LITTERATURE ISRAELIENNE
« Oui. Je pense que rien ne doit aller de soi en littérature. Quand vous dites familiarité, j’entends confort et
l’inconfort que Fernando Pessoa appelle joliment l’intranquillité, c’est une chose qui nous est nécessaire. »
Rosie Pinhas-Delpuech est l’auteur de Suite Byzantine et de Le Typographe de Whitechapel que j’ai lus avec beaucoup de plaisir et d’intérêt, et d’autres romans et essais que je me promets de lire.
Rosie Pinhas-Delpuech est aussi la traductrice de Ronit Matalon dont j’ai lu récemment De face sur la photo et Le Bruit de nos pas, de Yael Neeman Nous étions l’avenir, Orly Castel-Bloom, Le Roman Egyptien…
Sa voix m’est familière, entendue à la radio, dans les podcasts de L’entretien littéraire avec Mathias Enard, La salle des Machines 28.11.21 et Talmudiques 31.07.22 à propos de Brenner et le désir d’hébreu.
A la suite du billet de La Viduité j’ai téléchargé La Faille du Bosphore que j’ai lu d’un seul souffle sans pouvoir le lâcher, une petite centaine de pages.
Ces entretiens portent sur le métier de traductrice et ses rapports avec le travail d’écriture puisque Rosie Pinhas-Delpuech pratique les deux activités.
« Paris, dans son appartement où depuis plus de quarante ans, elle confectionne à la manière d’une cordonnière, assise sur cette même chaise au cuir élimé, des textes dans les mots des autres et dans les siens propres. »
La traduction comme artisanat, comme critique littéraire, comme souffle, rythme et musique.
« Chaque matin, je dois m’échauffer, en relisant la traduction je remets du rythme, j’enlève des mots, je remplace des mots, j’entends des syllabes, c’est presque du travail poétique sur de la prose. Et ça ne se voit pas. On dirait que je raconte l’histoire qu’il raconte, mais ce n’est pas vrai. On travaille beaucoup ensemble, »
Rythme et musique du texte, l’hébreu lui évoque le Free Jazz, je ne m’y serais pas attendue. Et dans la musique du texte traduit la longueur des mots, des phrases, la ponctuation jouent leur rôle dans cette musique. Epurer, raccourcir, en dépit de la syntaxe très codifiée du français. C’est fascinant, inattendu.
En conclusion, la question très prosaïque qu’on n’oserait pas aborder : celle de la rémunération de la traduction qui est payée au feuillet et dont le statut est encore plus précaire que celui des intermittents du spectacle.
Et Le Bosphore, là-dedans? Istanbul est le lieu de naissance de Rosie Pinhas-Delpuech, ville cosmopolite et polyglotte, où petite fille elle est passée du Français paternel, à l’Allemand maternel, au Judéo-espagnol de la grand-mère et au Turc de l’école. Sans oublier la musique.
Istanbul, dans cette ville qui est un carrefour linguistique et culturel ainsi que dans votre famille où les langues se superposent à la manière des lignes d’une partition musicale […]bien avant de savoir parler, j’entendais beaucoup d’instruments, c’est-à-dire beaucoup de langues.