La plus secrète mémoire des hommes – Mohamed Mbougar Sarr

RENTREE LITTERAIRE 2021

« Soyons francs : on se demande si cette œuvre n’est pas celle d’un écrivain français déguisé. On veut bien que la colonisation ait fait des miracles d’instruction dans les colonies d’Afrique. Cependant, comment croire qu’un Africain ait pu écrire comme cela en français ? »

Comment classer cet ouvrage : Rentrée littéraire 2021 ou Francophonie?

Mohamed Mbougar Sarr, né à Dakar est-il un romancier sénégalais comme le présente l’article de Wikipédia ou un écrivain de cette rentrée littéraire parisienne? Ce serait un détail si cette distinction n’était pas un des thèmes de ce roman. Diegane Faye est un écrivain africain vivant à Paris qui a publié un petit roman au tirage confidentiel. Il s’attache à faire sortir de l’oubli TC Elimane, écrivain maudit, qui a publié en 1938 un chef d’œuvre disparu dans des circonstances étranges.   Marème Siga , « l’ange noir de la littérature sénégalaise »  lui confie un exemplaire du livre introuvable, lecture éblouissante. L’écrivaine, cousine d’Elimane, ne l’a pas connu ;comme Diegane, elle se consacre à sa recherche . Elle a eu une relation passionnée avec une poétesse haïtienne, amante d’Elimane. 

« Quelle est donc cette patrie ? Tu la connais : c’est évidemment la patrie des livres : les livres lus et aimés, les livres lus et honnis, les livres qu’on rêve d’écrire, les livres insignifiants qu’on a oubliés et dont on ne sait même plus si on les a lus »

[…]
« Oui, disais-je, oui : je serai citoyenne de cette patrie-là, je ferai allégeance à ce royaume, le royaume de la bibliothèque. »

 

La plus secrète  mémoire des hommes mêle les voix de ces trois narrateurs.trices, et reconstruit l’histoire de la famille d’Elimane dans un village sérère du temps de la colonisation, de son père qui disparaît dans la Grande Guerre, tirailleur sénégalais, du scandale littéraire causé à la parution du livre d’Elimane, de l’errance de ce dernier jusqu’à 2018 quand Diegane retourne au Sénégal en pleins troubles sociaux. Longue histoire qui se déroule pendant plus d’un siècle sur trois continents. 

Histoire embrouillée parce que je n’ai pas toujours identifié les narrateurs : il m’a fallu parfois plusieurs pages  pour deviner qui a pris la parole : Siga? Diegane? la poétesse? parfois le père de Siga. Je me suis perdue  à plusieurs reprises. Le style très dense, touffu parois sans ponctuation ni respiration n’aide pas franchement le lecteur. Si j’ajoute encore que le narrateur principal, l’écrivain, est souvent prétentieux, verbeux et peu sympathique, cela n’incite pas à continuer la lecture du pavé (448 pages seulement mais cela m’a paru bien plus).

« Je sais que tu ne seras pas d’accord avec ce que je te dis : tu as toujours considéré que notre ambiguïté culturelle était notre véritable espace, notre demeure, et que nous devions l’habiter du mieux possible, en tragiques assumés, en bâtards civilisationnels, bâtardise de bâtardise, des bâtards nés du viol de notre histoire par une autre histoire tueuse. Seulement, je crains que ce que tu appelles ambiguïté ne soit encore qu’une ruse de notre destruction en cours. Je sais aussi que tu trouveras que j’ai changé, moi qui estimais que ce n’est pas le lieu d’où
il écrit qui fait la valeur de l’écrivain, et que ce dernier peut, de partout, être universel s’il a quelque chose à dire.
Je le pense toujours. »

Et pourtant c’est un roman très intéressant d’une part pour la réflexion sur l’écriture et la décolonisation, et pour l’aspect historique. Par ailleurs, la vie au village, les coutumes anciennes sont très agréables à lire. Si je n’ai pas accroché avec les personnages masculins que j’ai trouvé antipathiques, les femmes au contraire sont des personnages forts.

La Porte du Voyage sans retour – David Diop

LIRE POUR LE SENEGAL

Gorée : la maison des esclaves

« La religion catholique dont j’ai failli devenir le serviteur, enseigne que les Nègres sont naturellement esclaves. Toutefois, si les Nègres sont esclaves, je sais parfaitement qu’ils ne le sont pas par décret divin, mais parce qu’il convient de le penser pour continuer à les vendre sans remords. 

je suis donc parti au Sénégal à la recherche des plantes, des fleurs, des coquillages et des arbres qu’aucun autre savant européen n’avait décrit jusqu’alors. Les habitants du Sénégal ne nous sont pas moins inconnus que la nature qui les environne. Pourtant nous croyons les connaître assez pour prétendre qu’ils nous sont inférieurs. »

Merci à Babélio et au Seuil pour  ce voyage au Sénégal et au voyage dans le temps, à la fin du 18ème siècle jusqu’à l’Empire! Merci pour cette lecture passionnante et poétique!

Du même auteur,  David Diop, j’avais beaucoup aimé Frère d’Ame lu à sa parution et dont la lecture à Avignon par Omar Sy m’a enthousiasmée (podcast France Culture, Avignon Fictions). Quand Babélio m’a proposé ce livre, j’ai sauté sur l’occasion et encore une fois j’ai lu ce livre avec un grand plaisir. 

Le titre, La porte du voyage sans retour, évoque clairement la Traite Atlantique. la première fois que j’ai entendu cette expression c’était à Ouidah au Bénin. Puis à Gorée où se déroule une partie du récit.  

La Porte du Non-retour Ouidah

L’esclavage n’est pas le seul thème évoqué dans le roman de Diop. Le personnage principal du récit est un Savant du Siècle des Lumière, Michel Adanson, personnage qui a vraiment existé, qui a débarqué en 1750 à Saint Louis du Sénégal pour décrire flore et faune de la région, cartographier, étudier les coutumes…Le jeune homme a appris le wolof et s’est lié d’amitié avec un jeune prince, Ndiak,  qui l’introduit au plus près de la population. 

Le livre est aussi une réflexion sur la culture orale des Sénégalais, par un Encyclopédiste qui passera le reste de son existence à écrire son encyclopédie. Le botaniste, proche de la nature, reconnaît l’importance des croyances africaine :

 » Malgré mon cartésianisme, ma foi dans la toute-puissance de la raison, telle que les philosophes dont j’ai partagé les idéaux l’ont célébrée, il me plaît d’imaginer que des femmes et des hommes sur cette terre sachent parler aux arbres et leur demandent pardon avant de les abattre. Les arbres sont bien vivants, comme nous, et s’il est vrai que nous devrions nous rendre comme maîtres et possesseur de la nature, nous devrions  avoir des scrupules à l’exploiter sans égards pour elle. « 

C’est une histoire d’amour impossible. Orphée et Eurydice. 

Portrait de madeleine : marie-Guillemine Benoist (1800)

C’est aussi une relation de voyage aventureux et une exploration des paysages, des mœurs, aventure et magie.

Des surprises, rien n’est convenu, pas de manichéisme non plus, chaque personnage apparaît sous plusieurs points de vue….

Je n’en dis pas plus, lisez-le!

 

Daande Mayo – En descendant le Sénégal – Yves Barou – Djibril Sy – TohuBohu

BEAU LIVRE

Pour Noël, Babélio et les éditions TohuBohu m’ont fait un splendide cadeau : un grand (31×22.5cm) beau livre cartonné ; 240 pages de magnifiques photos en grand format. J’ai d’abord feuilleté et admiré les illustrations. J’ai retrouvé Saint Louis, les pélicans du Djoud, les couleurs chatoyantes des vêtements africains, les rires des enfants. Images de l’Afrique d e l’Ouest où j’aimerais tant retourner. 

Une lecture plus attentive m’a fait découvrir le cours du fleuve qui s’écoule du Fouta Djalon en Guinée, à travers le Mali, et entre Maurétanie et Sénégal. Des commentaires  passionnants sont rédigés par des spécialistes.

Occasion de rencontres avec des personnalités marquantes : les gardiens des sources sacrées, gardées par des génies, les frères Camara, agriculteurs et releveurs du niveau du fleuve selon les saisons. Des conteurs, des pêcheurs.. Fleuve gardé par des génies et des diables, un hippopotame ami d’une belle jeune fille. Merveilleuse population des peules répartis de part et d’autre des frontières.

Constructions anciennes ou récentes, comme une magnifique case à palabre, un fort ancien du temps de la colonisation, ou un barrage.

Les auteurs lancent aussi l’alerte sur les conséquences du changement climatique, de la sécheresse qui sévit depuis 1968, de la déforestation qui menace les sources et les sols, de la salinisation des sols.

Des barrages peuvent favoriser l’irrigation, produire l’électricité nécessaire au développement du pays, permettre la navigation en régulant le niveau du fleuve. Toutefois les bienfaits des aménagements sont pondérés. On n’agit pas impunément sur les équilibres naturels. Le livre ouvre le débat. 

C’est beaucoup plus qu’un beau livre!

Zinguinchor

CARNET DE CASAMANCE

Je suis triste de quitter l’hôtel Maya où tout était parfait. Comme le trajet vers Ziguinchor est court, nous profitons encore de la terrasse.

Nous passons par Mlomp, Oussouye, l’église au bout de la piste d’Enampore.

Il nous manque des photos de termitières, bien entendu, elles se font rares quand nous les cherchons.

 

Ziguinchor parait toujours aussi chaotique, malgré son plan colonial en damier. Les services officiels occupent des bâtiments coloniaux. Les maisons à étages le log de la rue commerçante sont bien délabrées. Nous retournons au restaurant où j’                avais découvert le kaldou. « Quel est le plat du jour ? » – «  Thieboudiène » « parfait ! » Le serveur revient : il n’y en a plus. Il est tout juste midi et demie ! Il avait fait le mêm sketch à notre premier passage « quel est le plat du jour ? » – « gombos » – j’adore cela, pour revenir « il n’y en a plus ! »  Le kaldou était très bon.

On se lève pour aller dans un « fast-food ». sur la carte : pizzas et hamburgers. Dominique commande un « hamburger royal » « on n’en fait pas, on est trop débordé ! » (une seule table est occupée en dehors de la notre). Pas de hamburger mais tiéboudiène. Le riz est un peu épicé mais il est parfumé au tamarin (j’adore cela, encore !), le poisson, du thioff est très bon. Et ce n’est vraiment pas cher : 1000Fcfa.

L’hôtel Le Flamboyant 3*est le meilleur de Ziguinchor. Une quarantaine de chambres sont réparties dans trois bâtiments : deux étages autour de la piscine, un bâtiment bas et arrondi autour d’un jardin et au troisième avec deux galeries qui a beaucoup d’allure ; notre chambre donne sur le jardin. Tout le confort 3*, clim, télé eau chaude, une douche ronde séparée de la salle d’eau. La climatisation est bien nécessaire. Sur mon téléphone : 36°C, l’Office de Tourisme annonce 40°. Nous avons perdu l’habitude de la grosse chaleur après le séjour au bord de l’Atlantique. La piscine, en forme de croissant de lune, ou de larme, est petite mais bien rafraîchissante. Sur le bord, des lits couverts de simili-cuir, des fauteuils de bois avec une curieuse suspension, nous y passons les heures chaudes avant une courte promenade dans Ziguinchor.

promenade dans Ziguinchor

Nous avons vu de la voiture les bâtiments officiels dans leurs jardins. L’Office de Tourisme au coin de la rue est de style mauresque avec une coupole blanche (le monsieur est très aimable, il vend une carte à 3000CFA et un livret sur la faune et la flore de Casamance que nous aurions volontiers achetés au début du circuit). Les rues allant au port sont bordées d’entrepôts d’un autre siècle, certains écroulés, d’autres actifs. Il y a même un supermarché avec un rayon alcool visible du dehors. Pas de prohibition hypocrite comme au Maroc ou en Tunisie où on trouve ce qu’on veut à condition de passer par l’arrière boutique. Une seule rue est très animée avec des boutiques, des banques, des restaurants. C’est à l’épicerie que j’ai changé 300€ devant les rayons bien achalandés chargés de conserves étincelantes (rien à voir avec les épiceries poussiéreuses). Le monsieur libanais barbichu a fait la transaction en wolof, parlant à Mor et m’ignorant superbement tandis que je lui adresse la parole en français.

Diner pittoresque

Mor vient nous chercher pour dîner, nous conduit à la station-service. Devant une porte sans prétention, un rabatteur nous invite à entrer dans le restaurant Kassa. Autant les abords ne paient pas de mine, autant l’intérieur est est grand et ne manque pas de charme. La première salle est un bar avec un grand comptoir. Puits de lumière, une petite cour est meublée de 4 tables carrées que j’élis tout d’abord. Mauvais choix, même sous les étoiles il n’y a pas un souffle d’air tandis que plus loin les ventilateurs à grandes pales tournent au dessus de pittoresques tables et chaises en bois lourd sculpté de cases, guerriers et animaux. D’autres tables sont en fer forgé. Dans une grande alcôve une boule à tango projette des points de couleur sur les murs peints de guitares clé de sol et doubles-croches autour d’une piste de danse. Au fond, encore une grande salle avec deux grands billards, et au mur un écran géant. Pendant le dîner, le Real Madrid avec Zidane contre ? C’est la première fois que je regarde un match au restaurant : Mor est un supporter de Madrid et cela fait un sujet de conversation. Je commande des crevettes sautées à l’ail et une salade de fruit, Dominique une omelette au jambon scandaleusement chère. Le cadre est très agréable, la gastronomie oubliable.

4 mars : coucher de soleil sur la dune – et incendie à Dakar, petits talibés victimes…..

CARNET SÉNÉGALAIS

Regard touriste? conscience de la blogueuse?

Pendant que nous suivions un circuit de rêve. Pendant que Bouba enchantait notre séjour de campements de brousse, qu’il nous livrait les sésames dans  les langues Peules, Sérères, Maures, pour des rencontres fabuleuses….Et, que, les touristes béates, s’ enthousiasmaient devant la gentillesse, l’hospitalité, la cuisine…. la blogueuse cherchait à sortir du monde enchanté du tourisme et à tendre l’oreille à la radio. Malheureusement, les informations étaient le plus souvent en wolof! Sur la route de la Réserve du Djoudj, Bouba a bien voulu mettre RFI.

RFI livrait ses informations sur la guerre au Mali, et aussi sur l’incendie à Dakar qui a fait des victimes chez les petits talibés? J’ai prêté une oreille attentive aux mesures que les officiels dakarois proposaient:  interdire la mendicité des enfants-talibés . Je ne voulais pas ignorer cette réalité-là, comme nous étions passées,  au Bénin, devant des enfants au travail sans voir le triste sort des enfants-esclaves Vidomégons. Autrefois, un prêtre italien nous avait mises en garde mais nous ne l’avions pas écouté, toutes enthousiastes à nos découvertes. Ce n’est que deux années plus tard que nous avions remarqué ces petites vendeuses qui auraient dû être à l’école. Pour les talibés,  quand une dame française, dans le 4×4 qui nous ramenait de Lampoul, m’avait raconté sa mission humanitaire auprès de ces enfants, Bouba n’avait pas apprécié la teneur de notre conversation. Ces petits mendiants, peut être les avons nous croisés sans les voir?

La Lagune à La Somone

CARNET SÉNÉGALAIS

De Dakar vers la Somone sur la RN1 dans la chaleur, sans évènement marquant. Un peu ensuquées, nous découvrons notre dernière étape,  notre dernier hôtel : La Lagune .

Notre case ronde, couleur terre, recouverte de chaume, au milieu d’un jardin fleuri,  est partagée en deux chambres. Un très grand lit occupe toute la chambre mais il y a une penderie dans le couloir de la salle d’eau. Nous réglons la climatisation sur 25° et négligeons la grande moustiquaire. Mal nous en a pris ! A minuit, un bourdonnement désagréable nous a éveillées. Catastrophe ! 15 jours, au bord de l’eau, en brousse, nous n’avons pas été piquées et ce serait sur la Petite Côte, bien touristique que nous craindrions le palu ! Nous, qui avions décidé d’arrêter la doxycycline au retour puisque nous n’avions pas été piquées !

La salle à manger se trouve dans une grande paillote ronde. Au centre : le bar avec d’énormes fauteuils de rotin, on dîne sur une dizaine de tables disposées  à l’extérieur en couronne, sous des lustres métalliques évidés comme des citrouilles ou des masques allongés cachant des tubes de néon. Après une vingtaine de bassins dans la piscine, une belle promenade le long de l’eau, nous dînons de calamars et d’un filet de poisson avec des crêpes.

Samedi 16 mars : La Lagune

Une journée de farniente sous les cocotiers: faire le tri dans les photos, mettre à jour mon carnet de bord, profiter de la jolie piscine et de la plage. Quand la mer est haute, les vagues se brisent sur une barrières rocheuse avec une belle écume mais il n’y a presque plus de plage. L’érosion gagne même les murs des hôtels et des villas dont certains escalier s’effondrent. Pour protéger la plage, on a disposé de gros blocs de roche volcanique brun-rouge en brise-lames. Quelques rochers affleurent, insuffisants pour retenir le sable.

Comme souvent au Sénégal, la plage n’est pas lieu de baignade, ni de bronzette mais plutôt le domaine des sportifs qui développent une musculature sculpturale.  Tous les exercices sont bons pour ces athlètes : course, avec ou sans chaussures, pompes, mouvement de gymnastique, de préférence accomplis collectivement. Certains jouent au foot (deux paires de chaussures suffisent pour matérialiser les buts). Des lutteurs combattent deux à deux. Le sport national est la Lutte sénégalaise. Une trentaine d’enfants s’exercent aux combats. Il y a même du foot féminin(en maillot et short réglementaire). Malheureusement l’une des joueuses est handicapée par sa petite sœur-bébé dans les bras.

J’aime marcher dans la frange d’écume. Mais je suis souvent importunée ; Chaque fois la même technique d’approche :

– « Ca va ? – Ca va ! – comment t’appelles-tu ? »

après cela varie :

– « j’ai des belles oursins » 

-»viens voir ma galerie ! »…

Je me débarrasse des vendeurs : en robe de plage sans poches, je n’ai pas d’argent. Plus difficile d’éconduire ceux qui offrent des coquillages ou leur amitié, qui prétendent qu’ils veulent seulement bavarder avec les touristes. L’un d’eux raconte que la police espagnole aux Canaries l’a recueilli et renvoyé à Dakar ; C’est l’histoire du film « La Pirogue ». Peut -être, est–ce la sienne ? Je lui dit qu’il y a plus de 3 millions de chômeurs en France en ce moment et que l’hiver a été très long. Il insiste :

– « Voulez vous aller au marché de M’bour, j’ai un copain qui a une voiture ? », « voulez vous faire de la pirogue ? J’ai un copain qui vous fera un bon prix. » »il n’y a pas de travail pour nous. Nous n’avons que vous, les touristes… »

J’ai honte d’être désagréable. Est-ce qu’ils importunent les hommes qui se promènent sur la plage ?

La cuisine de La Lagune, la gentillesse de Ibou et des serveuses nous ont conquises. Tout le monde se met en 4 pour nous faire plaisir. Au déjeuner : salade d’espadon, poivrons et rondelles d’oignon, une truite de mer meunière, et une assiette de fruits découpés, ananas frais, melon quart d’orange et pomme ; Au dîner calamar à la sicilienne avec de la crème aigre-douce, deux soles meunières et encore une assiette de fruits.

Dimanche 17 mars : lagune de la Somone, retour en avion.

La Somone est aussi une rivière dont l’estuaire se termine par une jolie lagune de 8km ? Nous avons réservé une promenade en barque à 10h30 (marée haute. Les barques partent de l’hôtel Baobab Lookea qui est une structure monstrueuse occupant au moins 500m en bord de plage. les bungalow sont jolis, fleuris. Le restaurant est immense. il y a  une très grande piscine, des magasins…Les lits tous identiques et parallèles sous un parasol de chaume inamovible ne sont pas choquants. Ce qui l’est, ce sont les vigiles chaussés de rangers, en uniforme paramilitaires, installés tous les 150m. Que font-ils sur la plage ?En tout cas pas maîtres-nageurs avec leurs grosses chaussures. Cela agace Ibou, de La Lagune, qui dit que cette bunkérisation introduit un sentiment d’insécurité qui n’a pas lieu d’être. Sont-ils là pour décourager les marchands ambulants ou les sportifs sénégalais?

La promenade en pirogue est plaisante, nous avons toujours plaisir à observer les oiseaux. Le piroguier nous montre les belles villas des gens riches et des Français. Nous sommes loin des réserves! Il y a même des parcs à huitres pour les restaurants.

Il reste quelques heures pour profiter de la plage, des cocotiers. Les pêcheurs ont hissé les pirogues sur le sable, peu de temps plus tard, une très jeune fille arrive avec une bassine métallique pleine de poissons encore vivants sur la tête. Nous les mangerons à midi. Pour cette raison, le chef est incapable d’écrire le menu du jour avant la pêche  : des soles excellentes.

A l’enregistrement, on nous prévient:

« votre avion aura du retard. Si vous habitez Dakar, rentrez chez vous! »

En lot de consolation, un bon pour une boisson (une canette de coca) et un sandwich (petit). Nous nous traînons sans trouver où nous asseoir. C’est pareil dans tous les aéroports, avant de passer les sécurités et la police, il n’y a de salut que dans les restaurants, et encore! Dans les salons d’embarquement trois avions partent en même temps, celui d’Istanbul, de Casablanca et le vol Corsair. Les sièges ne sont pas suffisants. Comme nous sommes arrivées très en avance je m’allonge sur deux sièges, munie de mon matériel – masques et bouchons d’oreilles – Quelques temps après, une jeune femme me réveille, je plaide que demain je dois être fraîche, devant mes élèves.

– « collègue, qu’enseignes-tu? moi, c’est Histoire-Géo! »

Elle est charmante, aucune raison pour ne pas lui permettre de s’asseoir avec nous. D a mal à la tête, elle a de l’aspirine mais pas d’eau puisqu’on doit jeter les bouteilles à la sécurité. Une jeune femme nous a entendu. Elle tend un fond de bouteille :

– « c’est ce qu’il reste du biberon du bébé, je n’en ai plus l’usage »

tout le monde attend de longues heures, personne ne proteste, on fait connaissance, on s’entraide. Une jeune femme en vêtements très amples veut faire lever une de nous trois.

– « j’ai très mal dans le dos! »

« mais tu es enceinte! comme j’aimerais l’être aussi, viens! » dit la jeune prof d’histoire.

On se tasse maintenant à 4 sur la banquette qui ne comporte que trois places. Les deux jeunes femmes bavardent maintenant en wolof. De temps en temps elles repassent au français pour que l’on puisse participer à la conversation et nous ennuyer un peu moins. Une dernière manifestation de la gentillesse et de la solidarité sénégalaise.

 

Gorée

CARNET SÉNÉGALAIS

 

Gorée vue du Castel, au loin Dakar

Le port de Gorée est minuscule, la chaloupe accoste à un ponton de ciment tandis que deux petits bateaux se balancent et que les pirogues ressemblent à celles des pêcheurs en miniature et dans moteur. Des bâtiments jaunes aux volets de bois vert alternent avec des maisons roses ou rouge foncé, balcons de bois des maisons coloniales ressemblant aux sobredos capverdiens. Quelques unes sont en ruine, façades écaillées, toits crevés. Les restaurations sont sous le contrôle de l’UNESCO il faut respecter les couleurs d’origine et cela décourage les bonnes volontés. A l’extrémité se trouve une batterie militaire – fort d’Estrée, arrondi portant encore des canons.

l’Hostellerie du Chevalier de Boufflers

L’Hostellerie du Chevallier de Boufflers occupe un angle, le restaurant est très bien situé, la vue st merveilleuse de la terrasse. Ce n’est pas vraiment un hôtel, plutôt des chambres d’hôtes dans des maisons rénovées (mais pas trop) peintes en rouge sang dans des rues étroites bordées de plantes vertes : caoutchoucs, sansevierias et hibiscus. , Rue de la Pointe et rue de Hesse. Gorée est soignée, ls rues possèdent toutes des plaques. On pousse un portail de fer forgé, entre dans un noir couloir , gravit un étroit escalier aux hautes marches malaisées et parvient sur une terrasse de bois meublée de deux fauteuils de cuir, deux tabourets et une table basse. Une haute porte protégée de persiennes bleu-vert s’ouvre sur une pièce très vaste, très haute de plafond, au parquet laqué de blanc cassé au plafond de bois reposant sur des poutres apparentes. Deux grands lits recouverts de batik bleu, un canapé, une décoration murale du même batik. La taille des pièces, la hauteur de plafond me font penser à Cuba.

place du gouvernement

Sans tarder nous visitons les environs. On fait le tour du bastion circulaire, découvrant de minuscules plages où on loue parasols et nattes. Les petites rues agrémentées de verdure sont très calmes dans le soir. Des vendeuses nous proposent d’aller voir leur petit marché, sans insistance, Gorée ne manque pas de touristes. La rampe qui monte au Castel est un peu la Butte Montmartre locale : des tableaux sont suspendus des deux côtés ou étalés sur le sol. La plupart sont stéréotypés, faits en série, certains sont intéressants : collages de tissus africains repeint ensuite à l’acrylique à motifs de baobab ou villageois. D’autres intègrent toutes sortes d’objets, téléphones ou cuillers. J’aurais bien aimé en photographier mais c’est impensable. Les artistes sont très vigilants. La seule solution est de filmer à la sauvette.

Pour notre dernier repas ensemble, Bouba a revêtu sa plus belle tenue africaine. J’ai oublié dans la valise qui est restée à Dakar le haut de ma tenue béninoise, je n’ai qu’un chèche marocain bleu à revêtir en drapé pour faire un semblant d’élégance. Les crevettes à l’ail sont délicieuses ainsi que les brochettes de lotte et les crêpes. Bouba a commandé pour nous nos plats favoris.

 

Vendredi 15 mars : Gorée

Dans la salle à manger de l’Hostellerie du Chevalier de Boufflers je trouve le portrait du Chevalier : Stanislas-Jean, Chevalier de Boufflers (Lunéville, 1738 – Paris, 1815), gouverneur de Saint Louis, poète qui s’installa à Gorée avec sa concubine signare (à propos vois le film Caprice d’un Fleuve de Bernard Girodeau) .De  très mignons tableaux naïfs « sous-verres » encadrés artistiquement dans du bois brut, cloué de travers, me plaisent bien. Ils sont à vendre (pas de photo) 15.000CFA le plus petit, 40.000CFA le plus grand. Pour la plupart ce sont des scènes de rue de Gorée.

9h, Baye, notre guide pour Gorée paraît. Il a grande allure avec son boubou sans manche, sa chemise blanche impeccable au col mao, sa cafiyiah et son grand chapelet. Fière allure, mais mal embouché. Dans une première altercation avec le garçon, au milieu du wolof j’entends « enculé ». Baye nous conduit d’abord sur la place du gouvernement de Gorée. Il présente l’île : 900m dce long, 300m de large, 1800 habitants, 2/3 musulmans, 1 /3 catholiques. Avant l’arrivée des Portugais l’île était habitée par des pêcheurs. Les Portugais la nommèrent Las Palmas, les Hollandais Goede Reede(bon port) dont la déformation donna Gorée. L’histoire de Gorée fut complexe. Le congrès de Vienne 1815 l’attribua à la France , attribution confirmée lors du partage de l’Afrique en 1885.

Une plaque est dédiée à Blaise Diagne, le 1er député du Sénégal à l’Assemblée Nationale (1914-1935). Natif de Gorée il bénéficiait de la nationalité française (comme ceux de Saint Louis, Rufisque et Dakar). C’est sur son intervention que les tirailleurs sénégalais participèrent aux combats de la Première Guerre mondiale. Sur cette Place du gouvernement un autre monument rappelle le souvenir des médecins et pharmaciens qui donnèrent leur vie en combattant l’épidémie de fièvre jaune en 1878. Un côté de la Glace du gouvernement est occupé par le Palais du Gouverneur Roume en piteux état qui fut transformé dans les années 50 en hôtel ; Il est question qu’on le restaure pour lui redonner cette fonction.

Les premières constructions de l’île furent donc portugaises puis hollandaises, les françaises ne datent que de 1857. Au centre de la place se trouve un vieux kiosque à musique. L’école Normale d’Instituteurs et un petit commissariat de police ferment le quadrilatère. Ce dernier occupe une ancienne chapelle portugaise.

église Charles de Borromée

En chemin vers le Castel on passe devant l’Eglise Saint Charles de Borromée, bâtie sous Charles X, très simple bâtiment jaune. Dans une maison jaune se trouvait une école de médecine africaine où étudia Houphouët Boigny . Le chemin du charroi qui monte à la colline fut équipé d’un rail pour hisser les lourdes pièces d’artillerie installées au sommet de l’île.(36m d’altitude – coulée volcanique dont les prismes de basalte se voient de la mer). Les galeristes installent leurs tableaux. L’un d’eux rince au jet les acryliques. Des milans planent au dessus de nous. Au tournant de la route, Baye nous montre les toits de Gorée. On surplombe l’école des filles Mariama Bâ (100% de réussite au bac, le seul internat féminin du pays). Nous trouverons dans la chaloupe du retour ces jeunes filles en uniforme soigné.

au sommet du Castel, monument coque de navires esclavagistes et carapace de tortue

Au tournant suivant du charroi, le sémaphore. Le castel, sommet de la colline est coiffé d’une sculpture moderne de ciment peint en blanc avec des alvéoles creusée : deux parties : une demi-pirogue pointue, coqué rappelant les bateaux négriers transportant les esclaves, à l’arrière la carapace d’une tortue symbolisant la patience.

En plus du gros canon, trois télémètres destinés à en régler le tir. Le canon fut installé en 1907 par la Marine française (240mm – 14km de portée). Il n’a servi qu’une fois, servi par les pétainiste qui coulèrent un navire gaulliste de ravitaillement. L’épave repose toujours dans le port de Dakar et les navires marchants doivent le contourner. « Vue panoramique » de Dakar(on découvre de loin les Mamelles et la très grande statue. Baye  nous montre la petite mosquée sana minaret 1892, le Palais du Chevalier de Boufflers qui accueillit le Premier Festival d’Art Nègre. Dans le patio d’origine on a installé des gradins de bois pour les spectacles. Dans un jardin entre la Maison des Esclaves et une autre esclaverie, actuellement le presbytère, se trouve la statue symbolisant la Libération des esclaves réalisé par Jean et Christian Morsa, guadeloupéens : un homme brandit ses chaines et serre dans ses bras une femme en pagne- une africaine ? tous deux sont debouts sur un  djembé.Le djembé avait son importance dans les plantations. Les tambours permettaient aux esclaves de communiquer sans être compris du Maître.

l’esc lave brandit ses chaînes

Près de la statue, sur une plaque le poème  d’un écrivain canadien

Celui qui a dit « Gorée est une île »

Celui-là a menti

Cette île n’est pas une  île

Elle est continent de l’esprit

La Maison des Esclaves de Gorée est mondialement connue. De la Porte du Voyage sans Retour, le pape Jean PaulII a imploré le pardon pour l’Eglise. C’est sur l’image de cette porte que s’ouvre le film Little Senegal. Cette maison est classée au Patrimoine mondial de l’Humanité

« Le Peuple sénégalais a su garder

L’actuelle maison des esclaves

Afin de rappeler à tout africain

Qu’une partie de lui-même a transité par ce sanctuaire. »

Jo N’Diaye (conservateur de la Maison des Esclaves)

La maison des esclaves n’est pas la seule esclaverie sur l’île. Il y en eut sur Gorée jusqu’à 28. Gorée ne fut pas le port esclavagiste le plus important à cause du manque d’eau douce. Au Bénin Ouidah et Alladah, au Ghana Elmira, Fort James en Gambie.

la maison des esclaves

150 à 200 esclaves étaient prisonniers au rez de chaussée de la Maison des Esclaves. Les familles étaient dispersées ; femmes et enfants vendus séparément et parfois pour des destinations très éloignées comme le Brésil ou les Antilles. Ils prennent ensuite le nom de l’acquéreur. Dans la chambre des hommes 15 à 20 hommes étaient enchaînés nus, assis. On ne les laissait sortir sur la plage qu’une fois pour se soulager. Dans ces conditions la mortalité était élevée. En 1779, la peste décima les esclaves. L’ethnie la plus chère était les Yorubas qui apportèrent au Brésil et aux Antilles le vaudou. Les propriétaires usaient du droit de cuissage. Si une jeune fille était enceinte d’un exploitant elle était libérée. Ces métissent libres devenaient les Signares. Un poids minimum de 60kg pour un homme était exigé. Ceux qui n’atteignaient pas ce poids étaient engraissés avec des haricots africains farineux dans la cellule des Inaptes temporaires. Sous les escaliers dans de petits réduits sans fenêtre était le cachot des récalcitrants : le conservateur raconte que Nelson Mandela s’y glissa, y resta quelques temps et ressortit les larmes aux yeux, se remémorant peut être son séjour carcéral.

Le conservateur essaie d’expliquer la responsabilité des Africains dans la traite. Sans la nier il la relativise. D’une part, l’esclavage a toujours existé en Afrique ; cet esclavage africain a toujours existé mais il était moins violent et moins systématique. L’autre argument est que les souverains africains ont collaboré par la contrainte : les Européens divisaient pour régner exacerbant les guerres tribales et dispersant les armes à feu qui n’existaient pas avant leur arrivée.

Les esclaves sortaient par la Porte du Voyage Sans Retour sur un ponton sur pilotis car les navires ne pouvaient pas approcher du rivage rocheux. Ceux qui tentaient de fuir étaient dévorés par les requins attirés par les cadavres de ceux qui étaient morts dans les cachots.

A l’étage, vivaient les exploitants de l’esclaverie. Comment vivre quand des hommes étaient détenus en dessous, est un mystère. Ces vastes pièces sont maintenant des salles d’exposition avec des tableaux  explicatifs illustrés par des gravures d’époque (provenant  souvent du Musée de Nantes).

Baye nous conduit ensuite au Jardin Botanique. Michel Adanson (1727-1808), élève de Jussieu, employé de la Compagnie des Indes, a aménagé ici un jardin botanique en 1750. Il publia en 1763 un  tome sur la flore et en 1777 dans l’Histoire Naturelle du Sénégal un tome sur les coquillages.

Gorée vue du bateau du retour

La promenade avec Baye s’arrête là. Je complète la visite de Gorée au Fort d’Estrée (fort rond à l’extrémité de l’île) transformé en Musée Historique.

J’ai regretté d’avoir peu de temps pour tout lire. Deux salles sont consacrées à la Préhistoire : outils de pierre taillée qui se ressemblent tous et partout et qu’i n’intéressent que les spécialistes. Beaucoup plus originales, les salles racontant l’histoire des différents royaumes africains. Des listes des rois ont été établies depuis le 13ème siècle. Pour punition au calamiteux discours de Dakar on devrait y enfermer Sarkozy et lui faire recopier et apprendre ces listes ! Il est tout à afit étonnant que les noms et les dates précises aient traversé les siècles en l’absence d’archives écrites ; Ceux qui étaient musulmans savaient écrire, mais les animistes ? Est-ce l’œuvre des griots que d’avoir maintenu ces généalogies ?

Une salle est consacrée à la christianisation (statue de bois de Saint Charles de Borromée). Uen autre à l’Islam avec des explications détaillées sur les confréries et Touba.

Les portraits des différents hommes politiques et des acteurs de la décolonisation sont aussi présentés . Je découvre un autre Senghor (Lamine) qui fut communiste.

Malheureusement, j’ai bâclé la visite. Après avoir soigneusement noté tous les détails plus tôt, je n’ai ni le temps ni la patience de continuer à recopier les explications. J’aurais du faire cette visite hier à notre arrivée.

Autre visite hors programme : sur une terrasse dominant la Place du Gouvernement et surplombant le port, sou l’égide du Musée Dapper, des photographies et des sculptures.

Déjeuner dans une petite cantine : salade de tomates, poulet grillé au barbecue et une banane.

La chaloupe quitte Gorée à 14h. Les élèves de l’école Mariam Bâ sont toutes endimanchées

la maison des Esclaves vue de la mer et la Porte du voyage sans retour

Vers, Dakar- embarquement pour Gorée

 

Dakar vue de Gorée

CARNET SÉNÉGALAIS

Il reste encore 80km pour Dakar sur la Route Nationale 1 . Un pèlerinage draîne les fidèles de tout le pays vers l’est du Sénégal où ils vont prier sur le tombeau d’une sainte mouride (Bouba ne nous dit rien de plus ). Il nous montre les cars bondés qui se succèdent et se doublent dangereusement. La RN est la plus fréquentée du pays. Des camions lourdement chargés de terre ou de matériaux de construction se traînent dans les côtes de la région de Thiès, un peu plus escarpée. Sur d’autres camions on a empilé des sacs de paille d’arachide bien au dessus de la hauteur de la benne défiant  les lois de la gravité, mais rien d’extraordinaire comme en Inde ou au Bénin. Après avoir traversé une zone broussailleuse et poussiéreuse, la route aborde les jardins des maraîchers verts et pimpants près de Rusfisque qu’on évite en s’engageant sur l’autoroute. Nous avons bouclé le circuit des vacances, je reconnais le carrefour de la première nuit avec les flèches indiquant le Lac Rose. Bouba nous montre la banque et le distributeur où nous avons tiré des CFA.

L’arrivée à Dakar est interminable, nous traversons des quartiers de maisons basses en parpaings qui attendent que leur propriétaire ait les moyen de les surélever d’un étage, donnant une impression de chantier,  alors que le rez-de-chaussée est habité. Rues sableuses. Plus loin des immeubles se dressent sans ordre apparent.

Le minaret carré vert et blanc, le monumental Théâtre National annoncent le Centre-Ville. L’Hôtel de Ville de style colonial est une construction élégante malheureusement écrasée par un très haut immeuble de ciment gris, édifié trop près. Je note le nom des rues. Place de l’Indépendance Bouba raconte l’histoire des tirailleurs sénégalais ayant combattu pendant la Seconde Guerre Mondiale, manifestant pour leur dû d’ancien combattants et se faisant mitrailler. Le Monde a publié récemment un article sur le camp de Thiaroye qui relate cet épisode. Nous empruntons l’avenue Léopold Sedar Seghor. Les immeubles sont clairs, crème. Des caïlcédrats bordent certaines artères. Après le Palais Présidentiel et la cathédrale nous passons devant des bâtiments officiels. On aurait pu deviner que la Rue Pasteur soit celle de l’hôpital. Des villas coloniales tapies dans leurs jardins  fleuris très prospère rappellent celles d’Indochine, en bien meilleur état. Le tour de Dakar se boucle sur la Corniche d’où on aperçoit l’île de Gorée, elle est bordée de restaurants chics. De petites plages sont nichées dans les rochers noirs. La végétation est luxuriante avec les bougainvillées colorées.

Le terminal maritime pour Gorée et la Casamance est moderne et propret. La chaloupe Coumba castel (350 places) se remplit vite avec quelques touristes de toutes couleurs qui filment et se photographient mais surtout avec des écoliers. Je suis fascinée par les gros cargos, le plus imposant est immatriculé à Palerme et porte des étages de containers empilés, un autre de Monrovia quitte le port, on en dépasse un autre de Hongkong. J’aime que les ports me rappellent que la terre est ronde et qu’il reste tant de destinations à découvrir.

arrivée à Gorée

Réserve de Bandia – safari

CARNET SÉNÉGALAIS

Jeudi 14 mars :  Réserve de Bandia –

Belle promenade matinale sur la plage dans l’écume de la vague. Le petit déjeuner est servi avec un jus de mangue dans un verre à pied, du pain croustillant et du vrai café. Délicieux.

Nous traversons Saly et ses villas cachées derrière les bougainvillées exubérantes, ses hôtels standardisés du tourisme de masse….un autre monde !

A la sortie de Saly sur la roue de Dakar, commence la forêt classée de baobabs. Malheureusement, il y a beaucoup de parpaings. Il est interdit de couper les baobabs mais pas de construire autour. Ensuite, s’ouvre la Réserve de Bandia . Un guide animalier monte à bord. Des baobabs dominent une savane arborée plantée d’acacias mimosas.

phacocnères et merles métalliques à longue queue

Première rencontre : les phacochères en compagnie de merles métalliques à longue queue (choucador,  Lamprotornis caudatus). Puis on voit des élans de Derby (Torotragus derbianus) la plus grande antilope du monde dit Wikipédia, aux cornes torsadées, la robe rayée de blanc, assez massive. L’un d’eux  porte une demi-douzaine d’oiseaux accrochés à ses flancs le débarrassant des parasites.. De l’autre côté de la piste, le rhinocéros blanc est placide, sauf qu’il n’est pas blanc, il est gris !

Au bout de l’allée, deux autruches se dandinent pour une parade nuptiale. Le mâle danse fait gonfler ses plumes, on dirait même qu’il soulève la poussière. La femelle dédaigne ses avances et disparaît dans les buissons ; Le mâle passe au ras de nos portières. Les guides font remonter les glaces, l’autruche est un animal dangereux. Nous revoyons une autre troupe d’autruche qui ne fait pas cas de nous. Un grillage sépare la Réserve proprement dite de la savane où des animaux domestiques  paissent. Un troupeau de très nombreux zébu se déploie, en longue file. Toute occupée par les zébus je rate la première girafe – un grand mâle à la robe foncée qui broute la canopée d’un acacia sans se préoccuper des épines ; Bouba manœuvre la voiture sur piste et hors piste pour trouver les autres girafes. Après un long détour on tombe sur le girafon et sa mère puis sur le reste du troupeau qui se déplace avec élégance.

Les buffles ruminent sous un arbre. Les hippotragues se laissent approchés grandes antilopes-cheval ce sont d’anciennes connaissances pour nous, il y en avait beaucoup à la réserve de la Pendjari (Bénin). Le guide animalier dirige Bouba à la recherche des zèbres qui sont vraiment jolis. J’apprends que leurs rayures varient selon les individus.

La hyène est enfermée dans un enclos comme dans un zoo. Elle est magnifique, beaucoup plus grande que je ne l’imaginais, mais captive. Autour du restaurant une pièce d’eau est habitée par des crocodiles auxquels je prête peu d’attention, eux aussi prisonniers. Nous déjeunons en compagnie d’un singe chapardeur (on a prévu des vaporisateurs pour éloigner les singes d’un jet d’eau). Au menu, salade mélangée puis des brochettes de zébu « façon haoussa » et une merveilleuse salade de fruits frais et même un véritable espresso.

Vers MBour par la Palmeraie – Fadiouth

CARNET SÉNÉGALAIS

saline avant Joal

Mercredi 13 mars : Simal versM’Bour, par la palmeraie, Fadiouth

Fin de la piste à Fimla. Avant de trouver le goudron, passage obligé à la station-service où le pompiste et Bouba secouent énergiquement la voiture , vérifient la pression des pneus. Au carrefour il y a un petit marché. Une dizaine de motos colorées sont garées, ni motos, ni scooters aux motifs variés. Ce sont les nouvelles moto-taxis, mode de transport très courant en Asie, au Bénin et au Togo, nous n’en avions pas encore trouvé au Sénégal.

A partir de Fimla la piste est très agréable car elle traverse une végétation luxuriante de vergers d’anacardiers et de manguiers. Les villages sont construits de cases carrées recouvertes de feuilles de palmiers. Barrières et palissades sont faits de côtes de rôniers. La palmeraie n’est pas loin. Les rôniers sont très hauts, un peu clairsemés. Les éminences pointues des termitières rendent le sol inégal. La route traverse le village de Niassam – grand village de vacances – les palmiers cèdent la place aux baobabs très nombreux. A la radio, de la salsa sénégalaise, musique cubaines mais paroles mélangées, salade de wolof, espagnol, français et anglais. La piste traverse maintenant les tannes – terres fortement salinisées. Dans cet  environnement désert, la circulation est paradoxalement intense sur la piste :nous rencontrons des charrettes tirées par des chevaux. Certaines sont vides et partent au marché. D’autres sont chargées de chaumes ou de roseaux destinés aux fumeries de Joal. A un croisement c’est l’embouteillage : 4 charrettes et deux Mercédès – une crème et une noire – arrivent en même temps. Dans la grosse Mercédès noire, Bouba dit qu’il y a un guide spirituel (le Guide Hachette-Evasion évoque effectivement les Marabouts-Mercedes.

Le blanc du sel qui cristallise dans l’environnement grisâtre des tannes est éblouissant. Les petits cônes blancs brillent sous le soleil. Une foule bigarrée s’active dans la saline, avec des pioches casse la croute salée, ramasse les cristaux, charge les charrettes.

Les  fumeries de Joal  sont à l’entrée de la ville. Les rangées de fours en parpaings se succèdent, les étals de roseaux sont couverts de harengs fumés et salés que l’on entassera  dans des cartons qui partiront jusqu’en Guinée. Entre les fumeries et les maisons, un dépotoir de sacs plastiques du plus mauvais effet. D’autant plus que Bouba explique que ces ordures ont été disposées là exprès par la municipalité pour boucher des trous.

Joal est une petite ville dont nous apercevons surtout des écoles et institutions religieuses ; On s’arrête à la passerelle qui conduit à Fadiouth, l’île aux coquillages.

Fadiouth

séchage des coques, les coquilles font un bon gravier.

Le syndicat d’initiative a engagé des guides. Philippe très jeune, encore adolescent, récite un commentaire appris par cœur en hachant ses phrases bizarrement. On s’apercevra ensuite qu’il est très fin et intelligent. La passerelle reliant Fadiouth à Joal est neuve, éclairage solaire prévu, elle conduit également l’eau et l’électricité. Si nous étions venues à marée basse nous aurions pu voir les femmes ramasser des coques et les jeunes jouer au foot. L’île tient son surnom des coquilles de coques et d’huitres de palétuviers qui tapissent les rues. Philippe remarque que les coquilles sont « un excellent gravier ». Les coques fraîches, noires, blanchissent au soleil. On les utilise également dans la construction des maisons en les agglomérant dans du ciment. La chair des coques sèche sur des toiles carrées dans les rues du village. On les consommera sèches et salées à l’apéritif comme des cacahouètes.

cimetière de Fadiouth

Pour raconter son île, Philippe nous fait asseoir à l’ombre dans la case à palabres où les anciens se réunissent ainsi que les hommes de l’île. Les jeunes garçons y feront leur apprentissage de la vie d’homme en apprenant des anciens. Les femmes sont exclues, probablement. Philippe ne les cite même pas. Une des particularités de Fadiouth est la coexistence des communautés, catholiques (90% et musulmans(10%) – proportion inverse de la population sénégalaise moyenne. La grande concentration de chrétiens explique la présence des cochons qui divaguent près de l’au à la recherche de quelque saleté. Sept quartiers composent la ville ; chacun a sa case à palabres et sa chapelle. Au dessus des toits dépassent le campanile carrelé de l’église orné d’un Sacé-Cœur rouge et les eux minarets de la mosquée. A l’église, Philippe nous raconte les dévotions, les messes, la place des hommes et des femmes …devant notre manque d’enthousiasmen il modifie son discours, cite Karl Marx, » l’opium du peuple », regrette les intégrismes et les conflits religieux. Il est fin et sait s’adapter à son public. Pourtant quand on parle du Pape qu’on est en train d’élire il se prend à rêver, si un évêque africain est choisi, ce sera l’évêque de Fadiouth….

Dans les rues, les étals de souvenirs font un clin d’œil au touriste français qui retrouvent des enseignes connues « aux Mousquetaires », » Le Roi Merlin »…Inédit au Sénégal, ici, les prix sont marqués. Marqués, mais négociables. On négocie pour deux assiettes de bois rectangulaires, les mêmes que celles du Gite de Simal.

Dernière étape : le cimetière commun aux catholiques et aux musulmans sur une petite île de coquillages. Philippe plaisante « Ici, on encoquille ! »

les greniers sur pilotis de Fadiouth

Du haut de cette colline, la vue est « panoramique » sur Fadiouth, sur la mangrove et ses bolongs , sur les greniers à mil sur pilotis au milieu d’un chenal – souvenir d’une famine à la fin de la seconde guerre mondiale quand les Sénégalais étaient mobilisés (explications confuses).

Déjeuner à la terrasse de la Taverne du Pêcheur à Joal en face de Fadiouth. Des piroguiers manient la perche dans leur pirogue monoxyle creusée dans un tronc de fromager. Crevettes à l’ail en entrée, brochettes de lotte. Une crêpe pour dessert au Nutella sénégalais.

Il fait chaud sur la route de M’Bour. Je lutte contre le sommeil qui m’engourdit après le repas. Bouba commente le paysage et nous montre le sol dior très fertile protégé par les acacias mimosas. Des femmes vendent du lait caillé sur le bord de la route. On arrive à la Petite Côte touristique et urbanisée, passe Niaming et Warang puis Maling qui fut une quarantaine pour les lépreux. M’Bour est la troisième ville du Sénégal. Elle est jumelée avec Concarneau. Ici aussi on fête les Filets Bleus. L’odeur caractéristique des fumerie de poissons nous accueille à l’entrée de la ville. On se sent en ville : il y a plus de voitures, des bâtiments modernes à étage mais le désordre urbanistique subsiste. Un guide se  présente pour la visite du marché de M’Bour et celle du port. C’et un marché important mais après la visite de ceux de Thiès et de Djourbel nous sommes habituées. Le nombre des pirogues est impressionnant. Le guide m’entraîne dans les traquenards pour touristes. Devant les  colliers de coquillages et mâchoires de requins vendus par les pêcheurs handicapés, je n’ose pas refuser. Il n’y a pas de Sécurité Sociale pour les handicapés. Il est très mal vu en pays musulman de leur refuser l’aumône. Nous en avons fait l’expérience au Maroc. En revanche je tiens bon dans les échoppes pour touristes et dans les magasins de wax (ce qui me coûte parce que j’adore ces tissus africains colorés et frais). Pour 15.000CFA, une tenue sur mesure coupée dans la journée, livrée à l’hôtel, ce serait une affaire. Je reste ferme malgré la tentation.

Visite chez TPA (Tourisme Plus Afrique) l’agence qui a organisé notre séjour pour régler le solde du circuit. Accueil sympathique.  Pas de surprise. Tout est compris. Réglable en Carte Bleue, en €. Nickel.

Étape sur la plage de M’Bour , Blue Africa, hôtel de bord de mer, très bien situé à l’arrière d’une petite cocoteraie, bleu et blanc. Bleus les sièges en fer forgé ; bleues les tables en mosaïque de la salle à manger, blancs les murs des chambres, un peu défraîchies avec une climatisation antédiluvienne qui fonctionne par miracle . La salle d’eau est un  peu sombre avec eau chaude et eau froide en abondance et sous  pression, le luxe après les campements ! Sur la plage, des rochers interdisent la baignade, il faut aller un peu plus loin, l’eau est tiède, les vagues raisonnable mais l’eau n’est pas très propre.

Le spectacle est sur la plage. Des centaines d’hommes, d’adolescents, d’enfants font du sport. Football : deux paires de chaussures matérialisent les buts. D’autres courent, pas les petites foulées du jogging du dimanche, de grandes foulées de sprinter. Certains pratiquent des entraînements en groupe, toutes sortes d’exercices : marche en canard, montées à reculons les pieds joints….

Au coucher du soleil, je sacrifie à on rite de la marche au bord de l’eau. La plage est interminable. Je découvre les villas de Sally, luxueuses et même prétentieuses cachées dans les jardins débordant de verdure. Où sont donc les occupants ? je n’ai croisé que 4 toubabs, pas plus. Quant aux femmes, plus que minoritaires, une petite douzaine en une quarantaine de minutes ;

Avant le dîner, des retraités skypent sur leurs ordinateurs portables. D’autres lisent le journal ; en louchant je lis sur le Monde.fr que la fumée blanche s’est élevée au Vatican. Ce sont des habitués qui se connaissent tous, parlent fort. Le courant revient, en revanche la clim de la chambre est dans le coma.

Après une très petite salade bien présentée mais 4 demi-tomates-cerises seulement, dans une assiette en forme de poisson une très belle sole et quelques spaghettis. Je dissèque avec soin la sole délicieuse ; pour dessert de la papaye. Coupure d’électricité. Une dame hurle « Bon anniversaire ! » histoire de conjurer la peur du noir ? La clim ne se remettra pas de la coupure et restera en coma dépassé.