LE MOIS ITALIEN/IL VIAGGIO

C’est un roman historique. Maria a vraiment existé et son histoire a même été racontée (en italien) par Alexandre Dumas. le roman a été documenté avec les pièces de son procès entre autres

Tribunal militaire de Catanzaro 16 février 1864 :
« Nous faisons savoir qu’elle s’est présentée ici, vêtue comme un homme d’un gilet en drap de couleur, d’une veste et d’un pantalon en drap noir, la tête enveloppée dans un foulard. » « Je m’appelle Maria Oliverio, née Biaggio, âgée de vingt-deux ans. Née et domiciliée à Casole, Cosenza, sans enfant, épouse de Pietro Monaco. Tisserande, catholique, illettrée. »
L’auteur raconte l’histoire de Maria, née dans une famille de 6 enfants en Calabre, fille d’un ouvrier agricole et d’une tisserande. Elève brillante (et non pas illettrée) elle a été distinguée par son institutrice qui veut l’envoyer au lycée. Sa grande sœur Teresa a été donnée à l’adoption dans une famille noble de Naples et Maria est promise au même sort. A la suite d’émeutes à Naples, alors que Ferdinand II avait refusé de signer la Constitution, les parents adoptifs tombent sous les balles. Teresa revient au village et Maria doit laisser sa place pour vivre chez sa tante dans la campagne. Cette dernière est la femme du brigand « Tremble-Terre » qui a pris le maquis,
charbonniers des montagnes qui s’étaient battus aux côtés des Bourbons contre l’occupation des Français de
Murat, ce qui leur avait valu un respect unanime. Mais après leur victoire, le roi Bourbon n’avait pas tenu la
promesse par laquelle il s’était acquis leur alliance, à savoir l’abolition de la servitude des grands domaines.
la tradition du brigandisme est déjà bien établie autour d’elle!
Maria n’a même pas le droit de se présenter à l’examen, elle n’ira pas au lycée et tissera la soie, comme sa mère. Son amoureux, Pietro est un charbonnier qui sera appelé sous les drapeaux en 1855 dans les troupes bourboniennes alors que le Royaume des Deux-Siciles est près de s’effondrer. A Naples, il fréquente des révolutionnaires puis rejoint Garibaldi. et rêve :
« Chaque journalier possédera les terres qu’il a cultivées toute sa vie, promettait-il. les impôts sur la farine t le sel seront abolis. « Nous pourrons utiliser les terres collectivement. Nous serons libres, Mari »
Les aventures de Garibaldi, l’expédition des Mille suscitent des espoirs fous chez les paysans pauvres de Calabre.
Giuseppe Garibaldi : ce chef de guerre, qui s’était battu contre le monde entier, disait à ceux qui avaient le courage de le suivre : « Je vous offre la faim, la soif, des marches forcées, des batailles et la mort. »
Pour Pietro et ses amis, la révolution – « révolution »
Quand Garibaldi triomphe à Naples Pietro fait venir Maria qui assiste à des journées historiques.
Pour unifier l’Italie Garibaldi s’était appuyé sur les journaliers à qui il avait fait des promesses qui ne seront pas tenues. Les forces libérales opposées aux nobles bourbonniens soutiennent le nouveau pouvoir italien de Victor-Emmanuel et abandonnent les révolutionnaires :
Comme tout le monde, j’assistais à la naissance d’un peuple de chouettes, et ce peuple serait le peuple italien.
À l’image de ces oiseaux de nuit, nous apprenions l’art du camouflage, nous apprenions pour survivre l’art de frapper dans le dos, de surprendre nos proies dans l’ombre, de voler aux autres un infime avantage. Nous étions des profiteurs et des parjures, nous niions l’évidence. Pour les rapaces que nous étions, rien, pas même Dieu, n’était digne d’un serment ; du reste, le pape laissait les Italiens s’entretuer en utilisant la croix et les autels à ses propres fins. Que vaut le Seigneur sans la terre où exercer sa seigneurie ?
La mue de la chouette, passée des Bourbons aux Savoie, s’accomplissait ainsi. Il ne restait plus maintenant qu’à
monter une dernière mise en scène..
Chacun sait que la chouette est capable de rotation de la tête, et que c’est un rapace! Il ne reste plus qu’aux paysans, journaliers, charbonniers de prendre le maquis, de devenir brigands et de faire la guerre aux riches, brûler les domaines, faire des enlèvements et rançonner les possédants.
Voilà donc l’alternative qui s’imposait aux Italiens, pensais-je : se conduire soit en flagorneurs, prédateurs,
buses et chouettes ; soit en voleurs, criminels, brigands, bouquetins. « Vive l’Italie ! ai-je dit. Le pays où tout le
monde est en guerre contre tout le monde. Si c’est ça, la justice, je préfère mon père à la justice. »
Pietro est à nouveau appelé dans l’armée de Victor-Emmanuel mais préfère rejoindre les bandits dans la forêt. Il est rejoint par Maria (c’est une histoire compliquée mais je préfère ne pas raconter toute l’histoire, à vous de la lire.
La vie dans la forêt des brigands est très bien racontée, Maria (qu’on a surnommée Ciccilla ) dès l’enfance avec sa tante connait les secrets de la montagne, elle sait survivre en mangeant des feuilles, se faire un lit d’aiguilles de pin, chasser avec une fronde et même apprivoise une louve. Elle éprouve une vive affection pour un mélèze, sait surprendre un cerf…ce sont de très belles pages.
l’armée régulière de Victor-Emmanuel et ses bersagliers donne la chasse aux bandits, Maria est capturée, jugée et même condamnée.
Pendant que Sirtori s’exprimait, un journaliste s’est insurgé contre la peine de mort, la qualifiant dans un cri de barbarie, mentionnant un écrivain français, Victor Hugo, qui se bat pour son abolition, et Alexandre Dumas qui soutient la même cause ici, en Italie. Ce Dumas même qui nous a transformés en bêtes assoiffées de sang. Mais il a raison sur ce point. Quand un État commence à couper des têtes, il ne vaut pas mieux qu’un bersaglier. Ou qu’un brigand.
Je ne vous raconterai pas la fin. J’ai beaucoup aimé ce roman très riche qui m’a beaucoup appris sur l’histoire de l’Italie.
Maria est aussi une personnalité très intéressante qui se s’est pas laissé dominer par son mari et qui décrit avec finesse la condition des femmes livrées à des hommes violents. L’amour n’est pas un fleuve tranquille même dans la forêt, c’est plutôt une autre lutte/