Egon Schiele à la Fondation Vuitton

EXPOSITION TEMPORAIRE – jusqu’au 14 janvier 2019

Essayez d’arriver hors de l’affluence, les dessins, aquarelles et tableaux sont d’assez petits formats. S’il y a foule dans les salles vous n’en profiterez pas!

Schiele et Basquiat sont présentés ensemble.Tous deux sont des artistes précoces,  prolifiques et prodiges, tous deux morts jeunes, à 28 ans. Tous deux rebelles à leur manière. Toutefois il vaut mieux arrêter une comparaison stérile et visiter deux expositions séparément, l’une après l’autre.

autoportrait

Beaucoup d’autoportraits – j’aime parce que cela permet de connaître l’artiste! Egon Schiele me fait penser à un Pierrot, un peu lunaire, un peu spectateur, un oeil grand ouvert, l’autre parfois plissé, ironique?

Des nus, féminins et masculins. Virtuose dans un tracé précis, sans reprises et sans ratures. On a l’impression qu’il a dessiner d’un seul trait. La couleur souligne certaines parties du corps, les mains, le visage, le plus souvent pas toujours, parfois un vêtement, ou une chevelure.

Des portraits d’une acuité impressionnante, les mains sont parfois plus expressives que les visages.

L’exposition est ordonnées selon « La Ligne »  : « Ligne ornementale » (1908-1909) où l’influence de Klimt est évidente dans la Danaé aux couleurs métalliques

 

La « Ligne expressionniste » (1910-1911) quand Egon Schiele s’éloigne du Jugendstil. on sent l’ influence de Kokoschka.

Egon Schiele expérimente différentes techniques à l’aquarelle : aquarelle humide, couleurs expressionnistes n’ayant aucun rapport avec la réalité : jaunes acide de la peau,taches bleues. Parfois, il entoure le dessin d’une auréole de gouache blanche. Parfois il utilise une gouache épaisse ou fait de petites taches par petites touches vives, bleu ou violet modelant les chairs.

Il quitte Vienne et peint des paysages

A la suite de la disparition d’une jeune fille, il est même soupçonné d’enlèvement et incarcéré.Les seules charges contre lui sont des dessins obscènes! et il est relâché.

A la suite de son séjour en prison, on note dans ses dessins une « Recherche de l’équilibre » 

puis en 1915-1918 « La ligne Recomposée« . Il est mobilisé pendant la Guerre de 14-18 mais meurt de la Grippe espagnole en 1918.

Caravage à Rome amis et ennemis – Musée Jacquemart-André

Exposition temporaire jusqu’au 28 janvier 2019

Gentileschi : Judith et Holopherne

J’ai rencontré le Caravage à Rome, Naples, La Valette….et toujours impressionnée par le Maître! J’ai aussi lu et relu La Course à l’Abîme de Dominique Fernandez  a guidé mes pas dans Rome dans  Le piéton de Rome, et La Couleur du soleil de Camilleri.

Baglione : l’amour divin et l’amour profane

 

Retrouver Le Caravage ressemble plutôt à la visite d’un ami de longue date. Quoique – je ne suis pas sûre que la fréquentation de ce mauvais garçon soit recommandable! J’ai beaucoup apprécié que ses toiles soient confrontées à celle de ses concurrents, contemporains ou élèves, ses amis et ennemis comme le dit le titre. Le musée n’est pas grand, on  peut prendre notre temps : remarquer les petites taches de sang qui mouchettent le bras de

Dans la première salle « THEÂTRE DES TÊTES COUPEES » le tableau du Caravage, Judith décapite Holopherne, sous un drapé rouge qui accentue le drame avec un décor théâtral, est accompagné d’autres décapitations de Judith, Saraceni, Gentileschi, ou de David et Goliath du Cavalier d’Arpin. Le David et Goliath  d’Orazio Borgianni nous a fait sourire : la posture assez extravagante, les pieds en l’air et cette physionomie de pirate de BD (ou peut être les dessinateurs de BD se sont-ils inspiré de cette tête grimaçante?)

Artemisia Genteleschi : SAinte Cécile

Salle 2 :  Musique et Nature morte, le très beau et rare (il vient de l’Ermitage) Joueur de Luth fait face à Sainte Cécile d’Artemisia Gentileschi (j’ai très envie de lire Artemisia de Lapierre que Claudialucia a chroniqué récemment). Deux belles corbeilles de chasselas décorent la Douleur d’Aminte de Bartoloméo Cavarozzi (celui-là vient du Louvre je pourrai lui rendre visite).

Caravage : Joueur de luth

Salle 3 : au saint Jean-Baptiste du Caravage de la villa Borghèse avec son mouton répond un autre Saint Jean-Baptiste de Manfredi nettement plus habillé au mouton plus mièvre, plus agneau que bélier.

Saint Jean-Baptiste (détail)

Salle 4 CONTEMPORAINS, occasion de découvrir une adoration des mages d’Annibal Carrache surchargée d’angelots (avec un concert d’anges sur un nuage) très baroque.

Salle 5 MEDITATIONS  réunit autour de Saint Jérôme une figure que j’ai rencontrée aussi à La Valette – un Saint François toujours du Maître et d’autres tableaux représentant une figure unique(figura sola)

Manfredi : couronnement d’épine

Salle 7 LA PASSION DU CHRIST  donne à voir les rivalités entre artistes, un concours sur le Thème Ecce Homo aurait été remporté par Cigoli .

Ecce Homo

Le mur du fond est occupé par le très grand tableau de José de Ribera qui se trouvait à Rome cette année-là : Le Reniement de Pierre peint dans un décor d’auberge, où 5 personnages jouent aux dés sous un éclairage caravagesque. En face le tableau de Manfredi nous étonne : on dirait que le soldat romain est décapité (où est donc sa tête alors que son armure brille de tous ses détails?)

Ecce Homo : Cigoli

Jeu des différences avec les deux Madeleine en extase, presque identiques. Nathalie qui est plus observatrice que moi me montre le traitement des cheveux, les mains….

Souper à Emmaüs (détail)

 

En conclusion : le très beau Souper à Emmaüs.

Et comme toujours, à Jacquemart-André, des vidéos prolongent de façon savante la visite.

Une matinée bien remplie, avec le plaisir de rencontrer une blogueuse que je ne connaissais que virtuellement.

Gabriële – Anne et Claire Berest

ARTS MODERNES…..

Francis Picabia 1912 La Procession Séville

« Gabriële est un Roi, Gabriële est une Reine.

Elle aime l’envoûtement.

Même prise dans une toile d’araignée, elle reste claire comme le jour »

Jean Arp

Gabriële est la biographie de Gabriële Buffet-Picabia écrite à quatre mains par deux de ses arrières-petites-filles qui ne l’ont jamais connues.

« Nous nous sommes alors lancées dans la reconstitution de la vie de Gabriële Buffet, théoricienne de l’art visionnaire, femme de Francis Picabia, maîtresse de Marcel Duchamp, amie intime d’Apollinaire… »

écrivent-elles en avant propos. « la vie de Gabriële est un roman »

Romanesque, un roman d’amour passionné pour Picabia pour qui elle a abandonné brusquement sas vie de musicienne, son indépendance de célibataire en une époque ou le célibat des femmes était un véritable combat. Un roman d’amitié pour Marcel Duchamp et pour Apollinaire.

Mais aussi une formidable histoire de l’art en une période passionnante de naissance de l’art abstrait, du cubisme,  du  mouvement dada, dans la période bouillonnante précédant la Grande Guerre, pendant celle-ci et après.

J’ai trouvé ce livre un peu par hasard en revenant de Clamart où nous avions visité la Fondation Arp, en me documentant sur Internet. Je l’ai immédiatement téléchargé parce qu’il fait écho à plusieurs expositions que j’ai vues récemment:

Apollinaire, le Regard du Poète

Dada Africa

et mes dernières visites autour de Céret, cubistes avec Braque et Picasso…

Je me suis donc passionnée pour cette période et pour ces artistes qu’on fréquente dans Gabriële. Avec des surprises, Gabriële Buffet se destinait à la composition musicale, elle a étudié sous la direction de Fauré, de Vin ent d’Indy à la Schola Cantorum, de Busoni à Berlin où elle rencontre Varèse.

« Peindre des sons! Francis, tu dois peindre des sons! »

La musicienne va transposer sa culture musicale dans le domaine de la peinture

« La couleur qui est vibration de même que la musique »

 Cette biographie a pour décor le Paris de la Belle Epoque, Berlin qui était à l’avant-garde, puis New York pendant la Grande Guerre Séville et Barcelone puisque Picabia avait des origines espagnole. Zürich aussi avec le Café Voltaire Tristan Tzara et Arp.  Dépaysement garanti, ambiance de fêtes, et parfois de fêtes décadentes et folles, ivresse et opium.

« joli et sérieux : voilà contre quoi va se battre toute une génération en train de pousser ses premiers cris. Picasso qui naît la même année, Picabia qui a déjà trois ans, Guillaume Apollinaire qui n’a que quelques mois, mais aussi les petits frères, Marcel Duchamp, Arthur Cravan, Tristan Tsara et tous les autres. Ils sont le siècle à venir – et avec eux, le bon goût, c’est bientôt terminé ».

Marcel duchamp – Nu descendant un escalier

J’ai eu grand plaisir à utiliser le smartphone pour trouver les tableaux dont il était question dans le livre.

C’est aussi l‘histoire d’une femme extraordinaire,  magnétique elle attirait tous les talents, savait mettre en valeur les artistes, expliquer en théoricienne. Paradoxale : féministe engagée, elle a sacrifié sa carrière pour soutenir son mari qui était un homme-à-femmes et qui la trompait copieusement.  Si peu mère pour ses 4 enfants qu’elle a souvent confiés à d’autres et si maternelle pour son mari! Personnalité complexe.

Mon seul regret est que les biographes aient laissé cette vie en suspens après la Première Guerre mondiale, et n’aient pas raconté la rencontre avec Stravinsky, ni les développements de la carrière de Duchamp. J’aurais aimé voir Gabriële dans les périodes troublées du 20ème siècle.