BALKANS (BULGARIE)
Fan absolue de Kapka Kassabova qui m’a envoûtée avec Lisière puis avec L’Echo du Lac ! J’ai attendu avec impatience la sortie de ce troisième opus et voilà que Babélio m’a donné le privilège de le découvrir, merci à Babélio et à l’éditeur Marchialy!
L’autrice m’a donc embarquée pour un voyage dans la vallée de la Mesta, fleuve encore sauvage en Bulgarie courant entre les trois massifs des Rhodopes, de Rila et du Pirin à la frontière de la Grèce et de la Macédoine du Nord. Nous avons visité ces villages il y a une dizaine d’années et j’ai trouvé des réponses aux questions que je me suis posée alors.
« C’est quoi, ce livre que tu écris?
– Ca s’appelle Elixir, répondis-je
– Elixir
-Ca raconte comment les hommes le cherchent sans le trouver. »
Ce n’était pas gagné : j’aime bien herboriser pour le plaisir de la découverte des végétaux mais je ne fréquente pas les herboristes, ni les guérisseuses et je me méfie des médecines « alternatives ». Je suis accro au café italien, je bois volontiers du thé mais je déteste verveines, rooibos, et autres tisanes.
La magie de l’écriture a opéré : Kapka Kassabova détaille les usages et les bienfaits des plantes, fleurs, racines, feuilles, tout a des vertus curatives, mais surtout, elle nous fait partager des rencontres rares avec des personnalités extraordinaires, femmes et hommes détenteurs d’un savoir millénaire, la science des plantes médicinales. Cueilleurs d’herbes, de champignons, de baies qui parcourent à pied la montagne et en connaissent les secrets. Hommes simples, Bulgares ou Roms, qui traversent l’Europe pour les asperges, les fraises ou tout autres cueillettes.
Je découvre les Pomaks, musulmans mais non turcophones, dont les femmes portent encore les sarouels traditionnels. Minorité oppressée pendant le Régime communiste, qui exigea de changer leurs noms, leurs costumes. Islamisés depuis des siècles mais héritiers des Bogomiles chrétiens proche des Cathares, islam soufi plutôt clément pour les femmes.
Syncrétisme aussi. Ces populations encore très proches de la nature vénèrent des sources, des pierres investis de pouvoirs miraculeux. Tous sont sensibles à la nature encore sauvage des montagnes, à l’influence de la lune, à l’émerveillement des nuits étoilées. Histoires byzantines. Traditions antiques de ruines Grecques ou romaines encore visibles. Le mythe d’Orphée est aussi présent. Pouvoir magique de l’eau, des bains, romains, turcs ou thermaux qui réunissent encore les habitants de ces vallées et que nous fait partager l’autrice.
Chaque rencontre avec les babas guérisseuses, gardiennes des pierres magique, est une surprise. On fait aussi connaissance avec un spécialiste des herbes, un masseur aveugle, un éleveur de chevaux, des bergers, des chasseurs de trésor… Chaque fois Kapka Kassabova fait surgir des personnages originaux. Elle ancre leur histoire dans les légendes ou dans le contexte politique. Tout n’est pas idyllique, la vallée se dépeuple. l’exode rural après l’abandon de la culture du tabac qui était la richesse de la vallée. Déjà, du temps du communisme on a essayé d’exploiter ces forêts et ces montagnes
« Des pancartes de l’ère communiste pendouillaient au bout de clous brisés :
« DU COMBAT CONTRE LA NATURE, NOUS SORTIRONS VICTORIEUX »
Mon guide sourit tristement : « Ils ont échoué mais pas assez »
Les villages se vident inexorablement, peu de jeunes dans les habitants permanents. Ce sont des vieux qui maintiennent les techniques et les savoirs traditionnels. L’autrice note :
» quand un village perd ses spécialistes de la terre il devient un village vide. il se mue en station touristique ou en banlieue satellite »
Même si je ne l’ai pas suivie sur le terrain des saintes et des miracles ou des voyantes, je me suis laissé entrainer par Kapka Kassabova dans ce voyage avec grand plaisir!