MAROC
Mekhnès, 1946 – 1955, Mathilde, une jeune alsacienne, enceinte vient rejoindre son mari, Amine, qu’elle a épousé en Alsace à la fin de la guerre. Officier de l’armée française, prisonnier de guerre dont le rêve est de faire fructifier la terre que son père a acquis à 25 km de Mekhnès. Mathilde rêve d’aventure ; très amoureuse d’Amine, elle ne sait pas ce qui l’attend au Maroc.
La ferme est isolée, la terre ingrate, Mathilde se trouve bien solitaire. Etrangère dans la famille traditionnelle de son mari qui vit dans la médina. Moquée et méprisée par les Français de la ville européenne. Heureusement, Mathilde est inventive, pleine d’énergie et mère de deux enfants Aïcha et Selim. Aïcha étudie dans une école catholique, son intelligence aiguisée lui donne un statut de première de classe alors que ses petites camarades la snobent.
Au fil des années, la ferme se développe. Mathilde soigne les femmes dans une sorte de dispensaire. Amine a trouvé un débouché à l’exportation pour les fruits de ses vergers. La vie pourrait être plus douce si les luttes pour l’Indépendance ne devenaient pas de plus en plus pressantes.
« Il fut un temps pas si lointain où nous appelions terroristes ceux qui sont devenus des résistants. Après plus de quarante ans de protectorat, comment ne pas comprendre que les Marocains revendiquent cette liberté pour laquelle ils se sont battus, cette liberté dont nous leur avons transmis le goût, dont nous leur avons enseigné la valeur… »
Cette famille mixte ne sait plus où se situer. Comme les colons, ils ont un domaine et des ouvriers agricoles. Amine était fier de son statut d’ancien combattant .
« Non, à cet instant, ils appartenaient tous les deux à un camp qui n’existait pas, un camp où se mêlaient de manière égale et donc étrange, une indulgence pour la violence et une compassion pour les assassins et les assassinés. Tous les sentiments qui s’élevaient en eux leur apparaissaient comme une traîtrise et ils préféraient donc les taire. Ils étaient à la fois victimes et bourreaux, compagnons et adversaires, deux êtres hybrides incapable de donner un nom à leur loyauté. Ils étaient deux excommuniés qui ne pouvaient plus prier dans aucune église et dont le dieu est un dieu secret, intime, dont ils ignorent jusqu’au nom.. »
Cette ambiguïté, cette ambivalence se trouve aussi dans son statut de femme. Comment se définir parmi les femmes de la famille de son mari? Mathilde se sent proche de sa bonne, berbère, mais si différente, illettrée et peu soignée, elle voudrait aussi être l’amie de Selma, la petite sœur de son mari qui cherche à s’émanciper mais qui devra faire un mariage de convenance.