Trois étages – le livre de Eshkol Nevo/ Tre Piani – le film de Nanni Moretti

UN LIVRE/UN FILM

LITTERATURE ISRAELIENNE

j’ai découvert Eshkol Nevo avec La Dernière Interview et je m’étais promis de lire Trois Etages. La sortie du film de Nanni Moretti, Tre Piani, a précipité cette lecture. J’aime beaucoup ce réalisateur mais je ne voulais pas voir le film avant d’avoir fini le livre. J’aime prendre mon temps, le temps du livre, pour découvrir une histoire, me faire mon propre cinéma, imaginer les décors, vivre trois jours à Tel Aviv avant de voir les images italiennes que Moretti aura imaginées. 

Trois étages, trois histoires, trois confessions. 

« Tu sais, j’ai du mal à parler de ces choses-là, mais j’ai pas la force, non plus, de me censurer, je vais tout te raconter simplement, et toi, tu vas me promettre de ne pas t’en servir pour un bouquin, »

Arnon – du Premier Etage –   a invité un ami écrivain pour se confier. Il a besoin de voir plus clair dans son comportement, devenu depuis quelques temps dysfonctionnel, et son couple en crise. Il a confié sa fille de sept ans à son voisin de palier atteint d’Alzheimer, et soupçonne que le vieil homme a abusé de la fillette. Aucune preuve tangible, mais une inquiétude, un remords, qui l’entraîne à devenir violent ce que sa femme ne supporte pas. Les catastrophes s’enchaînent…Arnon n’attend pas d’excuse ou de pardon de son ami qui n’intervient pas dans le récit. Il cherche à comprendre ce qui lui arrive. 

Au deuxième étage, Hani rédige une longue lettre à Neta, son amie d’enfance partie aux Etats Unis. Son mari la délaisse voyage à l’étranger pour son travail. Elle se retrouve mère au foyer tout juste bonne à conduire ses enfants à l’école et aux activités extra-scolaire, sans ambitions, sans contact avec des adultes. Frustrée, elle débloque, voit des chouettes perchées lui parler…Elle non plus n’attend pas de réponse de Neta, elle ressuscite les confidences entre amies du temps de leur adolescence.  

Au troisième étage, Deborah – juge d’instance retraitée, enregistre des cassettes sur le répondeur de Michaël, son mari décédé. Elle poursuit le dialogue jamais interrompu. Déborah vit mal sa solitude. A Tel Aviv, un mouvement social rappelant Les Indignés ou Occupy , Nuit Debout, ou la Place Tahrir regroupe des manifestations, les manifestants ont planté des tentes où se déroulent des forums.

« Après tout, combien de fois avons-nous regardé, brûlant d’envie, nos concitoyens s’assembler sur les places et
scander des slogans chers à notre cœur, alors que nous étions empêchés de les rejoindre, à cause de nos fonctions ? Mais aujourd’hui, avec la retraite, la porte de la cage s’est ouverte. Dans ces conditions, me suis-je demandé, pourquoi devrais-je rester derrière les barreaux ? »

Deborah décide de rejoindre le mouvement et de mettre au service des jeunes manifestants ses connaissances du Droit et son expérience juridique. A l’occasion, elle fait la connaissance d’un homme de son âge, veuf, qui l’entraîne dans un voyage dans le désert. Sur la route elle va raconter son histoire….

j’avais envie de toquer à la porte de chaque voisin, celle de Ruth, de Hani, des Katz, des Raziel, et de leur dire :
Réveillez-vous, citoyens de Bourgeville. Laissez là vos parties de poker et votre inquiétude excessive pour vos
enfants, et les infidélités minables que la vacuité de votre existence, et non le désir, favorise. Levez-vous de vos
fauteuils télé trop confortables

On se demande si ces histoires vont se rejoindre.

L’histoire de Hani m’a moins touchée que les deux autres, celle de Déborah m’a beaucoup plu.

Ce n’est pas un dilemme à imposer à une mère, Michaël. Car quel pacte est le plus important : entre une femme et son conjoint ou entre une mère et ses enfants ?

Histoires de paternité, de rapports père/fille, mère/fils…qui s’inscrivent dans l’espace réduit d’un immeuble de trois étages.

TRE PIANI – le film de Nanni Moretti

l’affiche du film

Ayant terminé, et aimé, le livre, je me suis précipitée au cinéma pour voir l’adaptation filmée. En général, le film qui a un format de 1h30 ou 2h, doit faire des choix dans le récit se focalise sur un aspect tandis que le livre prend son temps. Et le propos est souvent appauvri. 

Curieusement Nanni Moretti a puisé dans le livre l’idée générale, des dialogues entiers s’y retrouvent mais il a « complété » l’histoire. Le mari de la juge, apparait bien vivant dans les deux tiers du film et l’homme que rencontre la juge est à peine esquissé. 

En revanche, l’adaptation à l’Italie et Rome d’aujourd’hui est très réussie. Pas de forum gauchistes, à la place un vestiaire où Dora, la Juge, porte les vêtements de son mari décédé. Le personnage de la jeune mère délaissée est aussi plus fouillé que dans le livre.

En définitive, le film est un objet indépendant du livre,  il convient de les voir séparément et de ne pas les comparer!

Bon film, j’aurais dû attendre un peu!

Jaune Caravage – Gilda Piersanti _ Pocket

LE MOIS ITALIEN 2021

Je suis toujours fidèle au rendez-vous de Mai du Mois Italien que Martine anime avec enthousiasme. En revanche, j’ai fait quelques infidélités à nos policiers vedettes, Brunetti et Montalbano pour découvrir une nouvelle héroïne : Mariella De Luca, inspectrice principale romaine qui fait équipe avec sa collègue Silvia à la Questure de Rome. L’auteure, Gilda Piersanti,   née en Italie, vit à Paris et écrit en français. 

Jaune Caravage fait partie d’une série Les saisons meurtrières que je découvre à l’occasion. Peut être eût-il été judicieux de commencer par les premiers, qui ont aussi un titre coloré : Rouge abattoir, Vert Palatino et Bleu Catacombes. Les allusions aux épisodes précédents n’entravent pas la compréhension. J’ai été attirée par la couverture avec une belle photo du Tibre. 

254 pages qui se tournent toutes seules pour une enquête bien embrouillée avec des rebondissements et une chute déconcertante (dont je ne vous dirai rien). Lecture distrayante avec ce qu’il faut de meurtres, de sexe et de drogue en filigrane. Passions adolescentes. Amitiés de lycée. Rêves de photos de mode et de gloire.

Et le Caravage dans tout cela? vous le trouverez à S. Luigi dei Francesi :

« Eva l’avait sortie de l’ombre comme le Christ de Caravage sort Mathieu de son tripot obscur et l’inonde de lumière jaune. Jaune Caravage. »

et à la Villa Borghese .

L’intrigue se déroule d’abord vers la Via Ostiense près du Gazomètre, un peu à l’écart de la Rome pour touristes. Si c’est la Rome touristique que vous connaissez,  vous retrouverez les bords du Tibre et le Castel  Sant Angelo et le pont qui y conduit. Vous imaginerez les traversées de Rome sur la Vespa rouge d’Eva…

Pour l’ambiance :  des vers, des chansons, des poèmes et même des évocations artistiques plus sophistiquées, musique et peinture. Comme les pages se tournent vite, c’est bien amené, pas prétentieux.

 

 

Une journée dans la Rome Antique. Sur les pas d’un Romain – Alberto Angela

1LIRE POUR ROME

Comment on lave le linge au temps des Romains ? C’est simple, on l’apporte à la fullonica : la foulerie,
l’équivalent de notre blanchisserie. Les vêtements vont y subir divers traitements qui nous obligeraient à nous
pincer le nez. Les tuniques, les toges, les draps et le reste finissent en effet dans des bassins emplis d’eau
additionnée d’une substance alcaline comme la soude, l’argile smectique (encore appelée « terre à foulon ») ou,
tenez-vous bien, l’urine humaine ! Aux coins des rues, en particulier près des fouleries,

Après le foulage, on procède au rinçage puis au battage, et l’on traite le linge avec des apprêts pour lui redonner
du lustre et de la tenue. Ensuite, on l’essore et on l’étend dans la cour, voire dans la rue, et pour finir on le
défroisse sous de grandes presses à vis.

A emporter pour un prochain voyage à Rome ou même pour n’importe quel site antique romain! 

A notre dernier passage à Rome, j’avais pris pour guide Dominique Fernandez et le Piéton de Rome et j’avais suivi ses pas  sur le forum, la Via Appia, au Château Saint Ange, puis sur les traces de Michel-Ange, du Caravage et du Bernin dans , les églises, les fontaines et les rues. Dix jours n’avaient pas suffi. 

Alberto Angela propose une démarche différente :

 Un jour, un mardi de l’an 115 après J.C. sous le règne de Trajan. Rome est à l’apogée de sa puissance et peut-être de sa beauté

C’est donc au rythme de la clepsydre que vous serez initiés au quotidien de la Rome antique.

Heure par heure, dès le lever du jour, le lecteur voit la ville s’éveiller . Il  rencontre des Romains: un dominus dans sa villa cossue se lève, s’habille, fait sa toilette aidé de ses esclaves. Puis nous pénétrons dans les insulae – immeubles collectifs – visitons des appartements. Nous nous laissons porter par la foule  des rues, atmosphère d’une ville indienne. L’école se fait en plein air. Nos pas nous porteront aux forums, nous assisterons à un procès dans la basilique Julia, à une exécution au Colisée, puis des combats de gladiateurs. Déjeuner dans une popina, un restaurant de rue. Bien sûr nous irons aux thermes! Banquet dans une villa avec un menu fastueux….

Avec de courts chapitres, d’une écriture agréable, d’un style vivant presque cinématographique, l’auteur aborde des sujets variés : habillement, menus et recettes élaborées inspirées par le plus grand des chefs Apicius. Il resitue les activités commerciales dans le cadre de l’Empire Romain.  Il n’oublie pas la sexualité. Aucune invention, les descriptions sont documentées à partir textes anciens, graffitis, mosaïques. Alberto Angela cite ses sources avec précision.

j’ai passé un très agréable moment de lecture et me promets de relire ce livre à de prochaines visites archéologiques

 

 

Le Greco au Grand Palais

EXPOSITION TEMPORAIRE jusqu’au 10 février 2020

Greco Saint Dominique :

Pour moi, le Greco avait peint des hommes au visage allongé, un peu mystérieux, très espagnols….avait peint Tolède… 

Domenikos Theotokopoulos est né en Crète en 1541 et nous avons vu sa maison et la petite église byzantine à Fodele. 

J’ai toujours eu du mal à faire le lien entre Tolède et Fodele. Cette exposition me fait découvrir l’oeuvre et le parcours du peintre

Domenikos Theotokopoulos  a commencé à peindre des icônes et ce n’est pas un hasard s’il se réfère à Saint Luc, le peintre de la Vierge (en Grèce, on a retrouvé tant d’images miraculeuses de la Panaghia peintes par Saint Luc).

Candie, au 16ème siècle,  était vénitienne. Venise, 1567, à l’arrivée du Greco était la ville de Titien, du Tintoret, Veronèse…il devait être difficile de rivaliser avec tant de célébrités. Greco, alors peint des petits formats, de la taille de petites icônes. Sa palette comporte surtout des bruns, quelques taches rouges..>Le triptyque de Modène est un chef d’oeuvre de cet art miniature « penser grand, peindre petit » aurait-il déclaré.

triptyque de Modène

La peinture illumine bientôt ses tableaux. Greco se met à l’Ecole vénitienne…

Annonciation

Le songe de Philippe II (1577) se réfère à la Bataille de Lepante (1571) bataille très espagnole mais aussi très grecque!

 

Grec? Vénitien? Espagnol? Il est aussi passé par Rome où il a vu les œuvres de Michel Ange…

J’avoue, les grandes toiles religieuses m’ont un peu ennuyée. En revanche les portraits sont saisissants de modernité.

Portrait du Cardinal Nino de Guevarra

Je pense au Titien, quelle audace ces lunettes!

Le Saint Martin est très espagnol, on l’utiliserait pour illustrer Don Quichotte! (et oui Cervantes était lui aussi à Lepante!)

Un Saint Martin très espagnol!

Beaucoup de sujets religieux mais pas que….j’ai aimé ces variations sur le souffleur de braises

la fable

Greco travaille à des variation, m’explique-t-on dans l’exposition. Il revient sur des thèmes pendant de longues années comme pour Jesus chassant les marchands du temples qu’il a peint  successivement en 1570- 1575 – 1600 et 1614. La version de 1575 me plait beaucoup avec les 4 marchands dans le coin droit en bas

Jésus chassant les marchands du temple (1575)

La dernière version annonce la Vision de Saint Jean

jésus chassant les marchands du temple

Cette vision de Saint Jean : apocalypse est (pour moi ) une peinture extrêmement moderne, presque contemporaine qui pourrait figurer à côté d’un Picasso ou d’une peinture expressionniste

Vision de Saint Jean 1614

J’ai vraiment découvert Greco que je croyais connaître!

La Storia – Elsa Morante

LIRE POUR L’ITALIE

Mon pavé de Juillet!

945 pages, quand même, que j’ai dévorées.

J’aime les livres d’Histoire, et j’aime quand on me raconte une histoire. Et La Storia combine les deux.

La Grande Histoire, de 1941 à 1947,  est rappelée, année par année, en Italie, et dans le Monde, en notes serrées, petites lettres, au début de chaque partie, afin que le lecteur n’ignore rien du contexte dans lequel se déroule le récit. 

La petite histoire est celle d’Ida, institutrice,  fille d’un calabrais anarchiste et d’une institutrice juive, veuve et mère de Nino, adolescent au début du roman. En janvier 1941, un soldat allemand, saoul viole Ida qui donnera  naissance à Giuseppe. Demi-juive, mère d’un petit bâtard, Ida n’a pas la vie facile. Des rumeurs effrayantes courent dans le Ghetto de Rome…

1943, Rome est dévastée, l’immeuble d’Ida soufflé. Ida et Useppe, sont à la rue et rejoignent d’autres sinistrés dans un logement de fortune qu’ils partagent avec une tribu – les Mille –  napolitains, un marbrier communiste, et un jeune fugitif anarchiste, Carlo Vivaldi. La communauté s’enrichit aussi d’une chatte Rossella et de deux canaris. Abri de fortune, vie précaire, mais ambiance chaleureuse. Nino est devenu partisan et mène des actions clandestine dans les environs. Alors que les Américains ont débarqué en Sicile, que Naples est libérée, à Rome, les Allemands règnent en maîtres.  Le ghetto est vidé, les juifs emmenés en camps de concentration…

1944, la libération de Rome tarde, la guerre s’éternise. Partisans et Fascistes s’affrontent. Ida et Useppe doivent encore patienter avant de retrouver une vie normale, l’école d’Ida reste fermée, elle partage encore un logement avec des étrangers avant de pouvoir trouver un petit appartement.

Les années d’après-guerre ne sont pas plus faciles! Le retour à la normalité est compliqué pour ceux qui ont vécu la clandestinité. Révolutionnaires ou aventuriers.

Je ne vais pas tout résumer! Il fut lire le livre en entier.

Le lire pour l’histoire, tragique mais aussi pour imaginer le monde dans les yeux d’un tout petit. Le talent d’Elsa Morante est de faire vivre tout un petit monde, varié, vivant composé d’adulte mais aussi d’enfants, d’animaux. Avec quelle vivacité elle imagine le monde vécu par la chatte Rossella, la chienne Bella, les canaris qui sont des personnages à part entière. La nature est aussi décrite avec poésie. L’enfant  et la chienne découvrent les berges du Tibre comme un merveilleux terrain d’aventure et de poésie!

Un  grand moment de lecture.

 

 

Un rêve d’Italie – Collection Campana – Louvre

Exposition temporaire jusqu’au 18 février 2019

Une collection comme geste politique!

Giampetro Campana – directeur du Mont de Piété à Rome –  a rassemblé une vaste collection archéologique et de peinture italienne avec la volonté d’offrir un tableau complet des richesses de l’Italie, s’inscrivant dans le courant du Risorgimento et  de l’unité italienne. Arrêté en 1857 pour des malversations financières, il a dû disperser sa collection. En 1861, le Louvre en a acquis une bonne partie.

L’exposition suit le Catalogue établi par Campana dans son projet de musée. Campana ne s’est pas contenté d’acheter, il a aussi entrepris des fouilles en particulier dans la région de Rome et dans les sites étrusques de Cerveteri et de Veies : sa collection est riche en vases et terres cuites étrusques.

Sarcophage des époux

 

Ce sarcophage des époux ressemble à celui de la Villa Giulia à Rome (musée étrusque ). Une tombe étrusque est reconstituée avec des plaques peintes.

A Pérouse une urne funéraire (400-375 av JC )en bronze :

urne funéraire Pérouse Jeune homme banquetant

Une autre urne

duel fratricide d’Etéocle et de Polynice.

L’urne ci-dessus est peut être moins fin mais c’est le combat d’Etéocle et de Polynice qui a retenu mon attention (je suis fan absolue d’Antigone).

La collection de vases trouvés en Etrurie est remarquable. Souvent les artistes étaient grecs et produisaient pour le public étrusque qui les importait. Une série provient d’un atelier répertorié : l’atelier de Nikosthénès. Les sujets représentés étaient souvent mythologiques : travaux d’Hercules ou sportifs .

Vase romain

A côté de ces oeuvres d’art très recherchées sont exposés aussi des objets plus frustes comme des antéfixes, des briques estampillées ou des moules ainsi que des lampes à huile.

En face des vases des bronzes racontent les armes, les monnaies, j’ai remarqué les balles de frondes qui ne sont pas rondes comme je l’imaginais mais fuselées, décorées revêures d’inscriptions désignant le corps d’armes, logique, mais plus amusant des insultes invectivant l’ennemi.

Plaques campana avec des scènes variées.

Campana avait aussi le goût des plaques de terra-cotta décoratives, des peintures antiques de couleurs fraîches et vives ou délicates comme cette procession trouvée Porta Latina représentant une famille grecque (identifiée avec les noms)

L’objet le plus spectaculaire est la main de Constantin (Musée du Capitole) dont un doigt appartenait à la collection Campana acquise par Napoléon III. Les restaurations furent très poussées, parfois trop aux dires des archéologues, conférant une réputation douteuse à certaines œuvres.

Brutus,Antinoüs et César

Venus d’Anzio

Les marbres étaient exposés dans les jardins.

A côté des collections antiques Campana a réuni une collection « moderne » – entre guillemets parce que la modernité commence par une icône byzantine et des primitifs du  14ème siècle –

Nativité de Saint Jean Baptiste  (1340) école d’Arezzo

une très belle Annonciation

Annonciation

A côt »é des sujets religieux, il a aussi réuni de très beaux coffres de mariage et des décors de chambre à coucher, sur des sujets exaltant la fidélité des épouses Histoire de Tarquin et de Lucrèce ainsi que le départ d’Ulysse où l’on voit Pénélope tisser.

panneaux de coffres de marrage Lucrèce et Tarquin en haut départ d’Ulysse en dessous
Ariane et le Minotaure (1510 – 1515)
Ariane et le Minotaure
Ariane à Naxos

Le studiolo d’Urbino  de Fédérico de Montefeltro(1422-1482) contient une série de 14 grands portraits très colorés et vivants de penseurs antiques et modernes : Platon, Aristote et Ptolémée voisinent avec Dante et Sixte IV ainsi que Saint Augustin et Sénèque. L’ensemble témoignait de l’ambition humaniste du condottiere pendant la Renaissance.

Studiolo d’Urbino
Studiolo d’Urbino

la Bataille de San Romano (1438) actuellement aux Office de Florence est grès impressionnant

Bataille de San Romano

j’ai aussi beaucoup aimé le Noli me tangere de Botticelli

Botticelli : Noli me tangere

Le 16ème et le 17ème siècles ne sont pas oubliés :  la mort de Cléopâtre de Girolamo Marchesi da Cotignola est originale. 

Mort de Cléopatre

Les majoliques représentant des sujets variés, surtout Belle donne e istoriati sont merveilleuses

Belle donne e istoriati
Un banquet donné au peuple romain

Toute une salle est consacrée aux nombre Della Robbia très reconnaissables et toujours charmants.

Della Robbia

La fin de l’exposition concerne la dispersion de la collection, ce qui intéresse les spécialistes plutôt que moi.

J’ai pris beaucoup de plaisir à voir tous ces chefs d’oeuvres!

Caravage à Rome amis et ennemis – Musée Jacquemart-André

Exposition temporaire jusqu’au 28 janvier 2019

Gentileschi : Judith et Holopherne

J’ai rencontré le Caravage à Rome, Naples, La Valette….et toujours impressionnée par le Maître! J’ai aussi lu et relu La Course à l’Abîme de Dominique Fernandez  a guidé mes pas dans Rome dans  Le piéton de Rome, et La Couleur du soleil de Camilleri.

Baglione : l’amour divin et l’amour profane

 

Retrouver Le Caravage ressemble plutôt à la visite d’un ami de longue date. Quoique – je ne suis pas sûre que la fréquentation de ce mauvais garçon soit recommandable! J’ai beaucoup apprécié que ses toiles soient confrontées à celle de ses concurrents, contemporains ou élèves, ses amis et ennemis comme le dit le titre. Le musée n’est pas grand, on  peut prendre notre temps : remarquer les petites taches de sang qui mouchettent le bras de

Dans la première salle « THEÂTRE DES TÊTES COUPEES » le tableau du Caravage, Judith décapite Holopherne, sous un drapé rouge qui accentue le drame avec un décor théâtral, est accompagné d’autres décapitations de Judith, Saraceni, Gentileschi, ou de David et Goliath du Cavalier d’Arpin. Le David et Goliath  d’Orazio Borgianni nous a fait sourire : la posture assez extravagante, les pieds en l’air et cette physionomie de pirate de BD (ou peut être les dessinateurs de BD se sont-ils inspiré de cette tête grimaçante?)

Artemisia Genteleschi : SAinte Cécile

Salle 2 :  Musique et Nature morte, le très beau et rare (il vient de l’Ermitage) Joueur de Luth fait face à Sainte Cécile d’Artemisia Gentileschi (j’ai très envie de lire Artemisia de Lapierre que Claudialucia a chroniqué récemment). Deux belles corbeilles de chasselas décorent la Douleur d’Aminte de Bartoloméo Cavarozzi (celui-là vient du Louvre je pourrai lui rendre visite).

Caravage : Joueur de luth

Salle 3 : au saint Jean-Baptiste du Caravage de la villa Borghèse avec son mouton répond un autre Saint Jean-Baptiste de Manfredi nettement plus habillé au mouton plus mièvre, plus agneau que bélier.

Saint Jean-Baptiste (détail)

Salle 4 CONTEMPORAINS, occasion de découvrir une adoration des mages d’Annibal Carrache surchargée d’angelots (avec un concert d’anges sur un nuage) très baroque.

Salle 5 MEDITATIONS  réunit autour de Saint Jérôme une figure que j’ai rencontrée aussi à La Valette – un Saint François toujours du Maître et d’autres tableaux représentant une figure unique(figura sola)

Manfredi : couronnement d’épine

Salle 7 LA PASSION DU CHRIST  donne à voir les rivalités entre artistes, un concours sur le Thème Ecce Homo aurait été remporté par Cigoli .

Ecce Homo

Le mur du fond est occupé par le très grand tableau de José de Ribera qui se trouvait à Rome cette année-là : Le Reniement de Pierre peint dans un décor d’auberge, où 5 personnages jouent aux dés sous un éclairage caravagesque. En face le tableau de Manfredi nous étonne : on dirait que le soldat romain est décapité (où est donc sa tête alors que son armure brille de tous ses détails?)

Ecce Homo : Cigoli

Jeu des différences avec les deux Madeleine en extase, presque identiques. Nathalie qui est plus observatrice que moi me montre le traitement des cheveux, les mains….

Souper à Emmaüs (détail)

 

En conclusion : le très beau Souper à Emmaüs.

Et comme toujours, à Jacquemart-André, des vidéos prolongent de façon savante la visite.

Une matinée bien remplie, avec le plaisir de rencontrer une blogueuse que je ne connaissais que virtuellement.

Splendeur – Margaret Mazzantini

IL VIAGGIO

J’avais beaucoup aimé Le Mer, le matin. J’ai eu plus de mal à entrer dans ce gros roman de 406 pages. Je ne suis pas une bonne cliente pour les romans d’amour. Le petit garçon riche malheureux qui jette ses jouets par la fenêtre m’a passablement agacée. L’amitié tardive avec le fils de la concierge qui ne se découvre que sur la fin de leur scolarité commune ne m’a pas semblé crédible. Paradis que ce voyage scolaire où les deux garçons se découvrent, ne m’a pas convaincue;

Pourtant j’ai continué et j’ai préféré la suite  qui se déroule à Londres (pour le voyage à Rome, on repassera). Les amours hétérosexuelles, son mariage, ses relations avec la fille de sa femme sont décrites avec délicatesse, surtout quand on se rend compte que l’unique passion de Guido sera pour Costandino. J’ai fini à m’attacher aux personnages et je voulais savoir si leur histoire trouverait enfin un dénouement heureux.

Recherche de normalité dans une époque où l’homosexualité n’est pas encore acceptée. Costantino, pour sa part a un ménage tout à fait conformiste mais il n’a pas oublié Guido. Quand leurs retrouvailles paraissent possibles, les deux hommes subissent une agression violente. Jamais leur amour ne pourra s’exprimer au grand jour.

Splendeur? Triste splendeur. Où est-elle la splendeur dans le non-dit, le refoulement, voir le mensonge?

je suis le Libanais – Giancarlo De Cataldo

LE MOIS ITALIEN / IL VIAGGIO

C’est un roman noir italien, aucun rapport avec le Liban, si ce n’est le surnom que le héros du livre a pris, on ne sait pourquoi d’ailleurs.

Aux origines de Romanzo Criminale, dit le 4ème de couverture. Du même auteur,  j’ai lu avec beaucoup d’intérêt Suburra et Rome Brûle, gros romans avec des implications politiques passionnantes. Je suis le Libanais est d’un autre calibre, 126 pages seulement.

C’est un portrait d’un jeune romain, mauvais garçon, plus voyou que truand qui se rêve roi de Rome après avoir rendu service à un gros bonnet de la Camorra napolitaine. Il lui faut quelques centaines de millions de Lires pour investir dans le trafic de stupéfiant des camorristes. Pour se les procurer il va avoir recours à des combines…. il va tomber amoureux d’une jeune bourgeoise gauchiste (nous sommes dans les années 70).

Portrait d’un homme, roman d’apprentissage, air du temps des seventies…

Suburra – Carlo Bonini & Giancarlo De Cataldo

LIRE POUR L’ITALIE/ROMAN NOIR

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J’avais lu avec grand intérêt Rome Brûle (Suburra2) (2016) . J’avais regretté de lire la série à l’envers, j’ai donc acheté Suburra (2013) pour combler cette lacune. Et m’apercevoir ensuite que la série est beaucoup plus longue avec eux autres romans :  Romanzo criminale (2006) et Je suis le Libanais (2014). Ceci pour remettre de l’ordre au cas où les amateurs de romans policiers voudraient tout lire. Attention, ces livres sont des pavés et très violents! Je frôle l’overdose de règlements de comptes, vengeances, et coups tordus, je vais laisser reposer et je reprendrais ces ouvrages un peu plus tard.

Court prologue 1993, la suite se déroule à la fin de l’ère berlusconienne (2011), il y a même une scène somptueuse de la retransmission de la démission de Berlusconi (12 novembre 2011) traité de « mafieux » et de « bouffon » par la foule, dans une réunion mondaine de politiciens….mais le Premier Ministre n’est pas en cause dans ce roman. En revanche, la corruption dans Rome est le sujet de l’intrigue. Corruption, cocaine, prostitution et affairisme sont les ressorts de l’action qui mêle allègrement la pègre et le personnel politique, ainsi que certains fonctionnaires et même dignitaires ecclésiastiques.

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Plusieurs familles se partagent les affaires, « ceux de la Romanina » les Gitans, « Ceux d’Ostie », des Calabrais, des Napolitains, et même une filière géorgienne. Nous assistons le long des 515 pages à la guerre des clans pour les territoires, le  trafic de la cocaïne, et simplement pour les luttes de pouvoir. Le Samouraï, la personnalité la plus marquante, un bandit très classieux règne. Il faudra donc assister à de fastidieuses et interminables exécutions. Tout aussi répétitives, les préparations des innombrables rails de cocaïne et descriptions des effets de la-dite substance. Vulgarité du sexe tarifé…. J’ai trouvé  des longueurs.

Ce bémol  – violence et sexe sont des composantes obligées de la littérature du genre – ne retire rien à l’intérêt de l’analyse du fonctionnement des mafias. L’un des auteurs est journaliste, l’autre magistrat, leur récit est donc tout à fait crédible (malheureusement). Le contexte politique est aussi essentiel. Evidemment la promenade dans Rome est plaisante. J’avais été très scotchée par cet aspect dans Rome brûle presque un témoignage. Le thème principal : la spéculation immobilière est aussi très intéressant.

J’avais été un peu perdue dans la foule des personnages de Rome Brûle, ils sont aussi nombreux dans Suburra, heureusement certains se retrouvent dans les deux romans. la psychologie des personnages est très fouillée : certains ne sont que des voyous primaires et brutaux mais d’autres ont des personnalités plus complexes et plus consistants. Le samouraï est particulièrement intéressant, alors que dans l’opus suivant, incarcéré, il tire les ficelles sans vraiment apparaître.

Une série passionnante (mais à consommer avec modération).