La faille du Bosphore: Entretiens de Rosie Pinhas Delpuech par Maxime Maillard

LITTERATURE ISRAELIENNE

« Oui. Je pense que rien ne doit aller de soi en littérature. Quand vous dites familiarité, j’entends confort et
l’inconfort que Fernando Pessoa appelle joliment l’intranquillité, c’est une chose qui nous est nécessaire. »

Rosie Pinhas-Delpuech est l’auteur de Suite Byzantine et de Le Typographe de Whitechapel que j’ai lus avec beaucoup de plaisir et d’intérêt, et d’autres romans et essais que je me promets de lire. 

Rosie Pinhas-Delpuech est aussi la traductrice de Ronit Matalon dont j’ai lu récemment De face sur la photo et Le Bruit de nos pas, de Yael Neeman Nous étions l’avenir, Orly Castel-Bloom, Le Roman Egyptien… 

Sa voix m’est familière, entendue à la radio, dans les podcasts de L’entretien littéraire avec Mathias Enard, La salle des Machines 28.11.21 et Talmudiques 31.07.22 à propos de Brenner et le désir d’hébreu. 

A la suite du billet de La Viduité  j’ai téléchargé La Faille du Bosphore que j’ai lu d’un seul souffle sans pouvoir le lâcher, une petite centaine de pages. 

Ces entretiens portent sur le métier de traductrice et ses rapports avec le travail d’écriture puisque Rosie Pinhas-Delpuech pratique les deux activités. 

« Paris, dans son appartement où depuis plus de quarante ans, elle confectionne à la manière d’une cordonnière, assise sur cette même chaise au cuir élimé, des textes dans les mots des autres et dans les siens propres. »

La traduction comme artisanat, comme  critique littéraire, comme souffle, rythme et musique.

« Chaque matin, je dois m’échauffer, en relisant la traduction je remets du rythme, j’enlève des mots, je remplace des mots, j’entends des syllabes, c’est presque du travail poétique sur de la prose. Et ça ne se voit pas. On dirait que je raconte l’histoire qu’il raconte, mais ce n’est pas vrai. On travaille beaucoup ensemble, »

Rythme et musique du texte, l’hébreu lui évoque le Free Jazz, je ne m’y serais pas attendue. Et dans la musique du texte traduit la longueur des mots, des phrases, la ponctuation jouent leur rôle dans cette musique. Epurer, raccourcir, en dépit de la syntaxe très codifiée du français. C’est fascinant, inattendu.

En conclusion, la question très prosaïque qu’on n’oserait pas aborder : celle de la rémunération de la traduction qui est payée au feuillet et dont le statut est encore plus précaire que celui des intermittents du spectacle.

Et Le Bosphore, là-dedans? Istanbul est le lieu de naissance de Rosie Pinhas-Delpuech, ville cosmopolite et polyglotte, où petite fille elle est passée du Français paternel, à l’Allemand maternel, au Judéo-espagnol de la grand-mère et au Turc de l’école. Sans oublier la musique.

Istanbul, dans cette ville qui est un carrefour linguistique et culturel ainsi que dans votre famille où les langues se superposent à la manière des lignes d’une partition musicale […]bien avant de savoir parler, j’entendais beaucoup d’instruments, c’est-à-dire beaucoup de langues.

 

 

Stupeur – Zeruya Shalev

LITTERATURE ISRAELIENNE

Joan Mitchell cyprès pour le plaisir

Merci à Babélio et aux éditions Gallimard de m’avoir permis de lire ce livre et de participer à la rencontre avec l’auteure Zeruya Shalev dont j’ai lu, et apprécié les romans précédents, Thera, Ce qui reste de nos vies et Douleur. je retrouve avec grand plaisir son univers familier : un regard féminin et aiguisé sur la réalité israélienne racontée dans le théâtre familial de personnages qu’elle fait vivre au quotidien. 

Deux voix féminines alternent : celle d’Atara, à peine la cinquantaine, architecte spécialisée dans la conservation de bâtiments anciens, mère de famille de deux enfants adultes de deux mariages successifs. Celle de Rachel, 90 ans, mère de deux fils. Un secret de famille dévoilé au décès du père d‘Atara , Mano: son mariage caché avec Rachel.

Atara retrouve Rachel et va exhumer un autre secret de famille : la participation de Rachel et de son premier mari , Mano (le père d’Atara) à la lutte du Lehi à la fin du Mandat Britannique. Mano et Rachel se sont aimés et mariés dans la clandestinité. Leur séparation est un autre mystère qui a pesé sur les relations familiales des deux familles et de leurs enfants. Nous découvrons cette époque lointaine, il y a 70 ans, des combats qui ont été occultés, l’amertume de ces idéalistes exaltés qui ont combattu les britanniques par le terrorisme tandis que ceux de la hagannah étaient loués en héros. 

Est-ce un hasard si ces souvenirs resurgissent maintenant que l’extrême droite est au gouvernement en Israël? Selon Zeruya Shalev à qui j’ai posé la question hier, Lehi et Extrême Droite actuelle n’ont aucun rapport. 

Un autre terrorisme sévit : Après une attaque au couteau à Jérusalem (p.124)

« pourquoi cela te choque? Vous aussi vous avez combattu l’occupant! Vous aussi vous avez combattu l’occupant! Quelle différence entre les combattants pour la libération d’Israël et ceux pour la libération de la Palestine » 

Dans la double famille de Rachel et d’Atara toutes les nuances politiques coexistent : Rachel a choisi de vivre dans une implantation alors que son fils Yaïr refuse de passer la Ligne verte et d’aller dans les territoires occupés. Son deuxième fils Amihaï, a choisi d’être ultra-orthodoxe, voir sa mère dans les territoires occupés ne lui pose aucun problème, en revanche exposer ses enfants à la vie laïque est hors de question, la grand-mère ne peut donc pas les recevoir. . Lors de la rencontre avec l’autrice, le thème de la transmission, est au cœur du roman. Aucun des deux fils de Rachel ne partage ses idées laïques mais nationalistes.

La famille recomposée d’Atara est aussi compliquée : elle a eu une fille d’un précédent mariage et son mari Alex aussi, ensemble ils ont un fils Eden. Les trois enfants sont dispersés : Avigaïl  la fille d’Atara étudiante aux Etats Unis, Yoav, le fils d’Alex est quelque part en Amérique latine, tandis qu’Eden   qui a servi dans les commandos, est revenu mutique.

Alex et Atara habitent Haïfa, ville multiculturelle (p. 113)

« …sa ville-refuge, celle qui l’a accueillie à bras ouverts des années plus tôt; toute de vert et de bleu parée et dont le fonctionnement architectural l’a immédiatement émerveillée. Des constructions arabes datant de l’Empire ottoman et du mandat britannique, du bâti templier à côté d’édifices Bauhaus, un brassage culturel qui accompagne le brassement hypnotique de la montagne et de la mer… »

Pour cette architecte, les lieux jouent aussi leur partition dans le livre et toute leur symbolique.

Rachel (p.2567 exprime ses doutes

« Israël est devenu un endroit surpeuplé, gris, barricadé, qui se cache derrière des murs et des barbelés, signe qu’il n’a plus foi dans sa légitimité »

Le contexte historique,  politique, social et géographique m’a bien sûr intéressée mais Stupeur est avant tout une histoire familiale. Zeruya Shalev est une experte dans l’analyse des rapports dans le couple, entre parents et enfants. Elle dissèque ces relations avec une acuité particulière. Aussi bien l’amour, le coup de foudre que les choix qu’une femme fait entre l’amour maternel et l’attention portée à son conjoint. Elle met en évidence toutes les facettes et les choix qui se posent à une femme, surtout si elle est mère.

J’ai été happée par l’histoire de la rencontre d’Atara et de Rachel, j’ai aimé aussi l’évocation des relations conjugales entre Alex et Atara.

J’ai aussi été intéressée par les références bibliques, l’irruption du bouc émissaire, du personnage de Jephté même si cela n’est pas vraiment ma tasse de thé.

Je ne dévoilerai pas plus loin l’histoire, lisez-le livre! 

En attendant de rencontrer Zeruya Shalev dans les salons de l’éditeur Gallimard , j’ai eu le plaisir de l’écouter sur les podcasts de RadioFrance dans l’Heure Bleue de Laure Adler CLIC Quel dommage que cette émission s’arrête! et Par les Temps qui courent pour son roman Douleur. CLIC

 

La soirée de présentation de Stupeur par Zeruya Shalev dans les salons de son éditeur, Gallimard, a été très chaleureuse. J’ai eu le plaisir de l’écouter en hébreu, relayée par son interprète, à tour de rôle, tandis qu’à la radio la voix de la traductrice se superpose et empêche l’écoute en V.O. J’ai apprécié sa grande simplicité : une leçon d’écriture. L’écrivaine se laisse guider par ses personnages qui s’imposent à elle dans toute leur complexité et elle nous a montré comment elle les fait vivre. Héroïnes fortes, sans filtre, qui ont même occasionné des réactions violentes chez les lecteurs en Israël qui l’ont abordée dans la rue . Je crois que je vais relire ses romans!

De face sur la photo – Ronit Matalon – Actes Sud trad. Rosie Pinhas Delpuech

LITTERATURE ISRAELIENNE

« les photographies témoignaient, exagéraient, ou bien ni l’un ni l’autre : elles créaient un troisième monde, une zone intermédiaire de pénombre entre les deux, à l’intérieur de laquelle proliférait l’erreur comme dans un bouillon de culture, l’échec de l’œil, l’histoire fallacieuse, l’illusion qui la produit. »

On lit le roman comme on feuillette un album de famille.

Famille de Juifs égyptiens dispersée entre Israël, d’où vient la narratrice, Esther, Douala où vit son oncle Cicurel qui l’accueille, les Etats Unis, la France, l’Australie. Cet album de famille rassemble des photos anciennes prises en Egypte à la fin des années 40, quelques photos en Israël, la plupart mettent en scène l’oncle Cicurel, l’homme d’affaires qui a réussi en Afrique. Il y a  aussi des « photos manquantes » perdues ou volées par ceux qui ont voulu emporter une image de famille.

« Elles m’expédient là-bas, en Afrique, chez l’oncle riche qui fera peut-être de l’ordre dans ma tête, pour que je
me pose un peu, ici ou là-bas, peu importe. L’essentiel étant que quelque chose m’atteigne, l’idée de “famille”
avec le totem du patriarche, fût-ce l’ombre de son ombre. »

La narratrice décrit avec  précision les personnages, le décor. On comprend qu’un personnage central, la Nonna Fortunée, a perdu la vue et la nécessité de cette description minutieuse.

Façon puzzle, on reconstitue l’histoire de cette famille levantine dans les mots d’Esther qui est venue apporter au Cameroun le lien familial si important mais si distant que l’Oncle Cicurel tient à maintenir. Le commerçant n’est pas vraiment un raconteur, il se met en scène, met en scène sa réussite sur des photos qu’il expédie à sa mère et à ses frères et sa sœur. On découvre aussi l’Oncle Moïse, le sioniste, qui a fait venir sa famille. Et aussi, les absents comme cette cousine énigmatique, Nadine perdue de vue à New York…Diversité des personnalités et des destins.

Est-ce que tu regrettes d’avoir quitté l’Égypte ? — Regretter ? s’étonne ma mère. Pas du tout. J’ai la nostalgie, je crève de nostalgie, mais je n’ai pas de regrets, Zouza. Notre vie là-bas est finie. — Mais vos racines sont là-bas, tante Inès. Qu’aviez-vous à faire ici ? — Des racines, des racines. C’est des chaussures qu’il faut. L’être humain n’a pas besoin de racines, Zouza. Il a besoin d’une maison.

Esther découvre aussi l’Afrique, la colonisation, le monde colonial séparé de la population autochtone, les rapports de domination qu’elle saisit avec vivacité.

J’ai beaucoup aimé ce roman.

 

 

Le Roman Egyptien – Orly Castel-Bloom – trad. Rosie Pinhas- Delpuech

ISRAEL

J’ai découvert ce roman en écoutant le podcast de France Culture : Le Roman de la Grande Bleue présenté par Mathias Enard qui avait convié Rosie Pinhas Delpuech, et j’ai tout de suite su que ce livre était « pour moi« . De plus, je viens de voir Mizrahim, film de Michale Boganim et Les Cahier noirs de Shlomi Elkabetz (à la mémoire de Ronit Elkabetz) et Le Roman Egyptien se trouve dans la suite logique  de cette production mizrahit en Israël. 

« La mère de Viviane aussi s’appelait Flore, mais la famille vivait depuis des siècles en Égypte, depuis trop de siècles, peut-être des milliers d’années, car d’après ce que Flore avait raconté à Viviane, il semblerait qu’ils
appartenaient à ce fameux clan, à cette unique famille dont il n’est pas question dans l’histoire d’Israël, ces gens qui désobéirent à Moïse, refusèrent de quitter l’Égypte durant la grande sortie, et y restèrent comme esclaves. Il fallut des siècles pour qu’ils soient affranchis et deviennent des chasseurs sauvages, et quand les juifs arrivèrent en Égypte après l’expulsion d’Espagne, ces gens s’empressèrent de se rapprocher d’eux, car d’une certaine manière obscure et mystique, ils sentirent l’antique proximité. »

Le Roman Egyptien raconte la saga de la famille Castil, juifs égyptiens originaire d’ Egypte depuis toujours, depuis la sortie d’Egypte aux temps bibliques, aux Castil chassés d’Espagne par les rois Catholiques, montés en Israël  au tout débuts des années 50 avec des idéaux socialistes, arrivés au kibboutz Ein Shemer avec un groupe de l‘Hashomer Hatzair d’où ils ont été chassés. 

« Charlie était trop antireligieux à son goût. Et trop communiste aussi. Il y baignait jusqu’au cou, Hashomer
Hatzaïr par-ci, Hashomer Hatzaïr par-là, il n’y en avait que pour le mouvement de jeunesse socialiste ouvrier.

[…]
Viviane avait quitté le kibboutz Ein Shemer en même temps que tout le noyau égyptien, mais Charlie avait voulu achever ses quatre années d’engagement, qui équivalaient à un service militaire. De toute façon, la vie de kibboutz l’enchantait. Surtout les travaux des champs et la cuisine. »

Viviane et Charlie, Adèle et Vita, et les autres égyptiens vont s’établir en ville, leurs enfants formeront un noyau solidaire qui traverse le temps jusque aux années 2010, déménagements, enfants, et maladies….

Ce n’est pas un récit chronologique linéaire, plutôt un puzzle qui traverse les siècles qui saute des manifestations au Caire contre le roi Farouk à l’Inquisition en Espagne à la fin du XVème siècle. Certains personnages sont nommés d’autres non, la Grande, la Petite, la fille unique et la lectrice doit s’accrocher pour se rappeler qui sont les parents, les enfants, dans cette  tribu  qui fait des aller-retours entre les divers appartements. Je me suis livrée avec grand plaisir à cette gymnastique un peu déroutante.

J’ai beaucoup aimé les descriptions  de la vie au kibboutz, repas pris en commun, réunions et débats idéologiques, travaux des champs et puis ensuite je me suis promenée dans les rues de Tel Aviv et de ses environs : un voyage dépaysant. Ce « roman égyptien » est plus israélien qu’égyptien!

la Stupeur – Aharon Appelfeld –

LITTERATURE ISRAELIENNE

Encore dans cet ouvrage publié en français récemment, (avril 2022) en hébreu (2017) Aharon Appelfeld nous entraîne en Bucovine, sur les bords du Pruth  pendant l’occupation allemande et évoque le massacre des Juifs dans les petits villages. Alors que Mon père et ma mère, Tsili, Les Partisans  avaient pour narrateur un enfant-juif, le personnage principal, Iréna est une paysanne orthodoxe. 

Elle alla machinalement vers la fenêtre. Une scène sidérante s’offrit à ses yeux : le père, la mère et les deux filles étaient alignés devant l’entrée de leur magasin. le corps ceint d’un tablier bleu, la mère avait le buste penché en avant comme arrêtée en plein mouvement<; 

Le mari se tenait près d’elle dans ses vêtements gris habituels, un sourire flottant sur ses lèvres tremblantes, comme s’il était accusé d’une faute qu’il n’avait pas commise.

 » Qu’est-ce que c’est ça? » murmura Iréna en ouvrant sa fenêtre.

Elle les distingua mieux. leur position alignée lui rappela les enfants à l’école. C’était bien entendu une mauvaise comparaison. Ils se tenaient comme des adultes, sans piétiner et bousculer……

La stupeur : c’est celle d’Iréna, sidérée par le sort de ses voisins, les Katz que  le gendarme Illitch, sur ordre des Allemands fait d’abord aligner, puis agenouiller, creuser une fosse avant de les fusiller. L’épicier du village, sa femme et ses deux filles vont être assassinés devant tous les villageois qui déménagent leurs meubles, creusent la cour pour trouver des trésors enfouis. Seule, Iréna, les prend en pitié mais n’a pas le courage de s’interposer.

Iréna, simple paysanne ukrainienne, est  victime d’un mari violent, elle souffre de maux de tête. Adéla Katz, étudiante-infirmière était son amie d’enfance comme Branka, la simplette. Les parents ont toujours entretenu des relations de bon voisinage malgré l’antisémitisme virulent des paysans.

« les Juifs se sont infiltrés dans mon âme et ne me laissent pas en paix. »

A la suite du massacre, Iréna  décide d’aller dans la montagne visiter sa tante qui vit comme une ermite. Le remords de n’avoir pu aider ses voisins la tenaille, elle sent la présence des Juifs morts l’obséder. Elle trouve un peu de paix auprès de sa tante très pieuse puis d’un ermite, un sage. Elle entreprend une sorte de vie errante et interpelle les paysans dans les auberges où elle s’arrête :

« Jésus était juif. Il faut être clément envers ses descendants qui sont morts, et ne pas se comporter avec eux en usant de la force. Il faut les laisser s’installer aux fenêtres, marcher dans leurs cours et leurs maisons
abandonnées. Il est interdit de lever sur eux un bâton ou de leur jeter des pierres. »

Les hommes réagissent très violemment à ces paroles tandis que les femmes l’accueillent avec bienveillance, les prostituées, les femmes battues, les simples fermières la protègent.  Elle rencontre d’autres femmes sensibles au sort des juifs assassiné dans la région, l’une d’elle cache un enfant. Certaines la prennent comme une sainte, pensent qu’elle peut accomplir des miracles.

J’ai été étonnée de cette figure chrétienne mystique, parfois j’ai eu du mal à la suivre. Heureusement j’ai écouté Valérie Zenatti – la traductrice d’Appelfeld  par les temps qui courent et j’ai eu l’occasion d’écouter le poème de Celan : Todesfuge très impressionnant que Celan lit dans la vidéo ci-dessous : Celan est né comme Appelfeld à Czernovitz mais a continué à utiliser l’Allemand alors qu‘Appelfeld a choisi l’hébreu. 

Anselm Kiefer

 

Convoi de Minuit – S. Yizhar – Actes sud

LITTERATURE ISRAELIENNE

Je garde un souvenir ébloui de Hirbat-Hiza lu autrefois dans l’édition Galaade. J’ai donc été surprise de retrouver Hirbat-Hiza dans ce recueil de nouvelles.  Convoi de Minuit réunit les deux récits avec une courte nouvelle,  Le Prisonnier. Laurent Schulman est le traducteur pour les deux éditions, malheureusement les notes ont disparu dans l’édition d’Actes Sud

Découverte pour Convoi de Minuit :  récit de 139 pages. un groupe de soldats prépare la route pour un convoi de camions qui va ravitailler une implantation isolée. Belle évocation de la nature, d’une nuit noire. Camaraderie : entre le responsable taciturne Rubinstein, Gavry le fanfaron, Tsviyeleh rêveur, et les autres. Dally, opératrice-radio, fait rêver Tsvileyeh. Entre terrain miné, oued à traverser, piste approximative dans l’obscurité, passeront ils? 

je viens de finir les nouvelles de Cavalerie rouge d’Isaac Babel.  En dépit des différences de lieu, d’époque et de circonstance je retrouve une certaine parenté entre ces jeunes hommes embarqués dans la guerre, sans héroïsme guerrier ni forfanterie.

Relecture pour Hirbat-Hizra, je sais ce que je vais lire : l’évacuation des habitants et le dynamitage d’un village arabe pendant la Guerre d’Indépendance. Témoignage poignant d’un soldat.

« Pourtant je me laisse vite gagner par le doute dès lors que je m’aperçois de la facilité avec laquelle je pourrais; cédant à la tentation de rallier les rangs du plus grand nombre, me fondre dans la masse des menteurs, des ignorants, des indifférents, des égoïstes, et nier d’un air entendu l’incontournable vérité, tel un larron qui n’en est pas à son premier délit. Inutile de tergiverser, il est temps de rompre le silence et d’exposer les faits…. »

C’est un très beau texte, un hymne à la campagne, au travail des agriculteurs, prêtant attention aux humains comme aux animaux et aux plantes.

Le narrateur hésite à confier ses doutes à ses camarades qui « affichent une insouciance forcée »

« j’aurais voulu tenter le tout pour le tout, mais je me taisais. Pourquoi diable étais-je le seul à m’émouvoir autant? Etait-ce dans ma nature? Je ne m’attirerais que les moqueries de mes camarades. j’étais effondré. pourtant une certitude restait ancrée en moi : les larmes d’un enfant, l’indignation muette d’une mère constituaient une épée de Damoclès au dessus de nos têtes. Aussi, dans un suprême effort pour que ma viox ne tremblât pas, finis-je par dire à Moïshe :

-Rien ne légitime cette évacuation. »

la dernière nouvelle : Le prisonnier est courte, 22 pages. Une patrouille a capturé un berger et son troupeau de chèvres. Sans ordre, sans raison,  pour s’amuser . L’homme est inoffensif sans aucun intérêt pour le renseignement. Ne sachant que faire de leur prisonnier, les soldats le conduisent en jeep dans une base. Le narrateur l’accompagne. Il pourrait le laisser s’échapper,

Sois digne du nom d’homme.

Laisse partir le captif.

Rends lui sa liberté

Le fera-t-il- il ?

 

Le Typographe de Whitechapel – Rosie Pinhas Delpuech – Actes Sud

LIRE POUR ISRAEL

« Il s’appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie.
Il est avec H. N. Bialik et S. Y. Agnon l’un des trois grands écrivains fondateurs de l’hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné lors d’émeutes arabes à Jaffa en 1921. »

Rosie Pinhas Delpuech raconte la vie de Brenner mais cette biographie, trame du livre, est entrelacée par une réflexion sur la langue hébraïque. L’auteure, traductrice de l’hébreu, s’implique personnellement dans la narration ;  elle  nous fait entendre l’hébreu actuel, le Brouhaha d’un autobus déchiffrant les accents, les langues qui se mêlent. 

« Dans mon métier – je suis transporteuse de langues –, les vacances sont rares, nous mettons longtemps à
transporter notre cargaison de mots d’une rive à une autre,

[…]
Pourquoi cette langue, l’hébreu, pourquoi ça ne me lâche pas, pourquoi ce livre sur un écrivain que je ne parviens même pas à lire, ni à traduire, mais autour duquel je tourne depuis des années ? »

Avant d’être la langue de la vie de tous les jours en Israël, l’hébreu était la langue de la religion et le retour à la Bible est une évidence. Les références anciennes, au personnage de Moïse, le bègue traversent le récit.

L’auteure situe le personnage de Brenner dans son contexte, écrivain juif russe, exilé à Londres arrivant à Whitechapel. Brenner écrit en hébreu, ce n’est pas une évidence à l’époque, le yiddish est beaucoup plus pratiqué alors, en hébreu manquent encore des vocables de la vie quotidienne, cependant. D’autres alternatives existent comme l’Espéranto  ou lz langue du pays de résidence, allemand, russe, anglais….

« Comme si, à l’orée du XXe siècle, le peuple juif laborieux, ouvrier, se découvrait non seulement sans terre et sans
abri, mais dans une détresse linguistique semblable à une détresse respiratoire. »

Whitechapel est le quartier des pauvres. Brenner s’installe en même temps que Jack London. De quelques semaines d’expérience, London rapporte Le Peuple de l’Abîme.  Brenner s’installera le 2 avril 1904 parmi les juifs démunis travaillant dans les sweatshops pour des salaires dérisoires provoquant le rejet et l’antisémitisme des ouvriers locaux qui voient en eux des immigrés gâchant les conditions de travail.

 

Même si les conditions de vie sont misérables, des journaux circulent parmi les juifs. Dès 1976, Aaron Liberman fonde avec dix ouvriers dont quatre imprimeurs l’Union des Socialistes hébraïques, en 1884 un journal rédigé en yiddish est destiné au public ouvrier; en 1885, paraît  l’Arbeter Fraynt de tendance anarchiste et yiddishisant . On croise un personnage singulier Rudolf Rocker, catholique allemand qui épouse le destin des anarchistes juifs et devient directeur de l‘Arbeter Fraynt. Brenner s’installe au dessus du local de l’imprimeur Narodiski et apprend le métier de typographe. Brenner raconte ce monde des petits journaux dans son roman Dans la détresse . Il crée une revue littéraire en hébreu qui a des abonnés en Europe et en Amérique. Malgré l’aspect artisanal de sa fabrication Brenner est célèbre. Lorsque Freud est de passage à Londres, ils se donnent rendez-vous devant les dessins de Rembrandt. Et encore, en filigrane, apparaît le personnage de Moïse

Rembrandt : le festin de Balthazar

« Dieu écrit directement avec son doigt, comme un artisan, et rien ne m’intrigue autant depuis mon enfance que ce doigt de Dieu qui montre une direction, qui écrit. Rembrandt le peint dans Le Festin de Balthazar, »

J’ai adoré cet entrelac d’histoire et d’exégèse de la Bible alors que justement la renaissance de l’Hébreu se veut laïque

Faire renaître un hébreu simple, encore gauche, détaché de son contexte religieux, ancré dans la réalité prosaïque
de l’humain. La langue, toute langue, ne peut qu’être humaine, ramassée dans la poussière et la sueur de la rue. 

Brenner quitte Londres en 1908, passe à Lemberg une année, hésite entre Ellis Island et la Palestine. Il accoste en février 1909 à Haïfa. 

Commence alors une nouvelle histoire, celle de la Seconde Aliya, celle des coopératives  agricoles, des communautés ouvrières. L’hébreu est alors la langue quotidienne, de Hedera au Lac de Tibériade, il n’existe pas toujours de mots pour désigner les choses. l’hébreu est façonné par des eshkenazes, L’écrivaine note

Il faudra aussi l’éclatement de l’utopie cinq ans plus tard, en 1967, pour que l’espace se fissure et que par
l’interstice s’engouffre l’arabe palestinien

Cette irruption de l’arabe remet en circulation l’ « l’arabe honteux des juifs orientaux » La traductrice ne se lasse pas d’interroger l’évolution de la langue, et j’apprécie ses digressions 

Brenner aboutit dans une cité-jardin Ein Ganim et vit dans une communauté laïque

Il se lie d’amitié avec deux grandes figures fondatrices du sionisme socialiste : A. D. Gordon et Berl Katznelson.

Elle note que sur le sionisme ils sont lucides

Herzl s’est trompé, ce n’est pas une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Il y a des habitants, ici, les Arabes, ils tiennent à cet endroit. 

Le 1er mai 1921, les ouvriers juifs défilent avec des drapeaux rouges, la population arabe réagit, c’est une journée sanglante

Brenner succombera, victime des journées d’émeutes.

Merci à Aifelle de m’avoir signalé ce livre qui traite de trois sujets que je poursuis : l’histoire du peuple juif, l’hébreu et le rapport de la traductrice à la langue.

Personnellement, j’aurais mis 5* sur Babélio mais peut être suis-je trop subjective!

 

 

 

 

 

 

Trois étages – le livre de Eshkol Nevo/ Tre Piani – le film de Nanni Moretti

UN LIVRE/UN FILM

LITTERATURE ISRAELIENNE

j’ai découvert Eshkol Nevo avec La Dernière Interview et je m’étais promis de lire Trois Etages. La sortie du film de Nanni Moretti, Tre Piani, a précipité cette lecture. J’aime beaucoup ce réalisateur mais je ne voulais pas voir le film avant d’avoir fini le livre. J’aime prendre mon temps, le temps du livre, pour découvrir une histoire, me faire mon propre cinéma, imaginer les décors, vivre trois jours à Tel Aviv avant de voir les images italiennes que Moretti aura imaginées. 

Trois étages, trois histoires, trois confessions. 

« Tu sais, j’ai du mal à parler de ces choses-là, mais j’ai pas la force, non plus, de me censurer, je vais tout te raconter simplement, et toi, tu vas me promettre de ne pas t’en servir pour un bouquin, »

Arnon – du Premier Etage –   a invité un ami écrivain pour se confier. Il a besoin de voir plus clair dans son comportement, devenu depuis quelques temps dysfonctionnel, et son couple en crise. Il a confié sa fille de sept ans à son voisin de palier atteint d’Alzheimer, et soupçonne que le vieil homme a abusé de la fillette. Aucune preuve tangible, mais une inquiétude, un remords, qui l’entraîne à devenir violent ce que sa femme ne supporte pas. Les catastrophes s’enchaînent…Arnon n’attend pas d’excuse ou de pardon de son ami qui n’intervient pas dans le récit. Il cherche à comprendre ce qui lui arrive. 

Au deuxième étage, Hani rédige une longue lettre à Neta, son amie d’enfance partie aux Etats Unis. Son mari la délaisse voyage à l’étranger pour son travail. Elle se retrouve mère au foyer tout juste bonne à conduire ses enfants à l’école et aux activités extra-scolaire, sans ambitions, sans contact avec des adultes. Frustrée, elle débloque, voit des chouettes perchées lui parler…Elle non plus n’attend pas de réponse de Neta, elle ressuscite les confidences entre amies du temps de leur adolescence.  

Au troisième étage, Deborah – juge d’instance retraitée, enregistre des cassettes sur le répondeur de Michaël, son mari décédé. Elle poursuit le dialogue jamais interrompu. Déborah vit mal sa solitude. A Tel Aviv, un mouvement social rappelant Les Indignés ou Occupy , Nuit Debout, ou la Place Tahrir regroupe des manifestations, les manifestants ont planté des tentes où se déroulent des forums.

« Après tout, combien de fois avons-nous regardé, brûlant d’envie, nos concitoyens s’assembler sur les places et
scander des slogans chers à notre cœur, alors que nous étions empêchés de les rejoindre, à cause de nos fonctions ? Mais aujourd’hui, avec la retraite, la porte de la cage s’est ouverte. Dans ces conditions, me suis-je demandé, pourquoi devrais-je rester derrière les barreaux ? »

Deborah décide de rejoindre le mouvement et de mettre au service des jeunes manifestants ses connaissances du Droit et son expérience juridique. A l’occasion, elle fait la connaissance d’un homme de son âge, veuf, qui l’entraîne dans un voyage dans le désert. Sur la route elle va raconter son histoire….

j’avais envie de toquer à la porte de chaque voisin, celle de Ruth, de Hani, des Katz, des Raziel, et de leur dire :
Réveillez-vous, citoyens de Bourgeville. Laissez là vos parties de poker et votre inquiétude excessive pour vos
enfants, et les infidélités minables que la vacuité de votre existence, et non le désir, favorise. Levez-vous de vos
fauteuils télé trop confortables

On se demande si ces histoires vont se rejoindre.

L’histoire de Hani m’a moins touchée que les deux autres, celle de Déborah m’a beaucoup plu.

Ce n’est pas un dilemme à imposer à une mère, Michaël. Car quel pacte est le plus important : entre une femme et son conjoint ou entre une mère et ses enfants ?

Histoires de paternité, de rapports père/fille, mère/fils…qui s’inscrivent dans l’espace réduit d’un immeuble de trois étages.

TRE PIANI – le film de Nanni Moretti

l’affiche du film

Ayant terminé, et aimé, le livre, je me suis précipitée au cinéma pour voir l’adaptation filmée. En général, le film qui a un format de 1h30 ou 2h, doit faire des choix dans le récit se focalise sur un aspect tandis que le livre prend son temps. Et le propos est souvent appauvri. 

Curieusement Nanni Moretti a puisé dans le livre l’idée générale, des dialogues entiers s’y retrouvent mais il a « complété » l’histoire. Le mari de la juge, apparait bien vivant dans les deux tiers du film et l’homme que rencontre la juge est à peine esquissé. 

En revanche, l’adaptation à l’Italie et Rome d’aujourd’hui est très réussie. Pas de forum gauchistes, à la place un vestiaire où Dora, la Juge, porte les vêtements de son mari décédé. Le personnage de la jeune mère délaissée est aussi plus fouillé que dans le livre.

En définitive, le film est un objet indépendant du livre,  il convient de les voir séparément et de ne pas les comparer!

Bon film, j’aurais dû attendre un peu!

Mon Jardin sauvage – Meir Shalev – Gallimard

LITTERATURE ISRAELIENNE

« Au premier plan deux champs bordés de cyprès à la silhouette élancée, que surplombaient deux rangées de collines boisées, émaillées de tout un camaïeu de vert. Une vraie palette impressionniste : le vert pâle du chêne du Mont Thabor, le vert foncé du chêne palestinien, le vert éclatant du caroubier et du pistachier – nuance légèrement fanée du térébinthe de Palestine et celle plus vibrante de l’arbre à mastic. »

J’ai choisi la même citation que Dominique qui m’a donné envie de lire ce livre et qui j’espère me pardonnera. Dans ces lignes, je retrouve ce paysage méditerranéen que j’aime tant décrit avec une précision qui m’a interpellée.

U Lentiscu  (corse)’il manque un personnage pour donner l’échelle

Térébinthe, pistachier, arbre à mastic sont pour moi des essences voisines que je confonds. j’ai donc cherché sur Internet et trouvé que le Térébinthe de Palestine Pistacia palaestina et le Térébinthe Pistacia terebinthus qui donne la térébinthine sont des espèces distinctes, tous les deux de grands arbustes, arbres à feuilles caduques, tandis que Le Pistachier lentisque Pistacia lentiscus est un arbuste plus petit à feuilles persistantes, l’arbre à mastic qui pleure des larmes de sève donne le mastic à Chios, pourquoi seulement dans un petit territoire de cette île?

arbre à mastic chios

Je retrouve ces essences dans mes voyages aussi bien en Corse, au Maroc, en Grèce, en Turquie….ils me sont familiers et pourtant je ne m’étais jamais penchée sur la variété et la diversité de ces espèces.

Ce livre semble m’être destiné tout personnellement (quelle prétention! quelle outrecuidance!) non seulement cette flore méditerranéenne m’est chère mais le jardinage a été mon premier métier, et pas très loin du jardin de Méir Shalev! J’ai retrouvé avec joie les noms en hébreu des outils, passoires, cribles et tamis.

Scille maritime (Gozo)

Mise  en scène des fleurs des champs comme le coquelicot, l’anémone ou le cyclamen, moins connue la Scille maritime dont j’ai fait la connaissance à Malte. Animaux des jardins : oiseaux, rat-taupe, araignées et serpents divers, mais aussi plus prosaïques fourmis et guêpes.

« Les oiseaux ne piquent pas les tuyaux par pure méchanceté ou par soif – contrairement aux sangliers et aux
chacals qui rongent les tuyaux pour boire – mais par erreur. Yossi Leshem, zoologiste et célèbre ornithologue, m’expliqua que le pivert confond le bruit de l’eau circulant dans le tuyau avec les vibrations provoquées par les insectes grouillants sous l’écorce. »

Chapitres tendres et ironiques quand l’auteur se met en scène désherbant à quatre pattes ou à la recherche d’une graine tombée sous son bureau.

Références aux pionniers venus d’Ukraine ou citations bibliques.

 » Par chance, la plupart de nos concitoyens ont conscience de la pénurie d’eau, et même les non-croyants prient pour qu’il pleuve. La prière rituelle pour la pluie n’est hélas pas toujours exaucée. Le fait est bien connu et la raison est double. D’une part, nos chefs religieux ne sont pas à la hauteur, Dieu ne leur parle plus, Il ne les écoute plus comme autrefois. »

j’ai oublié d’écrire comme c’est drôle.

Livre utile : on y apprend comment préparer les olives!

Lecture délicieuse!

Seul regret, j’ai opté pour la lecture sur liseuse et les illustrations ne sont pas sous leur meilleur jour. Préférez le livre-papier

Les deux morts de ma grand-mère – Amos Oz – Gallimard

LIRE POUR ISRAEL

Pendant les évènements récents, véritable guerre civile qui ne dit pas son nom, j’ai eu envie de me tourner vers Amos Oz (décédé en décembre 2018), qu’aurait-il dit de ces affrontements? 

Les deux morts de la grand-mère est un recueil de plusieurs essais, conférences entretiens parus séparément de 1975 à 1992. La table des matières donne un aperçu du contenu

 I. D’OÙ JE VIENS

Exorciser les démons

Une enfance à Jérusalem

Un étranger dans une ville étrangère
 II. D’OÙ J’ÉCRIS

Les deux morts de ma grand-mère

Tel un gangster la nuit des longs couteaux, je rêve
 Pourquoi lire ?

III. D’OÙ JE PARLE

Entre l’Europe et le désert du Néguev

Le charme discret du sionisme

L’écrivain écrit, le critique critique, et le temps juge…. (entretien avec Iona Hederi-Remege)

Le kibboutz et la tendresse Un romantique contrarié (entretien avec Ari Shavit)

IV. LES MOTS QUI TUENT, LES MOTS QUI PARFOIS GUERISSENT

La valise de Maria Kafka

Entre l’homme et l’homme

Les nerfs d’acier de la divinité et la vraie ironie allemande

Ils ont été créés à l’image de Dieu

La morale et la culpabilité 

De la douce Autriche et des sages de Sion

Paix amour et compromis

Ce sont des textes très variés, dans la première partie, Amos Oz parle de ses origines, de ses parents, du rapport à la culture européenne et de la Jérusalem rêvée si différente de la Jérusalem réelle.

J’ai surtout aimé la seconde partie et son rapport ambivalent au kibboutz qu’il a quitté.

Voyez-vous, la civilisation d’“Eretz Israël des travailleurs”, apparemment, ne reviendra plus. Je fais partie de
cette civilisation. Cela veut dire que j’appartiens au passé. “Le pays de mon cœur”, que l’on me promettait au
temps où j’appartenais au Mouvement de jeunesse, n’existera

……………
Le monde auquel j’avais le sentiment d’appartenir intimement – avec beaucoup d’ambivalence – n’existe plus. Ce qui a été ne sera plus, et pour moi c’est un sentiment pénible. Le noyau de la civilisation qui s’est développé ici dans les années trente et quarante ne continuera pas à se développer. Il n’y aura plus ici de société de cols ouverts et de shorts, ce que Shulamith Hareven appelle une “société de frères”, une société ouverte, égalitaire, sans formalisme. Elle a disparu.

La dernière partie est un commentaire du Shoah de Lanzmann. Essentiel. 

C’est un ouvrage sans illusion, sans concession non plus, critique vis à vis du nationalisme israélien mais aussi vis à vis de la gauche bien-pensante. Cependant il date un peu. Presque trente ans nous séparent de la parution.