La légende des montagnes qui naviguent (1) Alpes- Paolo Rumiz (2007)- Arthaud

LITTERATURE ITALIENNE

« Depuis la terrasse, nous voyons un fleuve de nuages bas qui se répand depuis le lac de Côme, une masse liquide et lente, qui se heurte contre les parois rocheuses, engendre un ressac, des brisants, des marées, des vagues anormales, comme des doigts crochus qui se forment et se dissipent sans interruption dans les dernières lueurs du jour. Un bref instant, les montagnes ont recommencé à naviguer ».

Paolo Rumiz est un écrivain-voyageur, un journaliste de La Repubblica natif de Trieste (1947) . Il a également écrit L’Ombre d’Hannibal et Aux frontières de l’Europe que j’ai beaucoup aimés et qui sont des récits de voyage. 

La Légende des montagnes qui naviguent raconte l’exploration des Alpes le plus souvent à vélo sur huit itinéraires de la Dalmatie à Nice en passant par l’Autriche et la Suisse. L’auteur en huit étapes descendra la botte italienne sur les Appenins à bord d’une Topolino bleue. 

L’écrivain triestin commence son périple aux portes de Trieste dans les montagnes de Dalmatie.

Incipit :

Si par une soirée d’été en Dalmatie, on entend un chant de montagnard sortir d’un voilier à l’ancre, il n’y a pas de
doute : c’est un bateau triestin.

[…]
Qu’était la Dalmatie, sinon un système de vallées remplies d’eau salée, de prairies d’algues, de bancs de
poissons gras et d’épaves ? »

Entre Slovénie et Croatie, il connaît les toponymes en italien, les frontières fluctuantes, auberges habsbourgeoises, kiosques post-communistes. Son voyage est imprégné d’un passé que j’ignore, je me suis perdue dans les cols et les lacs et les souvenirs de guerre. Quelle est cette armée perdue en 1915? L’effondrement plus récent de la Yougoslavie ne facilite en rien le repérage. 

En revanche toutes les histoires d’ours me plaisent, surtout quand les ours nagent jusqu’aux îles ou quand ils volent le miel.

C’est un voyage à vélo ou à pied, loin des destinations touristiques à la rencontre des autochtones. Interrogation sur les identités après le démantèlement de la Yougoslavie et l’adhésion de la Slovénie à l’Europe :

« C’est, en outre, le syndrome de Lilliput, l’envie de se refermer sur soi-même, de chercher parmi les os des ancêtres, afin de diviser le monde entre les autochtones et les autres. Beaucoup se demandent si l’Europe unie vaut vraiment la peine »

Il passe alors en Autriche par  « la tanière de Jörg Haider, gouverneur de Carinthie et croquemitaine du populisme alpin » qu’il va rencontrer. En ce début du XXIème siècle, il s’attarde sur cette montée de la démagogie et de la xénophobie, non seulement en Autriche mais aussi en Italie. Ce thème sera récurrent dans l’ouvrage.

Il décrit la vie des alpages, équilibre séculaire mis en danger par les aménagements hydrauliques et raconte la catastrophe du barrage Vajont (1963), dans les montagnes qui naviguent il sera beaucoup question d’eau! je découvre une montagne insolite , milieu fragile et menacé qui se referme sur lui-même.

C’est aussi l’occasion de très belles rencontres : avec l’écrivain Mario Rigoni Stern, des alpinistes ou Mauro Corona, alpiniste et sculpteur qui lui offre un couteau. Histoire d’alpinistes. Histoire de bois, de luthiers..

Hommes des bois, charpentiers de marine, manieurs d’archet, luthiers, c’est du pareil au même. Le bois chante toujours.

puis il y a le secret de cet art entièrement originaire de la plaine du Pô – l’art des luthiers – concentré entre
Venise, Brescia et Crémone, dans une caisse de résonance embrumée où confluèrent les techniques de trois
grandes écoles : Espagne, Angleterre et monde arabe.

Brunello ouvre l’étui, enfonce la virole de l’instrument dans la zone la plus oble de l’arbre abattu[…] il joue une gavotte[…]Voilà, ici, ici c’est parfait ! » Le luthier écoute les vibrations du bois vivant, avec la main entre son oreille et l’écorce.

Je pense au film sorti récemment  La Symphonie des arbres de Hans Lukas Hansen où un luthier de Crémone était à la recherche de l’arbre idéal pour construire un Stradivarius parfait dans les forêts bosniennes. 

Histoires de trains, de trains italiens parfois négligés, de trains autrichiens, et surtout d’un train modèle suisse. Histoires de tunnels ferroviaires suisses et aussi de tunnels qu’on aménage sans concertation avec les riverains. Incendie du tunnel du Mont Blanc (1999)

Quelle transformation pour cette Haute-Savoie qui rivalisait avec la Vénétie en matière de richesse récente, mais aussi de mal-être, de tyrannie du travail et de populisme de la petite bourgeoisie, allant, comme tant d’autres, jusqu’aux fantasmes autonomistes et aux vociférations…

Histoires de glaciers malades, de changement climatique….

La comptabilité fait peur : le glacier du côté nord de l’Adamello a disparu, celui de la Lobbia s’est détaché du refuge, le Pian di Neve s’est abaissé d’une centaine de mètres. La face nord du Montefalcone est devenue impraticable, le couloir du Monte Nero sur la Presanella n’existe pratiquement plus. Et sur le Mont-Blanc aussi tout a changé.

J’ai lu avec un plaisir immense ce récit qui soulève des questions très actuelles et qui nous promène dans ces montagnes magnifiques.

J’ai fait une pause dans la lecture quand Rumiz a changé de direction pour découvrir les Appenins. Encore huit chapitres qui méritent bien un autre billet.(à suivre…)

 

En camping-car – Ivan Jablonka – Le Seuil

LIRE POUR VOYAGER

Si le voyage est une si bonne école, c’est parce qu’il est une source d’émerveillement en même temps qu’une leçon de modestie. À quinze ans, j’avais vu Palerme, Tanger, Zagreb, Lisbonne, j’avais passé le canal de Corinthe par voie de terre et par voie de mer, j’avais navigué en gondole, pique-niqué sur les marches d’églises baroques, fait ma prière sur l’Acropole, joué avec un caméléon, couru sur le stade d’Olympie, caressé le sable du Sahara, soutenu la tour de Pise, dégusté des souvlakis et des loukoums à la rose, dormi dans une oasis, glissé
mes pieds dans des babouches, assisté à la relève des Evzones, admiré un coucher de soleil au cap Sounion,
gravi l’Etna et le Vésuve, plongé dans les rouleaux d’Essaouira, suivi des étoiles filantes dans le ciel d’Anatolie.

Merci pour cette parenthèse heureuse à bord de votre Combi Volkswagen! Merci pour le récit de vacances ensoleillées au bord de la mer en Corse, en Sicile, en Grèce ou en Turquie, dans les yeux émerveillés d’un enfant, paysages que nous avons sillonnés mais où je saisis toute occasion de revoir.

Le Draa : les enfants préfèrent jouer aux cartes plutôt que de regarder le sublime paysage de la Vallée du Draa

Une injonction paternelle : « Sois heureux ! » dans cette période bénie de l’enfance, dans l’insouciance des années 80 quand l’esprit hippie flotte encore (surtout en Californie), mai 68 est encore en mémoire. Cette injonction n’est pas gratuite, elle est sous-tendue par l’Histoire (l’auteur est historien) de son père orphelin de la Déportation, et Jablonka se définit lui-même comme un « enfant-Shoah ». En filigrane, on devine l’errance des Juifs

« Notre Terre promise, c’est la carriole qui nous y mènera. Fidèles au camping-car qui était lui-même une fidélité au judaïsme, mes parents n’ont jamais eu de résidence secondaire. »

Auprès de ses camarades de lycée, Ivan ne se vante pas de ses voyages et de ses vacances atypiques « vacances ridicules » écrit-il qui ne correspondait à rien de répertorié

« Cette manie ambulatoire était suspecte, elle inquiétait les conformistes de masse par son aspect excentrique ; elle paraissait grossière aux enfants de l’élite. nous bougions tout le temps, nous étions les SDF de l’été. Instables. Nomades nous avions des choses en commun avec les gens du voyage »

Sans doute je suis prétentieuse, mais il me semble que ce livre a été écrit pour moi, mes semblables :

« Quels que soient mes succès et mes échecs, je n’ai jamais oublié d’où je viens. Je viens du pays des sans-pays.
Je suis avec ceux qui traînent leur passé comme une caravane. Je suis du côté des marcheurs, des rêveurs, des colporteurs, des bringuebalants. Du côté du camping-car. »

Et ce n’est sans doute pas un hasard qui me ramène Rue Saint Maur, quartier raflé en 1942 et près des terrasses qui furent la cible des terroristes

On peut railler la « bobo-écolo attitude », mais, à l’heure où le populisme et le fanatisme sévissent de tous côtés, elle est le bastion de valeurs dont nous avons désespérément besoin : la culture, le progrès social, l’ouverture à autrui, une certaine idée du vivre-ensemble. Ce sont ces valeurs qui ont été visées lors des attentats de Paris, le 13 novembre 2015, 

Lisière – Kapka Kassabova -Marchialy

 

BALKANS

J’ai débuté par la mer Noire, au pied de l’énigmatique massif de la Strandja, où les courants méditerranéens et balkaniques s’entremêlent ; je me suis aventurée vers l’ouest dans les plaines frontalières de Thrace, sillonnées
de couloirs marchands où se trament des échanges plus ou moins licites ; j’ai franchi les cols des Rhodopes, où
le moindre sommet fait l’objet d’une légende et où le moindre village réserve des surprises ; puis j’ai bouclé la
boucle en terminant par la Strandja et la mer Noire.

Un gros coup de cœur!

Kapka Kassabova est née en Bulgarie en 1973 à Sofia qu’elle a quitté avec sa famille après la Chute du Mur de Berlin. Elle habite maintenant en Ecosse et écrit en anglais. Elle est retournée en Bulgarie sur la Riviera Rouge plages de la Mer Noire où elle venait en vacances avec ses parents dans les stations balnéaires fréquentées par les cadres d’Europe de l’Est. Fréquentées aussi par les candidats à la fuite à travers le rideau de fer, allemands en « sandales« , Tchèques, Bulgares. 

Du fait de sa seule présence, la frontière est une invitation. Viens, murmure-t-elle, franchis cette ligne. Chiche ? Franchir cette ligne, en plein jour ou à la faveur de la nuit, c’est la peur et l’espoir amalgamés.

L’écrivaine ne convoque que très peu ses souvenirs d’enfance mais elle s’installe dans un petit village-dans-la vallée déserté de ses habitants. Ceux qui sont restés sont accueillants. Ils livrent à  Kapka Kabassova des secrets comme ceux des Agiasmes, les sources sacrées depuis la nuit des temps, ou les Nestinari qui marchent sur les braises et possèdent les dons du chant ou de la divination. 

On célèbre aujourd’hui le festival du feu des saints Constantin et Elena. Ils ne sont ni plus ni moins qu’une variante
du double culte de la déesse Terre et de son fils et amant, le dieu Soleil. Des représentations de la dualité dionyso-apollonienne au cœur du culte du feu. La rencontre du solaire et du chtonien.

La montagne sauvage recèlent encore d’autres mystères : des pyramides  – Le Tombeau de Bastet ,

Le « Grand Site », car on avait retrouvé dans les parages plusieurs strates d’habitations antiques : un lieu de culte
thrace composé de plusieurs édifices disposés en cercle baptisé Mishkova Niva, tout équipé, avec autel
sacrificiel et reliquaire orné d’inscriptions gravées par des prêtres orphiques ; un tumulus ; un fort thrace
romanisé ; une maison de villégiature romaine et un réseau de mines de cuivre datant de l’Antiquité.

De nombreux trésors furent enterrés dans le Grand Site, mais aussi par les habitants chassés de leurs maisons. La profession de Chasseur de Trésor fut répandue ainsi que celle de passeur de fuyards ou de migrants et parallèlement de gardiens de la frontière qui ont souvent abattu ceux qui voulaient passer en Turquie. Cette forêt possédait  du Barbelé dans le cœur. les souvenirs de l’époque communiste  sont encore très présents. Le franchissement du Rideau de Fer n’est pas le seul passage : contrebande, et maintenant Syriens, Afghans tentent de rejoindre l’Europe à travers cette frontière. Impossible de lister tous les mystères. Il faut lire Lisière

l’Or des Thraces

les Couloirs Thraces

La Thrace antique se déployait sur toute la partie nord-est de la Grèce actuelle, y compris les îles de Samothrace
et de Thassos, ainsi que la partie européenne de la Turquie et l’intégralité du territoire bulgare ; de l’autre côté
du Danube, elle englobait la Roumanie jusqu’au massif des Carpates, quelques régions serbes et la république de
Macédoine. Les Thraces n’ont guère laissé de traces écrites, mais on a retrouvé énormément de vestiges

[….]
leurs sépultures peintes et leurs objets en or demeurent inégalés dans le monde antique

[…]
Hérodote, notre principale source d’information sur les Thraces, les décrivait comme les tribus les plus
puissantes et nombreuses de son époque. 

Les « couloirs » font référence aux couloirs migratoires mais aussi aux couloirs des tombes thraces que j’ai eu le plaisir de visiter en Bulgarie. Kapka Kassabova descend de la montagne pour explorer cette région qui s’étend actuellement sur trois états : Bulgarie, Turquie et Grèce. Elle nous fait découvrir Svilengrad, la ville de la Soie, ville frontalière, Edirne et un fleuve : la Maritsa bulgare appelée Meriç en Turquie, Evros grec qui fait la frontière entre la Turquie et la Grèce, entre l’Union Européenne et la Turquie, presque l’Europe et l’Asie! Courants d’échanges de populations entre Grecs et Turcs, Turcs et Bulgares, Bulgares musulmans mais bulgarophones, populations qui ont dû choisir entre leur langue maternelle et leur religion, sans parler des Gitans et des Pomaques(musulmans parlant bulgare mais répartis sur la Bulgarie, la Turquie et la Grèce). Porosité de cette frontière. Je me souviens d’une photo ancienne vue dans la maison d’hôte d’un village bulgare : des files de réfugiés avec leurs paquets sur un pont….

Il serait tentant d’établir un parallèle entre l’expulsion des Turcs de Bulgarie et l’horreur que les nationalistes
serbes allaient infliger à la Bosnie, non loin de là, car dans les deux cas, on chercha à justifier les atrocités par
des anachronismes crasses en invoquant le « joug turc ».

[…]

La guerre en Yougoslavie était due à un virus nationaliste serbo-croate réactivé après être resté en sommeil
pendant des décennies,

[…]
alors que la purge ethnique en Bulgarie constitua l’ultime exaction imbécile du totalitarisme crépusculaire. 

Ces migrations ne sont pas terminées : Syriens, Kurdes et Afghans tentent de rejoindre l’Union Européenne, Kapka Kassabova les rencontre, noue des sympathies et met des noms, des histoires personnelles sur ces hommes et ces femmes qu’on désigne souvent par « migrants« sans chercher à les connaître.

Les cols des Rhodopes forment la troisième partie du voyage, fief des Pomaques. l’écrivaine s’installe dans Le Village-où-l’on-vit-pour- l’Eternité. Elle prend pour guide dans une randonnée sauvage Ziko, personnage original, (passeur de clandestins, contrebandier ou trafiquant de drogues?)  sur la Route de la Liberté qui traverse la forêt jusqu’à Drama et Xanthi en Grèce. Traversée aventureuse! Les Rhodopes, comme la Strandja sont des régions très mystérieuses depuis la plus haute antiquité – terre orphique, ou légende de la tunique de Nessos. Il est question de la culture du tabac, de la soie. Ne pas oublier la déportation des Juifs :des 11343 Juifs de Dràma, Kavala, Xanthi et de Macédoine aucun n’est revenu. J’ai pris des pages de notes et ne peux pas les copier toutes!

J’ai été bluffée, scotchée par ce gros livre (488 p).  Je regrette de l’avoir terminé.  J’ai découvert qu’elle avait écrit To the Lake pas encore traduit que je compte bien lire. 

Kampuchea – Patrick Deville

LIRE POUR LE CAMBODGE (et le Vietnam, et la Thaïlande, et le Laos…)

Angkor

Après Peste&Choléra qui m’a beaucoup intéressée, j’ai cherché Kampuchéa sorti quelques mois après notre retour du Cambodge.

C’est un livre très différent, plutôt un carnet de voyage relatant une errance de Bangkok où il commence et se termine, un reportage au Procès de Douch – le tortionnaire du sinistre S-21 à Phnom Penh, et des digressions au Vietnam et au Laos.

sur le Tonlé-Sap
Sur le Tonlé-Sap – Cambodge

Le titre du livre – Kampuchéa – nom que les Khmers rouges avaient donné au Cambodge – laisse imaginer une sorte d’histoire du Cambodge. Deville commence son histoire en 1860 avec la découverte d’Angkor par Mouhot. Coquetterie d’auteur, il feint de dater les évènements à partir de cette nouvelle ère, ce nous oblige à faire un petit exercice de calcul mental.

Deville joue avec le lecteur en l’égarant aussi bien dans l’espace. Il fournit des indices plus ou moins clairs, ne nomme pas toujours les lieux si bien qu’il faut deviner où se déroule l’action. Un bonne connaissance de l’Asie du Sud-Est est même nécessaire pour se repérer dans ce livre-puzzle.

L’histoire n’est jamais racontée linéairement. Des épisodes, dans le plus grand désordre chronologique,  surgissent au fil du voyage, des rencontres, des digressions. On peut considérer cette lecture comme un jeu. Parfois agaçant. Ce n’est plus l’histoire du Cambodge qui est narrée, plutôt celle de l’Indochine, avec ses pionniers: Mouhot le premier, mais aussi Garnier et Lagrée qui ont cartographié le Mékong, ainsi qu’Auguste Pavie qui cartographia le Tonlé Sap et installa le télégraphe entre Phnom Penh et Bangkok, parti à dos d’éléphant. Rencontres fortuites avec Loti, Brazza ou Stanley, des plus grands explorateurs. Plus tardives avec Malraux ou Graham Green.

Morceaux de bravoures, l’entrée des Khmers rouges le 17 avril 1975 à Phnom Penh, DienBien Phu, ou la débâcle des américains  à Saïgon, même les affrontements entre chemises jaunes et chemises rouges à Bangkok en 2011. On croise Sihanouk et Hô Chi  Minh…. Récit cinématographique:long travelling sur Catinat à Saïgon.

a
Nha Trang – Vietnam

« Je vais descendre vers Danang, ou peut être à Nha Trang sur les traces du bon docteur Yersin. Par la route Mandarine ou en train, au milieu des flamboyants et des tamariniers. puis descendre à Hô Chi Minh-Ville et de-là regagner Bangkok, remonter au nord vers Chiang Mai, puis Hanoï, puis Haïphong, corir à nouveau sur la grand-roue dont le moyeu est Phnom Penh, comme l’écureuil de Cendrars dans la cage des latitudes et des longitudes, chercher une issue…. »

Rencontres passionnantes mais un peu frustrantes,  à peine commence-t-on à se situer que le chapitre suivant nous emmène ailleurs.


 

Rhodes: notre maison à Asklipio

notre maison

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Notre maison grecque est plus vaste qu’on ne l’imaginerait du dehors. La salle à manger et ses dépendances : minuscule cuisine et salle d’eau. Une vaste chambre : un large matelas est posé sur une estrade haute cachant des placards, un canapé de l’autre côté d’un coffre en bois. Au fond de la maison il y a même une dernière chambre avec une mezzanine. On pourrait dormir à 6. La dame nous recommande de cuisiner sur le camping gaz( un bleuet antique)
–    « il use moins d’électricité ».
Il y a  une machine à laver le linge mais elle ne s’étend pas sur son fonctionnement. Nous ne découvrirons qu’après son départ le climatiseur et le  ventilo (gourmands en électricité comme les plaques de cuisson).
Notre logeuse propose de nous emmener dans les magasins.
–    « Mais pas maintenant, c’est fermé ! »

une très jolie maison

Une petite arche sépare la salle de séjour de la cuisine. Cinq assiettes de faïence la ponctuent. Dans un coin de la fenêtre trois assiettes de la même série sont accrochées. Leur facture me rappelle la faïence de Quimper. Intriguée, je retourne une assiette, c’est écrit en grec. Un vaisselier bleu contient des assiettes de porcelaine fine.

Sur le buffet, un savant désordre d’objets anciens : une jolie amphore finement rayée une grosse éponge avec une minuscule étoile de mer incrustée, un vieux bougeoir, une calebasse végétale, une corbeille à pain contenant des galets et un fragment de poterie usé par la mer.

Une table ronde de bois ciré clair et une banquette complètent l’ameublement. Des rideaux de coton crochetés habillent les fenêtres, soutenus par de jolies tringles. Le plafond est recouvert de roseaux. Le carrelage,  camaïeu de bruns.

Dans la chambre : une cheminée d’angle. Le dessus du lit est brodé. Si le thème de la décoration de la salle à manger est celui des assiettes, celui de la chambre serait la broderie. Frises de danseuses au point de croix au dessus du lit, frise de fleurs et de fruits sur le bord de la cheminée chemin de table sur le coffre qui sert de table basse.

Le petit supermarché vend de tout. Très peu de fruits. Les pommes, poires et pêches sont aux prix français. Ceux des aubergines, tomates et courgettes ne sont pas affichés; les légumes sont très appétissants.

Nous dînons sur notre terrasse au soleil couchant,  une salade de tomates et feta et un  hamburger.  Nous venons de terminer quand la dame apparaît pour nous emmener faire les courses. Les Grecs n’ont vraiment pas les mêmes horaires que nous ! L’épicerie ferme à 23 heures. La propriétaire est étonnée de nous voir dîner si tôt !
Les étoiles se lèvent. La nuit est belle mais la journée a été longue. A 22h (grecques) nous sommes couchées.

Rhodes : Asklipio – aquarelle

 

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Nous essayons d’imiter les Grecs et de faire la sieste. Je dors profondément une bonne heure. A 16h, il n’y a pas d’ombre dans la cour. Il faut donc rester à l’intérieur. Je sors les aquarelles. Comment peindre le village blanc? Maisons blanches entassées en amphithéâtre. Cubes et terrasses chaulés. Peu de végétation. Comment faire apparaître tous ces volumes blancs sur la feuille à dessin ? L’encadrement de la porte vert foncé me sert de cadre, la porte bleu marine, la luxuriante touffe de lys tigrés occupe une grande partie du champ. Le store à larges bandes bleues relevé en draperie sort de la feuille et va occuper une partie de la page de droite. La cour rouge sang, le fer forgé bleu de la grille et du garde-fou de la terrasse en face. Dommage que le bougainvillier ne soit pas en fleur. Trois branches graciles traversent le champ. J’aurais pu les imaginer rose ou mauves ! Finalement l’aquarelle est très colorée. Quand j’ai terminé les chauffe-eau métalliques au dessus des capteurs gris, il reste bien peu de blanc dans le carnet !

Rhodes : le kastro d’Asklipio

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Avec la fraîcheur du soir, nous montons au kastro, la forteresse élevée au 15ème siècle par les Chevaliers hospitaliers au sommet du village. Gardienne hiératique, une grande chèvre blanche aux cornes enroulées est installée sur le chemin de ronde et nous regarde de haut. Le sentier s’élève dans les pistachiers à mastic taillés en petits arbustes. La sauge odorante a des feuilles charnues bleu-gris. Il y a aussi toute une collection de chardons : des bleus aux grosses boules un peu passées, des verts aux motifs compliqués, d’autres secs. Nous passons une belle arche pour pénétrer dans la cour : c’est le domaine des chèvres de tout poil : noires, fauves, grises…Certaines, curieuses, lèvent vers nous de grands yeux aux pupilles fendues horizontalement.


La cloche appelle les villageois aux liturgies. Il règne une grande animation au village. Beaucoup de jeunes, d’enfants que nous n’avons pas vus la veilles. Les enfants de notre logeuse sont venus pour le week end et nous partager devons la courette. Heureusement nos horaires sont décelés. De cours en terrasse les enfants courent, les gens s’interpellent. Par deux fois, je monte sur la place pleine de voitures où il ne se passe rien de spécial. Dans la cour de l’école, les enfants jouent, surveillés par leurs mères. Sur la place devant la superette, les vieilles dames ont apporté leurs chaises. Au micro, on entend des annonces en grec que je ne comprends pas.

Rhodes : port

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Nous voyons les bateaux d’excursion pour Symi et Tilos puis les quartiers mussoliniens du temps où Rhodes était italienne et où les Italiens avaient adopté cette architecture lourde et ennuyeuse avec la Poste, l’Hôtel de Ville, la Gare . Toujours italienne mais plus légère, de style vénitien, la Capitainerie. Sur des arcades grises découpées en ogive repose un bâtiment bicolore rose et blanc qui n’est pas désagréable à l’œil. Au bout de la place une coupole turque : c’est une boîte de nuit. Plus discrète, cachée dans la verdure, la mosquée de Murat Reis. Sur un terre-plein, imitant les antiques, on a érigé un monument aux héros de l’Indépendance grecque. Ce mélange est un condensé de l’histoire récente de Rhodes qui n’est grecque que depuis 1945.

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Incontournables: les colonnes portant une biche à l’emplacement du fameux Colosse de Rhodes, gardant le petit port Mandraki – dans l’Antiquité, le port de guerre. En face, trois moulins sont posés sur la digue.

Rhodes : la rue des Chevaliers

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Nous garons la voiture près de la Porte Arnaldo au pied des remparts. Comme c’est dimanche, c’est gratuit. A quelques pas de la porte nous trouvons la Place du Musée Archéologique installé dans l’ancien Hôpital des Chevaliers et en face l’Auberge de la Langue d’Angleterre.
Les Auberges avaient  pour vocation de réunir les chevaliers parlant la même langue. Au 15ème siècle, les nations n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. L’auberge de la Langue d’Espagne réunissait les chevaliers espagnols mais aussi les catalans, les portugais tandis qu’il y avait une Auberge d’auvergne et une autre de Provence. Elles sont toutes construites dans le Collochium et bordent pour la plupart une longue rue que nous remontons dans le calme du matin. L’Auberge de la Langue de France est la plus spectaculaire avec ses gargouilles à gueules de crocodile ;le Grand maître Dieudonné de Coujon avait tué un de ces sauriens, échappé d’un bateau et qui terrorisait la ville. A proximité, dans une niche, une vierge à l’enfant précède une jolie chapelle à coupole byzantine. Plus haut on voit la maison du chapelain avec les armoiries gravées dans une croix en creux. Il faudrait de bonne notion de hieraldique pour lire l’histoire de la chevalerie racontée par ces blasons. En face, dans les jardins de la Maison de Villaragut, une très jolie fontaine turque est mise en valeur par de beaux feuillages. Une grille aux gracieuses volutes de fer forgé sépare le jardin de la rue. La serrure en forme de croix  permet une très jolie photo. Encore plus haut se trouve une autre fontaine ottomane en marbre blanc, sur le trottoir. Dans cette rue très européenne, la marque ottomane se résume aux fontaines. Ce n’est pas rien ! La chaussée est pavée de petits galets blancs et noirs plantés verticalement mais les trottoirs sont dallés de belles pierres lisses plus agréables sous nos pas. On passe sous l’arche reliant l’Auberge d’Espagne à celle de Provence. En haut une arche monumentale domine la rue : la Loge saint Jean, reliant la grande église Saint Jean qui n’existe plus, à l’énorme Palais des Maîtres.

 

 

Rhodes: basilique saint jean, mosquée… palimpseste

 

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Ici, je retrouve aussi un palimpseste, trace des anciens occupants. L’Eglise Saint Jean a disparu mais ses fondations ont été dégagées par les archéologues. Au dessus des fouilles on voit un bâtiment de style grec classique qui abritait une école portant un e inscription en Turc mais écrit en lettres arabes. Tout à côté la belle mosquée de Souleymane voisine avec la tour de l’Horloge (1852) qui ressemble à un campanile qu’on a  affublé de chevalier en armures récemment (les statues sont modernes). Un peu plus loin, la belle porte ouvragée est celle de la bibliothèque musulmane.