Toussaint Louverture – Poème dramatique de Alphonse de Lamartine

LECTURES CARAÏBES 

Après avoir terminé l’excellente biographie de Toussaint Louverture par Alain Foix, j’ai eu la curiosité de télécharger la pièce de Lamartine. 

Depuis 1834 les hommes politiques qui croient que les gouvernements doivent avoir une âme, et qu’ils ne se
légitiment aux yeux de Dieu que par des actes de justice et de bienfaisance envers les peuples, s’étaient formés à
Paris en société pour l’émancipation des noirs ; j’y fus admis à mon retour d’Orient ;

Dans son intéressante préface, Lamartine s’enorgueillit d’avoir été le signataire du décret de l‘Abolition de l’Esclavage,

Trois jours après la révolution de Février, je signai la liberté des noirs, l’abolition de l’esclavage et la promesse d’indemnité aux colons.

Ma vie n’eût-elle eu que cette heure, je ne regretterais pas d’avoir vécu.

En revanche, il n’est pas spécialement fier du poème dramatique. Le manuscrit fut perdu, et retrouvé par son caviste au fond d’un panier. Selon Lamartine,  le succès au Théâtre de La Porte Saint Martin où la pièce fut représentée est plutôt dû à la performance des acteurs qu’au texte lui-même. 

Une étrange Marseillaise noire a attiré mon attention, version d’époque ou poème de Lamartine? 

MARSEILLAISE NOIRE

. I. Enfants des noirs, proscrits du monde,

Pauvre chair changée en troupeau,

Qui de vous-mêmes, race immonde

Portez le deuil sur votre peau !

Relevez du sol votre tête,

Osez retrouver en tout lieu
 Des femmes, des enfants, un Dieu : Le nom d’homme est votre conquête !

REFRAIN.

Offrons à la
concorde, offrons les maux soufferts,

[…]
Ouvrons (ouvrons) aux blancs amis nos bras libres de fers. II.

Un cri, de l’Europe au tropique,

Dont deux mondes sont les échos,

A fait au nom de République

Là des hommes, là des héros

 L’esclave enfin dans sa mémoire

Épelle un mot libérateur,

Le tyran devient rédempteur :

Enfants, Dieu seul a la victoire !

Offrons à la concorde, offrons les maux soufferts, Ouvrons (ouvrons)…

Malheureusement, la suite se gâte. Je m’ennuie des péripéties lyriques et familiales. Une fade Adrienne, jeune pupille parfaite, guide Toussaint déguisé en mendiant aveugle qui épie les fortifications de Leclerc. Les fils de Toussaint, élevés en métropole, sont amenés comme appâts pour fléchir Toussaint. Foix raconte cet épisode, historique, mais le drame familial s’étire en guimauve. Pas d’analyse politique, ni stratégique, point de bataille homérique. Du sentiment sucré.

De même, le meurtre de Moïse n’est en rien contextualisé. Brutus et César! De la tragédie, certes mais pas d’explications. Décevant.

Le livre se termine par les discours prononcés par A de Lamartine, à la Chambre des Députés le 23 avril 1835, le 25 mai 1836, à un banquet le 10 Février 1840, le 10 Mars 1842

Les Pierres sauvages – Fernand Pouillon

CISTERCIEN

« Un chantier est plus long qu’une guerre, moins exaltant, où les batailles sont les dangereuses corvées de tous les jours. Mais la victoire est certaine. Victoire du bouquet de la Vierge accroché là-haut, au bout du clocher, à la croix du forgeron »

Le journal de bord du Maître d’œuvre du chantier  du monastère du Thoronet commence le 5 mars 1161 et  s’achève en décembre.

A son arrivée, le défrichement de la forêt est commencé mais seulement un dortoir-atelier couvert de feuillage abrite quelques convers. La construction ne commence pas tout de suite. Avant, il faut  réunir des compagnons, carriers, forgeron, menuisier, établir la Règle de vie (on est dans un monastère).

« Après une visite approfondie du Thoronet, j’ai ordonné des aménagements dans les horaires, la discipline et créé une organisation. Ici, la vie sera dure. À l’obéissance à la Règle s’ajoutera le travail harassant de construire. »

L’auteur nous présente Paul, le carrier, Anthime forgeron, Joseph potier…ce ne sont pas des anonymes mais des personnalités attachantes. les animaux ne sont pas oubliés : les mules fournissent un dur labeur et paieront leur tribu.

Bien que le Maître d’œuvre soit loin d’être un novice, qu’il ait déjà construit nombreux monastères cisterciens, il arrive sans plan préconçu et laissera une longue période à son inspiration. Il veut d’abord s’adapter à la topographie mais aussi à la géologie du site. Un débat intéressant s’instaure entre les carriers, tailleurs de pierre pour l’aspect des blocs.

« Nous, moines cisterciens, ne sommes-nous pas comme ces pierres ? Arrachés au siècle, burinés et ciselés par la
Règle, nos faces éclairées par la foi, marquées par nos luttes contre le démon ?… Entrez dans la pierre, et soyez
vous-mêmes comme des pierres vivantes pour composer un édifice de saints prêtres. »

Le chantier exigera son lot de sacrifices : accidents du travail, dirait-on aujourd’hui. Les récits de l’agonie de Philippe, de Thomas de la mule Poulide seront tragiques. C’est le récit d’un chantier, mais surtout d’une aventure humaine. Le Maître d’œuvre ne sera pas épargné à la tâche.

Puis vient l’enthousiasme de la construction, les formes qui s’ébauchent puis se complètent :

Mes frères, ce clocher est d’inspiration spontanée. Si la plupart des éléments composants ont suscité de
nombreuses hésitations, le clocher, lui, s’est imposé comme une vision. Sachez mes frères qu’il figure le
manteau de la Vierge qui veille sur le monastère. Certes non, il n’est pas pour moi une statue incomplète ; il est
l’expression, la forme générale de ce manteau rigide, tant le tissu est lourd, brodé et couvert de pierreries. À son emplacement, il couvre l’abside, domine le transept. La chape sacrée enveloppera, dans le prolongement imaginaire de ses plis, vos stalles de moines. Forme abstraite, bien sûr, mais pour nous, maître d’œuvre, il est certain que nous mélangeons intimement poésie et réalité, plastique et préfiguration.
cherchant au paradis ses frères cisterciens : n’en trouvant aucun, il se jeta aux pieds de la Vierge en larmes. La Dame du ciel se pencha vers lui, l’aida à se relever, entrouvrit son manteau, et lui montra tous les cisterciens entourant l’abbé Bernard. Cette légende sacrée m’a inspiré le clocher de notre abbaye. »

Un beau voyage au Moyen Age initié par un successeur des bâtisseurs des cathédrales et des monastère!

Lire ici le très bel article de Dominiqueivredelivres :

 ICI

Toussaint Louverture – Alain Foix – folio

CARAÏBES/SAINT DOMINGUE

Toussaint Louverture est la figure majeure de l’Histoire des Antilles, impossible de faire l’impasse sur cette biographie. De nombreux auteurs se sont penché sur ce personnage. J’aurais aimé lire la Biographie écrite par Césaire, Schoelcher ou le poème de Lamartine . 

Parmi les nombreuses biographies disponibles,  j’ai téléchargé celle d’Alain Foix, facilement disponible sur liseuse, courte (336 p ) et très accessible. 

L’auteur a choisi de commencer au Fort de Joux Napoléon l’a fait incarcérer et où il finit sa vie. 

« Nous étions le 23 août de l’an 1802. Le fils d’un général venait à peine d’y naître. Il serait écrivain, un des plus
grands du siècle. Il s’appelait Victor Hugo. Bug Jargal, le héros de son premier roman, passait à ce moment
précis en bas de son berceau. Prisonnier de Napoléon, il arrivait sous haute escorte à sa dernière demeure…. »

Occasion d’évoquer Victor Hugo mais aussi de faire un parallèle entre les destins de Toussaint Louverture et celui de Napoléon terminant aussi sa vie emprisonné à Sainte Hélène. 

L’auteur s’attarde peu sur la vie intime de son héros, né esclave. Remarqué par son géreur et propriétaire, Baillon de Libertat, l’adolescent malingre surnommé « Fatras-Bâton » fut libéré du travail de la terre pour devenir un « nègre à talent », devint cocher ce qui lui permit de voyager. Un jésuite lui enseigna le catéchisme et lui apprit à lire dans  le livre de l’Abbé Raynal, ami de Diderot.

« ayant été affranchi à l’âge de trente-trois ans. Lorsqu’on connaît le prix exorbitant que coûtait
à l’époque l’acte d’affranchissement, cela permet de mesurer la valeur, notamment affective, que lui accordaient ses maîtres. »

[…]
« Ainsi, grâce à Baillon, aux premiers pas de cette « route de l’honneur » dont il parle, en ce Bois-Caïman, il était libre parmi ses frères esclaves. Bien plus, il était un colon, un Noir qui possédait des esclaves. »

Au soir de Bois-Caïman (14 Aout 1791) Toussaint Louverture rallie les esclaves marrons en quête de leur liberté. Il a alors 52 ans. Alors qu’en métropole, les Droits de l’Homme avaient été proclamés dès 1789, les échos parvenaient aux Antilles dans une certaine confusion. Alain Foix restitue le contexte particulièrement compliqué à Saint Domingue. L’île était partagée entre l’Espagne et la France. Depuis des décennies les esclaves marrons entretenaient des révoltes : histoire terrible de Mackendal  qui dispensait la liberté par le poison (exécuté en 1758), puis Bookman prêtre vaudou qui a prononcé le serment de Bois-Caïman, d’autres marrons avaient pris les armes: Jeannot, Jean François et Biassou. Si Toussaint Louverture rejoint les marrons, son combat est celui de la « Liberté Générale »

« Préfiguration lointaine des humains de demain. Il était déjà libre, un affranchi. Ce n’était pas de cette liberté traquée des marrons qu’il voulait, non plus de la liberté des affranchis, liberté octroyée qui vous laisse votre vie durant débiteur de celui qui vous l’a achetée. »

A côté des Noirs et des marrons, armée de brigands. Les Mulâtres avec Rigaud, Pétion, Pinchinat   jouaient sur un autre tableau  et réclament leurs droits à la l’Assemblée Nationale. Les colons Blancs se sentant menacés forment une troisième force. 

Ces trois forces s’opposent, s’allient, se réclament tantôt de la République, tantôt du roi. Toussaint Louverture va d’abord louvoyer et se livre au roi d’Espagne, où il gagne du galon.

« Ne voyait-il pas ces hommes noirs, redoutables guerriers faisant honneur au dieu de la guerre, semer la terreur dans Saint-Domingue en arborant un drapeau à fleurs de lys et criant « Vive le roi » ? 

[…]
Non, décidément, l’ennemi n’était pas le roi mais bien la république qui n’était faite à leurs yeux que pour
soutenir les petits Blancs racistes et renforcer leurs fers. Le décret du 15 mai 1791 ratifiait bien cela.
[…]
L’Espagne, Santo Domingo, voici l’alliée rêvée, voilà la solution. »

L’auteur analyse les forces en puissance et cite par le détail les différentes péripéties, compliquées par les luttes de factions à Paris, Girondins et Montagnards. Les envoyés de la Convention : Sonthonnax, Laveaux et Polverel :

« la mission de ce trio était de rétablir l’autorité de la France, inciter les esclaves à retourner dans les plantations et mettre enfin en application cette loi qui accorde aux gens libres de couleur la pleine citoyenneté. »

Sonthonnax et Laveaux reconnaissent le génie de Toussaint Louverture et négocient avec lui.  Véritable Machiavel, il fait monter les enchères d’autant plus qu’un nouvel agent entre en jeu : l’Angleterre, maîtresse de la Jamaïque toute proche. Dans ce jeu d’échecs  compliqué, chacun avance ses pions….

Quand, enfin, Toussaint Louverture rétablit la paix civile à Saint Domingue, il cherche à rétablir également la prospérité de l’île en encourageant l’agriculture. Cherchant à se concilier les planteurs blancs, il n’est pas  compris des combattants noirs et son fils adoptif, lui-même fomente une révolte.

« L’économie de Saint-Domingue devenait florissante, mais le mécontentement grondait. Les paysans noirs se
sentaient floués. Ils auraient aimé une parcellisation des terres leur permettant de cultiver pour leur propre subsistance. Ils rêvaient d’une forme d’autarcie, et il est vrai que le climat et la terre très fertile de Saint-
Domingue étaient propices à la diversification des cultures, à une agriculture de subsistance. »

 

Mais c’est Napoléon qui va mettre fin à l’aventure :

« En cet hiver 1802, l’espoir était en berne. La pensée des Lumières avait baissé son pavillon d’humanité. L’Aigle
impérial tenait toute la philosophie entre ses serres acérées. Toussaint Louverture se mourait dans sa prison
glacée de solitude. Une solitude existentielle. Celle d’une pensée clairvoyante »

L’expédition militaire de Leclerc ayant échoué avec l’aide de la fièvre jaune qui a décimé les troupes après les durs combats, la route était libre pour l’indépendance de Haïti 

« le 4 juillet 1804, le nom d’Haïti comme le cri d’un aigle en haut des cimes, allait naître sous les sabots de Dessalines, lieutenant de Toussaint Louverture »

Livre d’histoire très détaillé et passionnant. L’auteur a aussi su animer la personnalité hors du commun de Toussaint Louverture, homme des Lumières, d’une intelligence peu commune, de goûts simples, affectueux….

 

Le Quatrième Siècle – Edouard Glissant – Imaginaire Gallimard

LITTERATURE CARAÏBES

« Voilà quatre siècles que nos ancêtres esclaves ont été déportés d’Afrique aux Antilles. Le quatrième siècle est, pour moi, le siècle de la prise de conscience. » EG

Ce roman retrace l’histoire enchevêtrée de deux lignées : les Longoué et les Beluse que raconte papa Longoué, le quimboiseur, au jeune Mathieu Béluse.

« Cet homme qui n’avait plus de souche, ayant roulé dans l’unique vague déferlante du voyage (gardant assez de force pour s’opposer à l’autre et pour imposer, dans la pourriture de l’entrepont, sa force et son pouvoir à la troupe de squelettes ravagés par la maladie et la faim… »

L’histoire  commence  avec l’arrivée du navire négrier, la Rose-Marie, en juillet 1788. Deux propriétaires attendent la cargaison : le chevaleresque  Laroche de l’habitation l’Acajou et Senglis, le contrefait. Deux hommes se battent sur le pont. Chaque propriétaire emportera son champion. 

L’esclave acheté par Laroche s’enfuit dans les mornes, enlève une esclave et choisit le marronnage, celui de Senglis vivra dans la servitude, sa belle prestance lui vaudra le statut de reproducteur « le bel usage » d’où son nom de Béluse. 

A travers les siècles, le destin des descendants de ces deux hommes se déroule entre les hauteurs et les bois, et les plantations de canne. Deux fils, Liberté et Anne se lient d’amitié, puis se querellent…

Après l’abolition de l’esclavage en 1848  de nouveaux liens se nouent entre les Longoué et les Béluse. Les marrons descendent des mornes, mais Stéfanise Béluse, une forte femme, décide de monter pour vivre avec Apostrophe Longoué.

L’histoire de la Martinique se lit en filigrane avec l’éruption de la Montagne Pelée, la Grande Guerre qui mobilise les fils qui ne rentreront pas tous. j’ai al surprise de lire que finalement le quotidien de ces descendants d’esclave ne change pas tellement : la terre appartient toujours aux mêmes propriétaires, la subsistance est toujours aussi difficile à assurer ;  les cyclones ravagent les cases et les jardins. Les quimboiseurs se transmettent le savoir ancestral de guérisseurs. Ce roman est aussi une histoire de transmission de ce savoir de papa Longoué au jeune Mathieu.

« Le passé. Qu’est-ce que le passé sinon la connaissance qui te roidit dans la terre et te pousse en foule dans demain? Quinze jours auparavant, les femmes des campagnes étaient descendues sur la ville, la police avait arrêté un coupeur de cannes, responsable d’un « mouvement de sédition », il était avéré que ce dirigeant syndicaliste s’était cassé un bras en tombant dans al pièce où on l’interrogeait, la gendarmerie avait tiré sur la foule, morts et blessés avaient suri au soleil avant qu’on n’ait pu  les relever. Cela, ce n’était pas le passé, mais le mécanisme hérité du passé, qui, à force de monotone répétition, faisait du présent une branche agonisante… »

J’ai lu avec beaucoup de plaisir cette histoire contée avec poésie. J’ai senti le souffle du vent, l’exubérance de la végétation, senti la chaleur du soleil et même humé des fragrances agréables ou très pénibles.

Je ne veux pas terminer sans citer la préface de Christiane Taubira. Quel style, une claque! 

La Huitième Vibration – Carlo Lucarelli

LE MOIS ITALIEN

“Nous y sommes allés sans préparation, mal commandés et indécis et, ce qui est pire, sans le sou. En nous fiant à la chance, à l’art de s’arranger et à notre bonne mine. Nous l’avons fait pour donner un désert aux plèbes déshéritées du Midi, un débouché au mal d’Afrique des rêveurs, pour la mégalomanie d’un roi et parce que le président du Conseil doit faire oublier les scandales bancaires et l’agitation de la rue. Mais pourquoi est-ce que nous faisons toujours ainsi, nous autres, Italiens ?”

Comme Le Temps des Hyènes, La Huitième Vibration, raconte la colonisation italienne de l’Erythrée et la guerre contre l’Ethiopie en 1896 qui a abouti à la défaite d’Adoua le 1er mars 1896. L’action se déroule dans la ville portuaire de Massoua, sur la rive africaine de la Mer Rouge. 

Les personnages sont pour la plupart des Italiens militaires. Les officiers ont choisi (pas toujours) le service en Afrique, et pas toujours pour de bonnes raisons. Les soldats ne comprennent pas tous ce qu’ils viennent faire. Ils proviennent de différentes régions d’une Italie qui n’a été unifiée que depuis une trentaine d’années et qui ne se comprennent pas tous. L’auteur s’applique à jouer avec les différents dialectes, accents si différents que le berger des Abruzzes ne comprend pas ses chefs, et ne s’en fait même pas comprendre, que le carabinier sarde  né à Bergame, mélange les deux prononciations, Siciliens et Vénitiens sont aussi très différents… le traducteur s’amuse à différentier les différents parlers : c’est Quadruppani rompu à l’exercice quand il traduit Camilleri. Mon niveau en Italien ne me permettrait pas d’apprécier les nuances. 

Différentes origines sociales se croisent, se toisent. Il y a même un anarchiste pacifiste, réussira t il à ne pas tirer? Le journaliste cherche un scoop. Un carabinier cherche un meurtrier d’enfant, anonyme, il poursuit le suspect. Roman policier. Roman d’amour.

Les Africains, tigréens, éthiopiens, arabes vivent à la marge de la colonie. Les femmes sont le plus souvent des prostituées. Askaris, zaptiés, supplétifs de l’armée italienne. Espions de Ménélik aussi….

 

« Vous le savez comment on l’appelle, Otumlo ? – Non. – Minableville, on l’appelle. – Bon, d’accord. Et qu’est-
ce qu’il vend, le Grec ? – Les personnes. Il vend des sharmutte… des putains, des gamins, des ouvriers agricoles… autrefois aussi des esclaves, quand il y avait les Égyptiens. Maryam a dit à mon espionne que l’autre
soir un soldat italien est venu pour acheter un enfant. »

Il fait très chaud à Massoua. L’action s’englue. L’histoire se traîne  (c’est voulu) dans une atmosphère de corruption. Elles ne sont pas jolies, les colonies.

Quand les troupes partent en guerre des fiers-à-bras, des lâches, des idiots se révèlent

Non, ce n’est pas du patriotisme, non, par Dieu, d’envoyer de nouveaux soldats au massacre… ni de garder là-bas ceux qui y ont été envoyés, parce que vos erreurs, ce sont vos fils qui les paient… mais vous ne comprenez pas, oh, bande de crétins, que les patriotes, ce sont les Abyssins ?” Et il aurait même ajouté : Ribellione, d’Ulysse Barbieri, un grand auteur, mais le sergent s’était immobilisé d’un coup. »

Et le désastre est inéluctable.

Après Le Temps des Hyènes , l’effet de surprise ne joue plus. J’avais été bluffée par ce dernier livre. Je retrouve la même histoire ; policier, historique, africain. 

Une bonne lecture!

Péché Mortel – Carlo Lucarelli

POLAR HISTORIQUE

Bologne 1943

L’histoire commence le  24 juillet 1943 tandis que les combats font rage en Sicile et se termine , le jeudi 2 décembre 1943 avec la déportation des Juifs. Entre temps, la situation politique et militaire est très confuse : juillet, Mussolini démissionne, le Roi prend le commandement des armées avec Badoglio. Début septembre, les Allemands occupent Bologne, la République est proclamée et les fascistes sont de retour sous la coupe des occupants.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? – Mussolini est tombé, dit l’agent. – Il s’est fait mal ? demanda De Luca. Les
policiers échangèrent des regards perplexes avant de se mettre à rire. – Mais non ! Le gouvernement est tombé. »

L’auteur rythme le récit de l’intrigue policière par les titres du journal local, Il resto del Carlino, évènements marquants  aussi rationnement alimentaire, sortie de films et même émissions de la radio.

Le commissaire De Luca est un policier consciencieux, en cherchant à démanteler un réseau de marché noir, il butte sur un cadavre. Cadavre sans tête. Suivant son flair d’enquêteur, il découvre une tête sans corps. Affaire résolue? Pas du tout, la tête n’est pas celle du cadavre! De Luca se laisse emporter par cette énigme malgré la réticence de ses chefs.

« Alors qu’il peut arriver n’importe quoi… les fascistes, bon, ceux-là, maintenant… mais les communistes, qui  sait, bref, il peut arriver n’importe quoi et nous, au lieu d’aider à garder la situation en main, on va à la chasse…  de quoi, De Luca, mon garçon, de quoi ? « 

Alors que les bombardements font des dizaines de victimes civiles, que les combats dans le sud de l’Italie sont meurtriers, que des italiens sur le front de l’Est ne reviendront pas, qui se soucie de l’assassinat de deux inconnus? Même s’ils deviendront quatre. Et encore moins s’il s’agit d’un Trafiquant de marché noir, un aristocrate débauché, joueur et de trafic de cocaïne! La corruption gangrène aussi bien les autorités. Et surtout quand on découvre que l’une des victimes était un juif et l’autre un albanais, c’est connu, les Albanais ont un code, le Kanun, qui dicte des vengeances cruelles!

« Un apatride et un interné. Qui ça intéresse ? Je ne peux pas nier qu’on l’aurait fait encore, mais faites-moi
confiance, je n’aurais choisi que des gens comme ça. Juifs, exilés, réfugiés, internés, deux ou trois, quatre au
maximum, pas plus. Qui ça intéresse ? Qui en sent le manque ? »

Alors que dans les rues on défile en chantant Bandiera Rossa 

 une inscription à la peinture rouge sur le mur, “Nous voulons des pâtes et de l’huile, Badoglio et le roi à la cave, le Duce à la guillotine”,

Dans les bureaux des chefs, on complote, on cache les portraits du duce compromettants, on organise sa fuite et on met à l’abri ce qui peut être utile. On se défile de ses responsabilités. Cachotterie, copinages, corruption à tous les étages, même menaces. J’ai eu un peu de mal à identifier qui était milice, police, fascistes. Peut-être, cette confusion est intentionnelle? Quant au fichage des Juifs, personne ne veut ouvertement prendre la responsabilité de transmettre une liste aux Allemands mais tout le monde se moque de leur sort.

Un polar addictif, une lecture qu’on ne veut pas lâcher.  J’ai aussi appris beaucoup sur la vie quotidienne sous les bombes. De nombreux détails sont marquant. Saviez-vous qu’en 1943 un film est sorti dans les salles « la vie est belle? »

 

Grandeur nature – Erri de Luca

LITTERATURE ITALIENNE

Quand revient le mois de mai, revient le Mois de la littérature italienne/ Il Viaggio initié par Eimelle d’abord, puis administré par Martine, il a changé récemment de nom pour intégrer la cuisine et la culture italienne. J’attends chaque année ce rendez-vous qui est aussi celui de mes auteurs italiens préférés. Chaque année je lis un livre (ou plus) de Camilleri, d‘Erri de Luca, et j’en découvre d’autres sur les conseils des blogueuses.eurs. 

J’ai découvert Erri de Luca avec Montedidio qui m’a incité à partir illico pour Naples, j’ai fait confiance à l’auteur et ai rarement été déçue quoique ses romans napolitains sont mes préférés. Impossible et les textes écrits pendant le confinement Le Samedi de la Terre ont aussi trouvé un écho militant et écologique qui m’ont parlé. Récemment j’ai écouté sa voix dans des podcasts de Radio France : L’Heure Bleue. 

Grandeur nature est un recueil d’une vingtaine de nouvelles et textes courts  souvent autobiographiques, sur le thème du rapport père-fils. Erri de Luca même septuagénaire, se considère toujours un fils puisque qu’il n’a jamais eu d’enfant. 

Chagall – Portrait du Père

Le texte GRANDEUR NATURE s’ouvre sur le portrait du père de Chagall avec l’émancipation du fils qui s’exile, de sa ville et de sa langue, le yiddisch, mais il se mêle au texte biblique du sacrifice d’Abraham et de l’obéissance d’Isaac qui se laisse lier, attacher pour le sacrifice . Obéissance insensée.

N’existe-t-il pas de légitime défense contre son père, n’existe-t-il pas un droit de rébellion ? Est-ce bien moi qui ai écrit cette phrase, démenti de moi-même, des jeunes d’une génération qui s’est insurgée contre les pères ?

Je n’arrive pas à adhérer aux références au textes sacrés et surtout à l’hébreu bibliques. Pourquoi donc traduire lecaved en « donner du poids » et non pas en « honorer »? Quand on félicite quelqu’un « col hacavod » c’est un honneur et  non pas une charge! peut être mon hébreu moderne parasite la lecture religieuse. La recherche du sacré dans les textes m’est totalement étrangère et même m’agace un peu. Ironie de cette référence quand je lis plus avant dans le livre le chapitre sur Mai 68

Un court texte intitulé Note rappelle que Marc Chagall  et Stravinsky étaient détenteurs d’un passeport Nansen 

« Un apatride est quelqu’un qui perd sa nationalité par privation d’État. En Italie, les lois raciales de 1938 la retirèrent aux personnes d’origine juive.
Nansen reçut le prix Nobel de la paix en 1922 pour le passeport qu’il avait voulu et réalisé. »

Utile rappel dans l’Italie de Meloni!

Dans Notion d’Economie, Erri de Luca raconte son enfance, son éducation, les rapports à l’argent que lui ont transmis ses parents. 

le texte suivant raconte les enfants misérables de Naples. Erri de Luca n’est jamais meilleurs que quand il raconte sa ville.

le Tort du Soldat est une histoire plus longue, tirée d’une version théâtrale ancienne. la culpabilité peut-elle se transmettre à travers les générations? La fille doit-elle porter le lourd héritage du père (alors qu’on lui a caché le tort?). Ici aussi, j’ai calé aux références de la kabbale. Décidément je suis anticléricale totale! le nazi se penchant sur la kabbale, très tordu! 

MERCI est une histoire sur la relation mère/fille que j’ai bien aimé.

UNE EXPRESSION ARTISTIQUE  illustré par un pavé lancé : Qui chute Anvidalfarei  

1968 fut l’année académique du pavé extrait de sa base et projeté en l’air.

nous étions nombreux, enfants de l’après-guerre, de l’élan d’un peuple à se reproduire après les décimations. Nous étions aussi la première génération cultivée en masse. Les deux vertus réunies étaient incendiaires.

Continuons le combat ». De là aussi le nom de l’organisation révolutionnaire italienne qui a suivi : Lotta Continua

Expression artistique : il cite les artistes qui ont donné des oeuvres pour la lutte :

Beuys, Boetti, Castellani, Kounellis, Matta, Schifano.

et il termine :

On me demande parfois ce qu’il en a été de ce temps-là, ce qu’il a laissé. Je réponds : le vide, celui du trou des
parasols retirés à la fin de l’été, profond, même beau à voir, avant que le sable le recouvre sans laisser de trace.

Erri de Luca ancien militant soixante-huitard m’intéresse décidément plus que l’exégèste de la Bible. Et Impossible m’a plus accrochée. 

 

Mai 67 – Thomas Cantaloube – Série noire Gallimard

GUADELOUPE 

 

« Ce n’est pas un affrontement entre flics et grévistes qui dégénère, c’est quelque chose qui remonte des tréfonds de notre histoire. Les gens sur la place de la Victoire ont complètement oublié les demandes d’augmentation. Ils se battent maintenant contre l’injustice, contre ce qu’ont subi leurs parents, leurs grands-parents et toutes les générations avant. Les policiers en face, eux, tout ce qu’ils voient, ce sont des Noirs qu’il faut remettre à leur
place ! »

[…]

Le 27 mai, c’est la date anniversaire de l’abolition de l’esclavage en 1848,

Qui connaît le massacre du 26 au 28 mai 1967 sur la Place de la  Victoire à Pointe-à-Pitre?

Au cours de notre visite en touktouk de Pointe-à-Pitre, Baptiste, notre guide a immobilisé le touktouk pour nous montrer la fresque et nous conter cet épisode tragique de l’histoire de la Guadeloupe.

Le livre de Cantaloube tente de nous éclairer sur cet épisode oublié de l’histoire récente. Oublié ou occulté? Le décompte des victimes n’a même pas été établi, 8 morts, officiellement, une centaine, avance Christiane Taubira, peut-être davantage. Sans compter les arrestations, et l’emprisonnement en Métropole de syndicalistes et militants et même de personnes n’ayant pas pris part aux manifestations.

Ce n’est pas un livre d’histoire, mais une fiction.  l’auteur est toutefois très bien documenté et livre ses sources.

Trois personnages principaux interviennent : un journaliste ancien flic, un barbouze émargeant aussi bien à la CIA que dans les officines parisiennes d’ultra droite, un ancien truand corse, marseillais, spécialiste des convois de drogue, reconverti skipper transatlantique pour les yachts de luxe. Tous trois connaissent les coups tordus, le maniement des armes, savent donner des coups (et les encaisser). Nous allons suivre les aventures de ces tristes sires en Guadeloupe d’abord, puis à Paris avec combats de rue et barricades de Mai 68. Une France qui s’ennuie comme on l’a dit à la télé? Peut être que la Guadeloupe n’est pas tout à fait la France? En tout cas l’Etat de Droit n’y règne pas vraiment.

Loi du genre, le roman sera bien arrosé de rhum et d’hémoglobine. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Je me serais passée des vengeances personnelles. Mais l’aspect trouble de cette période, les personnages comme Foccart, les dessous pas très propres de la France sous De Gaulle sont très bien évoqués.

L’île Sous la Mer – Isabel Allende

LIRE POUR LES CARAÏBES – HAÏTI

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Grande fresque historique (624 pages)  qui se déroule à Saint-Domingue de 1770 à 1793 jusqu’à la guerre civile puis à La Louisiane 1793 – 1810.

« Danse, Zarité, danse, car un esclave qui danse est libre… aussi longtemps qu’il danse », me disait-il. Moi, j’ai toujours dansé. »

Deux récits s’entremêlent, celui de Zarité , l’esclave mulâtre, et celui de son maître, Toulouse Valmorain qui débarque de Paris pour prendre la succession de son père à l’Habitation Saint Lazare – une plantation sucrière. 

« Vous avez la chance de ne pas être un planteur, dit Valmorain. Je n’aime pas l’esclavage, je vous l’assure, et
j’aime encore moins vivre ici, mais il faut bien que quelqu’un dirige les colonies pour que vous puissiez sucrer votre café et fumer un cigare. En France, on profite de nos produits, mais personne ne veut savoir comment on les obtient. »

L’auteure Isabel Allende est chilienne, le livre est donc traduit de l’Espagnol ce qui me change de la littérature caraïbe que j’ai lue jusqu’à présent : Chamoiseau, Maryse Condé ou Simone Schwartz Bart dont le style intégrait les influences créoles. Lecture plus fluide, mais moins dépaysante. Saint Domingue était à moitié espagnole et la Louisiane colonie espagnole, une partie du roman se déroule à Cuba.

Décentrement aussi de l’action, L’île sous la mer met en scène les planteurs, les  Grands Blancs, les autorités militaires, et toute une bourgeoisie urbaine avec les cocottes qui apparaît beaucoup plus marginalement dans les romans précédemment cités où narrateurs et personnages principaux étaient plutôt des esclaves, des noirs, et des gens très simples. 

Roman historique et aussi roman d’amour : les histoires d’amour occupent une grande place dans le récit. Amour maternel surtout: Zarité met au monde deux enfants dont le maître est le père, elle élève le fils de son maître et de sa femme décédée comme ses propres enfants. Relations entre le maître et l’esclave, achetée à 9 ans, violée à 11….Amour de Zarité pour un esclave qui s’enfuira et deviendra lieutenant de Toussaint Louverture. . A propos de Toussaint Louverture, j’aurais aimé en savoir plus!

j’ai aussi bien aimé les personnages du médecin, le docteur Parmentier, et de Tante Rose, la guérisseuse de Saint Lazare, détentrice d’un savoir ancestral, et aussi de pouvoirs occultes.

« Depuis le seuil, Tante Rose a vu le Baron Samedi et un frisson l’a secouée, mais elle n’a pas reculé. Elle l’a
salué par une révérence, en agitant l’asson avec son cliquetis d’osselets, et lui a demandé la permission de
s’approcher du lit. Le loa des cimetières et des croisements de chemins, avec sa tête blême de mort et son chapeau noir, s’est écarté, l’invitant à s’approcher de doña Eugenia ; celle-ci respirait comme un poisson,
trempée, les yeux rougis par la terreur, luttant contre son corps qui faisait du mieux qu’il pouvait pour libérer le bébé, tandis qu’elle le retenait en serrant avec force. Tante Rose lui a mis l’un de ses colliers de graines et de
coquillages autour du cou et elle lui a dit quelques mots de réconfort, que j’ai répétés en espagnol. Puis elle s’est
tournée vers le Baron. »

La deuxième partie du livre se déroule en Louisiane, une plantation sucrière, des esclaves…Tous les personnages, ou presque vont se retrouver. la Louisiane devient française, pour peu de temps, puis américaine…

Une lecture plaisante et instructive.

 

Pointe à Pitre : Memorial ACTe

GUADELOUPE

Le Mémorial ACTe peut se visiter comme un musée retraçant l’Histoire de l’esclavage, l’Histoire de la Guadeloupe en particulier, de Sumer à l’Abolition. Il peut aussi se visiter comme un pèlerinage. Ou même comme un Musée d’Art Moderne.

Habillé d’une résille métallique, admirablement situé sur le bord de l’eau, un peu à l’écart de la ville sur le site de l’ancienne Usine Darboussier, la plus grande sucrerie de l’île.

Il faut abandonner les sacs dans les casiers, appareils photos, caméras et smartphone interdits. L’hôtesse équipe le visiteur d’un casque-audioguide compris dans le prix d’entrée (7€/solo – 10€ pour deux)

LA CONQUÊTE

On découvre la petite Vierge noire de Guadalupe qui a donné son nom à l’Île à la suite d’un vœux de Christophe Colomb.

Quatre personnages – quatre destins – accueillent le visiteur Juan Garrido, le conquistador noir, Francis le Wolof, esclave allié aux Amérindiens pour lutter contre les Espagnols, Louis le Marron qui a vécu avec les Amérindiens Caraïbes, Jean Le Portugais. Ces personnages surgissent d’écrans, ils interpellent le visiteur en racontant leur histoire.

La salle suivante montre la diversité des populations précolombiennes, l’occupation progressive des Antilles. D’abord, la conquête espagnole qui commence à Hispaniola (Haïti), Porto Rico et Cuba. Anglais et Français arrivèrent plus tard et conclurent d’abord des alliances avec les Indiens Caraïbes. Le Traité de Basse Terre (1660) concède la Dominique et Saint Vincent à ces derniers ?

Dans les vitrines sont exposées armures et arbalètes.

Une autre vitrine « Taïno et Kalinago » présente les trésors des Amérindiens, pectoral en or, objets usuels et objet des chamans.

Au mur, des œuvres contemporaines posent la question : « Le noir est-il une couleur ? » . L’œuvre La voleuse d’enfant de Thierry Alet est une sorte de mosaïque avec un code couleur sur fond noir. Les œuvres contemporaines dispersées à travers les collections historiques m’intéressent quoique cette installation ne m’a pas parlé.

Pirates et Forbans raconte une autre histoire avec une projection d’une bataille navale sur un mur. La tradition de la piraterie aux Antilles s’est poursuivie jusqu’au XIXème siècle.

VERS L’ESCLAVAGE

Je reconnais le téléfilm La Controverse de Valladolid de JC Carrière, dont je garde un souvenir très vif 30 ans après l’avoir vu. Une spirale des temps de l’esclavage commence dès le IV ème millénaire à Sumer, en passant par les Hittites, Egyptiens, la Grèce, Rome jusqu’aux temps modernes de la Traite Atlantique où 12 à 13 millions de Noir ont été victimes de la traite en trois siècles. Cette énumération est ponctuée de quelques trêves abolitionnistes comme en 539 av JC la proclamation de Cyrus ou l’affranchissement par Louis le Hutin.

l’arbre de l’oubli – Pascale marthine Tayou

L’arbre de l’Oubli : installation de Pascale Marthine Tayou , me ramène à Ouidah (Bénin) . Malgré l’interdiction de prendre de photos je sors mon téléphone de sa cachette et découvre que je ne suis pas seule à le photographier.

PASSAGE DU MILIEU

Un couloir noir, éclairé de rouge va faire imaginer au visiteur l’horreur de laTraversée.

En sortant du Sas, on arrive dans une salle dédiée au CODE NOIR dont une page est projetée au mur. L’œuvre de Pélagie Gbaguidi montre le Code Noir comme une blessure physique. Tandis que la tapisserie d’Abdoulaye Konaté : l’Homme biométrique montre des hommes couchés de toutes couleurs. Les œuvres contemporaines sont plus présentes et apportent une charge émotionnelle croissante : ces entraves aux pieds, ces anneaux sont-ils réels ou figurés ? Insensiblement je zappe les informations chiffrées, les cartes pour être emportées par ces créations contemporaines qui font partie intégrante du parcours dans le musée.

kara Walker : the Palmetto Libretto

LA SOCIETE D’HABITATION montre les conditions de vie des esclaves et celles des maîtres ? Après un tableau d’époque montrant la baignade des belles dames, on voit la case des esclaves en branchages. Le polyptique de Kara Walker : The Palmetto Libretto est d’une grande violence. Une projection raconte la Journée d’un esclave.

DE LA CONTESTATION A LA REVOLTE

Est illustrée par Two feathers de Frohawks

L’histoire des idées n’est pas oubliée Au XVIIIème siècle, Les idées des Lumières mais aussi l’apogée de la déportation des Africains et le maximum de l’esclavagisme la contestation de l’esclavagisme se fait parmi les Encyclopédistes comme dans la Franc Maçonnerie, Une salle est dédiée à la Franc Maçonnerie qui a joué un rôle important malgré la division au sein des loges entre conservateurs esclavagistes et abolitionnistes. De même l’acceptation des gens de couleur au sein des loges ne s’est faite que progressivement et tardivement.

En face, Santeria du cubain Santiago Rodriguez OlaZabal ainsi que la présentation des tambours voisines rappelle les origines africaines et le vaudou et nous mène logiquement au Carnaval avec ses costumes colorés variés parfois effrayants.

carnaval

En face, la salle consacrée à l’Eglise et l’Esclavage est plus ambiguë surtout dans l’intention de « l’évangélisation des sauvages » prétexte à la Colonisation. La profonde religiosité des descendants des esclaves ne m’a pas paru suffisamment expliquée.

LE TEMPS DE L’ABOLITION

J’aurais dû passer moins de temps dans les premières salles pour avoir encore la disponibilité de prendre des notes. Cette période est très riche et passionnante. Je n’ai noté que le nom des œuvres contemporaines.

Le parcours chronologique reprend avec la célébration de Toussaint Louverture :

Toussaint Louverture de Mario Benjamin (Haïti) est violent, impressionnant comme la composition de Shuck One qui rappelle la Bataille de Guadeloupe en mai 1802 lors du rétablissement de l’esclavage.

La fin du parcours célèbre Thomas Clarkson et Victor Schoelcher

On passe à l’histoire post-esclavagiste avec une représentation de l’Usine Darboussier, la plus grande sucrerie de l’île, puis distillerie où on a installé le Mémorial, l’arrivée d’une main d’œuvre importée….

Puis l’évolution de l’image des noirs de l’abolition à nos jours

J’aurais pu, si j’en avais eu encore l’énergie et la concentration, entendre les voix et lire Aimé Césaire, Senghor, ou Miriam Makéba. La citation de Wolé Soyinka sur la Tigritude répond au concept de négritude développé par Césaire et Senghor.

Une visite n’est pas suffisante pour épuiser les richesses du MACTe/Il faudrait revenir.

J’ai préféré passer plus de temps à regarder l’exposition de Ronald Cyrille AkaB ;Bird artiste invité 2022 -2023 au MACTe. B.Bird est le pseudonyme de l’artiste né en 1984 à Saint Domingue, il est arrivé en Guadeloupe . Il a étudié et il vit en Martinique. J’ai beaucoup aimé les collages roue/blanc/noir évoquant l’esclavage : hommes découpés, corps étirés, torturés. D’autres œuvres sont très différentes touffues, très colorées rappelant la nature exotique, les couleurs caribéennes avec des jaunes acides bleus turquoise. Images violentes, homme-coq, hommes-chiens avec des dents très visibles. Images violentes.

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