LIRE POUR LES BALKANS (BOSNIE)
Ivo Andric(Prix Nobel 1961)est l’auteur de Titanic et autres contes juifs de Bosnie , de Mara la Courtisane, Omer Latas Pacha , que j’avais lus en 2017 à l’occasion d’un voyage dans les Balkans (Albanie, Kosovo, Monténégro, Macédoine). J’avais beaucoup aimé ces livres et m’étais promise de poursuivre la lecture de son œuvre. Le Mois de l’Europe de l’Est est l’occasion d’y revenir.
Le Pont sur la Drina est le « roman-chronique » (expression trouvée dans la Postface) de la ville de Visegrad, se déroulant de 1571 quand le pont fut construit jusqu’à l’été 1914, de l’apogée de l’Empire Ottoman jusqu’à son démantèlement. Le Pont sur la Drina faisait le lien entre l’Orient et l’Occident, puis la frontière entre la Serbie et la Bosnie. Lien entre une mosaïque de communautés mais aussi passage des armées d’invasion. Centre de la vie officielle où les proclamations officielles étaient placardées. Lieu de vie : jeunes et vieux venaient fumer, bavarder, boire café ou rakia, comploter même!
Mehmed Pacha Sokolovic – Grand Vizir de Soliman le Magnifique et de ses successeurs – qui ordonna la construction du pont – était un enfant du pays, du village voisin de Sokolovici, jeune serbe orthodoxe enlevé par les Ottomans pour en faire un Janissaire. La construction du pont dura 5 ans et fut accompagnée de celle d’un caravansérail; œuvres pieuses financées par une fondation religieuse. Pendant trois siècles musulmans, chrétiens et juifs et tsiganes vivaient autour du bazar, commerçants et paysans. Les plus grandes catastrophes, les crues de la rivière les réunissaient dans les hauteurs dans la grande fraternité des inondés, le pope, l’imam et le rabbin unis pour rassurer leurs ouailles.
Le réveil national des Serbes dans le pachalik de Belgrade fut une première fissure dans l’Empire. les troupes et matériels envoyés en Serbie pour contrer la rébellion passaient par le pont. Visegrad était à une heure de marche de la frontière et l’on pouvait entendre tonner le « canon de Karadjorje » (1804-1813)et voir les feux sur le Mont Panos. Pour garder le passage, un mirador fut construit sur le pont et les têtes des Serbes condamnés pour complicité furent exposées. Pendant tout le 19ème siècle, les révoltes et les guerres s’étendirent dans les Balkans, la frontière turque reculait jusqu’à ce que les Autrichiens entrent en 1879 en Bosnie-Herzégovine puis l’annexent le 5 octobre 1908.
J’ai cherché sur le net toutes ces dates. Ivo Andric ne donne pas de cadre chronologique précis. Au contraire, la vie s’écoule régulièrement comme l’eau de la rivière sous les arches du pont. Le lecteur retrouve les familles, les enfants qui prennent la place des ancêtres, l’arrivée de nouveaux-venus comme ces Juifs galiciens qui installent un hôtel : Lotika, la gérante n’est pas une inconnue pour moi qui ai aimé Titanic et autres contes juifs de Bosnie. La société rurale et les commerçants du Bazar oriental voient arriver la modernité, l’éclairage au gaz, puis le train qui retire au Pont l’exclusivité du transit, l’électricité. Les jeunes vont étudier à Sarajevo mais aussi à Vienne ou à Graz. Les idées nouvelles, nationalisme et socialisme se répandent….Le caractère oriental cède devant les institutions austro-hongroises, on recense, numérote avant d’établir la conscription.
Le Pont sur la Drina est paru en 1945 en version originale, puis en 1956 traduit en Français. Ivo Andric a été nobélisé en 1961. Il est mort en 1975.
« Serbe par son choix et sa résidence en dépit de son origine croate et de sa provenance catholique, bosniaque par sa naissance et son appartenance la plus intime, yougoslave à part entière[…]que ferait-il au moment où se détruit tout ce qu’il a aimé et soutenu, ce à quoi son oeuvre est si profondément liée? Les ponts réels ou symboliques qu’il a décrits ou bâtis dans tant de ses ouvrages sont-ils brisés et détruits à jamais?
interroge en 1994 P. Matvejevitch dans la Postface du livre.
Avant de refermer ce livre je me suis documentée sur ce Pont sur la Drina, nommé Pont Mehmed Pacha Sokolovic, monument historique inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il a été témoin de massacres : nettoyage ethnique de la part des Serbes en 1992 où 3000 musulmans périrent.
Emir Kusturica , en vue d’une adaptation cinématographique du roman d‘Ivo Andric a reconstitué les décors en une ville Andricgrad qu’on peut visiter virtuellement sur Internet mais qui ne m’a pas vraiment séduite. J’ai cherché des traces du film sans trouver.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre et me propose pour la prochaine édition du Mois de la Littérature de l’Est de continuer à explorer l’œuvre de Ivo Andric!
J’ai déjà lu un billet dans un blog sur ce pont, je me souviens très bien de l’image. Peut-être chez toi mais pas à propos du livre plutôt en voyage !
J’aimeJ’aime
C’était peut-être chez moi…
J’aimeJ’aime
merci pour ta réponse !
J’aimeAimé par 1 personne
@claudialucia : oui cela doit être chez Goran mais j ai fait des photos de ponts ottomans en Albanie et au Kosovo
J’aimeJ’aime
Merci pour ton article.
J’aimeJ’aime
ma liste de livres à découvrir s’allonge!
J’aimeJ’aime
@ eimelle : Comme c est singulier !
J’aimeJ’aime
Merci pour le lien
J’aimeJ’aime
Ah je confondais avec autre chose. Donc merci de ton billet ! Une sorte de chronique d’une époque et d’une région, ça pourrait me plaire.
J’aimeJ’aime
@ Nathalie je te le recommande
J’aimeJ’aime
je l’ai sur mes étagères depuis des lustres mais je n’ai jamais réussi à m’y intéresser
J’aimeJ’aime
@Dominique : as tu essayé ? C est un livre passionnant et il dit tant sur une région que les actualités ont montrée à feu et à sang.
J’aimeJ’aime