L’EMPIRE OTTOMAN – Le Déclin, la chute, l’effacement – Yves Tenon ed du félin

MASSE CRITIQUE DE BABELIO

 

J’ai coché ce livre sur la liste de la Masse Critique sans aucune hésitation, l’Histoire est toujours plus passionnante que la fiction et la Méditerranée orientale est un  territoire que j’aime explorer, d’ailleurs je rentre d’Egypte. Merci aux éditions du Félin pour cette lecture!

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Ce n’est certes, pas le livre qu’on glissera dans le sac de voyage pour un week-end à Istanbul, 500 grandes pages, imprimées en petits caractères, format et poids rédhibitoires! Ce n’est pas non  plus le « pavé de l’été« à lire sur le bord de la piscine ou à la mer!

C’est du lourd et du sérieux, c’est l’oeuvre d’un historien qui, de plus se présente comme un historien des génocides :

« Les spécialistes des génocides sont de drôles de gens,  des oiseaux  bariolés dans la volière universitaire…

L’historien du génocide est un policier qui enquête, un juge qui instruit un procès. Peu importe la vérité, il découvrira la vérité pourvu qu’il la trouve…. »

écrit l’auteur dans le premier chapitre du livre.

Ainsi prévenu, le lecteur se lance dans un ouvrage sérieux, documenté qui recherche les sources du déclin de l ‘Empire

Ottoman loin dans l’histoire, au début-même de la conquête des Ottomans, au temps de Byzance. Cette histoire va donc se dérouler pendant 600 ans sur un très vaste territoire. On oublie souvent que la Porte régnait de la Perse aux portes de Vienne, du Caucase au Yémen. Histoire au long cours, sur un Proche Orient qui s’étale sur trois continents. Pour comprendre la chute, il importe donc de connaître l’Empire Ottoman à son apogée.

Quand a-t-il commencé à décliner ? A la bataille de Lépante (1571) ou après le second siège de Vienne (1683) avec la paix de Karlowitz (1699) où le démembrement de l’empire commença quand la Porte a cédé la Pologne, la Hongrie et la Transylvanie?

En 1572, après Lépante, Sokollu déclarait à l’ambassadeur vénitien:

« il y a une grande différence entre votre perte et la nôtre. En prenant Chypre nous vous avons coupé un bras. En coulant notre flotte, vous avez seulement rasé notre barbe. Un bras coupé ne repousse pas. Une barbe tondue repousse plus forte qu’avant… »

L’analyse de la société ottomane, de son armée, ses janissaires, le califat nous conduit jusqu’à la page 80, avant que le déclin ne soit réellement commencé avec l’intervention des occidentaux et les Capitulations ainsi que les prétentions russes et le début du règne de Catherine de Russie (1762).

Pendant plus d’un siècle et demie, Serbes, Roumains, Grecs, Bulgares et Macédoniens, enfin Albanais vont chercher à s’émanciper et à construire une identité nationale. Par ailleurs les Grandes Puissances vont jouer le « Jeu diplomatique » qu’on a aussi nommé « Question d’Orient »

« Dans la question d’Orient, cet affrontement des forces qui déchirent l’Europe peut être représenté sous forme d’un Jeu qui tiendrait des échecs et du jeu de go, avec des pièces maîtresses et des pions et où chaque partenaire conduirait une stratégie d’encerclement. Des reines blanches  – de trois à six selon le moment – attaquent ou protègent le roi noir ceinturé de pions. les unes veulent détruire le roi noir, les autres le maintenir dans la partie. Le roi perd ses pions un à un, et les reines tentent de s’en emparer, chacune à son bénéfice, pour se fortifier ou affaiblir ses rivales »

Les puissances sont les reines : l’Angleterre veut garder la Route des Indes, la Russie veut un accès par les Détroits à la Méditerranée, elle utilise son « Projet Grec » en se posant comme protectrice de l’Orthodoxie, l’Autriche-Hongrie veut s’élargir à ses marges, la France se pose comme protectrice des Chrétiens d’Orient, l’Italie et l’Allemagne arrivées plus tard dans le Jeu cherchent des colonies.

L’auteur raconte de manière vivante, claire et très documentée cette histoire qui se déroule le plus souvent dans les Balkans mais aussi dans les îles et en Egypte.

C’est cet aspect du livre qui m’a le plus passionnée. Lorsqu’on envisage les guerres d’indépendance de la Grèce à partir de Constantinople, on peut rendre compte de toutes les forces en présence aussi bien le Patriarcat et les Grecs puissants de Constantinople que les andartes, sorte de brigands, les armateurs, les populations dispersées autour de la mer Noire jusqu’en Crimée, les armateurs et surtout les manigances russes. La Grande Idée se comprend bien mieux comme héritière du Projet Grec russe.

Les Révoltes Serbes, les comitadjis macédoniens ou bulgares trouvent ici leur rôle dans ce Grand Jeu. Les guerres fratricides qui se sont déroulées dans la deuxième moitié du XXème siècle dans les Balkans  en sont les héritières.

L’auteur explique avec luxe de détails les traités de San Stefano (18778) et le Congrès de Berlin(1878) que j’avais découverts à Prizren (Kosovo) avec la Ligue de Prizren qui est à l’origine de l’indépendance albanaise.

On comprend aussi la formation du Liban. On comprend également pourquoi Chypre fut britannique, Rhodes et le Dodécanèse italien….

Après une analyse très détaillée (et plutôt fastidieuse) de la Première Guerre mondiale les événements se déplacent des Balkans vers le sud, à la suite des intérêts britanniques et français et des accords Sykes-Picot, tout le devenir du Moyen Orient s’y dessine. 

Les accords de paix clôturant la Grande Guerre portent en germe l’histoire à venir : Traités de Versailles, de Sèvres, de Lausanne. Les négociations sont racontées par le menu, là aussi j’ai un peu décroché.

La fin du livre se déroule dans le territoire rétréci de l’Asie Mineure, éléments fondateurs les Jeunes Turcs, le  Comité Union et Progrès, le qualificatif « Ottoman » est remplacé par « Turc », le nationalisme turc prend le pas sur l’islam, il y eut même un courant touranien avec une orientation vers l’Asie Centrale ou le Caucase. Deux événements fondateurs : le génocide Arménien  et la prise de pouvoir par Mustafa Kemal, émergence d’un populisme laïque et nationaliste. L’historien refuse l’hagiographie et analyse le parcours de Kémal. 

Chaque chapitre est remarquablement bien construit. La lecture étant ardue, il m’a fallu me limiter à un chapitre à la fois. Passionnant mais parfois indigeste, j’ai reposé le livre, pris le smartphone pour avoir la version simplifiée de Wikipédia, pour des cartes, des dates. Il m’a parfois semblé que ce livre était destiné à des lecteurs plus avertis que moi.

Un seul reproche : les cartes sont peu accessibles, trop rares et réparties au milieu du texte, un cahier sur un papier glacé au milieu, au début ou à la fin aurait facilité le repérage. De même, la toponymie laisse parfois le lecteur désorienté : pourquoi avoir utilisé Scutari au lieu de Shkoder en Albanie, toujours en Albanie Durrazzo pour Dürres, Valona pour Vlora? Angora pour Ankara…C’est un détail, mais encore c’est le smartphone qui m’a dépannée.

Je vais ranger ce gros livre bien en évidence parmi mes livres de voyage parce qu’il raconte aussi bien l’histoire de la Grèce, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Bosnie, de l’Egypte que de la Turquie moderne! C’est un indispensable pour comprendre les enjeux des luttes actuelles et aussi pour comprendre pourquoi le génocide arménien est encore nié dans la Turquie moderne.

 

 

 

 

 

 

Des éléphants dans le jardin – Meral Kureyshi

CARNET DES BALKANS/ KOSOVO

 

C’est le premier roman de Meral Kureyshi qui nous vient de Suisse,  écrit en allemand (2015) et publié en français (2017) par les éditions de l’Aire. Une jeune kosovare originaire de Prizren, en Suisse depuis 1991. Ce court roman (177p.) se présente comme une lettre à son père:

Incipit :

« ton cercueil est dans la terre. Tu voulais être enseveli à Prizren. Depuis un mois, chaque vendredi matin, je recouvre mes cheveux d’un foulard blanc et récite Ya-Sin, la prière des morts pour toi »

N’allez pas croire que c’est un livre triste, pas du tout, c’est plutôt tendre, simple. La jeune fille évoque sa famille, son enfance, l’intégration laborieuse en Suisse.

J’avais choisi ce livre comme une occasion de retourner à Prizren que nous avons visité et que j’ai bien aimé. De Prizren, on ne raconte pas grand chose dans ce livre. La jeune fille va voir sa famille, son école et le cimetière. L’essentiel de l’histoire se déroule en Suisse. C’est plutôt le livre de l’exil, de l’espoir d’une vie meilleure, des papiers qu’on tarde à leur donner, de la nationalité suisse qui est refusée malgré une intégration satisfaisante. 

J’ai attendu les éléphants du titre, je suis toujours curieuse de comprendre les titres. Les éléphants sortent de l’imagination de la petite fille qui cherche à inventer des choses extraordinaires dans un quotidien plutôt ordinaire.

Une note douce, affectueuse, mais en demi-teinte.

 

Faleminderit! Merci à Albania Tradition pour ce circuit passionnant

CARNET DES BALKANS

Avant de refermer ce carnet, avant de partir pour de nouvelles aventures, de nous envoler vers un nouveau voyage, je tiens à remercier Albania Tradition l’agence locale de Tirana pour nous avoir préparé ce circuit.

30 jours, 19 étapes, 4 pays, un Road book de 80 pages. Bravo! vous avez bien travaillé!

Nous n’aurions jamais imaginé tant de variété dans les paysages, les visites culturelles. pas un jour n’a ressemblé au précédent. Sites archéologiques, citadelles, monastères, mosquées anciennes ou baroques, maisons-musées, plages et montagne.

Hébergements  toujours bien  choisis, de l’accueil tout simple et chaleureux « chez l’habitant » au 5* de Peje, en passant par toutes les catégories d’hôtel.

Ce qui a été toujours égal c’est la gentillesse de nos hôtes, même si parfois on avait du mal à se comprendre.

Mention spéciale à l’équipe de l’Hôtel Alpin qui nous a dépanné lors de la crevaison, à Eni de GuideinPermet qui nous a trouvé un hôtel lorsque l’hébergement prévu était inaccessible en haut d’un escalier raide, à Sotir qui nous a ouvert son jardin et  sa maison,   à Fariç et Arben qui ont improvisé un séjour gastronomique et cuit le Fli sur le feu….à tous les inconnus qui nous ont fait apprécier leur pays….

Et bien sûr à Evaneos qui nous a mis en relation avec Albania Tradition

Balkans-Transit – François Maspéro photogaphies Klavdij Sluban

LIRE POUR LES BALKANS 

C’est une relecture : lu une première fois à l’occasion d’un voyage en Bulgarie, plutôt qu’une critique j’avais fait une citations dans mes INVITATIONS AU VOYAGE et comme j’avais visionné(encore!)  le Regard d’Ulysse d’Angelopoulos j’avais mêlé film et livre.

Au départ en Albanie, le relire était une évidence d’autant plus que notre circuit sortait d’Albanie pour 6 jours au Kosovo, une semaine au Monténégro et une excursion en Macédoine. Quel meilleur guide imaginer?

Portrait de l’auteur en européen : « Touriste peut-être même si je récusais instinctivement le mot, mais alors dans la solitude du touriste de fond. mon modèle était Gérard de Nerval.. »  plus loin « A l’époque, découvrir le monde, si on de voulait pas se limiter au paysages de Connaissance du Monde; cela devenait politique….. »

Premiers départs : « j’ai fait ainsi entre 1992 et 19ç4, cinq voyages balkaniques qui m’ont conduit de Sofia à Ohrid, de Salonique au Danube, de Missolonghi à Tirana… »

J’ai téléchargé le livre dans la liseuse pour pouvoir l’emporter sur place et j’ai pris de nombreuses notes que je ne peux pas recopier toutes, bien entendu!

Je me suis surtout attachée à la partie albanaise et macédonienne de leur périple, même si j’ai relu avec plaisir le reste. Beaucoup de choses m’avaient échappé. Je me suis aussi plus attaché au personnage du photographe dromomane, slovène – donc ancien yougoslave – polyglotte et capable de décrypter les informations parfois codées d’un discours qui en tout cas serait incompréhensible au touriste.

J’ai aimé leur récit du passage à Dürres, lu quand j’y étais, de la recherche des autobus à Tirana. Ces récits sont datés toutefois, vingt ans ont passé et heureusement l’Albanie n’est plus ce champ de ruine, on trouve facilement des hôtels, le réseau routier est encore vétuste mais il est souvent acceptable, les arbres massacrés ont repoussé…. Les deux compères ont saisi un moment précis, du passage du communisme à l’économie de marché, heureusement les choses semblent se normaliser.

J’ai aimé les rappels historiques à propos de Skanderbeg ou d‘Ali Pacha….ou du Congrès de BerlinBismarck a dénié à l’Albanie le statut de nation.

Un grand livre que je relirai sûrement, surtout que j’ai deux exemplaires, papier et électronique!

Pejë : Le Patriarcat de Pec et le monastère de Decan

CARNET DES BALKANS/KOSOVO

Pec Patriarcat

le Patriarcat de Pec (nom serbe de Pejë).

Le Patriarcat de Pec est construit à l’écart de la ville, proche de la vallée de Rugova où des ermites étaient venus s’installer dans des grottes. Un mur hérissé de barres de fer protège le monastère. Une guérite habillée de filets de camouflage (interdit de photographier) est à l’entrée. Des policiers nous demandent nos passeports avant de lever la barrière. On a l’impression de passer une frontière : d’avoir quitté le Kosovo musulman pour une contrée étrangère (Serbie orthodoxe ?). Après le pillage et le saccage des lieux de culte orthodoxes, le Patriarcat comme le monastère de Decan et une église de Prizren, sont mis sous la protection de l’UNESCO sur la liste du Patrimoine en Péril.

Ce monastère devint le siège de l’Archevêché et du patriarcat serbe e 1346, 1463 1557 et  1776.

Derrière ses murs nous découvrons  un groupe d’églises peintes en rouge sang adossées les unes aux autres, percées de belles fenêtres, parfois géminées à l’italienne, un jardin et un très vieil arbre étayé : le mûrier de Saint Sava (1169-1236).Selon la légende, Sava aurait rapporté une pousse de la Terre Sainte . .  L’archevêque Arsène fit construire l’église des Apôtres au 12ème siècle. Nicodème er ajouta l’église saint Dimitri, Danilo II celle de la Vierge en 1330

Nous sommes accueillies par des moniales tout de noir voilées à l’air sévère. Pour le prix de l’entrée(2€) un audio-guide est prêté. Malheureusement, le commentaire s’attache surtout aux particularités architecturales, à l’histoire des évêques qui se sont succédés plutôt qu’aux fresques. Il y en a tant qu’on ne sait où donner de la tête. Il faudrait passer des heures pour les déchiffrer toutes. Pourquoi ne pas s’y attarder ? Si ce n’était une vieille sorcière, habillée en nonne, qui nous poursuit en agitant bruyamment une sébile et qui surveille que nous ne prenions pas de photos (photos interdites). J’aimerais examiner les icônes grecques de l’iconostase et elle me presse d’aller ailleurs.

Monastère Decan

A 12 km, sur la route de Gjakové, se trouve le fameux monastère Decan. Autant il est facile de parvenir au village, autant il est difficile de trouver le monastère établi  à l’écart. Un seul panneau très discret l’indique (éclipsé par le feuillage d’un arbre d’alignement). Les passants interrogés font mine de ne pas comprendre. Pourtant le mot « manastir » devrait convenir. On se perd dans la campagne pour se retrouver au village une seconde fois.

Pas étonnant que les habitants ne nous l’indiquent pas : il est gardé par la KFOR. Il faut donner nos deux passeports aux soldats autrichiens qui nous donnent en écahnge un billet « visiteur » et qui conservnet les passeports toute la durée de la visite. On ouvre ensuite une grille qu’on refermera dans mon dos. Photos interdites comme au Patriarcat de Pec. Dehors, comme dedans. Je n’ai pas envie de désobéir, je me sens surveillée par les soldats. Deux d’entre eux déambulent sur mes talons. Un homme poivre et sel, croate, l’autre est une grande blonde costaude suédoise. Ils communiquent en anglais. Un pope survient. Jeune, ouvert, sympathique. Le militaire et le pope se congratulent en serbo-croate, puis le pope fait une visite guidée en anglais à l’attention de la suédoise. Je me joins à eux.

Le monastère est construit en belle pierre blanche par le roi Stefan (1327-1330) sa décoration est datée 1350. L’intérieur est une splendeur, l’ensemble des fresques est d’une cohérence remarquable puisque elles on été peintes en 8 an, à l’exception de l’iconostase macédonienne baroque dorée.

Decan : fresques

Le pope nous fait remarquer certaines fresques: le calendrier perpétuel avec la succession des saints à fêter, la représentation des conciles du début de l’Eglise Byzantine : les orthodoxes portent une auréoles, les hérétiques, non. Une litière avec un soldat illustre la conversion de Paul, inévitable : Constantin et Hélène…Autrefois, ce monastère très riche contenait de l’or. Le pope nous en montre une trace sur le sol et les marbres précieux, l’onyx.

Le soldat croate demande la permission de faire quelques photos. Le moine, ferme les yeux en réponse. J’en profite.

Je récupère les passeports. Ces deux visites sous la protection de la KFOR rappellent que le problèmes entre Serbes et albanais n’ont pas tous été résolus.

Canyon de Rugova, une balade en montagne au dessus de Pejë

CARNETS DES BALKANS/KOSOVO

canyon de Rugova : cascade

Météo incertaine, ciel couvert, les nuages sont accrochés aux sommets. Dès la sortie de la ville, la route suit la rivière de Pejë qui est le Drin Blanc – fleuve le plus grand de l’Albanie. Elle s’engage dans un étroit défilé creusé par le torrent entre de très hautes falaises. La route est étroite, elle passe sur des petits ponts métalliques, fait des épingles à cheveux, passe par un tunnel puis par des galeries « presque-tunnels ». J’aurais aimé marcher dans le canyon. Paradoxalement, il y a de la circulation, surtout du trafic local, de petites camionnettes qui coupent les virages et foncent ; Je photographie chaque point de vue, à chaque virage et suis fascinée par une cascade qui surgit d’une haute falaise à mi-pente se divise en plusieurs ruisselets et aboutit au torrent en grondant, se précipitant en une écume mousseuses sur les rochers qui lui barrent le chemin.

canyon de rugova

 

A chaque recoin, on a installé des tables et des bancs pour un minuscule bar. Une tyrolienne traverse le canyon. Un passage est équipé en via ferrata. Ce Canyon de Rugova qui paraiît perdu à la limite du Monténégro est très touristique et bien équipé en panneaux de bois qui flèchent des randonnées à pied ou en mountain bike. Nous suivons un chemin, fléché « amfitéatro ». La Clio est basse, elle peine entre ornières et rochers qui dépassent. A une fourchette où le demi-tour est possible, je pars à pied oubliant de regarder ma montre. Pas d’amphithéâtre si ce n’est un panorama dégagé sur les montagnes qui forment un amphithéâtre géant. Plus haut est construit un restaurant panoramique.

chevrefeuille

Après le défilé, la vallée s’élargit un peu ; les flancs de la montagne sont couverts d’une épaisse forêt de diverses essences, résineux et feuillus mélangés : noisetiers, hêtres, chênes, sureaux en fleurs, sans oublier les saules magnifiques en bord de l’eau. L’inventaire des fleurs serait encore plus long. Je photographie des orchidées et du chèvrefeuille aux fleurs anormalement grandes et parfumées. Je me rends compte que nus allons chercher la fraîcheur en Aout dans le Dévoluy, si nous y allions en Juin, nous trouverions sans doute une telle floraison.

A y regarder de plus près, la montagne est loin d’être déserte. Il y a des fermes avec des prés, des granges en plus des chalets des estivants ? La route continue à monter en suivant le cours d’eau de plus en plus fluet jusqu’au village. En chemin, des écriteaux signalent la mosquée (invisible) puis l’église (qui se voit). Au retour, parmi les chalets de bios et les villas de ciment, on découvrira de belles maisons anciennes en ruine et parfois en bon état.

vue de la terrasse du restaurant

Au village de Kuqishté, la route se divise, vers le nord Bogé qui est une station de ski et vers l’ouest en direction de la frontière du Monténégro. De là part un sentier vers de petits lacs que j’aurais aimer aller voir si le soleil avait été de la partie.

Un restaurant a une très grande terrasse dominant la vallée. D’un côté, un troupeau de moutons, de l’autre une petite vache et 4 ou 5 veaux. Le serveur, tout bouclé, sympathique et bon anglophone nous accueille très aimablement. Il est trop tôt pour déjeuner,  ce sera un capuccino et un verre de blanc (notre apéro habituel). J’entreprends un dessin. J’aime dessiner en terrasse lorsqu’il y a une belle vue. Nous commandons aussi des sandwiches que nous mangerons plus tard, dans un endroit charmant au bord du torrent près d’une maison abandonnée qui était autrefois un moulin. Terrasse lambrissée, cabane de bois, cabinets à l’extérieur, une table t un banc de planches déjà ruinées, une pelouse herbue et même une petite plage sur la rivière. Avec un rayon de soleil, j’aurais trempé mes pieds !

Rugova : maison abandonnée

Je suis impatiente de revoir la cascade pour la filmer.

Malgré le temps gris, une belle balade !

A House divided – Frank Harris –

LIRE POUR LE KOSOVO

costumes albanais au Kosovo

Nous avons abordé le Kosovo presque à l’aveugle (à par le riche Road Book de 80 pages d‘Albania tradition) nous n’avons pas acheté de guide papier et je n’ai pas trouvé de lectures kosovares. Ayant terminé le Cartographe à Valbona, j’ai fait confiance aux algorithmes d’Amazon, tapé « Prizren  » dans la case « rechercher  » : trois réponses sont apparues, une en Anglais, une en allemand, et une troisième en Albanais. J’ai téléchargé le livre en Anglais sans indications d’éditeur  ni d’auteur.

Le paragraphe de présentation de l’éditeur (?) précisait que le roman se déroulait au Kosovo pendant l’hiver 1998/1999 , que d’était l’histoire d’une famille prise dans la guerre entre le (KLA)Kosovo Liberation Army et l’armée yougoslave de Milosevic. La famille Berisha devait alors gérer sa survie entre les allégeances au KLA, les trahisons et les violences de l’occupant. Ce roman insiste sur les divisions profondes entre la voie pacifiste et ceux qui ne voyaient aucune alternative à la guerrilla.  (je traduis et résume cette présentation).

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce roman.

Je me suis attachées aux différents personnages composant la famille Berisha. Le patriarche, Amir,  est attaché à sa ferme, sa terre, sa famille a lui aussi, en son temps, comme son fils, pris les armes. Son petit fils, Arben, 16 ans, est encore trop jeune. Agron, le père, est absent, disparu. Les femmes sont tenues à l’écart des combats, elles doivent nourrir la famille, et pas seulement alors que les privations sont dures. Le personnage de Besa est complexe : femme jeune et instruite, épouse Agron, elle s’est imposée, à sa belle famille, elle cherche à gagner l’affection d’Arben, le fils d’Agron, elle s’interpose entre les militaires serbes qui occupent le village, négociant la survie de sa famille ou glanant des informations pour les combattants albanais dans les montagnes? Ses convictions sont nuancées, plus proches des idées du président Rugova « notre Gandhi » , elle soutient et aide les combattants du KLA. elle a aussi recueilli un jeune garçon Ardian, fils de victmes des Serbes.  Une amitié lie Arben et Ardian, même si le premier se méfie de Besa, sa belle-mère tandis qu’Ardian lui voue une admiration sans borne.

On se doute que la catastrophe sera terrible.

L’histoire se termine en 2003 quand Ardian et Arben, les seuls survivants du clan Berisha ,se retrouvent alors que les experts internationaux tentent d’identifier l’ADN des restes des personnes trouvées dans des charniers.

Dès que je suis rentrée à la maison, j’ai « googlisé  » sans succès, le titre et l’auteur. Inconnus! A house Divided est le titre d’un feuilleton historique pendant la Guerre de Sécession, il a aussi été utilisé par Pearl Buck.  Il existe plusieurs Frank Harris, mais aucun ne semble être l’auteur du livre. Aucun éditeur ne revendique ce livre qui n’existe, semble-t-il que sous forme numérique. Cette incertitude me gêne un peu quant à la confiance à accorder au témoignage. J’aurais préféré savoir dans quelles circonstances cet ouvrage a été conçu. Fiction ou histoire? De même pour les traditions albanaises et le mode de vie, folklore ou réalité?