Kimono au Quai Branly

Exposition temporaire jusqu’au 28 mai

Le kimono est un des symboles de la culture japonaise.

Pendant l’ère Edo (1603-1868) , le kimono est associé au « monde flottant » avec  divertissement et érotisme  ; le kimono est  un moyen d’afficher son statut social.

« monde flottant » divertissement sur l’eau

Les kimonos atteignent un tel degré de sophistication que des des lois somptuaires ont été édictées pour freiner les surenchères. Broderies, fils d’or, paysages illustrant des poèmes connus comme le « Temple d’Ishiyima »

Au temple d’Ishiyama
La lune éclairant
Le petit lac de Grèbe
est aussi merveilleuse
Qu’aux baies de Suma et Akashi

Les broderies ou les teintures sont variées. il existe des kimonos masculins et féminins, des kimonos d’été légers et des sur-kimonos.

Le Japon est fermé-théoriquement – au commerce, les échanges uniquement par l’intermédiaire  des Néerlandais, pourtant certains tissus ont parcouru une longue distance de Coromandel (Indes), par la Thaïlande et même parfois d’Angleterre. Les kimonos sont présentés avec un luxe d’accessoires en laque ou écaille ou métaux travaillés : peignes, boites pour maquillage, peignes, aiguilles à chignon. Des estampes illustrent la toilette

une élégante à sa toilette

1859 : ouverture du Japon au commerce extérieur avec l’ère Meiji les hommes adoptent le costume occidental et le kimono devient un apanage des femmes gardiennes de la tradition. En même temps, le kimono devient à la mode en Europe et aux Amériques. Victoria et Albert firent l’acquisition d’un kimono en 1891, représentation de Madame Butterfly (1904) et déclinaison du kimono en toutes sortes de modèles pour l’exportation : robe de chambre  pour l’Ecosse (bien chaude) robe imitant un kimono

Robe ou kimono?

Ces kimonos sont présentés avec un luxe d’explications techniques : matières, teintures, broderies (teinture à la pâte de riz, par ligature…) .

Surkimono rouge de la mariée brodé de grues

La dernière partie de l’exposition est résolument moderne. On y découvre l’usage actuel du kimono : essentiellement rituel : mariages, ou présentation d’enfants au temple shinto

kimonos d’enfant

A côté des kimonos dédiés à la tradition et aux cérémonies, toute une section de l’exposition montre l’inspiration très moderne dans le monde du spectacle et de la haute couture. Des stars comme David Bowie, Björk, Freddie Mercury ont porté des costumes de scène très japonisants. Sans parler de Starwars

le kimono au cinéma : Starwars et Kurosawa

Enfin nous assistons à un défilé Haute Couture avec Galliano (entre autres) et des créations modernisant le kimono pour en faire un article ultra-moderne comme un kimono « camouflage » ou l’obi est remplacé par une ceinture de cuir, ou une version costume et toutes sortes de variations

Défilé de mode contemporain

j’ai beaucoup apprécié la chimère Waxafrica

Waxafrica

Un de mes préférés

Musée Guimet : Le fil rouge de Chiharu Shiota

JAPON:ART CONTEMPORAIN

Chiharu Shiota détail

Chiharu Shiota est une plasticienne japonaise  née au Japon en 1972 mais travaillant depuis 1996 à Berlin. Artiste mondialement connue, elle a représenté le Japon à la Biennale de Venise. 

Guimet lui offre une « carte blanche », elle déploie son fil rouge dans la Rotonde puis on peut la suivre dans les étages.

 

chihuharu shiota

oeuvre réalisée pendant le confinement. Impression d’enfermement. Dérisoires objets minuscules prisonniers du fil rouge qui tisse un plafond comme la toile d’une araignée.

L’arc et le sabre – L’ Imaginaire guerrier du Japon – Musée Guimet

Exposition temporaire jusqu’au 29 Aout 2022

Je rêve de visiter le Japon. Depuis la pandémie les voyages se compliquent. Je me contente donc du Japon à Paris, cinéma ou expositions et je suis rarement déçue. Le thème de L’imaginaire guerrier n’est peut être pas mon thème de prédilection mais j’ai été éblouie par la qualité des objets de cette visite, le raffinement des  matières et des techniques.

Haniwa (5ème siècle)

Le guerrier le plus ancien de la collection est ce Haniwa de terre cuite qui était planté autour d’une tombe. Ces guerriers étaient alignés parfois par centaines et sur plusieurs rangs.

Au 6ème siècle, avec l’arrivée du bouddhisme au Japon ces représentations ont disparu.

Archer photo ancienne

Cette exposition n’est pas chronologique, elle est plutôt thématique. Nous découvrons tout d’abord l’équipement du samouraï sur de très belles photos anciennes :

Samouraï casqué
Deux samouraïs

Diverses pièces sont exposées dans des vitrines comme une veste de pompier matelassée toute décorée, divers casques, des poignées de poignards , des gardes de sabre. Chaque objet est une véritable œuvre d’art : les casques portent des représentations d’animaux symboliques censées effrayer l’ennemi : la libellule, le serpent enroulé, aussi le lapin (un lapin effrayant? oui pour un ennemi japonais!) . Les gardes de sabre ou les étuits de poignards sont des merveilles d’orfèvrerie

Tsuba : garde de sabre

plus curieusement cette représentation de l’équipement du guerrier accompagnée d’un navet (pourquoi un navet?)

Equipement de samouraï et navet

Le théâtre a utilisé les représentations  des combats, les samouraïs, objet de théâtre ou de parodie : le nô né au XIVème siècle, le kabuki XVIIème (théâtre outrancier et burlesque.

Histoire des 47 Ronins

L’Histoire des 47 Ronins occupe toute une salle. Basée sur un fait historique 1703 avec le suicide par éventration (seppuku) d’un maître suivi de celui des 47 disciples.  La série d’estampes raconte cette histoire : « Le théâtre des vassaux fidèles » avec de nombreux épisodes et luxe de détails aussi bien dans la représentation de combats que dans la vie quotidienne. elles sont l’œuvre de Uttagawa Hiroshige (1797-1858)

Histoire des 47 Ronins
Historie des 47 ronins (détail)

je regarde ces estampes réalisées au XIX ème siècle comme de véritables bandes dessinées d’une qualité graphique exceptionnelle.

Pas étonnant que la suite de l’exposition logiquement débouche sur les Mangas . Le mot « manga« est apparu à la fin du XVIIIème siècle. Le manga d’Hokusai commencé en 1814 est une collection de carnets de dessins. 

Conclusion de l’exposition : XXI ème siècle

Objet dérivé : figurine plastique

Il faudrait aussi partir du côté du cinéma : on peut assister à la projection d’un film muet de 1910 : « Le châtiment du samouraï » (Pathé) .Une collection d’affiches montre les films japonais ou non-japonais inspirés par la figure  du samouraï  :  Les 7 Mercenaires, La Guerre des Etoiles, Kagemusha, ghost Dog (Jarmusch), Kill Bill (Tarantino). Nous sommes arrivées bien loin du guerrier d’argile du Vème siècle!

Eça de Queiroz / 202 Champs Elysées – Ed. Chandeigne

MASSE CRITIQUE DE BABELIO

J’ai lu autrefois d’Eça de Queiroz un tout petit essai : L’Egypte sans les Anglais qui . m’avait bluffée : analyse concise de l’impérialisme britannique. J’avais imaginé l’auteur, soit journaliste soit diplomate. Wikipédia m’apprend qu’il a exercé les deux fonctions.

Je ne savais pas qu’Eça de Queiroz était un écrivain réputé, un très grand selon Borges (toujours Wikipédia)! Je ne m’attendais pas à recevoir un roman, plutôt un essai. La Masse Critique de Babélio est toujours source de surprise. Cette fois-ci, c’en est une excellente.

202, Champs Elysées, est l’adresse de l’hôtel (un véritable palais) d’un aristocrate portugais, richissime et amoureux du Progrès comme on pouvait l’être à la fin du XIXème siècle, dans cette époque d’Expositions Universelles, de réalisations technologiques étonnantes qui ont bouleversé la vie quotidienne.

Le narrateur est un étudiant en Droit, ami du propriétaire des lieux, enthousiaste comme « son Prince » qui découvre la brillante Vie Parisienne. Il décrit avec une précision presque obsessionnelle tous les équipements dont le 202 est pourvu : ascenseur, chauffage central, téléphone, monte-charges, bien ordinaires pour la lectrice de 2019, novateurs à l’époque. Inventaire de gadgets d’un Concours Lépine à venir(il n’existera que quelques années plus tarde en 1901) machines à fermer les boutons, à décacheter les lettres, à timbrer… ou inventions que je ne soupçonnais pas : Conférençophone, Théâtrophone, concertophones. j’ai cru à des exagérations burlesques et cherché sur Internet. Et bien si! ces inventions sont dues à Clément Ader! La vie mondaine est racontée dans la même veine baroque, quel régal que cette fête où l’on attend le poisson en croûte coincé dans le passe-plat entre les étages!

L’étudiant est rappelé au Portugal pour gérer le domaine familial dans les montagnes et ne revient que 7 ans plus tard. Jacinto (le Prince du 202) a changé, son optimisme n’est plus de mise. Rassasié, blasé, il n’a pour refrain « la barbe! » et pour pensées l’Ecclésiaste et Schoppenhauer. Avec ses 60 000 livres bien rangés dans sa bibliothèque, ses 39 brosses à cheveux sur sa table de toilette, il s’ennuie mortellement. Eça de Queiroz raconte avec beaucoup d’humour cet ennui au lecteur qui s’amuse.

Un glissement de terrain sur ses terres ancestrales portugaises provoque le voyage dans la montagne. Le voyage en train est une aventure savoureuse.

Et, dans la deuxième partie du livre, changement de décor! Contre toute attente, Jacinto est conquis par sa montagne!  Avec autant de précision, de détails pittoresques que précédemment, l’auteur nous décrit le domaine ancestral, les coutumes portugaises provinciales. Jacinto, qui ne jurait que par la Ville, est séduit par la nature. Avec le même enthousiasme, il découvre arbres et montagnes, puis, s’imagine propriétaire terrien entrepreneur, et bienfaiteur de ses paysans (il a aussi découvert la misère), il se déclare même socialiste! Il oublie sa bibliothèque et découvre la lecture de Don Quichotte ou d’Homère….Oubliés les pessimistes, nihilistes, ruskinistes… mais pas le progrès qui’l veut appliquer sur ses terres.

Une lecture savoureuse qui fait un peu penser à Bouvard et Pécuchet .

Merci aux éditions Chandeigne qui ‘ont envoyé ce livre!

 

Japon – Japonismes Objets inspirés (1867 – 2018) au Musée des Arts Décoratifs

Exposition temporaire jusqu’au 3 mars 2019

Attention! C’est une très grande et belle exposition!

Réservez donc du temps et de la disponibilité si vous souhaitez la voir en entier. Elle s’étale sur 3 étages et les organisateurs ont choisi de légender très peu les objets mais de mettre à disposition des cartons mobiles, il faut un certain temps de repérage pour chaque oeuvre.

La présentation est aussi assez complexe : chronologique mais pas toujours, œuvres japonaises et occidentales japonisantes sont confrontées dans les mêmes vitrines, certains objets anciens de l’ère Edo sont parfois dispersés au gré des thèmes et ce n’est pas toujours facile à deviner laquelle est d’une criante modernité et celle qui est vraiment contemporaine, surtout quand il s’agit de céramique.

made in Japan ou made in France?

Pendant deux siècles le Japon s’est complètement fermé aux étrangers (1635, interdiction de sortie aux Japonais, 1639 expulsion des étrangers du Japon). L’ouverture de l’archipel n’aura lieu qu’au milieu du XIXème siècle avec l’industrialisation et la participation aux Expositions Universelles.

l’éventail de l’Exposition universelle

L’exposition s’ouvre donc par trois vitrines consacrées aux Expositions Universelles. Des objets japonais de toute beauté sont présentés avec des affiches et éventails publicitaires. Il s’agit avant tout de vendre aux Parisiens des objets.

En, parallèle sur ds carrés blancs sont rangés des objets traditionnels : bols pour le thé, boites carrées que l’on portait à la ceinture, peignes finement décorés et tsubas, gardes de sabres des samouraïs, objets déjà tombés en désuétude au Japon mais très appréciés en Occident.

tsuba : garde de sabre

la délicieuse facture des objets me laisse admirative. Il y en tant et si variés!

Peigne

Face aux vitrines des Expositions Universelles de grands espaces sont consacrés aux Voyageurs et collectionneurs : Cernuschi, Guimet, Krafft

ou marchands et collectionneurs les objets les plus beaux rapportés du Japon voisinent avec des tissus Art Nouveau ou des vases de Gallé, objets conçus par Majorelle et les plus grands décorateurs européens.

Art Nouveau : Japonisme

Il est temps pour moi de comprendre ce qu’est le Japonisme : Le japonisme est l’influence de la civilisation et de l’art japonais sur les artistes et écrivains, premièrement français, puis occidentaux. 

Gallé : glycines
Gallé : glycines

Cette exposition est donc celle des japonismes autant que celle du Japon.

Les vitrines suivantes ne distinguent plus objets japonais de japonistes. Les thèmes sont floraux : Iris et chrysanthèmes  sous forme de broches, papier peint ou vases

Bambous et Glycines : vannerie ou robes…

Nénuphars et Ombelles

ou animaux : paons, langoustes et crevettes

Des manuels de dessins sont édités, copiés avec les motifs japonisants. Les décorateurs occidentaux s’en inspirent largement. Que serait l‘Art Nouveau sans le modèle japonais?

papier -peint

L’exposition se poursuit à l’étage. le classement des objets est différent, moins axé sur la grammaire des motifs il raconte la vie quotidienne au Japon : théâtre avec les masques,

théâtre : masqsues

ou vie quotidienne racontée par des estampes

estampes

Un palanquin entier fait rêver.

Le troisième étage présente des objets contemporains, japonais ou japonisant.

Design des enceintes électroniques, robots

chien robot

ou mode qui est très représentée par des vêtements traditionnels ou par des créations de stylistes

 japonisant, cet éventail origami de Sylvain Le Guen

Origami – Sylvain Le Guen

De retour à la maison j’ai trouvé sur Youtube des vidéos passionnantes que j’ai mises en ligne sur mon blog blogstpot qui les accepte cliquer ICI

Foujita OEuvre d’une vie (1886 -1968) – Maison de la Culture du Japon à Paris

Exposition temporaire jusqu’au 16 mars 2019

Rassemblant 36 tableaux divers du peintre de son arrivée à Paris en 1913 à son dernier retour à Paris (1950-196) sa conversion au catholicisme en 1959.

60 ans de création de ce Japonais amoureux de Paris dont il a connu les plus belles heures de l’Ecole de Paris, le cubisme, le Douanier Rousseau, les fêtes de Montparnasse….Deux tableaux de sa première visite (1913 ) représentent la proche banlieue, les fortifications et les usines dans un style naïf et des harmonies de camaïeu gris.

 

A son retour à Paris en 1921-1931, il adopte un style très personnel aussi bien dans sa peinture que dans son personnage de dandy au train de vie luxueux. Il peint des femmes nues où la recherche se fait surtout sur la blancheur de la peau et les poils que sur les rondeurs ou les formes. Réminiscence d’Olympia, femme allongée sous de la toile de Jouy….et puis, avec un peu d’attention, on découvre un chat. les chats sont très présents dans les œuvres de Foujita. Je n’ai jamais vu de chats aussi réussis. Douceur et espièglerie, mais pas que, la bataille de chats est impressionnantes, 14 chats se déchaînent, griffes et crocs, il y en a même un borgne.

La crise de 12929 le ruine et Foujita quitte Paris pour des voyages en Amérique du sud et au Japon. Sa peinture se colore, elle devient presque Mexicaine avec des ocres, des oranges, des jaunes et des verts. Il peint aussi le Japon et la Chine. J’aurais aimé en voir plus.

Face à la Guerre (1939 -1949) Foujita est incorporé dans l’armée impériale pour des peintures de guerre monumentales, deux sont présentées là, brunes, héroïques, elles occupent tout une cimaise et ne m’ont pas plu (ce n’est pas le travail de Foujita qui me rebute mais le genre). A côté, un Rêve d’une femme nue entourée de nombreux animaux fantastiques a attiré mon attention. Foujita ne peint pas que des chats, il excelle aussi dans la représentation des singes, lapins ou chiens

Retour à Paris (1950-1968) atmosphère de bistrots, même à New York il peint un café parisien. Il obtient la nationalité française et en 1959 se converti au catholicisme. Un tableau le représente, lui et sa femme en tenue monastique avec la vierge (qui a une physionomie curieuse, peut être japonaise. Ce tableau s’inspire des flamands, seuls les oiseaux, mésanges, pic vert.. m’ont intéressée.

Au plus humides jours de janvier, il faudra remettre à plus tard les visites de maisons d’artiste en Vallée de Chevreuse mais je retiens celle de Fujita pour le printemps prochain à Villiers-le-Bâcle sur la route de Gif sur Yvette!

Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

 

Coïncidence! La semaine dernière deux expositions m’ont conduite à ce livre : la première sur le Japon de l’ère Meiji au Musée Guimet  et Dorothea Lange au Jeu de Paume où un reportage est justement consacré à l’internement des citoyens d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale en Californie. Enfin, au Théâtre des Quartiers  d’Ivry, la pièce Certaines n’avaient jamais vu la mer se donne à partir de la semaine prochaine et j’avais depuis un certain temps réservé des places.

« Sur le bateau ,nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté[…]Parfois l’océan nous avait pris un frère, un père ou un fiancé, parfois une personne que nous aimions s’était jetée à l’eau par un triste matin pour nager vers le large, et il était temps pour nous, à présent de partir à notre tour…’

Est-ce un roman ou un récit incantatoire? Chœur racontant le destin de petites filles japonaises mariées à un inconnu de l’autre côté de l’océan, pour conjurer la pauvreté ou le mauvais sort. Le rêve américain a aussi tenté les japonais qui ont cherché fortune en Californie. Ils ont envoyé des photos prometteuses aux marieuses de l’archipel.

« Sur le bateau, nous nous interrogions souvent : nous plairaient-ils? les aimerions nous? Les reconnaîtrions-nous d’après leur portrait quand nous les verrions sur le quai? »

« Sur le bateau nous étions dans l’ensemble des jeunes filles accomplies, persuadées que nous ferions de bonnes épouses. Nous savions coudre et cuisiner. Servir le thé, disposer des fleurs et rester assises sans bouger sur nos grands pieds pendant des heures en ne disant absolument rien d’important »

Brutale déconvenue! Leur nuit de noce a ressemblé à un viol. On ne les attendait pas pour faire des bouquets délicats mais pour bêcher, sarcler, cueillir fraises pois ou haricots, travailler comme des hommes et tenir le ménage.

 

 

 

Vingt ans après leur arrivée, elles ont donné naissances à des enfants américains, se sont intégrées dans leurs quartiers japonais. Certains ont de petits commerces, des exploitations agricoles.

7 décembre 1941 : Pearl Harbor, les Etats Unis entrent en guerre contre le Japon. Pourtant citoyens américains modèles, les Japonais sont déportés. Cet internement documenté par Dorothéa Lange, mais peu connu, est dévoilé par ce livre.

 

 

 

 

MEIJI – Splendeurs du Japon impérial (1868-1912) au Musée Guimet

Exposition temporaire jusqu’au 14 janvier 2019

Le pont aux glycines Kameido

C’est d’abord une leçon d’histoire : l’ère Meiji correspond au règne de l’empereur Mutsuhito (1868-1912) correspondant à l’ouverture du Japon sur le monde, à son industrialisation et son impérialisme avec des conquêtes militaires. Le costume occidental est adopté et le régime se dote d’une constitution.

La première salle peinte en rouge est sous le signe de la Modernisation;

industrialisation et urbanisme

Moderniser/industrialiser Le Japon se dote d’une industrie, des photographie montrent des filatures, des bâtiments de briques, des ponts métalliques.

Propagande militariste presque un manga!

Moderniser/Militariser

estampe militariste

Le Japon se dote d’une flotte moderne. L’empire se militarise à grands pas vers la guerre. L’iconographie militariste revêt plusieurs styles. Ci-dessus, on dirait un manga, sans doute de la propagande (je ne sais pas lire le japonais)! Des estampes esthétisantes n’en sont pas moins guerrières : une armée se reflète dans le miroir de l’eau, au loin une ville brûle.

estampe militariste
bataille navale

En plus de ces très belles estampe on présente deux pochoirs pour l’impression de textiles d’une grande finesse sur papier enduit de jus de kaki. La grande délicatesse du dessin ne doit pas faire oublier le motif guerrier :  des canons.

Dans la salle suivante,  une photo agrandie de l’Exposition universelle de Paris avec la Tour Eiffel illustre le thème : Construire une image artistique et industrielle.

Le mont Fujiyama

Le Japon participa aux nombreuses Expositions Londres 1862, Paris, 1867 1900, Vienne 1873, Chicago, Philadelphie. il importait de donner une image flatteuse du Japon grâce à des images typiques comme le pont des glycines ou le Mont Fujiyama. Il fallait aussi présenter des objets variés d’une qualité artistique remarquable: bronzes, laques, porcelaines émaux….

D’énormes brûles parfum en bronze, des objets délicats, des paravents ouvragés. tous les arts décoratifs sont menés à un degré de perfection.

paravent représentant des divinités shintoïstes.

Souvent les motifs sont floraux . Les décors font aussi appel au panthéon shintoïste (la religion d’Etat pendant l’ère meiji. Certains artistes s’inspirent aussi des représentations bouddhistes ou au folklore populaire avec des dragons, des démons. D’autres peignent des animaux, surtout des oiseaux à la perfection.

orchestre de petits démons ou de monstres

Tous les arts décoratifs sont d’un raffinement inouï, les techniques sont parfois superposées, de laque, d’émaux cloisonnés, d’incrustations, de joaillerie ou de nacre

éléphant

On ne peut qu’être admiratif devant une telle maestria, un tel luxe et une telle perfection.

boites laquées

L’artisan sait aussi jouer du dépouillement et de la simplicité de ce liseron parfait sur le rouge de la laque.

vases à décors floraux

La fin de l’exposition Les lendemains du Japonisme montrent les influences, de l’art Japonais sur Van Gogh, Monet, Degas. Sur les cartels je n’ai pas trouvé de mention de l’Art Nouveau même si la parenté est criante.

J’étais venue à Guimet pour l’exotisme. Je n’ai pas été déçue. Pourtant l’impression à la sortie est la parenté entre le développement industriel du Japon, sa militarisation avec ce qui s’est passé presque simultanément dans la Grande Bretagne victorienne, ou dans la montée en puissance de la Prusse. Ère Meiji, Empire victorien, même Russie des Tsars…on voit l’industrialisation, la militarisation qui va déboucher sur la Guerre et l’impérialisme.

La perfection japonaise fait la différence, mais la valorisation des arts décoratifs présentés aux grandes expositions universelles, est-ce le début d’une certaine mondialisation?