La Tristesse des Anges – Jon Kalamn Stefànsson

ISLANDE

Incipit :

« Quelque part dans l’aveuglante tempête de neige et le froid, le soir tombe, la nuit d’avril s’immisce entre les flocons qui s’accumulent sur l’homme et les deux chevaux. tout est blanc de neige et de givre, pourtant le printemps approche. Ils avancent péniblement contre le vent du nord qui est plus fort que toute chose dans ce pays »

C’est le tome 2 de la trilogie qui commence avec « Entre ciel et terre » et se termine par « Le cœur de l’homme » que j’ai eu la mauvaise idée de lire dans le désordre si bien que j’ai eu du mal à entrer dans« Le cœur de l’homme » un peu perdue dans les personnages qui se présentent au fur et à mesure des deux livres précédents. J’avais été bluffée par ce dernier livre si bien que j’ai repris la lecture au début de l’histoire dans l’ordre.

Jens le Postier, sur son cheval de glace, arrive au village, collé par le gel à sa monture. C’est avec le « gamin » un des personnages principaux de cet ouvrage. Il transporte dans ses sacoches le courrier, lettres, journaux et paquets

Cela ne fait pas de mal de pimenter l’existence avec des nouvelles du vaste monde, les vents nous ont été
contraires, rarement aussi peu de navires sont venus jusqu’ici depuis le début d’avril et nous sommes assoiffés de nouvelles fraîches au terme du long hiver.

Jens le Postier traverse landes et montagnes sous les pires neiges et blizzard mais il n’a pas le pied marin. le gamin lui fera franchir un fjord à bord d’une barque, puis l’accompagnera dans sa tournée d’abord avec la jument La Grise, puis à pied.

« Les flocons se déversent, la neige envahit l’espace entre ciel et terre, elle relie l’air et le sol, on ne voit plus entre les deux aucune différence, tout se confond et les deux hommes doivent s’attendre à rencontrer des anges en  plein vol au sein de l’éternité. »

Nous allons suivre Jens et le gamin dans leur tournée sous la neige

« Le ciel abrite une multitude de flocons. Voilà les larmes des anges, disent les indiens au nord du Canada quand la neige tombe. Ici, il neige beaucoup et la tristesse du ciel est belle… »

La tournée est longue, les rencontres rares mais intenses. Les épreuves sont pénibles, souvent le gamin est tenté de s’endormir dans la neige. Gare à celui qui cède au sommeil, il ne se réveillera pas!

Encore une lecture poétique, dépaysante, éprouvante même. Vers la fin, j’ai éprouvé une certains lassitude de la monotonie de la neige et du vent. Mais il ne faut pas abandonner, comme nos marcheur, perséverer. La fin est spectaculaire

Nàtt – Ragnar Jonasson

ISLANDE

Stora- Ageira

Retour à Siglufjördur au nord de l’Islande, petite ville à l’écart enclavée. Un nouveau tunnel est en construction pour relier Saudarkrokur et la côte Ouest (nous l’avons emprunté en 2019).

Le roman se déroule en 2010 juste après l’éruption de l’Eyjafjöll qui a émis une quantité énorme de cendres interrompant le trafic aérien européen (nous avions perdu une semaine de vacances en Grèce) et rendant  l’air irrespirable  à Reykjavik. les effets de la crise économique de 2008 sont encore perceptibles; l’économie et la monnaie islandaise en piteux état. 

 

C’est le troisième livre de Ragnar Jonasson que je lis et le troisième  de la série d’Ari Thor – policier à Siglufjördur, après Snor (je n’ai pas lu Mörk). Comme précédemment, je ne suis pas arrivée à m’attacher à Ari Thor ni à ses déboires sentimentaux. D’ailleurs le héros de la série ne joue qu’un rôle secondaire dans la résolution de l’enquête. Il fait d’ailleurs cruellement défaut à son chef au moment où on le plus besoin de lui. Plus intéressante : la journaliste Isrùn qui a une personnalité complexe et qui s’implique dans le drame. 

Je déteste qu’on spoile un polar. Je ne vous en dirai pas plus.

Soyez patient! L’action démarre très doucement et même se traîne. Une série de personnages se présente, certains auront un rôle dans l’intrigue, d’autres sèmeront des fausses pistes. En revanche, la fin s’accélère, même s’emballe et plonge dans la noirceur qu’on ne soupçonnait pas. Votre patience sera récompensée et vous tournerez les pages pour connaître le edénoue

Entre ciel et terre – Jon Kalman Stefànsson

ISLANDE

 

« Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. Pourtant, à eux seuls, ils ne suffisent pas et nous nous égarons sur les landes désolées de la vie si nous n’avons rien d’autre que le bois d’un
crayon auquel nous accrocher. »

Entre ciel et terre est le premier tome d’une trilogie. J’avais été soufflée par Le cœur des hommes, lu avant notre voyage en Islande. j’aurais peut être dû lire les trois livres dans l’ordre (je viens de télécharger le tome suivant La Tristesse des Anges )

Dans les fjords du Nord Ouest de l’Islande, au mois de mars, le monde est blanc de neige. Le roman commence dans le Village de Pêcheurs, des baraquements sur une plage où sont posées les barques. Les pêcheurs ont souvent une maison et une famille ailleurs, mais ils logent ensemble avec une cantinière à proximité du rivage. Pétur est le patron de sa barque à six rames. Bardur lit Le Paradis perdu, tellement pénétré par la poésie, il en oublie sa vareuse.

«  Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l’oubli, vous oubliez
votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s’approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. »

la journée est prometteuse, il iront loin chercher le poisson:

« Ils rament et leurs cœurs pompent le sang, distillant en eux le doute sur le poisson et sur la vie, mais aucunement
sur Dieu, non, car sinon, ils oseraient à peine monter sur cette coquille de noix, ce cercueil ouvert, posé à la surface de la mer, bleue en surface, mais noire comme le charbon en dessous. Dans leur esprit, Dieu est absolu. Lui et Pétur sont probablement les seuls êtres pour lesquels Einar éprouve du respect en ce monde, parfois aussi pour Jésus, mais ce respect n’est pas aussi inconditionnel, un homme qui tend l’autre joue ne tiendrait pas longtemps ici, au creux des montagnes…. »

Cette journée de pêche qui tourne au drame est un grand moment de lecture.

« Le bonheur, c’est d’avoir à manger, d’avoir échappé à la tempête, d’avoir enjambé les rouleaux imposants qui
mugissent aux abords de la côte, »

La barque est revenue de la tempête chargée du poisson, mais Bardur est revenu gelé.

Le Gamin partageait le lit et la planche de rame avec Bardur ne retournera plus dans la barque et part sous la neige et le vent rendre le livre du Paradis Perdu au Capitaine Kolbeinn 

« L’enfer, c’est ne pas savoir si l’on est vivant ou mort. Je vis, tu vis, nous vivons, ils meurent.

Mourir est le mouvement absolument blanc, lit-on dans un poème.

L’enfer, c’est d’être mort et de prendre conscience que vous n’avez pas accordé assez d’attention à la vie à l’époque où vous en aviez la possibilité. »

Les pages de la marche dans la tempête de neige sur le plateau, entre vie et mort, entre enfer et poésie sont hallucinantes.

Le Gamin arrive dans la vallée de Tungudalur et s’évanouit à l’entrée dans la buvette  du bout du monde. 

le port de Höfn

Dans le village, je retrouve les personnages qui apparaissent dans Le Coeur de l’Homme. L’histoire prend alors une autre tournure et quitte le monde de la mer et des poissons. Un moment, je regrette l’âpre poésie des pêcheurs pour cette vie villageoise plus mesquine. La vie du petit port de commerce avec ses capitaines, ses maisons bourgeoises, ses entrepôts sont un autre monde que le gamin va découvrir et qui va lui donner peut être une autre raison de vivre. 

Et comme je veux connaître la suite de l’histoire, j’attends de lire la tristesse des Anges

Lumière d’été, puis vient la nuit – Jon KalmanStefansson

LIRE POUR L’ISLANDE

 » Les larmes ont la forme d’une barque à rames, la douleur et la peine sont tapies sous le banc de nage.  »

Un village de 350 habitants sans église ni cimetière, une coopérative, un abattoir.  L’atelier de tricotage a fermé depuis que son directeur s’est pris de passion pour l’astronomie. Un village où il ne se passe pas grand chose. Un village où circulent les  commérages. Peu de distractions : une séance de cinéma de temps à autres, quelques bals l’été.

« le moindre coup de fil est un événement, le passage d’une voiture venue d’ailleurs est une telle épopée que nous courons tous à nos fenêtres avec nos jumelles, c’est insupportable. »

L’art de Jon Kalman Stefansson est de nous y faire sentir la vie, avec finesse et poésie. La vie simple. Huit chapitres centrés autour d’un personnage et de son entourage immédiat. L’Astronome  quitte responsabilités familiales et professionnelles,  vend sa maison pour acquérir des grimoires en latin. Agusta, la postière  lit la correspondance et fait circuler des ragots. Jonas et son père Hannes, le policier, ce géant qui lisait des poèmes.  David et Kjartan employés de la Coopérative (j’aurais aimé en savoir plus sur cette coopérative agricole)  sont confrontés à des phénomènes paranormaux dans le hangar : des fantômes?  Sigridur, ancienne Miss Vesturland, forte femme souveraine absolue de l’Entrepôt, Elizabet, autre forte femme, Benedikt, le paysan plus à l’aise avec son chien qu’avec les femmes… Je ne les cite pas tous.

ferme de tourbe

Jon Kalman Stefansson présente cette galerie de personnages, tous différents, avec leur personnalité, leurs travers, leurs amours. On est étonné de voir se rencontrer et s’aimer des personnages à priori si différents. Il nous fait sentir le glissement de ce village rural dans le XXIème siècle et  la société de consommation. La vie devient plus facile, on ne redoute plus le froid ou l’humidité mais des biens superflus deviennent indispensables. Les bergers ont parfois fait des études universitaires, partent voyager à l’étranger. La coopérative va être privatisée. 

« Jónas est calme, comme s’il échappait à tous les fléaux qui nous tracassent, la vitesse, l’agitation, le fait qu’il nous faut une plus grande télé, un nouveau portable, il lui suffit de penser à la courbe de l’aile d’un oiseau pour être apaisé. Que devons-nous faire pour parvenir à une telle sérénité ? »

Jadis, la foi était notre sédatif, elle nous apportait l’espoir et définissait le but de nos vies, plus tard, la science l’a remplacée par le rêve d’un monde meilleur, d’une distance réduite entre les hommes, tout change.

La vie, tout simplement! Amour et sexe (parfois dissociés) et alcool. On boit beaucoup au village. Il fut un temps ou l’alcool était difficile à obtenir, il coule à flot. Sans jugement de valeur. L’alcool va dissoudre les timidités, permettre des relations sexuelles refoulées. Comme on est en Islande, ce sont souvent les femmes qui prennent des initiatives, personnalités fortes.

Et la poésie!

Stora- Ageira

Jon Kalman Stefansson est un auteur que je suis, j’ai adoré Le Coeur de l’Homme  le premier que j’ai lu, Asta également un peu moins D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds et ce dernier et il me reste d’autres titres à découvrir, d’ailleurs Entre ciel et terre attend dans ma liseuse pour un prochain voyage livresque en Islande. 

 

 

ADN – Yrsa Sigurdardottir

POLAR ISLANDAIS

 

Faire un tour à Reykjavik en ces temps de confinement où tout projet de voyage se trouve exclus? ADN ne vous fournira que peu de dépaysement. L’action se situe à l’intérieur d’appartements sans intérêt particulier et non localisé dans la ville ou ses environs, ou dans un poste de police non identifié, dans une Maison d’Enfants impersonnelle.

Faire la connaissance avec de nouveaux enquêteurs? Le 4ème de couverture parle d’une psychologue mais son rôle n’est pas principal. L’enquêteur est un policier Haldur, bien classique…

L’intrigue est embrouillée à souhait, les crimes tout à fait horribles. Les armes du crimes sont la principale originalité du roman : le tueur a utilisé un aspirateur, un fer à friser et un fer à souder pour chacun de ses crimes. Pour égarer le lecteur il y a un club de cibistes, j’ignorais qu’au temps d’Internet, d’Instagramm et Face-Book les radios-amateurs existaient encore.

J’ai lu rapidement  ce livre, les pages se tournent seules, avec la même culpabilité que j’éprouve quand je regarde les séries policières à la télévision. Impression que je pourrais employer mon temps à lire quelque chose de plus intelligent, et en même temps, j’ai bien le droit de me divertir dans la facilité!

La prochaine lecture islandaise se fera plutôt avec Arnaldur dont il me reste de nombreux livres à découvrir!

Le Berger de l’Avent – Gunnar Gunnarsson

LIRE POUR L’ISLANDE

A la suite des billets enthousiastes de blogueuses de ma galaxie (sauf Maeve qui est mitigée) je complète ma série de lectures islandaises qui ont accompagné notre voyage de Septembre 2019.

J’ai lu d’une traite ce court roman (69 pages) d’un souffle et avec grand intérêt la postface de Jon Kalman Stefànsson dont j’ai beaucoup apprécié les oeuvres. Ce dernier compare Le Berger de l’Avent au Vieil Homme et la mer, àMort à Venise et à la Faim  qui sont des classiques, des sommets de la littérature mondiale. Que rajouter à l’analyse de l’écrivain islandais?

Une randonnée hivernale à la période de l’Avent, quand les fermiers ont rentré foin et bêtes, et que les jours très courts incitent plutôt à se calfeutrer au chaud. Benedikt, depuis 27 ans, part avec le bélier Roc et son chien Leo en montagne rassembler les moutons qui ont été oubliés. Randonnée solitaire? Pas du tout ! Les deux animaux sont des compagnons à part entière, Roc n’est pas n’importe quel bélier, Benedikt le soigne en premier, il lui fait confiance. Leo, le chien, veille sur les autres : c’est lui qui retrouvera le chemin sous la neige grâce à un sens de l’orientation (peut être aussi un flair) hors pairs!

Benedikt ne cherche pas à se couper des hommes, il est chaleureusement accueilli dans les fermes et rend service à tous en rassemblant poulains et moutons et sans se poser de question, c’est normal, un mouton c’est un être de chair et de sang, c’est la vie-même. Quand il se trouve perdu dans la tourmente, c’est pareil

« Quand un homme se trouve dehors, par une telle nuit, loin de toute présence humaine, à des lieues de tout abri, entièrement abandonné à son propre jugement, il lui faut garder la tête froide. ne pas offrir la moindre fissure aux esprits de la tempête pas la moindre fente où la peur et l’hésitation puissent s’insinuer. C’est une question de vie et de mort. Du courage et un esprit indomptable. Ignorer le danger. Continuer. C’est aussi simple que ça. Du moins pour un homme comme Benedikt. « 

D’une simplicité biblique. D’ailleurs, de la Bible il en est parfois question. En bon luthérien, Bénédikt la connaît, peut la citer et ce n’est eut être pas un hasard si sa compagnie formée d’un homme, un bélier et un chien est parfois nommée la Trinité.

Lire aussi  le billet d‘Aifelle

de Dominique

 

Voyager pour lire/lire pour voyager : Islande

LIRE POUR L’ISLANDE

Une nouvelle aventure se profile. Avant de refermer ce carnet islandais, un bilan des lectures autour de ce voyage bien que je n’ai pas encore épuisé tous les titres que j’ai notés.

Avant de partir :

Coup de cœur pour Karitas de Kristin Marja Baldursdottir,surtout le premier tomequi m’a accompagnée tout au long du circuit aussi bien dans le salage du poisson que dans les fermes de tourbes, avec les machines à tricoter et les objets de la vie quotidienne rurale qu’elle raconte si bien. Avant la 1ère Guerre mondiale, pour faire le tour de l’Islande, il fallait prendre le ferry ou traverser des rivières glaciaires en crue. Tout cela fournit déjà un bon arrière-plan à un circuit touristique!

Thingvellir une eau transparente

Pour le Cercle d’Or et Thingvellir : La Cloche d’Islande de Laxness raconte le fonctionnement de l’Althing, ce Parlement qui s’est réuni de 930 à 1799, en plein air dans la faille d’Almanagja . C’est aussi un magnifique roman historique qui raconte la vie misérable de l’Islande au 18ème siècle, pressurée par le roi du Danemark, en proie à des épidémie et des catastrophes naturelles. Il évoque aussi un passé plus glorieux, plus ancien du temps des sagas et les guerres de Religion quand le Danemark a imposé la Réforme aux évêques catholiques. C’est un gros roman, de  pages, touffu que j’ai lu au retour de voyage. mais si je l’avais lu avant j’aurais sans doute mieux apprécié la visite de Thingvellir.

Des polars pour avant, après, pendant :

Les meilleurs, ceux D’Arnaldur Indridason aussi bien les enquêtes d’Erlendur que celles de Konrad, se lisent d’un trait. non seulement l’intrigue est très bien troussée mais on apprend des tas de choses sur l’Islande contemporaine, mon préféré : La Femme en Vert, les autres sont aussi très bien : L’Homme du Lac est situé pendant la guerre froide, Le Passage des Ombres commence en 1944 quand les troupes alliées étaient basées en Islande, j’ai moins accroché avec Hypothermie. Toutefois, tout Indridason est à lire!

Reykjavik moderne vue du clocher

Ragnar Jonasson est également l’auteur de romans policiers, peut être moins passionnants qu’Indridason mais décrivant très bine une ambiance islandaise dépaysante pour nous. Snjor se passe aux alentours de Noël à Siglufjördur, au nord de l’Islande dans une ambiance neigeuse, glaciale. La dame de Reykjavik est aussi une bonne façon d’aborder la capitale islandaise.

Au retour : les excellents romans de Jon Kalman Stefansson sont des coups de cœur littéraires et poétique : j’ai découvert l’auteur avec Le Cœur de l’Homme qui est le 3ème tome d’une trilogie, j’aurais mieux fait de me renseigner pour lire les deux autres tomes avant! J’ai beaucoup aimé D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds qui se passe beaucoup à Keflavik et aussi Asta, un roman d’amours complexes et multiples…

Vous pouvez aussi lire La sagesse des Fous d’Einar Karason, saga familiale un peu déjantée lue avec plaisir.

Avec grand déplaisir : Illiska d‘Erikur Orn Norddahl sous- titré « Le Mal » où l’évocation des massacres des Juifs en Lituanie voisine avec celle des milices nazie, et des ultra-droites actuelles dans une ambiguïté assez nauséabonde.  Cette littérature décomplexée me met mal à l’aise.

 

Audur Ava Olafsdottir est aussi bien traduite en français. J’ai été très déçue par Rosa Candida que j’ai trouvé bien mièvre (et qui ne se déroule pas en Islande). J’ai nettement préféré Miss Islande qui raconte comment dans les années 1950, il était difficile pour une femme de faire une carrière littéraire, et pour un homme gay de vivre ouvertement.

Nuage de cendre de Dominic Cooper est un roman historique qui

les coulées du Laki

raconte l’Islande de la fin du 18ème siècle après les éruptions volcaniques. Très noir. L’auteur est britannique mais le roman est très documenté.

 

Je terminerai par trois ouvrages classiques Han d’Islande de Victor

les bateaux de la Grande Pêche

Hugo, Pêcheur d’Islande de Pierre Loti et Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne. les deux premiers ne se déroulent pas du tout en Islande. Han d’Islande,dans une Norvège imaginée par le jeune Victor Hugo, Pierre Loti à Paimpol et Le Voyage au centre de la Terre dans un décor devant tout à l’imagination de l’auteur. Néanmoins, ces lectures cadrent bien dans le voyage littéraire en Islande.

J’ai gardé pour la fin, le plus difficile, le plus célèbre peut être :  Snorri Sturluson l’auteur de sagas et de l’Edda au 13ème siècle que les Islandais comparent à Homère et aux plus grands. J’ai cherché une saga , j’ai trouvé la saga de saint Olaf mais j’ai calé après un peu plus de 100 pages. Les vikings batailleurs m’ont un peu lassée.

En revanche j’ai beaucoup aimé les aventures de la Saga d’Eirikr le Rouge qui raconte la colonisation du Groenland et la découverte de l’Amérique, le Vinland.

La Cloche d’Islande – Laxness

LIRE POUR L’ISLANDE

Thingvellir : Almanagja

Halldor Laxness (1902 – 1998), lauréat du Prix Nobel 1955.

La Cloche d’Islande est une fresque historique se déroulant au début du 18ème siècle, en Islande et dans les pays voisins.

incipit :

« Il fut un temps, est-il dit dans les livres, où la nation islandaise ne possédait qu’un seul bien de valeur marchande. C’était une cloche. Cette cloche était suspendue au pignon de la maison de la Lobretta, à Thingvellir, sur la rive de l’Öxara, attachée à une poutre sous les combles; on la sonnait pour se rendre aux tribunaux avant les exécutions…. »

Cette cloche ne jouera aucun rôle dans l’histoire, le roi de Copenhague ayant besoin de bronze pour fondre des canons vint la réquisitionner. Cette cloche est le symbole de la nation islandaise et le rapt de la cloche est le prélude à l’oppression que le Danemark a imposé à l’Islande. Il est significatif de noter que La Cloche d’Islande fut publiée en 1943 alors que l’Indépendance de L’Islande fur prononcée à Thingvellir le 17 juin 1944 sur place.

Le livre se compose de trois parties : La cloche d’Islande  raconte les pérégrinations de Jon Hreggvisson, paysan gaillard et paillard, voleur de corde, peut être meurtrier sans remords du bourreau du Roi du Danemark. Rustre peut-être, mais insolent et poète, il rimaille à chaque occasion,

Le gaillard obtint son déduit,

Mit près de soi la femme dans son lit

De l’ivresse d’amour empli,

De l’ivresse d’amour empli

A peine avait-elle dit oui »

Toute sa vie, il chante Les Anciennes Rimes de Pontus pour narguer les bourreaux ou les autorités.

Condamné à mort, il s’enfuit, arrive en Hollande, puis au Danemark pour solliciter la grâce du roi. Roman picaresque, pas de cape ni épée, quand Jon a un chapeau, des bottes et une corde il est déjà heureux.

ferme de tourbe

La Vierge Claire, est centrée autour du personnage très séduisant de Snaefrid, le soleil de l’Islande, fille du Gouverneur de l’île mais mal mariée au junker Magnus de Braedradunga. Ce dernier  possède un domaine aux fermes de tourbe à moitié en ruine. Soiffard, il est capable de vendre ses terres, ses fermes et même sa femme pour un verre d’eau de vie. Réduite à la mendicité par son mari, Snaefrid se réfugie chez sa soeur, la femme de l’évêque de Skalholt.

La dernière partie L’Incendie de Copenhague gravite autour du savant Arnas Arneus , vice-gouverneur de sa Gracieuse Majesté, assessor consistori, professor philosophiae et antiquitatum Danicorum. Cet érudit cherche à retrouver et à préserver les manuscrits islandais anciens. Il les déniche dans les lits des paysans qui utilisent le parchemin pour ressemeler les chaussures, ou pour obturer les fenêtres. Pour retrouver le livre d’une islandaise parvenue jusqu’en Amérique dans les temps anciens, il va jusqu’à  Rome. Il ne se contente pas de collectionner les livres anciens, il tente d’utiliser son crédit auprès du Roi du Danemark pour améliorer l’ordinaire et la justice rendue à l’Althing de Thingvellir.

Livre d’histoire décrivant la vie misérable des Islandais au début du 18ème siècle. Les marchands danois ont le monopole du commerce et il est strictement interdit aux Islandais d’entrer en contact avec les navires hollandais ou anglais qui croisent dans la région. Les pêcheurs islandais n’ont d’autre choix que de livrer leur pêche à Copenhague (huile de baleine) quand ils peuvent pêcher car on leur rationne corde, ficelles et hameçons pour leurs lignes. La disette règne sur l’île. Peste, variole, lèpre déciment la population.

Livre d’histoire mais aussi livre de poésie nourri de légendes nordiques, de sagas, de généalogies, d’érudition et même de latin.

Au retour d’Islande, je peux mieux imaginer comment l’Althing – le parlement vieux de plusieurs siècles – a perduré, non pas comme institution qui légifère mais comme tribunal où se rencontrent nobles et mendiants, marchands et évêques. On voit aussi faucher l’herbe, traverser les rivières glaciaires. Chevaux, chiens ne sont pas oubliés.

Une conclusion magnifique à notre voyage et à toutes ces lectures islandaises!

La Saga d’Eirikr le Rouge

LIRE POUR L’ISLANDE

Un peu dépitée de n’avoir pas été capable de terminer la Saga d’Olafr de Snorri Sturluson que j’ai abandonné à peine à mi-parcours, j’ai cherché une autre saga plus abordable, et j’ai trouvé!

La Saga d’Eirikr le Rouge est un texte court et facile d’accès, avec la restriction qu’il faut se reporter aux notes de fin de chapitre pour se situer dans la géographie ou les titres islandais ainsi que les noms de bateaux.

Comme c’est la règle, chaque personnage est introduit par une généalogie abondante qui aurait pu être fastidieuse si les noms (récurrents) n’avaient pas été affublés de surnoms amusants.

« Il y avait un homme appelé Thordr qui habitaitt Höfdi dans les Höfdaströnd. Il avait épousé Thorgerdr, fille de Kjarvalr, roi des Irlandais. Thordr était le fils de Björn Beurre-en-Boîte, fils de Hroaldr-le-Triste, fils d’Aslakr, fils de Björn Flanc-de-Fer, fils de Ragnarr-au- braies-velues… »

Ces Vikings ne se contentaient pas de l’océan autour de l’Irlande et de la Norvège. On les suit en Irlande où le roi de Dublin (Dyflinn) était viking comme en Ecosse (Katanes) aux Hébrides et aux Orcades où aborde la dame Audr après avoir fait confectionné un knörr (navire) en secret.

Le voyageur du soleil sur le port de Reykjavik

Eirikr le Rouge fut d’abord mêlé à nombreuses querelles de voisinage quand ses esclaves provoquèrent un glissement de terrain sur les fermes d’un parent d’Eyjolf la Fiente qu’il tua, ce qui lui valut un bannissement. Puis une querelle à propos d’un prêt de poutres de sa salle

« alors il réclama ses poutres et ne les obtint pas. Il vint chercher les poutres à Breidabolstadr mais Thorgestr se mit à sa poursuite. Il se battirent à peu de distance de l’enclos de Drangar. périrent les deux fils de Thorgestr… »

Deux morts pour des poutres, ces vikings étaient vraiment très querelleurs!

Eirikr équipa un bateau et partit coloniser le Groenland.

Grands navigateurs, les vikings étaient aussi des voyageurs de commerce comme Einarr qui s’enrichit si bien qu’il pensa demander la main  de la fille du bondi Thorbjörn

« tu pourras, bondi, en retirer grand appui pour raisons pécuniaires »…- « Je ne m’attendais pas de toi de tels propos que je doive marier ma fille à un fils d’esclave ; et vous devez trouver que mon bien diminue pour me donner de tels conseils… »

Plutôt que déroger ils s’embarquèrent aussi pour le Groenland.

La saga se déroule autour de l’an mil, alors que les Vikings n’étaient pas encore tous christianisés. Des pratiques païennes étaient encore en vigueur et des prophétesses disaient l’avenir lors de banquets.

parures vikings au Musée National de Reykjavik

J’ai beaucoup aimé tous les détails relatifs à ce banquet et aux atours de la prophétesse:

En hiver, Thorbjörg avait coutume d’aller à des banquets : l’invitaient surtout les gens qui étaient curieux de connaître leur destinée ou ce que serait la saison prochaine. Et comme Thorkell était le plus grand bondi, on pensa que c’était à lui de savoir quand cesserait la disette qui régnait alors. Thorkell invita la prophétesse et on lui fit bon accueil comme c’était la coutume quand s’agissait de recevoir des femmes de ce genre. On lui prépara un haut siège et l’on plaça sous elle un coussin. il devait y avoir dedans des plumes de poule. Le soir, lorsqu’elle arriva avec l’homme qui avait été envoyé à sa rencontre, elle était équipée de telle sorte qu’elle portait un manteau bleu à fermoir, aux pans tout ornés de pierreries de haut en bas . elle avait au cou un collier de perles de verre, un capuchon de peau d’agneau noire sur la tête, doublé à l’intérieur de peau de chat blanche ; elle avait un bâton terminé par un pommeau ; ce bâton étai orné de laiton et le pommeau était tout entouré de pierreries. Elle avait une ceinture d’amadou à laquelle était attachée une escarcelle de peau de veau à longs poils, avec de longs lacets et de gros boutons d’étain au bout. Aux mains, elle portait des gants de peau de chat….. »

Pour que sa magie opère, il fallait chanter un poème Vardlokur. La seule qui le connaissait était une chrétienne qui fit d’abord des difficultés à se mêler à ces pratiques magiques…

Eirikr avait épousé une femme qui s’appelait Thjodhildr et eut d’elle deux fils Thorsteinn et Leifr. Alors que Thorsteinn était resté au Groenland auprès de son père, le cadet fit voile d’abord vers la Norvège à la cour du roi Olafr qui le chargea d » christianiser le Groenland.

Leifr le découvreur de l’Amérique : statue devant l’église de Reykjavik

« Leifr prit la mer, y resta longtemps et trouva des terres auxquelles il ne s’attendait pas du tout. Il y avait des champs de froment qui s’étaient ensemencés d’eux-même et des plants de vigne, il y avait là des arbres qui s’appellent mösurr (érables): ils emportèrent des morceaux de bois si grands que l’on s’en servit pour faire des maisons »

Leifr avait découvert l’Amérique qu’un bon nombre d’Islandais cherchèrent à coloniser. La coexistence avec les Indiens (ou les Inuits) fut d’abord pacifique puis la situation s’envenima et ils rebroussèrent chemin dans les années 1004.

la Saga de Saint Olaf de Snorri Sturluson – Régis Boyer

LIRE POUR L’ISLANDE

Thingvellir

A Thingvellir, à Reykolt où un musée est consacré à Snorri Sturluson, à Borganes  au Musée de la Colonisation où une exposition entière raconte la Saga d’Egill, j’ai eu très envie de lire une saga médiévale. J’ai commandé le livre de Régis Boyer édité dan la Petite Bibliothèque Payot. Couverture sobre noire, sans illustration titre en jaune, 313 pages, des notes, le tout imprimé en très petit caractère. 

Franchement, pas très attirant. Il m’a d’abord un peu effrayée. J’ai préféré les polars d‘Arnaldur Indridason, les romans islandais contemporains, repoussant cette lecture érudite quand la PAL islandaise serait liquidée. Il fallait bien se jeter à l’eau et emprunter le drakkar des vikings (le terme drakkar n’est pas correct, il y a un glossaire des bateaux à la fin de l’ouvrage).

J’ai donc suivi le jeune Olafr, fils d’Asta (je viens de quitter une Asta tout à fait moderne), élevé à la cour de Sigurdr-la-truie dans ses expéditions dès l’âge de 12 ans, au Danemark, puis en Suède,  en

« tu rompis encore, chef du serpent de la tourmente,

le martial pont de Londres ;

La chance t’a souri pour conquérir des pays.

Les écus, rudement heurtés dans le Thing de Gunnr

Jouaient et les vieilles mailles

Sautaient

Bataille s’en accrut« 

Tantôt en prose, tantôt en vers quand il cite les Scaldes qui chantent les héros (aèdes ou griots?) le texte n’est pas difficile à suivre, il faut aller chercher dans les notes la traduction de nombreux titres et surtout les noms de lieux, la géographie viking est bien différente de la géographie moderne comment deviner que Kinnlimasida désigne la Hollande, que Valland est la France, Varrandi, Guérande , Holl Dol de Bretagne ? D’autant plus que les Vikings naviguent très loin, dépassent l’Espagne, vont en Russie.

Les razzias, batailles navales sont un peu lassantes à force…ainsi que les alliances pour atteindre le pouvoir.

Cornes à boire

En revanche je me délecte de détail de la vie quotidienne, comme d’apprendre que le roi lui-même faisait les foins, comment on versait la boisson dans des cornes à boire qui comportaient des mesures, on pouvait boire des rations mesurées ou au contraire à volonté…

Au chapitre XXXII, Asta se prépare à recevoir Olafr, son fils

Asta se lève sur le champ, ordonnant à tout le monde, hommes et femmes de tout préparer pour le mieux. Elle fit prendre par quatre femmes les décorations pour la salle qu’elle fit rapidement orner de tapisseries, aux murs et sur les bancs. Deux hommes couvrirent de paille le plancher, deux autres dressèrent la desserte, deux les victuailles ; elle en dépêcha deux depuis la ferme, deux apportèrent la bière, tous les autres hommes et femmes sortirent de l’enclos….

Malgré le pittoresque des noms comme Einarr Secoue-Panse, j’ai fini par me lasser des batailles et des intrigues où je me suis perdue dans les alliances. Je ne suis pas venue à bout de la saga mais ne regrette pas la lecture du début.