Parcours immobile – Edmond Amran El Maleh

LIRE POUR LE MAROC

le Mellah d’Essaouira

« Le dernier juif d’Asilah. Plus aucun juif ne mourra dans cette blancheur. Plus aucun ne naîtra dans la gloire de cette lumière. Nahon ! En lui s’est accompli un destin. D’autres peut-être sont morts en cette ville après lui, mais leur mort a été dérobée à cette terre de leur naissance. Enterrés ailleurs pour ne pas dire qu’ils avaient vécu là. »[…]
Une communauté est morte. La communauté juive zaïlachie. »

C’est avec une immense nostalgie que j’ai cherché ce qui reste du Mellah d’Essaouira. 

Le Mellah est vide mais un peu plus loin, dans le cimetière juif derrière Bab Doukkala, Edmond Amran El Maleh repose depuis 2011. J’ai lu Mille ans et un jour en une soirée d’un souffle, une illumination, Mille ans et un jours, compte la Communauté juive marocaine qui s’est évaporée, partie en Israël et en France… et je cherche chaque fois ces absents avec émotion. Parfois, je les trouve dans les endroits les plus improbables comme à Ifrane-Atlas – Sahir où leur présence est attestée depuis plus de 2000 ans, ou pendant la cérémonie du thé près de Tafraout dans la maison berbère où on cite les pratiques de purification juives de la nourriture, restées vivaces chez ces berbères musulmans. 

Portes du Mellah

J’ai cherché d’autres livres d’Edmond Amran El Maleh. le Café Zirek est indisponible. Celui qui l’a dans sa bibliothèque pourrait-il se faire connaître? Mais j’ai trouvé l’édition numérique de Parcours Immobile. 

« Un commencement de roman comme un début de bronchite : naissance d’un jeune homme sage qui rêvait de devenir éleveur de mots. Dévoré par ses mots. Dérives vers de glorieux royaumes. »

Roman ou biographie? Ecriture circulaire – guilgoul – qui met en scène un Juif tantôt Yeshuua, Josua ou Aïssa, natif de Safi comme l’auteur, habitant Essaouira ou Asilah, villes atlantiques, villes blanches. Fils de commerçants juifs, amoureux des mots

« ce cahier c’était un commencement de journal c’était son ranch où il élevait les mots une idée qui lui était peut-être venue de la lecture de Mallarmé, Mallarmé était écrivain mais lui était éleveur : il s’enchantait de ces bêtes superbes qu’il avait nourries choyées soignées des mois des années dans le plus grand secret il pouvait les voir comme un vaste troupeau dont il était le maître »

Enfant rêveur, asthmatique . Josua devient Aïssah, révolutionnaire professionnel,  d’abord en Espagne proche, antifranquiste, dans les années 30, puis communiste, permanent et clandestin quand le Protectorat Français sous la directive d’Auguste Juin prend des mesures violente pour réprimer les velléités d’indépendance des communistes marocains.

« Quand Rachid Houmrani lui avait dit « le parti va demander l’indépendance » Aïssa trouvait là la simple
confirmation de ce qui travaillait l’intérieur du parti comme une fièvre depuis des mois quelque chose comme les douleurs de l’enfantement. »

Et dans son style circulaire, l’auteur joue avec les mots d’ordre du temps stalinien, et fait maintes variations sur « le pain et les roses« 

Soixante-dixième anniversaire du camarade Staline « A ta santé, camarade » Picasso un verre à la main, à
l’ombre de la colombe, célébrait l’événement et les deux bicyclettes d’Aragon aussi dans l’éclat du dialogue des
deux guidons. Soixante-dixième

Clandestinité, mais aussi autocritique, « Le bon Mentor et le petit parti marqué à sa naissance par une mauvaise étoile »

j’ai un peu ramé dans les subtilités du Bureau Politique, mots d’ordres de Paris, oude plus loin…Budapest.. duplicité des messages, c’est loin tout cela. L’histoire m’a un peu échappé.

« Du haut de cette grande terrasse de la villa où se tenait l’Ecole, il regardait la mer avec fascination avec cet
envoûtement qui ne le quittera jamis : Ulysse de Joyce une vie commence s’ouvre sur la mer tout en haut d’une
maison on y accédait par un escalier en bois à ciel ouvert le café est installé sur la terrasse face à la mer des nattes par terre quelques petits tabourets. Il y allait tout gosse avec Hassan qui lui servait de gouvernante en quelque sorte, il y allait peut-être en cachette de ses parents un verre de thé et un peu de poisson frit encore tout chaud il en gardera toujours le goût, le goût aussi de ces silences accordés »

En revanche, l’évocation d’Ulysse, celui de Joyce, bien sûr…les sardines d’Essaouira ou de Safi m’ont enchantée. Poésie de cette vie perdue…

Et toujours la fidélité :

Josua n’avait jamais caché qu’il était juif, à l’intérieur comme à l’extérieur du parti c’était chose connue, il était un juif libre de dire qu’il l’était, de se dire qu’il pouvait ne plus l’être s’il le voulait. Libre parce qu’enfin il avait effacé il s’était affranchi libéré de la honte d’être juif, de la honte et de la peur d’accompagner sa grand-mère dans la rue parce qu’elle avait un foulard « sbinia »

 

Marrakech, les souks, l’éclipse

Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuit

 

 

Vue de la terrasse sur Marrakech et l'Atlas
Vue de la terrasse sur Marrakech et l’Atlas

 

De la terrasse haute où nous prenons le petit déjeuner, nous dominons une infinité de terrasses, de volumes compliqués, de patios, de puits de lumière. Les paraboles qui constellent les toits retirent un  peu de poésie, peut être ; mais correspondent tout à fait à la réalité d’aujourd’hui. Le moindre village du Haut Atlas capte le monde entier par le satellite. Le problème est de savoir ce qui fait rêver le Marrakchi  ou le Berbère de l’Anti-Atlas. Les feuilletons égyptiens ? Les séries françaises ou les prières d’Arabie ?

medersa Ben Youssef

Medersa Ben Youssef
Medersa Ben Youssef

La Medersa Ben Youssef, le musée de Marrakech, sont tout proches du riad. Il suffit de suivre notre parcours initiatique de couloirs et de souterrains, de déboucher sur la petite place triangulaire décorée par les tapis, de passer le Bain d’Or avec son auvent de tuiles vernissées, de dépasser la Maison de la Cigogne Dar Beladj . Au coin de la rue se trouve la medersa.

entrée du Hammam au Bain d'Or
entrée du Hammam au Bain d’Or

J’avais gardé un souvenir très vif de cette medersa toute en stuc et en cèdre. Je me fais une fête d’y retourner. Elle est là, comme dans mon souvenir. Sauf que le bassin est rempli d’eau et qu’il reflète la façade. Je m’amuse à photographier les reflets. Une jeune femme peint à l’aquarelle les zelliges bleues noires rouge et vertes aux couleurs des villes royales. Elle a apporté les entrelacs géométriques dessinés au compas. Elle pourrait sans doute les teinter chez elle. Probablement, elle est inspirée par la beauté et la sérénité de la medersa. Je m’attache à détailler les motifs de stuc. Impossible à décrire, ils sont si compliqués !Les portes de cèdre, les plafonds… chaque dessin est parfait.

Musée de Marrakech

Tableau au musée de Marrakech
Tableau au musée de Marrakech

L’impression de déjà-vu ne se produit pas au Musée. Les expositions temporaires changent tout le temps. Inégal intérêt pour la peinture. Magnifiques exemples de broderies, céramique de Fès, bijoux berbères et tapis de la région de Marrakech. Le Musée est situé dans un magnifique Palais. Des canapés invitent à la flânerie. La matinée s’écoule tranquillement.

Kouba almoravide

Intérieur de la kouba almoravide
Intérieur de la kouba almoravide

Nous ne connaissions pas la Kouba Almoravide . Petit mausolée blanc avec une coupole au décor compliqué. Pour admirer sa construction sophistiquée il faut descendre quelques marches et lever la tête. Tout un complexe hydraulique : fontaine, latrines, citerne… se trouve dans un  enclos.

maison de la Cigogne

Elle est fermée au public transformée en école d’art. Yannick, plus tard nous racontera qu’elle doit son nom à un hôpital pour oiseaux  comme il en existe en Afrique, cela fait rêver !

souks

Dans les souks lanternes et guéridons
Dans les souks lanternes et guéridons


Nous tournons dans les souks bien animés aujourd’hui. Un jeune s’adresse à nous. Il veut nous servir de guide. Comme nous déclinons son offre il  nous traite de « racistes, sales putes ! »C’est bien la première fois que nous avons un contact désagréable avec des Marocains. Nous poursuivons l’itinéraire du guide VISA jusqu’à la Fontaine Shrob et Shouf abritée sous un  magnifique auvent de bois. On jette un coup d’œil à un fondouk, ancien  caravansérail, occupé par des artisans ;

vol à l’arrachée

La promenade tourne mal. Dominique a l’habitude de porter son sac à dos sur une seule épaule. Un motocycliste tente de lui arracher. Comme elle retient le sac, elle est entraînée dans le pédalier de la mobylette et se retrouve par terre. Tout le monde accourt des échoppes environnantes. Un jeune s’excuse auprès de Dominique au nom du conducteur qui « ne l’a pas fait exprès » mai qui s’est sauvé dès qu’il a eu relever son engin. Dominique est sonnée. Son pantalon clair est tout maculé de boue. Nous préférons rentrer.

le petit salon dans le patio
le petit salon dans le patio

Dans le petit salon bordé de canapés roses attenant au patio, un homme bavarde avec Yannick.  Eric  nous conduit au riad du cousin après dix minutes de marche dans le souk. Quand on suit quelqu’un qui connaît, cela paraît tout simple !

le riad de ciment Marrakech et les promoteurs

Le riad du cousin ne ressemble pas au riad Jenaï : restaurations de ciment, patio couvert occupé par une petite piscine. 7 chambres qui s’ouvrent sur une galerie. Un joli petit hôtel ! Pas un palais historique. La conversation roule sur les tendances du marché immobilier. Conversation instructive ! Nous nous demandions qui étaient donc ces français qui achètent les riads. Des noms circulent, la jet set, des retraités fortunés, mais les autres ? Les agents immobiliers. Le prix des riads a monté en flèche. Les maisons d’hôtes sont innombrables. Le temps n’est plus où un amoureux de la médina consacrait ses économies à faire revivre un palais en ruine. Maintenant il s’agit d’investissements considérables. Et si ce n’étaient que des restaurations !  Les environs de Marrakech font l’objet de chantiers pharaoniques. Des dizaines de grosses villas cossues encore vides bordent la route de l’aéroport. A qui sont elles destinées ? Aux Marocains fortunés ? Aux touristes ? Aux Expatriés ? Si une bourgeoisie moyenne émerge au Maroc, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.

Des publicités représentant ces villas ornées d’une coupole dans une palmeraie sont affichées dans le métro parisien. Pas d’hypocrisie ! Ce n’est pas le charme de la médina ni même le climat agréable ou l’exotisme qui est l’argument de vente. Seulement le profit ! Un taux de crédit intéressant, un investissement qui doit rapporter gros ! Pauvre Marrakech ! étouffée par les promoteurs.

Ces villas ne sont qu’une infime partie des projets immobiliers : golfes, même une lagune. En plein désert ? Quand Yannick nous décrit les bassins, l’eau gaspillée, les produits chimiques, cela paraît une absurdité. Pourtant ce n’est pas invraisemblable. C’est exactement ce qui se fait à Las Vegas. Marrakech imitant Las Vegas !!

Bouygues restaure les remparts à grands renforts de ciment et de grues. Ils ont l’air tristes avec leur ciment gris. Le badigeon blanc qui coiffe les créneaux n’est pas là pour les arranger. Je garde avec nostalgie le souvenir de notre découverte à la sortie de l’avion, la première fois. La taxi avait quitté l’aéroport, roulé dans un espace vide, caillouteux. La ville entourée de ses murailles avait surgi comme un mirage. Terminé le mirage.


notre riad secret

riad Jenai oranger du patio
riad Jenai oranger du patio


Notre riad, niché au creux de la médina, inaccessible au  on initié qui n’en trouvera jamais le chemin tortueux et secret, me paraît encore plus un endroit privilégié, protégé des fautes de goût, du ciment et des tapis qu’on vieillit à l’eau de la piscine.

Nous avons commandé pour midi un « en –cas » à la piscine ; Nous montons à 2 heures. Notre couvert nous attend. Des briouats tout petit format, fourrés au fromage, croquants, délicieux. Vient ensuite une belle omelette au thon  accompagnée d’une salade mélangée, tomate, concombres, olives, salades. Beaucoup mieux qu’un encas ! Pour nous, c’est un déjeuner  complet !

Yannick vient nous tenir compagnie sur la terrasse. Maître de maison idéal, discret, raffiné et disert. Il  nous conte la restauration du riad, la vie à Marrakech. Nous devisons agréablement. Allongée confortablement sur les coussins des chaises longues de la piscine, à l’ombre. Je ne suis pas pressée de retourner dans les souks. Le luxe rend paresseuse !

Je n’ai pas envie de jouer les touristes pressés. Nous sommes venues récemment à Marrakech. Inutile d’accumuler les visites qui s’effaceraient les unes les autres. Inutile de doubler les photos, nous en avons déjà de très belles. Un regret de ne pas avoir le temps de retourner au Jardin Majorelle..

courses dans les souks

marrakech souk femme voilée - Copie

En revanche, j’attends l’occasion de faire les courses dans les souks. Heureusement nous n’avons plus assez de dirhams pour acheter le jeté de lit qui me faisait envie et Dominique a peur de se prendre les pieds dans les tapis. Je n’achèterai donc que des bricoles !

Je me méfie de la fièvre d’achats au souk. L’accumulation d’objets ravissants pour des prix modiques augmente les tentations. On revient avec des babioles qui encombrent sans qu’on n’en ait l’usage.
« Pour le plaisir des yeux ! » regarder sans s’attarder… Ne pas marchander un objet qu’on n’a pas l’intention d’acquérir. Il est incorrect de négocier un  rabais pour le seul plaisir de voir le prix baisser.

Mon  premier achat est l’acquisition d’un panier en raphia qui ressemble à la mallette de pique-nique de Taroudant et que nous avons cherché Latifa et moi au souk de Taroudant. Proposé 120 dirham, je donne mon dernier prix 30 dh et je décampe. Le vendeur me rejoint 50 mètres plus loin ; j’emporte mon panier pour 30 dh. J’aurais dû encore baisser l’enchère !

Je craque pour la poterie bleu vert de Fès. Copie d’ancien précise le vendeur. Je n’ai aucune illusion sur l’antiquité de l’objet. Le motif me plait et rappelle la grosse potiche sur le guéridon de Dar M’Haïta. Là aussi, j’obtiens un « bon prix ». Cela m’est égal. L’objet me plait. Dominique voulait offrir un plat vert à sa mère. Celui ci est magnifique. Achat groupé pour mes babouches et le porte-monnaie que j’ai promis à Yvette. Je ne saurais jamais la valeur de chaque objet. C’est difficile de négocier les babouches. Il faut une certaine taille, une certaine couleur, un modèle précis. Quand l’objet est sorti des rayons, difficile de partir comme pour le panier. Pareil pour le porte-monnaie, j’ai eu du mal à trouver le modèle qui convient je n’ai pas envie de le laisser passer.

Reste la commande de Valou : une ceinture. Elles sont toutes épaisses et masculines quand elles ne ressemblent pas à un article sado-maso. Je me rabats sur les pompons de soie, le dernier gadget 2007!Ils se vendent en passementerie.leur usage originel était sans doute d’être accroché aux embrasses de rideaux ? On les voit partout : en porte clé, aux portes des placards, à la tête de lit…

Je rentre par le chemin des écoliers. Je retrouve mes marques. Nous ne sommes pas adoptées comme à Essaouira. Les commerçants nous laissent tranquilles mais les gamins insistent « vous voulez la Place… ».

dernière soirée

Pour la dernière fois, nous bouclons les valises. Notre belle chambre rouge est pleine de désordre hétéroclite. J’aimerais bien profiter encore un soir de la beauté du riad !

Nous attendons Yannick pour prendre congé. Demain  nous partons tôt. Il est invité à une soirée mais prend encore le temps de nous offrir un verre. Nous passons une heure très agréable dans le petit salon bordé à l’orientale de canapés roses.


éclipse
A 9H18, commence l’éclipse de lune. Nous nous allongeons sur les chaises longues de la piscine sur la terrasse sous le ciel étoilé. La lune entre lentement dans le cone d’ombre. Elle est mangée imperceptiblement. Au début, ce n’est pas spectaculaire. Les lumières de la ville, la Koutoubia illuminée, les constellations m’attirent plus. La partie éclairée diminue sensiblement. Le spectacle devient fascinant. Bientôt il ne reste plus qu’un pôle éclairé. La boule sombre redevient visible comme sous un spot invisible. On dirait qu’elle se contracte. Elle rougit, devient orange. Je suis ravie. Youssef est venu nous servir un thé. Il reste avec nous contempler l’éclipse. La rumeur de la Place DJemaa el Fnaa parvient jusqu’à nous. Difficile de s’arracher au spectacle. Pourtant il faut se coucher. Demain le réveil sonnera à cinq heures pour être à l’aéroport à 6H.

 

 

Marrakech : Riad Jenaï, le plus secret le plus beau des riads

Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits

passage secret dans la medina
passage secret dans la medina

 

 

Le taxi traverse le souk. Heureusement c’est vendredi midi. Les boutiques sont fermées. La circulation en voiture est imaginable. Il se gare sur une petite place : Zaouiat El Ahdar. Nous empruntons des ruelles, des passages secrets sous les maisons. Dédale de passages, portes cloutées. Jamais nous n’aurions osé nous aventurer dans cette partie invisible de la médina !

patio

Riad, bassin, pétale de rose et argenterie
Riad, bassin, pétale de rose et argenterie

La porte s’ouvre sur un patio exquis : une fontaine abritée par un auvent de tuiles vernissées, un rigole carrelée mène à un bassin central encadré par quatre orangers figurant le plan traditionnel des riads. Deux palmiers au feuillage léger, deux citronniers dans des jarres. Ce patio est exigu mais il est ravissant, décoré de stuc et d’entrelacs peints ; des salons le bordent sur trois côtés. Les fenêtres des chambres sont protégées par des ferronneries compliquées.


Marrakech, notre chambre

Marrakech, la chambre rouge
Marrakech, la chambre rouge

  A l’étage, un salon à arcades sous la galerie sépare les chambres Mogador et Marrakech. Notre chambre, Marrakech, est aux couleurs de la ville rouge. Toute une symphonie de rouge : un immense lit au couvre lit de satin  floqué posé sur un jeté brillant, sur un autre plus grand rouge et or. La tête de lit de fer forgé en volutes est tendue d’un crépon léger carmin. On a suspendu des pompons de soie grenat et noirs. La glace reflète ce camaïeu rouge et les murs roses comme les murailles de la ville. De part et d’autre de la glace les fenêtres peuvent être occultées par des volets intérieurs de bois. L’amusant est qu’on peut les fermer ou les ouvrir par moitié. Au dessus de l’embrasure de la fenêtre : une coquille de stuc, fleur à sept pétale. Chaque pétale est décoré d’un motif géométrique extrêmement sophistiqué.

Chambre et salle d'eau
Chambre et salle d’eau

Couchée sur le lit, je peux admirer le plafond souligné par une frise en stuc rehaussée de brun rouge. Les quatre coins sont occupés par un triangle, le reste forme un octogone. Pièce allongée, comme dans les riads. Elle a été coupée en deux pour aménager une salle de bains mais le plafond a été gardé tel quel, la cloison en arcade qui isole la salle de bain est basse, légère et laisse intact l’espace où l’air circule librement laissant une impression d’espace.

porte sculptée
porte sculptée

Les portes anciennes peintes sont les plus belles pièces d’antiquité : côté pile l porte d’entrée est sculptée dans le bois de cèdre, côté face elle est peinte très finement.

La chaleur nous a surprises quand nous sommes descendues de la montagne sur Marrakech. Nous n’avons qu’une hâte : nous doucher. Le bac de la douche en carrelage rouge souligné de jaune mérite la photo. Le lavabo, jaune est creusé dans la masse, très simple, presque fruste. Il me rappelle celui que j‘avais méprisé à Essaouira.
Impossible de faire l’inventaire des bibelots, un ensemble chinois, le rouge sans doute !

Nous restons, un bon moment intimidées par un si bel endroit.
Mon premier mouvement est de faire disparaître sous le lavabo, dans le placard,sous les draps de bain, toutes les affaires que nous avons apportées et qui déparent ici. J’ai bien du mal  à ne pas penser que, moi aussi, je détone dans tout ce luxe rouge. Après la douche, je m’enroule dans une serviette rouge, je fais un turban d’une autre et je me sens un peu plus à l’unisson.

jeux d'ombres dans la médina
jeux d’ombres dans la médina

promenade dans la médina

Comme c’est vendredi, c’est très calme dans la médina. Seules quelques boutiques pour touristes sont ouvertes. Deux catégories : celles qui vendent des bricoles sans intérêt et les antiquaires. Il faudra attendre demain pour sentir vibrer l’âme des souks : les artisans qui fabriquent les lampes les teinturier, les menuisiers…Nous marchons au hasard et nous perdons. A Essaouira et à Taroudant nous avions pris rapidement des repères la médina nous était devenue familière. Je pensais qu’il en serait de même ici. Après être repassées trois fois devant le même groupe de jeunes narquois,  nous acceptions que l’un d’entre eux nous raccompagne. Sans son aide nous n’aurions pas retrouvé le riad.

cuivres
cuivres

Nous avons quand même trouvé des petites brochettes de dinde grillées au charbon de bois puis nous rentrons à la nuit par les passages secrets.
Yannick, est un hôte fort sympathique. La décoration intérieure est son oeuvre. Il a trouvé ce riad du 18èpe siècle en mauvais état mais il recelait des trésors : les portes de bois sculptées, les stucs du patio ainsi que les coquilles au dessus des fenêtres…Nous visitons les autres pièces, autres styles autres couleurs, tout de très bon goût. Je termine la soirée sur la terrasse toujours aussi éblouie et intimidée.

 

Asni promenade et détour par le barrage de Lalla Takerskoust

Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits

 

Asni, vue sur l'Atlas
Asni, vue sur l’Atlas


Lever de soleil sur l’Atlas

« Dépêche toi ! Tu vas rater le lever de soleil sur l’Atlas ! »
Le soleil sort, légèrement décalé, d’un épaulement planté de conifères. Les neiges sont  bleutées dans l’ombre. Des colonnes de fumée s’élèvent du village le plus proche. Les contrastes entre le vert vif de l’orge et le rouge de la terre sont exacerbés par cette lumière rasante.

On a servi le petit déjeuner sur la terrasse du rez de chaussée au dessus du verger encore hivernal. Puisque nous n’avons rendez vous qu’à 14heures à Marrakech, j’ai le temps de faire une promenade.

Promenade du matin sur les hauteurs d'Asni
Promenade du matin sur les hauteurs d’Asni

Rando solitaire

Le sentier part en face de la Villa de l’Atlas entre l’auto-école et une maison. Il grimpe tout droit dans la colline. Un âne et son ânier sont montés quelques minutes plus tôt. Je suis leur passage entre les maisons. Ce n’est pas facile de savoir où passe le sentier et ou finit la courette ou le jardin. J’ai peur d’empiéter sur le domaine privé de toutes ces constructions mal définies. Hommes et femmes vont et viennent, souriant à mon passage. Très peu de chiens (un seul que je fais semblant d’ignorer). Plus je monte, plus les maisons sont simples. Plus de crépi. Des roseaux et de la terre coiffent les terrasses et les murs. La dernière maison du hameau possède un four à l’extérieur très grossier, ses fenêtres sont maquillées de blanc à l’ancienne. Une grande parabole occupe la terrasse.

Vieille maison et opunce
Vieille maison et opunce

Sortie du village sur  le chemin muletier (ânier ?). Les quadrupèdes ont le sabot plus sûr que mon pied chaussé de TBS  usées glissantes. J’hésite avant de poursuivre. De profondes ravines entaillent la pente marneuse. Comment les franchir ? D’un petit épaulement engazonné j’ai un point de vue à 360° pour décider de mon itinéraire. Trois thuyas desséchés dressent leurs squelettes et se détachent sur la montagne verte.
Le sentier mène à une source captée. On a planté de petits eucalyptus. De grosses pierres maintiennent le sol autour des jeunes plants. Sauvages, les lauriers roses prospèrent. Après la source, il me faut improviser jusqu’au maisons suivantes. Des roches volcaniques jonchent le sol.. Un autre sentier descend dans la ravine suivante sans la franchir. Pour la passer, je m’accroche aux lauriers roses qui, eux, par chance, ne piquent pas. Des grosses pierres bornent un champ cultivé que je ne veux pas piétiner. Le sentier se faufile entre une rangée d’opuntia avec les raquettes piquantes et un grand mur de terre coiffé de roseaux sur lesquels on a remis de la terre où poussent des fleurs. La troisième ravine me complique le passage. Dans un creux, une femme fait sa lessive dans un baquet. Sa planche de bois trempe dans l’eau. Elle se lève et me tend une main ferme et me hisse sur l’autre rive boueuse. J’arrive au troisième village suivant  une femme qui porte sur sa tête un tajine sur un plateau de bois. Je grimpe au sommet parmi de belles maisons anciennes. Il est presque 10 heures. Il faut vite que je retourne à la Villa. Des garçons d’une dizaine d’années traînent. L’un d’eux me siffle effrontément. Quel culot ! Je répugne à demander mon chemin à ces machos morveux. D’ailleurs, la route se trouve en bas !

 

Retour à Marrakech par le barrage de Lalla Takerkoust

asni maison et blé vert - Copie

Asni est distant d’une cinquantaine de kilomètres de Marrakech. L’aubergiste nous conseille une boucle touristique « pour garder un beau coup d’œil sur le Maroc avant de le quitter… »A la sortie du village, après les cigognes, emprunter la route à gauche vers le barrage de Lalla Takerkoust. Par une belle pinède nous arrivons au village de Moulay Brahim. La route traverse un  plateau très vert en cette saison, encadré par des roches blanches. Au-delà du vert, les cimes du Toubkal. Un village se détache. Un troupeau, le berger gesticule en contre jour.
Après un dernier village, bien touristique, avec d’énormes 4X4, un site de parapente, des caravanes de touristes « visitant la maison berbère », le goudron s’arrête. Une méchante piste toute défoncée descend au barrage. Le lac turquoise brille un peu plus bas. Pour tout arranger, on installe de gros tuyaux de ciment. La piste est défoncée. Ce n’est plus du tourisme, c’est du rallye automobile ! Arriverons nous à temps ? Aurons nous le temps de passer à Marjane ? Une caravane de 4X4 monte et occupe toute la piste. Le chauffeur ne cède pas un pouce à notre petite voiture.

Enfin à midi, nous retrouvons le goudron.

A 12H45 nous sommes à Marjane sur la route de Casablanca.

13H30 nous mangeons des sandwichs dans la voiture.

13H50 je glisse les clés et les papiers de la Hyundai dans la boite à lettres de Sixt.

 

La route du Tizi N’Test

Atlantique, anti-Atlas, Atlas et riad des 1001 nuits

 

 

Arganier
Arganier

La Gazelle d’Or.

On veut pas quitter Taroudant sans jeter un regard à la Gazelle d’Or. L’hôtel présidentiel est fort peu signalé mais connu de tous. La route qui y conduit est bordée de palmiers. On s’engage ensuite dans une longue allée sous une voûte de bambous pour aboutir à une grille gardée par un vigile, souriant, poli, mais ferme. On n’entre pas. Nous ne verrons que des hauts murs enfermant une végétation luxuriante.

  La route d’Agadir à Ouarzazate traverse la plaine du Sousse, courant entre les orangeraies – certaines biologiques – traversant des bourgs aux arcades de ciment gris ou beige sans caractère ni intérêt. Ecoliers, collégiens ou lycéens rejoignent leurs établissements respectifs à vélo. Les petits ânes tirent des charrettes d’herbe ou des carrioles métalliques. Peu de circulation. La route est vide. L’Atlas se rapproche tandis que l’Anti-Atlas est estompé dans les brumes.

La montée au TiziN’Test

Route du Tizi NTest, oued et neiges de l'Atlas
Route du Tizi NTest, oued et neiges de l’Atlas

La montée au TiziN’Test est spectaculaire. Innombrables lacets. Chaussée très étroite. On ne peut ni se croiser ni encore se doubler. Il faut utiliser des refuges. Un panneau prévient que les accotements sont inutilisables. Le paysage est magnifique : les neiges se rapprochent. En creux, des vallées, des champs en terrasse vert vif contrastent avec  le rouge de la terre et des villages en pisé. Tout d’abord, les arganiers abondent. Puis apparaissent les petits palmiers doums qui émergent à peine du sol. On s’arrête pour découvrir des lavandes fleuries déjà, des genets blancs, de curieuses fleurs bleues en boule. Des petits écureuils gris à la queue aplatie, rayés sur le côté, prennent un bain de soleil. A notre approche ils se cachent dans leurs terriers rappelant le comportement des marmottes de chez nous.

C’est un plaisir de découvrir les petits villages perdus qui se nichent sur les flancs de la montagne. Construction qui se fondent dans le roc dont ils sont construits. De temps en temps, je marche le long de la route, D me reprenant plus loin. Bonheur de marcher dans la sauge, la lavande et les herbes odorantes !
A l’approche du col (2200m) la terre est rouge. Des marnes multicolores de grise à vertes en passant par turquoise, ocre et rouge foncé font une palette technicolor. Les chênes verts ont succédé aux arganiers. Après le TiziN’Test, nouveau changement d’essence : les pentes sont couvertes de thuyas.
Sur le versant sud regardant vers le Sousse les neiges saupoudraient la montagne. Elles sont beaucoup plus abondantes sur la face nord. Il reste même quelques névés en bordure de la route.
-« Veux-tu que je te photographie à côté de la neige ? » demande D.
La route descend par des virages moins serrés. Un torrent dévale la montagne. Tantôt, il coule dans un défilé, tantôt son lit s’étale dans les galets. Son eau est verte, abondante.

Tin Mal

mosquée Tin Mal
mosquée Tin Mal

Juste avant Tin Mal, nous achetons le pique-nique à un épicier installé dans une sorte de petite guérite sur le bord de la route : une boîte de thon, un yaourt à boire à l’avocat et au lait d’amande, une sorte de mille-feuille. Le pain vient de chez lui. Il propose très aimablement de cuire les œufs durs. Le coin pique-nique est idéalement placé sur le bord du torrent à l’ombre de peupliers qui ont déjà des petites feuilles vert tendre, face à la mosquée de Tin Mal. Un pont enjambe le torrent. La route est carrossable. Un homme surgit dès notre arrivée pour nous en faire la visite. La mosquée  (1153-1154) a été bien restaurée. C’est un très vaste monument de terre, très sobre, très nu. Les grandes portes de bois cloutées de disques datent de la construction. Il reste encore une partie du plafond d’origine du minaret des décorations de stuc : stalactites, niches et même une coquille Saint Jacques « rapportée d’Espagne » dit le guide. Les arcades restaurées en briques ressemblent à celles de Meknès. Je m’étonne de la taille de la Mosquée perdue dans la montagne. Ici, s’élevait une ville, la première capitale Almohade avant Marrakech. Les Almohades me sont familiers.je viens de terminer la Confrérie des Eveillés d’Attali qui se déroule à Cordoue, Tolède et Fès sous leur règne.
Nous avons réservé au Mouflon à Ouirgane. L’arrivée sur Ouirgane est gâchée par la construction d’un barrage. La vallée éventrée par le chantier a perdu son charme. L’hôtelier mettra fin à nos hésitations. C’est complet. Il n’a que deux chambres. Son frère n’a pas tenu compte de notre réservation. Il est désolé. Nous pas !


Villa de l’Atlas à Asni

Asni : vue sur l'Atlas de la terrasse
Asni : vue sur l’Atlas de la terrasse

La pancarte « La villa de l’Atlas » à Asni, sur la route d’Imlil, attire notre attention.  L’accueil est agréable. 300 dirhams, la chambre avec le petit déjeuner. Les chambres sont bien décorées avec des tentures et des dessus de lit orange en lainage, kilims aux motifs berbères et un beau tapis complètent la décoration avec une glace ornée de ferronnerie et des lanternes de cuir. Nous visitons les grands salons et les terrasses.
La terrasse, à elle-seule mérite le déplacement : vue sur l’Atlas enneigé, villages de pisé sur des champs vert vif. Au premier plan, un très joli cognassier qui reverdit et fleurit.
Nous mangeons tôt après une promenade au village. Un assortiment de quatre salades, un tajine de poulet au citron, des oranges pour dessert.

villa de l'Atlas Asni
villa de l’Atlas Asni

Je m’installe à l’ordinateur pour consulter ma boîte à lettres où j’espère trouver le voucher que Sixt va me réclamer: fausse manœuvre, tout disparaît. Quand j’arrive à nouveau à me connecter: zéro messages depuis votre dernière visite ! Une fenêtre apparaît inopinément : la météo et l’heure à Riyad (Arabie Saoudite) En voilà une nouvelle intéressante ! Il fait toujours beau et chaud à Riyad ! Quelques minutes plus tard, alors que je suis retournée sur la terrasse, j’entends le muezzin électronique : l’ordinateur dit la prière !

Asni : dîner
Asni : dîner

 

 

Taroudant – palmeraie de Tioute – dîner avec pastilla

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taroudant kasbah de tioute - Copie

 

Un épais brouillard recouvre la ville. Il fait si frais que nos paroles se condensent en sortant de notre bouche. Pour tenir dehors, j’ai enfilé la polaire achetée pour Saint Petersbourg et le gros pull irlandais. Aux pieds, j’ai les chaussons tricotés à la main en Turquie. Latifa a fait encore plus de crêpes.

Palmeraie de Tioute

Lahcen nous a prévenues: «  Tioute c’est très touristique ! « 

La Casbah est défigurée par un restaurant panoramique. Je m’amuse à retrouver les cours et les étable « vus du ciel » avec le même plan  que les fermes de Tiouaïnane. Un garçon d’une quinzaine d’année aux couleurs de l’équipe de France, une badine à la main, nous aborde. Patiemment, on lui dit que nous ne voulons ni guide, ni âne qu’on veut seulement se promener dans la palmeraie, dessiner, prendre des photos sans se presser.
-«  les gens pressés sont déjà morts », rétorque-t-il. C’est bien trouvé mais c’est un cliché qui circule beaucoup au Maroc.
Il nous menace alors des sangliers très nombreux et des serpents venimeux.
Nous éconduisons avec moins de précautions un second ânier qui a prestement escaladé les rochers. Il se plaint :
quels touristes ! je ne vous ai rien demandé ! », Marmonne-t-il.
Nous fuyons donc la terrasse panoramique et descendons au village.

taroudant anière t verdure - Copie

C’est jour de marché. A l’arrière sur le « parking » les ânes sont nombreux. Pauvre petit marché ! Chacun a apporté quelques kilos de tomates, un petit tas d’oignons ou des petits pois. Il est dix heures, le marcher vient de commencer et il n’y a pas grand-chose à acheter.

Le village attend les cars de touristes. Les ânes sont alignés. Une procession montera vers le restaurant sans peur du ridicule.
Sur le parking, un petit garçon se propose comme guide. Il insiste et me suit en silence. J’invente un nouveau stratagème : à la vue d’un très joli oiseau, je sors les jumelles et fait « chut ! » à mon petit poursuivant. Il ne désarme pas. Puisque je veux des oiseaux, il va m’en montrer ! Il sait marcher sans bruit et dénicher les oiseaux. Tous les touristes sont accompagnés. Finalement Ali est intelligent, silencieux et pas gênant. Je finis par l’adopter. Il est en 6ème.
–    « pourquoi n’es tu pas à l’école ce matin ? »
–    « le Maître est à Taroudant. »
Il répète tous les bons mots des guides :
La luzerne, gasoil berbère ! L’âne pas d’assurance, jamais d’accident ! » Ou
– « la palmeraie, 20000 palmiers… »
Son père travaille sur la palmeraie, sa mère travaille à la maison mais ses trois frères sont à Casablanca et ses sœurs sont mariées. Il porte un jeans à la mode et il est vraiment petit pour les 13 ans qu’il revendique.

Je profite donc du calme de la palmeraie, du chant des oiseaux, du ruissellement de l’eau dans les rigoles. Dans les champs, le blé vert est déjà en épis. En plus des palmiers, quelques caroubiers. Cette palmeraie est très différente de celle de Tinouaïnane pourtant distante d’une dizaine de kilomètres.
Dominique m’attendait dans un champ de luzerne. Elle a trouvé un joli petit chemin entre les palmiers. L’Atlas se détache sur toute cette verdure. Nous sommes gagnées par la paix et le calme. Pourtant il faut repartir.

Epices

épices
épices

Latifa nous accompagne au souk  pour marchander pour nous des épices. Elle demande un mélange ; 50g de cumin, de cannelle, de coriandre et nous emportons le tout pour 30dirhams.

Dîner de gala : pastilla

pastilla
pastilla

Notre dernière soirée est un peu ternie par la découverte de l’addition. La vie de château, nous l’avions oublié, se paie. Raisonnablement au Maroc. Mais plus que nous ne le pensions.  Quand je comprends le décompte  je préfère oublier le total. C’est dommage parce qu’Amina s’est surpassée. Elle a cuisiné une Pastilla dont elle est très fière. La Pastilla est pour moi un mythe raconté par les Juifs marocains. Depuis  quarante ans j’en ai entendu parler sans y avoir jamais goûté. Enfin, je vais pouvoir la connaître. Amina tient à ce que je photographie le feuilleté ovale décoré au sucre glace et à la cannelle qui dessine une résille brune. A l’intérieur, un fin hachis d’amandes et de pigeon (poulet ?). L’entrée était également sucré : un bol de riz au lait et à la cannelle. Les fraises apportent un peu de fraîcheur et d’acidité à ce dîner gastronomique un peu trop doux.
Nous quitterons le riad un peu comme Cendrillon qui voit son carrosse redevenir citrouille

les joyeuses commères de Taroudant

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taroudant dîner - Copie
Hammam

Le hammam est chaud à  notre retour. Nous revêtons les peignoirs. Le savon noir nous attend avec les gants rugueux. Latifa a rempli un seau d’eau brûlante qui fait de la vapeur. Le sol est tellement chaud qu’on peut à peine y poser les pieds pour aller chercher le seau d’eau tiède pour se rincer. Décrassage. C’est une opération qui détend et défatigue. Il manque l’ambiance du hammam collectif avec ses rires. D  se lasse très vite de la chaleur humide. Je reste seule à me frotter et à faire rouler les peaux mortes. Le Hammam toute seule, c’est un peu triste ! Une demi heure de détente sur les chaises longues en vannerie de la terrasse. Nous voici récurées et en forme.

Leçon de cuisine

Amina découpe un poulet qui va mariner dans du citron avec du persil et des épices en quantité. Ensuite elle va fourrer des feuilles de brick avec de la viande hachée. Dans la poêle mitonne la viande, du beurre et du persil avec toutes sortes d’épices, elle taillade à même, l’oignon entier. Nous prenons une leçon avec une très bonne cuisinière. Amina ne pèse rien, ne goûte pas non plus. Elle verse de tout en abondance, elle renifle les épices ajoute par cuillers entières le cumin, le gingembre, le poivre qu’elle trouve dans des bocaux, une bonne pincée de safran (pour le goût) une cuiller d’un colorant (pour la couleur) Rien n’est pesé. Tout est mélangé avec force. Cuisiner à la marocaine pour deux personnes est un non-sens. Elles préparent des quantités monstrueuses de nourriture qu’elles partageront entre elles et nous. Même après ce partage ce qui arrive sur la table suffirait pour six personnes. C’est délicieux mais nous en laissons toujours plein.

Briouats
Briouats

Je filme Latifa et Amina fourrer les briouats. Je dis à Amina qu’on se croirait dans une émission télévisée. Latifa traduit. Au Maroc ces émissions passent à midi. Amina est très fière d’être filmée. Latifa s’intéresse à l’appareil photo. Elle aimerait bien le même (il est hors de prix).Je dois mettre la main à la pâte. Avant d’étendre la feuille de filo, il faut mettre du beurre fondu sur le plan de travail. On  replie soigneusement la feuille en 3. On cachète l’extrémité avec de l’œuf. On découpe au ciseau la pâte qui dépasse. Beurre encore ! Puis on plie en triangles. pour finir, un coup d’œuf pour coller. Les feuilletés sont posés sur la plaque du four et dans un plat antiadhésif, les deux généreusement beurrés.

Quatre joyeuses commères
Latifa a mis la table pour Dominique et moi. Dominique insiste pour qu’elles viennent partager notre dîner. Elles se font un peu prier puis arrivent avec leurs assiettes. Nous mangeons avec entrain nos feuilletés. Le poulet est servi dans le plat à tagine accompagné de pruneaux, raisins et couvert d’amandes. Il est très parfumé. Je me goberge d’amandes. Nous rigolons. Elles racontent que le voisin, âgé de plus de 70 ans, a deux femmes et deux riads. Comme il est vieux cela nous fait rire toutes les quatre. Nous sommes une bande de joyeuses commères. Amina veut voir le film. Je le visionne sur l’écran. Elle regarde les photos de Tafraout et s’intéresse à tout. Latifa traduit. C’est rigolo. Quand on l’écoute, on comprend plein de choses, il y a beaucoup de français mélangé.

taroudant seffa - Copie
Pour dessert, elles ont préparé des poires noyées dans la sauce au chocolat avec des amandes. Elles n’ont pas de dessert pour elles. Dominique partage sa part. On termine le chocolat en léchant avec les doigts. Ce n’est pas du tout dans le style du riad et cela continue à  nous mettre en joie. On  débarrasse toutes les quatre et on raccompagne Amina chez elle en voiture. Aujourd’hui, elle porte une djellaba turquoise sur sa robe jaune fleurie, en dessous elle a encore une sorte de pyjama en jersey qu’elle appelle sarouel.

La médina la nuit

La rue est déserte, il y a seulement quelques vélos et un taxi de temps en temps. Nous entrons dans la médina. Il est 10 heures du soir, les magasins sont encore ouverts. Les jeunes marchent en groupe. Les petits jouent au ballon en pleine rue. De rares femmes islamiquement emballées, rejoignent à pas pressés leur domicile. C’est facile de traverser en l’absence de circulation. Après avoir déposé Amina dans un quartier périphérique Dominique demande à Latifa si elle veut passer chez elle voir sa fille. Yallah ! Elle nous guide dans un dédale de ruelles de plus en plus étroites, on replie les rétroviseurs. « Pourra- t- on passer ? « –« Oui « assure- t- elle. Devant sa maison, le cordonnier a sorti sa chaise. Une dizaine de vélos sont entassés avec des charrettes à bras. Le vélo est roi à Taroudant. Latifa pousse une porte métallique, s’annonce avec le heurtoir bruyamment – peut être nous annonce- t- elle ainsi ? Dans le couloir, toute une assemblée de filles et de femmes viennent à notre rencontre. Les petites nous reconnaissent et nous embrassent. Les femmes nous accueillent chaleureusement. Elles étaient devant la télé au salon et nous proposent de nous joindre à elles. Il est déjà tard ! je pense aux féministes qui boudent les vacances en pays musulman. 50% des Marocains sont des femmes ! Celles-ci sont bien sympathiques.

 


 


Tinouaïnane village berbère

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Excursion au village de Lahcen

Latifa a préparé une mallette d’osier avec toutes sortes de bonnes choses, des assiettes de faïence et des couverts. Nous reprenons la route de l’Anti-Atlas par laquelle nous sommes arrivées, traversons le lit de l’Oued Sousse asséché par les barrages et la sècheresse.  Lahcen raconte que dans les années 60, il allait pêcher de petits poissons. Depuis, on n’a plus jamais revu d’eau.

village de Freija
village de Freija

Ali Baba

Sur une curieuse butte témoin allongée dans le sens du courant érodée  à l’époque lointaine de crues énormes,  le village de Freyja surveille la plaine. Panorama époustouflant sur la chaîne de l’Atlas.  Le Riad Freyja transformé est en hôtel de luxe. On y a tourné le film Ali Baba et les 40 voleurs avec Fernandel. La réceptionniste nous fait volontiers visiter : beaux tapis, suites immenses, grandes pièces allongées très hautes de plafond, pas besoin de climatisation. Nous avons déjà visité des riads plus « authentiques » et moins restaurés. Aucune trace du tournage du film malheureusement.

Décor d'Ali Baba
Décor d’Ali Baba


Un milliard d’hectares irrigués


Pendant que nous traversons des parcelles irriguées, Lahcen nous explique que Hassan II a fait l’opération « Un milliard d’hectares » irrigués par les soins de l’Etat et distribués aux paysans. Les récoltes sont elles aussi achetées par l’Etat, garantissant un revenu aux agriculteurs. Des arroseuses tournent au dessus des blés déjà très hauts aux épis bien formés. Oliviers et agrumes poussent en abondance. Il faut puiser dans la nappe et parfois faire des forages profonds. On développe aujourd’hui la culture des bananes sous plastique.

Agadir

Au détour du chemin, Lahcen  nous signale un  ancien moulin à sucre des Almohades il y a plus de 800 ans. il  nous montre les agadirs sur les contreforts de l’Anti-Atlas : greniers fortifiés perchés au sommet des collines, position imprenables dont la défense était assurée par tout un système de signaux avec les villages voisins. Construits en pierre ou en pisé, ils se confondent avec la montagne. J’ai bien du mal à les trouver malgré les indications de Lahcen. En dessous des agadirs, les vieux villages, dans la plaine, les nouveaux.

Agadir dans la montagne
Agadir dans la montagne

Le village abandonné

Nous quittons le goudron pour une piste fréquentée où l’on double le boulanger en mobylette. Les paniers des pains en toile blanche ressemblent aux paniers des ânes. Le long de cette piste,  poussent les arganiers et encore ! On les a taillés pour leur donner un coup de fouet. Ils sont bien déplumés. Le troupeau de chèvres avance à notre rencontre gardé par 4 bergers, 2 enfants et deux adolescents. Lahcen leur demande quelque chose, ils nous font signe de reculer. Nous avons dépassé l’entrée de la piste indiquée par deux grosses pierres.

taroudant chèvres grimpeuses - Copie

Elle monte jusqu’au village abandonné de Ouinzane (eau-pierre en berbère). Les dernières familles ont quitté le villa voilà une soixantaine d’années. La plupart vivent en émigration. Il sera beaucoup question d’émigration pendant cette journée avec Lahcen).  Les enfants qui rentrent chaque année au bled, ont essayé de restaurer la mosquée. Lahcen n’est pas satisfait de leur travail : ils ont utilisé du ciment qui ne respecte pas l’architecture traditionnelle. Au moins, le village ne deviendra pas un tas de pierre anonyme en une génération ! Il insiste sur le passé glorieux de ce village. La mosquée a un  palmier dans la cour, on peut encore tirer l’eau du puits dans sa cour. Les salles aux plafonds très bas sont prévues pour les ablutions. La mosquée a une assez grande salle, mais pas de minaret. Le muezzin monte sur la terrasse où une niche a été aménagée pour que les fidèles y montent pour la prière par grosses chaleurs.

maison ancienne motif berbère autour de la fenêtre
maison ancienne motif berbère autour de la fenêtre

Le village est très délabré. J’ai du mal à enjamber les blocs et surtout à suivre Lahcen dans les décombres. Il me conduit devant une porte monumentale à la décoration signée de petites pierres (ou de petites briques formant des dessins géométriques. C’est l’entrée de la demeure du Cheikh. Lahcen insiste encore sur la bravoure et la gloire des anciens habitants. Nous montons dans une autre maison. On devine les poutres de soutènement des plafonds. Chaque maison avait au moins trois étages. 7 familles demeuraient là. Du haut du village on voit des ruches : petites alcôves rectangulaires alignées dans le creux d’un mur. Nous terminons la visite par celle des citernes creusées dans la roche pour garder l’eau de pluie, seule eau dont on disposait au village. Les citernes sont très profondes, très vastes, chaulées à l’intérieur, couverte d’un toit arrondi de petites pierres assemblées en voûte sans maçonnerie ; Lahcen me fait remarquer l’habileté de ces constructeurs.

Dominique qui a fait de belles photos des chèvres grimpeuses. Lahcen explique que les sabots des chèvres peuvent pincer les branches pour leur permettre de s’accrocher.

Tinouainane est le village natal de Lahcen qui y a  de nombreux cousins. Chaque fois que nous rencontrons quelqu’un, Lahcen sort – grandes embrassades. Il connaît tout le monde. Un de ses cousins, turban jaune, chemise rouge est en train de décharger du fumier à la sortie du village. Il nous invite à aller dans son « jardin », une orangeraie. Le village est construit à l’écart de l’oasis. Nous marchons entre les murets de moellons surmontés d’épines. Les petites parcelles sont soigneusement encloses. Les chèvres ne doivent pas y faire des ravages ! Elles sont partagées en rectangles bordés de rigoles et de petites digues. Les hommes que nous croisons, reviennent des champs portant de petites binettes à manche court. Pas besoin de gros outils pour ce travail qui ressemble plutôt au jardin qu’aux champs.
Très peu de palmiers, surtout des oliviers de très grande taille (je n’en ai jamais vus d’aussi hauts
«  – Comment faire pour récolter les olives ? »
« –  on grimpe avec des gaules, les femmes ramassent les olives dans les bâches »
Il y a des vergers d’agrumes et des caroubiers.

Irrigation

irrigation double rigole
irrigation double rigole

Deux rigoles parallèles correspondent l’une à l’eau de la source, l’autre à celle du bassin qui ne se mélangent pas. L’irrigation est très compliquée. Lahcen nous emmène au bassin rectangulaire rempli qu’au tiers et où prospèrent des algues vertes. Il se remplit la nuit quand on n’irrigue pas. L’eau de source n’est pas gaspillée et ne court pas inutilement. Lahcen nous montre la canne-jauge entaillée de nombreuses rainures. Chaque trait correspond à cinq minutes. Chaque famille a droit à une part d’eau que l’on marque d’un lien d’herbe verte coincée dans l’encoche. Les anciens tiennent colloque pour la répartition qui varie chaque jour en fonction de la durée de remplissage la nuit du bassin. La canne-jauge doit toujours être plongée au même endroit. Elle est sacrée.

lahcen et la canne-jauge
lahcen et la canne-jauge


L’eau est la condition de toute vie. Les parts se transmettent par héritage comme la terre ? La terre sans l’eau n’est rien. Certains vendent leur part d’irrigation. Leurs champs restent secs et rien n’y pousse.


Celui qui va recevoir sa part d’eau attend assis devant la petite vanne. Quand son tour arrivera, il ramassera une poignée d’herbe sèche qu’il lâchera dans le courant, avertissant ainsi son voisin que l’irrigation se termine. Il détournera ensuite le courant vers son champ. L’eau y coulera une demi-heure, une heure ou deux selon son quota.


Nous suivons les rigoles jusqu’à une très belle orangeraie qui embaume. Sous les orangers, des fèves en fleurs. Lahcen ramasse des cosses de caroubier pour que j’y goûte. Cela fait bien longtemps que je connais les caroubes mais je n’ai pas envie d’en parler. Autrefois, on les donnait au bétail. On leur a trouvé des propriétés pharmaceutiques si bien qu’il est  plus rentable de les vendre. Sauf si la vache est malade, on lui donnera comme médicament.

Pique-nique sous un oranger

pique nique à l'oasis
pique nique à l’oasis

Pique-nique sous un bel oranger appartenant à un de ses cousins de Lahcen. Demain, c’est le souk hebdomadaire, on est donc occupé à cueillir les grosses oranges navel. Les filles ont rempli les pans de leurs jupes et les déposent en tas sous un arbre. Un kilo se vend 6 dirhams. C’est bien peu. Si les enfants, émigrés en Belgique, n’envoyait pas leur mandat ils pourraient à peine survivre du produit de leurs champs. Ils entretiennent l’oasis en culture et sont les gardiens de l’héritage. Mais l’argent vient d’ailleurs.


Ici, les femmes ne sont pas voilées. Elles portent un foulard, bien sûr. Leur visage est découvert. Elles nous sourient et ne se cachent pas. Certaines sont très belles avec des habits très colorés. Pour les photos, elles opposent un non catégorique.
Lahcen va chercher la selle de l’âne en toile pour Dominique. La table sera en paille tressée : les grands paniers du bourricot. Latifa a mis  nos salades préférées : les carottes pour Dominique, les pommes de terre, tomates et poivrons et aubergines. Elle a aussi mis des keftas parfumées au persil et aux épices. Le dessert est cueilli sur place.


Lahcen a vécu en France 10 ans dans le Gard, il travaillait aux vignes, puis mécanicien à Paris, de 1970 à 1981 entre 20 et 30 ans. Il a donc du recul vis-à-vis des mirages de l’Europe. Il sait les « drôles de métiers » que ses compatriotes souvent diplômés et très qualifiés, doivent accepter chez nous. Il sait aussi la nécessité de cet argent venu du nord. Il viendrait bien en France où vit toute sa famille, sa mère, ses frères et sœurs. On lui refuse le visa. Il n’en tient pas rigueur à Jacques Chirac qui vient « au mois 12 » à Taroudannt à la Gazelle d’Or. Notre président est un personnage familier de Taroudant « c’est sa 2ème ville après Paris ». Pour louer son oasis, Lahcen chante Jean Ferrat « Que la montagne est belle, comment peut on imaginer… ». Il raille la Gazelle d’Or où il a eu l’occasion de dîner « c’est de la grande cuisine, on paie très cher et on n’a rien dans l’assiette, une seule olive, un peu de sauce pour décorer… »Je dessine les rigoles, les murettes et les oliviers que j’aime tant. En Italie, en Grèce, à Chypre… je ne peux pas m’empêcher de mettre un olivier dans mes dessins.

Au village de Tinouaïnane

cour de maison villageoise
cour de maison villageoise

Une nuée d’enfants nous accueille au village. Malgré notre guide nous entendons « Donne moi… » . Pour les dirhams, c’est non ! Et tous les adultes sont d’accord. Pour les bonbons, nous en avons un sac dans la voiture et c’est le bon moment pour rendre la politesse aux villageois qui nous accueillent si généreusement. La distribution tourne à l’émeute. Les enfants accourent de partout. Certains tendent la main plusieurs fois. On commence à se fâcher. Un adulte doit s’en mêler.
Les maisons du village sont très basses. Les longs murs ne s’ouvrent que par des portes métalliques peintes avec fantaisie. On a le souci de la décoration. Les tours des fenêtres, les coins, les arêtes sont soulignées de blanc sur crème ou de jaune sur blanc. Quelques uns ont peint des éclaboussures à la manière d’un feu d’artifice ou de palmier:

« Pourquoi ?

– « pour décorer ! ».

Lahcen  traduit des inscriptions calligraphiées à la peinture rose. Ce  ne sont pas des slogans mais des mots de bienvenue aux visiteurs.
Pas de goudron, la poussière a la couleur des murs. Pas une voiture. A peine, un vélo – et encore ! – ses pneus sont à plat et il n’a pas de selle. Je demande à son propriétaire d’aller chercher D en voiture qui a été trop loin. Le vélo ne roule pas. Deux grands ados se chargent volontiers de la commission.
J’ai envie de photographier une porte bleu turquoise qui s’ouvre sur un couloir blanc. Cela tombe bien ! C’est justement dans cette maison que nous sommes invitées ! Nous entrons donc par ce fameux couloir l’arhgoumé qui est l’abri des femmes par grosses chaleurs, là où elle épluchent cassent et meulent les noix d’argan une fois les travaux de la maison et des champs terminés.
La maison de Mohamed est construite autour de plusieurs cours, c’est une version campagnarde et plate de notre riad. Les pièces s’ouvrent sur la cour, longues chambres comme au riad Freyja, « couisine » sommaire mais une belle salle d’eau toute carrelée avec des toilettes (ouf ! impossible de faire pipi dans la palmeraie, il y a du monde partout). Je dis à Lahcen que c’est le même plan qu’un riad il répond que c’est une tadouarit.

les enfants du village
les enfants du village


La salle de réception est couverte de nattes, on s’y déchausse. Au fond trône une télévision sur un support à deux étages avec magnétoscope et lecteur de DVD. La télécommande est soigneusement sous plastique. Ils ont une parabole sur le toit qui capte Arabsat. Fièrement, Mohamed l’allume sur une chaîne berbérophone et pose pour la photographie à côté de l’appareil. On enverra la photo par Internet au propriétaire qui la donnera, j’espère à Lahcen. L n’y a pas de cyber au village mais il y en a plein à Taroudant.
Une petite fille apporte un rince doigts en aluminium, elle nous verse de l’eau sur les mains puis on nous sert le thé (sans menthe) avec du pain cuit à la maison que nous trempons
dans l’huile d’argan. Après 3 verres, Mohamed poursuit la visite : nous passons dans une autre cour ornée d’un oranger et d’un basilic odorant dont il nous offre à chacune un rameau, encore une cour : c’est l’étable. Un petit veau noir né ce matin, un autre au front étoilé, a deux jours.
Nous visitons une autre maison, vide celle là, occupée seulement pour les vacances. Même plan : des courettes avec des orangers, un couloir qui mène à une ruelle. Assises sur le sol, deux femmes tapent sur des noix d’argan avec un galet de lave poli sur une grosse pierre. La première d’un coup sec ôte la pulpe séchée qui cède facilement ; la seconde case la noix qui ressemble à une noisette allongée. Elles me proposent d’essayer. Je réussis la première opération sans peine, je ne suis jamais arrivée à extraire l’amande : la noix roule.
Avant de quitter le village nous nous arrêtons à l’école : neuve, en ciment préfabriqué comme toutes les écoles rurales avec des fresques sur les murs. 7 classes. Lahcen connaît les instituteurs de la 6ème classe : 5 filles 11 garçons qui se lèvent en silence. Les filles récitent en chœur le compliment d’usage. Au tableau, des divisions à plusieurs chiffres derrière la virgule. Ils sont meilleurs en opérations que les nôtres. Ils n’ont pas de calculatrices.
Nous rentrons tranquillement par la route d’Agadir. Juste avant la ville : un vol de cigognes Certaines sont sédentaires et occupent un nid à la casbah de Taroudannt.

 

 


Taroudant : la vie de château au riad M’Haita – les recettes de Latifa

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le riad
le riad

 

Latifa a encore fait des salades toutes différentes de celles d’hier et parfumées. Les carottes méritent le prix. Nous demandons la recette.

Salade de Carottes

Couper en dé, les faire revenir dans l’huile avec les épices mélangées : cumin, gingembre, coriandre sans ajouter d’eau.

 boulettes de viande hachées (je préfère les miennes) dans un plat à tagine nappées d’une omelette

hacher l’oignon et le tomate fraîche pelée, ajouter la viande quand la sauce épaissit. Battre les œufs au dernier moment. Dans le plat à tagine cela ressemble à un clafoutis (les boulettes ont la taille des cerises).

Pour finir salade de fruits à la cannelle.

citron, fruit et fleurs
citron, fruit et fleurs


Nous avions prévu de passer l’après midi à la piscine de l’Hôtel Salaam. Nous sommes tellement bien dans notre jardin que nous n’avons plus envie de sortir. Dominique s’installe dans un  transat et je reste à la table plus pratique pour écrire et dessiner  Seuls les oiseaux troublent le calme avec leurs chamailleries. Une pluie de feuilles et de fleurs du pamplemoussier tombe sous leur chahut. Un couple de merles se perche sur la branche la plus rouge du bougainvillier.

 

Les remparts de Taroudant

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taroudant lycéeenrd sur la terrasse - Copie

 

Nous n’avons pas entendu le muezzin (pourtant notre voisin). Un rai lumineux annonce que le jour est  levé. Je m’installe dehors bien décidée de profiter du jardin. Latifa cueille les oranges du petit déjeuner.  Je noie de miel les crêpe épaisses.
Le soleil est encore bas quand nous faisons un  tour des murs de Taroudant, trop d’ombres pour les photos. Par endroits,  ils s’effondrent. Les Roudanis (habitants de Taroudannt) sont fiers de leurs remparts et en prennent soin. Une extrémité de la ville est un étrange champ raviné où l’argile stérile est parcourue de rigoles très profondes comme des ruines.
9 heures, les rues sont  désertes, les commerçants balaient devant leur porte. Au souk berbère on répand des cruches d’eau sur la poussière.

Le prix de la réparation du téléphone sera de 80 dh. Je suis interloquée, je m’attendais à beaucoup moins. Est-ce la peine de faire réparer ? C’est un appareil basique. Peut être est ce préférable d’en acheter un neuf? Dominique ne m’est d’aucune aide. Elle n’a pas compris que je cherche à faire baisser le prix, elle déclare que 80 dh, ce n’est pas cher. Le souk est vide et n’offre aucun intérêt.

Des lycéens convergent vers leur établissement près de la Kasbah. Certaines filles sont tête nue (une minorité 1sur 3 ou 1 sur 4). Comme chez nous ils ont tous des téléphones mobiles. Garçons et filles forment des groupes animés.


Po
rte de la Kasbah, l’avenue est plus soignée avec  trottoirs, des bancs, des arbres d’alignement, une rangée de palmiers, des petits kiosques. Dans ce secteur, les remparts sont doubles. De la terrasse en haut des murailles,  vue sur l’Atlas enneigé. Dans un recoin, 5 lycéennes sont perchées. L’une d’elles porte un grand châle orange, une tunique blanche sur un pantalon orange, ses copines ont des foulards clairs bleu blancs ou verts pâle. La plus sérieuse a délié un journal. Des garçons escaladent les créneaux, ils se photographient avec leurs téléphones à quelques distances des filles qui se mettent à chanter en chœur.

Pendant que je dessinais, Dominique a étudié le plan de Taroudant. Nous trouvons facilement le cybercafé (3dh/l’heure) toujours pas de journaux français.

Moulin d'Argan
Moulin d’Argan

Au parking, un jeune nous persuade d’aller visiter une coopérative d’huile d’argan. C’est un traquenard. Trois femmes tournent le moulin de pierre, pétrissent mais c’est une boutique pour touristes.