suivant, une glacière-vendeuse de sorbets tourne énergiquement le manche de sa sorbetière : un mécanisme métallique avec des ailette fouette le sorbet au coco. Le tout est installé dans un tonnelet en bois qui fait penser à une baratte. Curieuse, j’achète un sorbet, le gobelet le plus petit 3 €. Cette crème glacée fond rapidement à 28°C. la vendeuse est aimable et de très bonne humeur. Je demande la permission de la photographier, elle me répond : « Oui bien sûr, je suis une belle négresse ! » . Nous lui demandons le chemin de la Pointe Allègre. Elle connaît, c’est au bout de la savane des bœufs mais il faut une grosse voiture, nous ne passerons pas avec la Kia Picanto.
Cap Allègre, c’est raté ! pour le sentier côtier, j’ai des doutes. Est-ce déjà l’érosion due à la montée des eaux qui l’a fait disparaître ou le mauvais entretien ? En tout cas je ne me lancerai pas dans la promenade même avec la recommandation des deux guides Evasion et Vert !
A défaut de randonnée, nous cherchons la Plage de l’Anse des Iles qui ressemble à Vinty. Une bande de sable très étroite bordée d’arbres. Le sentier côtier est balisé mais impraticable après quelques centaines de mètres. Des travaux de réhabilitation et de protection ont été effectués. On a replanté des arbres entourés d’un grillage, délimité avec des piquets et des fils de fer un cheminement pour éviter que le piétinement ne dégrade le rivage. Des élèves d’un lycée voisin ont réalisé un panneau signalant qu’on se trouve sur un lieu de ponte des tortues-luths ; ils invite à respecter la tranquillité des tortues. Sympathique initiative.
La plage de Cluny est très fréquentée. Le parking est bondé. Des roulottes vendant des jus de fruit, des boutiques de vêtement et articles de plage sont installés à l’arrière. Sur la longue plage les baigneurs sont nombreux sur le sable, beaucoup plus rares dans l’eau. Un impressionnant rouleau vient se briser près du bord. Seuls des hommes jeunes osent le défier et plonger dedans avant qu’il ne se brise. Je parcours la plage. Vers le sud, la barre s’amortit et des familles se baignent avec les enfants.
Coucher de soleil à Baille-Argent
Nous rentrons vers 17 heures à Baille-Argent, faisons halte à la marina, petite avec des bateaux de pêche et quelques bateaux de plaisance mais pas de yachts prétentieux. Un peu en retrait, le fond de cale, sous un remblai couvert de végétation basse trois palmiers se détachent. Nous attendons le coucher du soleil à 18h15. Une conclusion splendide à cette première journée de vacances.
Ces rendez-vous mensuels autour d’une nouvelle ou d’un roman de Balzac m’enchantent. Lors de la dernière lecture Claudialucia avait reproché mon laxisme vis à vis de la misogynie de l’auteur. Au temps de Meetoo, on devient exigeante! J’ai tendance à pardonner beaucoup à Balzac parce qu’il m’amuse beaucoup. Le titre Autre Etude de Femmeme laisser craindre encore des débordements. Promis je serai vigilante!
L’auteur nous entraîne dans une soirée mondaine, au dîner qui ne compte que des convives choisis, quand les langues se délient et que les confidences s’échangent.
« Le souvenir d’une de ces soirées m’est plus particulièrement resté, moins à cause d’une confidence où l’illustre de Marsay mit à découvert un des replis les plus profonds du cœur de la femme, qu’à cause des observations auxquelles son récit donna lieu sur les changements qui se sont opérés dans la femme française depuis la triste révolution de juillet. »
De Marsay conte un amour de jeunesse pour une femme du monde un peu plus âgée qui l’a guéri de la passion amoureuse…. et dont la conclusion est encore peu amène :
« Il y a toujours un fameux singe dans la plus jolie et la plus angélique des femmes ! A ce mot, toutes les femmes baissèrent les yeux comme blessées par cette cruelle vérité, si cruellement formulée. «
La conversation continue par la déploration de la perte de l’image de la femme du monde d’avant la Révolution : la grande dame
« L’éventail de la grande dame est brisé. La femme n’a plus à rougir, à médire, à chuchoter, à se cacher, à se
montrer. L’éventail ne sert plus qu’à s’éventer. »
et plus loin :
« Autrefois une femme pouvait avoir une voix de harengère, une démarche de grenadier, un front de courtisane audacieuse, les cheveux plantés en arrière, le pied gros, la main épaisse, elle était néanmoins une grande dame ; mais aujourd’hui, fût-elle une Montmorency, si les demoiselles de Montmorency pouvaient jamais être ainsi, elle ne serait pas une femme comme il faut. »
Une femme comme il faut!
Qu’est-ce donc qu’une femme comme il faut dans la fin des années 1830?
La femme comme il faut paraît tout ignorer pour tout apprendre ; il y a des choses qu’elle ne sait jamais, même quand elle les sait.
[….] la science encyclopédique des riens, la connaissance des manèges, les grandes petites choses, les musiques de voix et les harmonies de couleurs, les diableries angéliques et les innocentes roueries, le langage et le mutisme, le sérieux et les railleries, l’esprit et la bêtise, la diplomatie et l’ignorance, qui constituent la femme comme il faut.
Balzac m’a perdue avec sa « femme comme il faut« . Si au moins il avait bâti une bonne intrigue, une histoire bien cynique, bien noire…Pour une fois, et c’est très rare, je m’ennuie. Je me suis lassée de ces conversations oiseuses, les souvenirs d’ancien militaire après la Bérézina ne m’ont pas captivée.
On se lève de bon matin avec le décalage horaire. Par chance, en Guadeloupe, les boutiques ouvrent très tôt.
Courses à Pointe Noire
A 7h30, à Pointe Noire, le village s’éveille. Des dames avec leur sac à main marchent le long de la route, elles vont à l’église grand ouverte. Un boucher propose de la viande locale, des boudins et des plats cuisinés. Il y a affluence à la boulangerie qui offre une multitude de pains, des pâtisseries européennes et antillaises : chaussons aux pommes ou à la goyave, gâteaux à l’ananas. Nous achetons des friands au thon et deux rations de morue et de thon dans une barquette. Carrefour contact n’ouvre qu’à 8h. En attendant son ouverture, je fais un tour chez la marchande de fruits et légumes qui propose des melons, des pastèques, ananas et des oranges très vertes qui viennent de République dominicaine. Ce n’est pas la saison des mangues, les manguiers sont en fleur. A Carrefour, le rayon des légumes n’est pas engageant avec ses oranges vertes, ses papayes pas mûres et ses ignames et différents tubercules dont nous n’avons pas le mode de cuisson. Nous faisons le plein de produits de base et de crèmerie et rentrons au gîte pour le petit déjeuner.
La route côtière RN2 serait très pittoresque sans la circulation automobile désagréable. Les conducteurs klaxonnent, se collent au parechoc arrière. La route est si étroite avec tant de virages et pas de visibilité pour doubler qu’ils deviennent agressifs si on roule doucement. Dommage, j’aurais tant aimé flâner, regarder les belles maisons étagées dans la colline, les restaurants colorés, les échappées sur la mer.
Le jardin Botanique de Deshaies
jardin deshaies : porcelaines
Le jardin Botanique de Deshaies est signalé par un énorme panneau touristique, équipé d’un vaste parking (vite saturé). Le billet est cher (16€90). 10 heures, c’est l’affluence: touristes métropolitains, 3ème âge pour la plupart, familles avec de jeunes enfants et jeunes couples. Le jardin a autrefois appartenu à Coluche (son ancienne villa est proposée à la location). Le jardin a été aménagé par le paysagiste Michel Gaillard.
On aborde le parc par un grand plan d’eau où grouillent d’innombrables carpes « koï » avec quelques jolis canards. Des flèches guident le visiteur en un parcours compliqué à travers les massifs.
Bakoua
Je suis fascinée par le Bakoua (Pandanus sanderi) et sa silhouette étrange : une pyramide de racines aériennes suivie des branches épaisses surmontées par une touffe formant une coupe arrondie de longues feuilles de l’ordre du mètre qui ressemblent un peu à celles des yuccas mais souples et fines dont on utilise les fibres comme textile. Je n’avais pas été capable d’identifier le Bakoua au gîte des Manguiers.
héliconia
Différentes variétés d’Heliconia, que j’ avais découvertes au Costa Rica. Je me perds et renonce à faire l’énumération des plantes ornementales magnifiques qu’on a l’habitude de voir en pot dans nos maisons. Presque toutes sont étiquetées avec leur nom scientifique en latin. Les plantes sont de provenances diverses : Asie, Amérique Centrale, Australie…je ne sais plus bien comment les classer. De plus on a remplacé les panneaux explicatifs par des QR-codes : manipulation fastidieuse quand le smartphone sert aussi d’appareil-photo. J’abandonne toute velléité botaniste et me laisse fasciner par les formes, les couleurs les associations étonnantes des épiphytes broméliacées et orchidées. C’est une promenade de touriste badaude ordinaire ébahie par tant de beauté et de couleurs. Les flamants roses dans leur enclos et les aras dans leurs volières font un peu zoo, mais c’est si joli !
Epiphytes : orchidées et bromélia
Je suis un peu déçue que cette visite n’ait pas répondu à mes questionnements sur la flore endémique et ses noms évocateurs découverts dans mes lectures de Maryse Condé et de Simone Schwarzt-Bart. Pas d’Acomat ni de Bois-savonnette ou de courbaril. Après tout nous disposons de trois semaines pour les découvrir !
Sur la route du retour au gite, nous ratons l’entrée de la Plage Leroux que nous avait recommandée Marie-Jo, notre hôtesse et c’est à la Petite Anse que j’inaugure mes baignades antillaises. Une vague Plus forte que les autres vient mourir tout près de mes tongs. J’ai juste le temps de sortir de l’eau pour les sauver avant la suivante.
Comme le gîte est tout proche et que nous sommes sous l’effet du décalage horaire, nous rentrons déjeuner au gîte et faire une courte sieste.
Selon le GPS, il ne faut qu’une heure de route pour rejoindre Pointe Noire à partir de l’aéroport d’abord sur une belle route, presque une autoroute puis par la route de la Traversée (D23) qui coupe Basse Terre (mal nommée ici) par les montagnes : Les Mamelles qui culminent à 785 m. Nous traversons des paysages verts luxuriants. Des fougères couvrent les parois en formant des murs végétaux. La forêt est très dense sur les collines que de nombreuses rivières et cascades irriguent. Malgré la fatigue du voyage et la hâte d’arriver au gîte, mon enthousiasme est intact. Je remarque en traversant le Parc National que de nombreux itinéraires de promenades sont fléchés.
Jonction avec la N2 à côté de Malendure, nous remontons vers le Nord en passant par Pointe Noire puis nous descendons une pente interminable pour trouver notre gîte à l’entrée de Baille-Argent à côté de la rivière Baille-Argent.
Les Manguiers Otantiks sont composés de plusieurs cases peintes de tintes vives jaune/vert qui sont dispersées dans un parc arboré et fleuri. Notre hôtesse est très accueillante. Le bungalow est parfait pour nous. Equipements intérieurs sans prétention. La terrasse est bien à l’ombre et aérée. Elle est meublée d’une table ronde, chaises et lourds fauteuils de bois massif qui rappellent la facture de la menuiserie africaine. A l’intérieur, une grande salle avec un lit sous une jolie moustiquaire. La chambre avec les lits superposés servira de débarras pour nos valises. La cuisine est très petite. Ce n’est pas grave, nous allons vivre sur la terrasse. Pourvu que les moustiques nous oublient.
A peine les bagages posés, je pars d’un bon pas à la recherche des boutiques pour faire les courses de base pour le petit déjeuner. Nous avons mangé dans l’avion et n’avons pas faim pour dîner. Je me suis trompée, au lieu de partir à droite sur Baille-Argent, je suis montée sur Morphy . la seule « épicerie » ouverte offre bien peu de marchandises en dehors du rhum et du vin et de quelques boîtes de sardines. Ni thé ni café, encore moins de pain et de yaourts.
Nous terminons la soirée en sirotant le jus de corossol maison fabriqué par notre logeuse.
Pour supporter les 8h40 de vol, Dominique nous a offert la Classe Caraïbe. Seulement 2 sièges au lieu de 3 en économique, des fauteuils plus larges. Un menu plus sophistiqué champagne ou Ti-punch), (tartare de saumon et Saint Jacques à la place du taboulé). Mais ce n’est pas la 1ère classe, les doses sont riquiquis et servies dans des barquettes en plastique. Ce n’est pas le grand luxe mais un confort appréciable.
J’aime ces heures perdues dans les fuseaux horaires. Parties à 11 heures nous arriverons à 15 heures : 5 heures gagnées en début d’après midi qui nous permettront de rejoindre le gîte de jour. 9 heures pour faire le vide, la coupure entre la routine à Créteil et l’aventure que nous nous préparons à vivre. J’ai apporté le Guide Evasion, Hachette et le Guide Vert pour planifier nos visites des prochaines journées. Air Caraïbe offre la lecture numérique de la Mythologie des figures caraïbes : sur la page de gauche, des extraits de textes littéraires, en face des explications. Je reconnais Ti-Jean l’Horizon de Simone Schwartz-Bart je suis en train de lire, Pluie et vent sur Télumèe Miracle et découvre Chamoiseau et Glissant que je ne connais pas. Le plus souvent mon esprit vagabonde, je somnole aussi.
les sargasses vues de l’avion
D’après la carte sur l’écran, l’avion survole la Mer des Sargasses. La couverture nuageuse s’est disloquée, je cherche les Sargasses. Malgré l’altitude de croisière – 12.000 m – je les trouve : guirlandes oranges, paquets parfaitement observables de l’avion, les bancs doivent avoir un ordre de grandeur approchant le kilomètre !
A l’approche de la Guadeloupe, l’avion amorce sa descente. Entre deux nuages, je distingue les côtes, les falaises, la frange d’écume. Les haut-fond affleurent, la couleur de l’eau moirée est changeante. Enfin nous survolons la mangrove : la rivière du Sel. J’exulte. Je viens de terminer Traversée de la Mangrove de Maryse Condé.
la mangrove vue de l’avion à l’arrivée
L’arrivée à l’aéroport (plus grand que je ne l’imaginais) est un peu laborieuse. Les loueurs de voitures sont installés en dehors de l’aérogare. On les rejoint en navette. Tout se passe bien. A la descente du minibus, je me précipite pour prendre un ticket comme à la poissonnerie de Leclerc et nous sommes appelées les premières. Notre véhicule est une Kia Picanto blanche. Au moment de la démarrer, elle reste inerte. On cherche de l’aide : nous ne sommes pas à bord de notre Kia mais de sa voisine, comment l’avons-nous ouverte ? Mystère !
120 pages, une aimable promenade à travers les livres et les films de Duras sur les trace de la très élégante dame en fourreau noir ou en robe rouge qui a pour moi le visage de Delphine Seyrig…De Calcutta à Lahore, de Savannakhet à Venise, bicyclette appuyée au grillage du tennis vide, salons brillants avec la musique de Carlos d’Alessio. Je suis toujours hantée par les films vus et revus, India Song,Son nom de Venise dans Calcutta déserte…
Il vaut mieux bien connaître l’œuvre de Duras pour ne pas s’ennuyer dans toutes les répétitions et les nuances. Heureusement l’enquête est bien menée et le livre est court. En tout cas, il m’a donné envie de revenir à l’original.
La première partie, les pas d‘Anne-Marie Stretteret Ses Visages m’ont enchantée. La seconde Eurydice : Aimer après Auschwitz,est moins légère. Lourde de significations, les sens cachés m’avaient complètement échappé quand j’ai découvert autrefois les textes. Les associations « lèpre-Juifs » m’ont mise mal à l’aise. Les allusions à la colonisation, surtout dans le Barrage contre le Pacifique m’avaient paru évidentes. Encore une fois la lecture de l’essai de Sylvie Thorel éveille une nouvelle curiosité et un besoin de retour au texte.
Si vous n’avez jamais lu Duras, ce livre n’est pas pour vous, mais si vous êtes fan, c’est une belle occasion d’approfondir et une lecture intéressante.