Livre d’Ebenezer Le Page – Gerald Basil Edwards

CARNET DE GUERNESEY

L’île Lihou où Ebenezer et Jim, encore gamins, pris par la marée ont été forcés de passer la nuit

J’aurais aimé que la tempête empêche le ferry d’appareiller pour rester encore quelques jours à Guernesey.  Le gros Livre d’Ebenezer Le Page (608 p.) m’a permis de flâner un long moment encore dans la campagne, de revoir avec enchantement les criques, les roches. Peut- être ne suis-je pas objective? L’auteur ne fournit que peu de descriptions précises du décor, et que je m’y suis promenée plus par mes proches souvenirs que par les évocations du livre. Je ne sais pas si un lecteur qui ne connait pas Guernesey aurait une impression aussi vive que la mienne. En revanche, c’est LE  livre à emporter si vous préparez un voyage à Guernesey.

cottage

Ebenezer Le Page est né à Guernesey à la toute fin du XIXème siècle, dans une famille où l’on parle encore le patois guernesiais, ancien patois normand, dont certaines expressions donnent une coloration exotique au texte (en VO en anglais, je ne sais pas, sûrement). Pêcheurs, maraîchers, ils pratiquent déjà la culture en serres, tomates, raisin, pommes de terre de pleine terre. Poules et cochons. Il y avait aussi des carriers

Dans ce temps-là, le Nord tout entier résonnait du bourdonnement des casse-pierres et du grondement provoqué par les roues métalliques des lourds chariots, sur les routes.

Ils y faisaient encore pousser du raisin, mais essayaient de cultiver des tomates sous les vignes. Je trouvais que
les tomates étaient un drôle de fruit. Je n’en appréciais pas beaucoup le goût. Mais j’aimais bien le raisin, en
revanche. Il s’est avéré que les tomates se vendaient mieux

Les familles guernesiaises ont des patronymes à consonnance françaises comme la toponymie mais Guernesey est sous la domination de la couronne anglaise depuis des siècles. Le père d’Ebenezer est mort pendant la Guerre des Boers (1899-1902) . Si Ebenezer n’a quitté son île qu’une seule fois pour aller à Jersey, son père avait voyagé dans le monde entier comme marin, et ses cousins sont partis en Australie, en Amérique. L’île est petite, mais le monde entier arrive à Saint Pierre-Port et les séismes que furent les Guerres mondiales n’ont pas épargné ses habitants. 

Ebenezer raconte les changements qui ont affecté la vie tranquille de sa famille proche et de ses cousins lointains, parce qu’à Guernesey, tout le monde est plus ou moins apparenté. Ses chroniques de l’île sont pleines de saveur et d’humour.

« …des tas d’aristos avaient rappliqué le mois précédent et prononcé des discours sur l’Entente cordiale, et Saint-Pierre-Port était décoré en bleu, blanc et rouge. En réalité, on avait donné comme prétexte à leur venue l’inauguration de la statue de Victor Hugo. C’était un Français célèbre qui avait vécu dans une grande maison à Hauteville, mais c’était avant mon époque. Il écrivait des romans et des poèmes en français ; je n’en ai lu aucun.
Dans le temps, je voyais ses livres en vente dans la vitrine de Boots en haut de Smith Street, mais il n’y en a plus maintenant. La statue avait été élevée à Candie Grounds et elle engendrait bien des commentaires. Jusqu’à la dernière minute, certains disaient que ça n’aurait pas dû être autorisé.

Victor Hugo jardin Candie

Personnellement, j’aime bien cette statue. Il se dresse en haut d’un rocher avec la queue de sa redingote qui
volette au vent. Il paraît presque vivant. L’ennui, c’est qu’au sommet des Jardins, il y avait une statue de la reine Victoria, et tout ce qu’elle pouvait voir de Victor Hugo, c’était son derrière…

Le livre est composé de  trois parties :

La première raconte l’enfance et la jeunesse du héros, ses amitiés très fortes, ses premiers émois amoureux.  la guerre de 14 éclate, beaucoup se portent volontaires.

La seconde commence avec la démobilisation des soldats de la Grande Guerre, tous ceux qui ne sont pas revenus…Ayant perdu son grand ami Jim, il se rapproche de son cousin Raymond qui se destine au sacerdoce. Il est beaucoup question de religion : Ebenezer est anglican mais sa mère très pieuse est méthodiste. Curieusement les catholiques qui sont aussi nombreux sur Guernesey sont très peu présents. J’ai eu un peu de mal avec les nuances entre les différents courants méthodistes et anglicans et pas trop compris les prêches.

Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune idée de l’importance qu’avait la religion sur l’île il y a soixante ou soixante-dix ans. Il n’y avait aucun endroit où aller, à part l’église.

Mariages se font et se défont, des enfants naissent. Puis vient le drame de l’occupation allemande qui a laissé des blockhaus, tours en béton, rationnements et sous-alimentation, marché noir, délation aussi….

La Troisième partie montre la modernisation de l’île, les voitures se répandent, les touristes arrivent  . Nombreuses exploitations agricoles se convertissent en pensions de famille ou gîtes touristiques. Avec l’extension de l’urbanisme, le caractère agricole se dilue.

Je me suis attachée à Ebenezer . Dans cette  petite île, l’auteur a su faire vivre tout un monde. J’ai refermé à regret le Livre et je l’ai offert autour de moi. J’espère qu’il plaira autant qu’à moi.

Le Cercle Littéraire des amateurs d’épluchures de patates- Mary Ann Shaffer & Annie Barrows 10/18

CARNET DE GUERNESEY

A sa sortie en 2008, ce best seller avait connu un véritable emballement, 1225 avis sur Babélio, souvent très élogieux.  Je l’avais lu, avec plaisir, certes mais sans souscrire à l’enthousiasme général.

Gentil roman épistolaire, gentille romancière en panne d’inspiration qui noue une correspondance avec un fermier de Guernesey et découvre ce cercle littéraire un peu particulier formé par une soirée arrosée pour échapper au couvre-feu de l’occupant allemand après l’invasion des îles Anglo-Normandes. Des  habitants de Guernesey, fermiers, postier, herboriste amateur, femme au foyer…se réunissent pour lire un livre. Ce ne sont pas des bibliophiles, loin de là, l’une d’eux n’avait lu qu’un livre de recettes de cuisine, un autre découvre Charles Lamb et s’enthousiasme de ces contes, un troisième lit un seul auteur : Sénèque.

Juliet, la romancière, va à la rencontre de ces lecteurs un peu particuliers , embarque pour Guernesey et découvre une société rurale différente des mondanités de Londres, une histoire insoupçonnée : l’occupation allemande de Jersey et Guernesey, l’exil en Angleterre des enfants, les privations que les Allemands font subir aux Guernesiais, les déportés venant de l’Est pour le travail forcé…Mais c’est la gentillesse et la simplicité de ses nouveaux amis qui l’atirent. Evidemment, elle va tomber amoureuse du pêcheur-éleveur de cochons, lecteur de Charles Lamb…Gentillet, fleur bleue.

Agréable lecture sans plus.

Tour d’observation en béton

La semaine précédent notre départ pour Guernesey, j’ai repris le livre et l’ai lu avec une attention  soutenue. Préparer un voyage, une autre aventure. Sur place, j’ai été ravie de l’avoir lu. Des décennies plus tard, les traces de l’Occupation Nazie sont encore fraîches, le Mur de l’Atlantique avec ses blockhaus, ses tours d’observation en béton témoignent de cette histoire cultivée sur l’île avec de nombreux musées. Comme Juliet, j’ai été séduite par le calme de cette île, la simplicité de la vie, la gentillesse et la courtoisie des habitants. Atmosphère spéciale que ce petit monde clos qui réserve des surprises.

Coïncidence, la semaine dernière, sur les chaines Ciné+ est sorti le film : Le Cercle Littéraire de Guernesey pâle adaptation tournée ailleurs qu’à Guernesey. J’aurais aimé retrouver les endroits précis. Bonne soirée télévision, sans plus. 

voyage du retour par Saint Malo et Domfront

CARNET DE GUERNESEY

 

La tempête attendue sur la Manche est passée vendredi après-midi. Déjà le samedi le beau temps est revenu. Notre ferry pourra appareiller ce midi (13h55) . Après le magnifique breakfast nous quittons Fleur du Jardin et nous avons devant nous une belle matinée pour refaire le sentier côtier une dernière fois sous le soleil des Grandes Rocques à Pembroke. Malgré le vent, les nageurs sont nombreux dans la petite baie abritée de Port Soif.

Belles vagues sur le sentier du Vazon à Port la soif

Nous arrivons 90 minutes avant le départ du ferry et passons les formalités de sécurité (miroir sous le châssis, ouverture du capot du moteur) je maudis silencieusement le Brexit qui a rétabli les frontières. Je comptais poster une carte postale de l’autre côté de la route. On m’interdit fermement de ressortir de l’enclos du port. Le bateau est plus grand, plus beau que celui de l’aller. J’ai encore pris la précaution d’avaler un cachet de Mercalm avant d’embarquer. Nous choisissons un fauteuil à côté de la grande baie vitrée et j’ai regardé la mer, plutôt moins agitée qu’en venant à Guernesey.

Le retour à bord du ferry qui s’éloigne du Cha^teau Cornet

Saint Malo était baigné de soleil. Nous avons garé la voiture sur le parking à l’arrière de la Plage des sablons tout près de l’Hôtel Cunningham où nous avions passé une nuit l’an passé. J’ai repris le sentier côtier avec grand plaisir.

Arrivée à Saint Malo sous le soleil

Nous avions réservé au Brit Hôtel Transat choisi pour son parking et ascenseur bien pratiques pour une étape. Déception, l’hôtel se trouve dans une zone commerciale au-dessus des parkings et bien loin de la ville historique. Comme horizon, l’enseigne Carrefour…les vacances sont bien terminées !

Dimanche 2 octobre : Retour par Domfront et la RN 12

Le donjon de Domfront

Il pleut, il y a même du brouillard, normal le 2 octobre. Nous ne nous attardons pas à Saint Malo et nous pouvons donc choisir l’itinéraire plus lent par la nationale (une trentaine de km en moins de l’autoroute, économie d’essence et de péages). Nous avons aussi le loisir de faire une étape touristique à Domfront.

La ville historique est située sur une butte à l’écart de la route où est perché le donjon. Bien ruiné un pan de muraille donne une idée de ses dimensions impressionnantes. L’histoire de cette forteresse est très bien contée par des panneaux que je recopie studieusement.

Au début du XIème  siècle, les Bellême construisent un château de bois. Sous Guillaume le Conquérant, Domfront est rattaché à la Normandie en 1049 et constitue sa principale défense contre le Maine, l’Anjou et la Bretagne.

Le donjon roman fut édifié par Henri 1er de Beauclerc, fils de Guillaume le Conquérant seigneur de Domfront depuis 1092 qui devint Roi d’Angleterre en 1100 puis duc de Normandie 1106. La forteresse restera possession personnelle du roi puis celle des Plantagenet jusqu’au 13ème siècle.

Philippe auguste devient Roi de France en 1160, le domaine royal est peu étendu. Certains seigneurs vassaux possèdent de très gros fiefs. Le roi d’Angleterre Jean Sans Terre fils d’Henri et d’Aliénor d’Aquitaine refuse de s’acquitter de ses devoirs de vassal, le roi de France décide de confisquer tous ses fiefs français dont le Duché de Normandie.

Domfront fortifications

Pendant la Guerre de Cent Ans la vocation défensive l’emporte sur la fonction résidentielle. Le système défensif a été modifié pendant la seconde occupation anglaise (1418-1450) afin de l’adapter à l’artillerie à poudre. Domfront reste la dernière place forte tenue par les Anglais jusqu’en 1450.

Pendant les Guerres de Religion au 16ème siècle le château est occupé tour à tour par les catholiques et les protestants. En 1610 un édit royal ordonne le démantèlement des fortifications. A partir du 17ème les habitants de la cité s’approprient les murs subsistants.

L’église en béton de Domfront

La ville historique comporte de pittoresques maisons à pans de bois autour de l’église Saint Julien  en béton édifiée en 1924-1926 par Albert Guilbert, contemporain d’auguste Perret en remplacement de l’ancienne église endommagée par une tempête/ Elle est en béton armé sur un plan carré d’inspiration byzantine. J’aurais volontiers passé plus de temps à visiter l’église, mais aujourd’hui dimanche c’est la messe et je n’aime pas jouer les touristes pendant l’office.

Nous achetons le pique-nique de midi dans la rue commerçante qui court sous la ville haute, andouille de Vire et fromage crémeux du Mont Saint Michel.

 

 

 

 

 

 

Baignade et promenades – Château Cornet

CARNET DE GUERNESEY

Les grandes Rocques

Malgré des prévisions météo défavorables, le soleil brille au réveil – 13°C. Nous retrouvons le sentier côtier à l’extrémité est de la Plage du Vazon vers le Fort Hommet, longeant Cobo Bay jusqu’à la Batterie des Grandes Roques et plus loin Portinfer.

La batterie des Grandes Rocques est installée dans un chaos granitique de granite gris clair. Un petit faucon en vol stationnaire fond sur sa proie après avoir « posé » pour la photo. Il a plongé si vite que je n’ai pas vu sa victime. Le sentier sableux court près de l’eau. J’herborise avec PlåntNet. Les fleurs jaunes que j’ai observées hier sont bien du genre Diplotaxis, Diplotaxis tenuifolia, Roquette jaune, mélangées à de la luzerne aux fleurs violet foncé. Il y a aussi quelques pompons rose d’Armeria maritima. Les plaques blanches sont des Lobularia maritima elles ressemblent à des Corbeilles d’argent. Je passe d’une plage à l’autre, sable blanc et rochers gris.

Flore de la dune

Dans un cottage avec un jardin soigné, une écuelle est posée avec un jerrican, à côté, ce panneau :

EAU POUR CHIEN – REFILL THE BOWL

Ce mélange de Français et d’anglais me fait sourire.

Nous avons rendez-vous à 11 heures avec Jackie pour une baignade sur la plage de Cobo. Me baigner le 30 septembre dans la Manche ! Un défi que je ne suis pas sûre de relever. Marée basse, sable fin eau transparente, 17°C tandis que l’air est à 15°C, donc plus chaude que l’air. Pourtant j’ai senti l’eau me glacer et une curieuse impression de brûlure sur la peau. Il faut nager énergiquement pour me réchauffer. La tempête a arraché des paquets d’algues, ficus et laminaires qu’on contourne mais en ce moment l’eau est très calme et on peut nager comme à la piscine. Malgré tout le bain ne se prolonge pas très longtemps. Jackie a cousu des serviettes éponges pour faire des cabines froncées . Dedans, on ne sent ni le vent ni le froid. Nous bavardons tranquillement avec une dame que Jackie connaît. Elles se baignent jusqu’à la fin Octobre, après l’eau est trop froide mais le « bain de Noël » de Guernesey attire des milliers de baigneurs.

Sentier côtier surla dune deu Vazon à Port la Soif

Je continue le sentier côtier à pied jusqu’à la Tour Rousse puis nous reprenons la route côtière dans la paroisse de Vale qui occupe la pointe Nord-Est de Guernesey. De nombreuses tours gardent le littoral, construites sur le même modèle que la Tour Rousse ou que celle de Petit Bôt : rondes, trois niveaux avec des ouvertures verticales trop larges pour qu’on les appelle des meurtrières.

Un petit kiosque bleu a ouvert ses volets à l’arrière de la Plage de Pembroke. Il est tenu par un Monsieur âgé très jovial qui vend des hot-dogs et des sausage-rolls ainsi que des gâteaux- maison et des glaces de Guernesey. Le sausage-roll est un friand garni de chair à saucisse. Chaud mais bien gras. Une affiche annonce une baignade nue dimanche prochain à 5 pm pour une association de charité. Nous déjeunons au pied de la Tour Pembroke. Je continue le sentier qui passe par la Tour 4. Le ciel est couvert, menaçant ; la tempête est attendue à 14 heures. Le vent souffle mais il ne pleut pas encore. Je découvre la très belle Plage de Pembroke à l’abri d’une digue en ciment très haute. Le sable est très blanc, très fin ; l’eau est d’un bleu opaline, turquoise laiteux qu ’on imaginerait volontiers dans un lagon d’une île tropicale plutôt qu’en Manche. Je me déchausse et foule avec grand plaisir la palge qui prend nom de Plage de l’Ancresse. Au bout il y a encore une tour.

Le vent forcit, la pluie tombe avec un quart d’heure de retard sur les prévisions. Sous la pluie nous retournons à Saint Pierre-Port pour la visite du Château Cornet qui occupe un îlot à l’entrée du port. Des remparts, des constructions, casernes, bastions, poudrières, logement du Gouverneur occupent le rocher qui a été relié à la terre ferme par un petit pont. En plus des bâtiments militaire plusieurs jardins agrémentent le château : jardin de plantes médicinales, jardin à la française avec des buis en topiaire très originaux. Sous le soleil la promenade aurait été charmante, les vieilles pierres, les échappées sur la mer, les vues de la ville…mais sous une pluie battante, j’avance à pas pressés pour éviter d’être trempée.

les canons du château Cornet

Le Musée Historique raconte l’histoire du château Cornet et la vie de la garnison au XVIII et reconstituée avec costumes et accessoires. J’espérais en apprendre davantage sur l’histoire de l’île mais c’est l’histoire de la Citadelle qui est l’objet de la visite. La citadelle est sous l’autorité de la Couronne d’Angleterre qui nomme le gouverneur et envoie des soldats venus d’Angleterre coupés de la population de Guernesey et qui ne parle même pas le même langage. Comme je connais mal l’histoire d’Angleterre j’ai du mal à suivre toutes les anecdotes et les péripéties. Les soldats de la couronne sont donc coupés de la population et se sont même opposés pendant la Guerre Civile anglaise (1642- 1651) quand la Citadelle et son gouverneur sont restés fidèles au Roi et Guernesey et ses habitants soutenaient le Parlement. Une effroyable explosion(1672) a soufflé le logement du Gouverneur quand la foudre est tombée sur une poudrière. Les armes exposées ne m’intéressent pas tellement, je passe rapidement également sur toutes les reconstitutions de la Première et de la Seconde Guerre mondiale du Musée de la milice qui raconte l’histoire d’un régiment pendant la Grande Guerre.

château cornet avant l’explosion

Nous passons une très agréable soirée en compagnie de Jackie et Roger venus dîner avec nous au restaurant de Fleur du Jardin. , fish and chips, et risotto aux champignons. Les salles sont pleines. Peu de touristes mais plutôt des gens de Guernesey venus se rencontrer pour boire une bière ou pour dîner. Roger et Jackie connaissent la moitié de la salle. Nous avons partagé avec grand plaisir cette sociabilité de pub britannique. Il a juste manqué les fléchettes que Dominique attendait. Nos amis nous montrent ce que nous n’aurions pas soupçonné : les anciennes cagettes de tomates utilisées comme élément de décor. Dominique retrouve ses souvenirs des serres.

 

 

Du Vazon à Petit Bôt sur le chemin côtier

CARNET DE GUERNESEY

la plage de petit Bôt

Le Vazon est une belle plage de sable située à moins d’un kilomètre de l’Hôtel Fleur de Jardin. Voiture garée au Parking Richmond, je suis un sentier sableux qui embaume les parfums de la dune anisé des fenouils qui ne sont pas encore desséchés. Ses crucifères jaunes (Roquette jaune) égaient la dune. La route longe la plage de la Perelle. A son extrémité, d’après la carte, il y aurait un dolmen mais je ne l’ai pas trouvé.

Dominique se gare devant un empilement de cagettes où sont rangées des pommes de terres dans des sacs : 2£ les 2 kg ou 8 pour 12kg. On fait confiance aux passants qui laisseront la monnaie dans une boîte. Plus loin on vend ainsi des pommes dans des sachets ou des œufs.

Je marche sur la ruette (en sens unique pour les voitures) vers le fort Saumarez – il y a des Saumarez partout sur Guernesey parfois écrit Sausmarez – . Elle aboutit à une vaste place où on pourrait laisser la voiture pour gagner à pied l’Ile Lihou sur une chaussée inondée ce matin laissée libre à marée basse. Il y a une grande maison sur l’île. Cela doit être étrange de ne pouvoir gagner Guernesey que deux heures par jour. Sans doute les propriétaires ont un bateau ? De l’autre côté de la place, un gros monument aux morts honore les marins morts en mer lors d’un naufrage dans les années 70. Encore plus loin, la Batterie d’Eree : deux canons sur une plateforme, construite au 18ème siècle pour se prémunir contre une possible invasion française pendant la Révolution et les Guerres napoléoniennes. La colline est truffée de blockhaus et de souterrains creusés par les Allemands que l’on pourrait visiter : le musée est signalé par un drapeau britannique. En revanche, j’ai cherché et pas trouvé le dolmen Creuxes es Faies, les fées me parlent plus que le Mur de l’Atlantique, je regrette de l’avoir raté.

Batterie de l’Eree

A la fin de la Plage de l’Eree, perché sur un rocher se dresse le Fort Grey que Jackie a surnommé Cup & Saucer : la tour ronde peinte en blancs e trouve à l’intérieur d’une enceinte plus basse de pierres claires jaune/rosé. Le fort Grey se visite (4£ ou avec le ticket collect) . Le fort a été élevé en 1803 sur l’emplacement du château Rocquaine : on a d’abord installé une batterie de 12 à 14 canons protégés par une enceinte circulaire épaisse de 3 m, l’année suivante on a bâti la tour.

La plage suivante est la Plage de Rocquaine. Après avoir dépassé l’Hôtel Impérial la circulation est réservée aux riverains. Il faut se garer près du kiosque du Portelet (WC)la promenade du Portelet au Port Pezeries est piétonnière ou cycliste. Facile, une heure aller et retour sur une route goudronnée presque jusqu’au bout. La colline est abrupte, de beaux pins se détachent sur la crête. Elle est dominée par la Tour d’Observation de Pleinmont – tour en béton. De nombreux sentiers la sillonnent conduisant à la tour ou rejoignant le sentier côtier de l’autre côté de la pointe. Des panneaux explicatifs racontent que des signaux à bras pouvaient remplacer le télégraphe capté par le Fort Pezeries qui s’avance en mer, construction commencée en 1680 ; complété au 18ème siècle et restauré en 1842.

De l’autre côté de la route, sur une pelouse verte, des piliers de granite sont disposés en cercle dessinant La Table des Pions. Cet emplacement fut utilisé jusqu’en 1837 pour le pique-nique de La Chevauchée qui était une procession ayant lieu tous les trois ans qui s’assure de l’état des routes et des fortifications du Chemin du Roi dès 1530. Le folklore local attribue aussi à ce cercle des attributs magiques : lieu de réunion des fées.

Après la Table des Pions, le sentier devient étroit dans un environnement sauvage et rocheux. Les falaises déchiquetées sont hérissées de rochers pointus où le sentier se faufile et disparaît. Si je n’avais pas été seule, j’aurais peut-être essayé de continuer. Sans bâton de marche et surtout sans balisage, je renonce. Dans le Var, j’ai suivi des sentiers côtiers rocheux analogues mais avec des marques de peintures pour guider mes pas. Ici rien et un environnement dangereux.

la falaise

Dominique me conduit en voiture au parking suivant marqué d’un symbole  de point de vue sur la carte près de la Tour de Pleinmont où passe le Sentier des Falaises (Clift Path) qui est bien entretenu. Un grillage côté à-pic le sécurise, des marches aux bords cimentées facilitent descente et montée. Ce serait une randonnée facile si les marches n’avaient pas été aussi hautes. J’ai été bien inspirée de prendre mon bâton télescopique. Sans bâton je n’aurais pas été capable de me hisser parce que cela monte et descend tout le temps.  Il y a très peu de tronçons en balcon pour reprendre mon souffle. A peine en haut j’aborde à nouveau une vallée qui entaille la falaise.

Sentier de la falaise

Les nuages ont disparu. Le soleil est chaud pour fin septembre. L’eau est bleue, les roches tantôt rouges tantôt noires. Granite saumon, gneiss gris et orange, passées d’une roche à grain fin presque noire ressemblant au kersanton breton. Les pompons roses des Armeria maritima font de la couleur, les fougères sont roussie dans cette la de d’épineux Les prunelliers sont couverts de fruits bleus (sans doute horriblement âpres et immangeables ; on dit qu’ils se mangent après les gelées mais il ne gèle guère à Guernesey.

Armeria maritima

La visibilité est excellente : je distingue les falaises de Sark ; je crois deviner clocher et tours sur une côte lointaine Jersey ou le Cotentin ?

Dominique pensait m’attendre de parking en parking indiqués sur la carte. Introuvables ! Elle suit ma progression du bout d’une ruette qui mène à une maison de pierre au bord de la falaise. Tantôt je disparais dans le creux, tantôt je vois la voiture briller au soleil. L’étape suivante sera au pied de la Tour d’observation de la Prévôté . Sur la carte et par la route cela ne paraît pas bien loin. C’est sans compter les ravins avec leurs marches innombrables et si hautes. J’arrive vers 16h toute transpirante. Au compteur 22.000 pas. Ce fut une randonnée magnifique. Depuis nos vacances dans le Var je n’en ai pas fait d’aussi sportive et aussi belle.

Nous continuons en voiture jusqu’à la Plage de Petit Bôt. D’après la carte le Chemin du Petit Bôt prend après la Musée de l’Occupation Allemande qu’on trouve mais pas le chemin. On aboutit à Fontenelles et un monsieur anglophone se fait un plaisir de nous remettre dans la bonne route en français. Petit Bôt est une crique très étroite, fracture profonde dans la falaise. On descend par une ruette pentue dans un bois sombre. La petite tour claire est curieusement placée dans le creux, près de la plage. Généralement les fortifications sont sur les reliefs en hauteur ou sur une péninsule. Un panneau nous en conte l’histoire qui remonte à l’Indépendance Américaine quand la France, alliée des Américains était en guerre contre l’Angleterre. Hier matin lorsque Jackie nous a emmenées, il faisait gris et la mer était haute, de gros galets ne m’incitaient pas à la baignade. Cet après-midi, sous le soleil éclatant, l’estran sableux est dégagé ; un beau rouleau se brise sur les rochers, eau transparente couleur menthe glaciale, appétissante. Trois têtes sortent de l’eau, deux autres femmes en maillot de bain en sortent sans se presser. Elles se changent dans une serviette éponge froncée formant une cabine comme quand j’étais petite(il y a 60 ans). Deux autres font des selfies en maillot. Je quitte mes sandales retrousse mon jean jusqu’en haut du genou pour marcher dans l’eau. Elle est bien fraîche.

Ile lihou

Diner de risotto aux champignons des bois, trois sortes,  décoré avec des brins de pois.

 

 

Rapide tour de Guernesey

CARNET DE GUERNESEY

Le petit déjeuner est servi dans une autre salle ; Ambiance sombre, bois ciré. Il faut se modérer au breakfast, nous sommes invitées à déjeuner et il faudra faire honneur au repas de Jackie.

10 heures, Jackie arrive au volant de sa Honda bleu nuit et nous fait la visite guidée.

Première étape, à la maison voisine : Courtil Jardin où Dominique a passé des vacances dans son enfance. Les nouveaux occupants ont fait quelques changements mais Dominique reconnaît la maison et de nombreux souvenirs resurgissent. Les serres des fameuses tomates de Guernesey ont disparu mais les alentours sont restés agricoles avec des vaches et une ferme « la Bergerie ». le chemin du Vazon qui mène à la plage est toujours le même.

La grande plage du Vazon est bordée par la route et gardée par de grosses tours rondes doublée parfois de béton. Guernesey a été fortifiée à plusieurs reprises. Lors de la guerre d’Indépendance américaine, les Français étaient alliés des Américains en guerre contre l’Angleterre, pendant les guerres napoléoniennes. Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands ont occupé les îles anglo-normandes et les ont incorporés au Mur de l’Atlantique : les blockhaus et fortifications de béton sont visibles et impressionnantes.

Perelle Bay est l’anse suivante. De la Pointe suivante portant le Fort Saumarez on découvre l’île Lihou accessible à pied à marée basse. Eree beach est une jolie plage de sable. Un rocher est coiffé d’un fort étonnant Cup & Saucer en deux parties, une enceinte basse surmontée d’une tour plus haute et plus fine.

Fort Grey cup&saucer

La pointe Sud-Ouest de Guernesey, Torteval, est à l’écart de la grande route. Jackie me montre une petite route bien cachée est interdite à la circulation (réservée aux riverains) itinéraire de promenade. Une « tour d’observation » en béton domine le paysage. Elle n’est guère esthétique mais les Guernesiais accordent de l’importance à ces souvenirs de guerre et ont fait plusieurs musées de l’occupation allemande. Je suis contente d’avoir relu Le Cercle Littéraire des Amateurs d’Epluchures de patates. La vue est belle et la perspective d’une belle promenade me réjouit.

Le Petit Bôt est une crique très étroite entre deux falaises découpées. Encore une tour ! Nous découvrons encore des départs de promenade et des échappées sur la mer à Jerbourg.

Little chapel

Little Chapel est une curiosité « incontournable » de Guernesey. Cette chapelle est vraiment très mignonne dans son écrin de verdure. Toute petite, recouverte de mosaïque de porcelaine à partir de vaisselle cassée (très jolie vaisselle) . Ses dimensions : 16 ftx9ft. (4.87 m x2.74 m). Construite par un seul homme : le Frère Déodat  de l’ordre de la Salle. En 1904, à la suite des lois sur l’école Laïque, de nombreux salésiens ont choisi l’exil. Un groupe a acquis la propriété de Vauxbelets. Construite pendant la première Guerre mondiale elle était assez grande pour 4 fidèles laus eke fut détruite à la suite de la visite de l’évêque de Portsmouth qui ne réussi pas à passer la porte. En 1939 elle était presque finie. Elle fut à nouveau rénovée en 1977>. La décoration en porcelaine est rehaussée par l’ajout de coquillage nacrés.

La visite de l’île se termine par quelques courses pour le déjeuner dans le très joli magasin Surf & Turf sur le quai Castle Pier à Saint Pierre Port. D’un côté : poissonnerie, en face boucherie avec de très belle côtes de bœuf. A l’extérieur, des herbes aromatiques pour accommoder le tout.

Guernsey Lillies

Jackie et Roger habitent dans un lotissement récent de maisons mitoyennes de style très british avec unb jardin très fleuri (Guernsey lillies en pleine floraison) A l’arrière de la pelouse on a végétalisé la pente d’une verdure exubérante. Un somptueux plateau de fruits de mer avec trois homards de Guernesey de belle taille, cuits et découpés à la maison. Je n’en ai jamais vu d’aussi beaux. Salade de tomates de Guernesey avec persil du jardin et oignons, la mayonnaise est aussi faite maison. Les petits plats dans les grands ! Le dessert est une « tarte aux pommes » à la pâte fine qui la recouvre, délicieuse accompagnée de la crème liquide de Guernesey.

Dominique nous annonce « une grande nouvelle » : elle vient de recevoir un mail de Condor Ferries. Les prévisions météo pour samedi sont mauvaises, le ferry ne pourra peut-être pas partir. Condor suggère de décaler la traversée. Rester un jour ou deux sur Guernesey serait plutôt une bonne nouvelle mais pas plus ! Affolement général. Le bureau de Condor à Guernesey ne répond pas. Jackie appelle Poole en Angleterre tandis que j’essaie d’avoir Saint Malo. A la fin du repas nous avons les réponses : le ferry de samedi est compromis mais pas annulé. Le vent a le temps de changer plusieurs fois. Nous aurons confirmation 24 heures avant le départ. Ce n’est pas très pratique pour annuler la réservation de l’hôtel à Saint Malo et prolonger le séjour à Fleur de Jardin (s’ils ne sont pas complets). Vivre sur une île impose des contraintes. Roger est philosophe : c’est la période des tempêtes. Mieux vaut retarder le voyage qu’être secoué par mauvaise mer. Nous sommes très bien ici, le séjour est agréable, l’hôtel très confortable et els cousins de Dominique, adorables.

Après le café promenade au Park Saumarez qui a de belles pelouses très vertes et très bien tondues, des arbres vénérables, de nombreux camélias avec de beaux boutons pour une prochaine floraison. Jolie roseraie, les roses blanches embaument. Sur un petit étang on a installé un pavillon japonisant. Dans une ancienne ferme, un musée ethnographique avec une ancienne laiterie, une blanchisserie, charrettes et carrioles. Tout est propre et charmant. Une peintre locale expose des marines et des aquarelles avec des cyanotypes.

La visite est terminée. La voiture de Jackie tousse, ronfle, cale et s’immobilise. Il faut la pousser jusqu’à un parking. Heureusement elle est légère.  Roger nous rejoint avec sa voiture. Nous sommes embêtées d’être la cause de la panne.

Il fait encore beau à 17 heures, nous retournons au Vazon avec la 108 nous engageons dans le chemin du Fort Hommet où passe le sentier côtier. La tour est construite en belle pierre mais elle a à sa base du béton allemand. Les fortifications se superposent. A l’ouest une barre nuageuse nous fera un coucher de soleil intéressant.

La route côtière vers le nord jusqu’au fort Doyle

CARNET DE GUERNESEY

 

Marina Beaucette

16h30, nous poursuivons la route côtière que nous avons suivie le matin après le petit port de Saint Sampson. Plage et port de Bordeaux sont équipés de tables de pique-nique, d’un kiosque et de WC. Les promeneurs sont nombreux sur le sentier côtier malgré la pluie. Il arrive au pied de la tour de Vale Castle, de l’autre côté de la route. Si nous avions été des touristes consciencieuses il aurait suffi de traverser la route pour visiter ce château médiéval et ses impressionnantes fortifications. La visite de la maison de Victor Hugo a épuisé mes velléités de tourisme, je préfère marcher le long de la mer.

La pointe nord de Guernesey est très découpée de criques et de pointes portant parfois des forts mais la route principale les évite. Nous nous engageons dans les ruettes très étroites et sinueuses en direction du Fort Doyle. Par hasard nous aboutissons sur la Beaucette Marina, petit port abrité par des falaises impressionnantes où sont amarrés des yachts luxueux, bien cachés. Les équipements, restaurants, sanitaires, buanderie, barbecue etc… sont très complets pour le confort des yachtmen qui, pour certains y vivent en permanence. Le repère des milliardaires !

Comme la pluie devient vraiment insistante, nous rentrons directement guidées par le GPS à l’intérieur de l’île. Sur la carte la route semble simple et droite, dans la réalité, elle tortille. Les indications routières nous désarçonnent comme ce mystérieux « Filter » dans les carrefours. Qui a donc la priorité en cas de Filter ?

Nous découvrons notre nouvelle chambre au rez-de-chaussée pour éviter à Dominique la torture des escaliers. Très claire, très vaste, grise et blanche, décor sobre, mobilier épuré. La porte-fenêtre s’ouvre sur une estrade de bois sur une pelouse. Par beau temps, on pourrait s’installer sur la petite table ronde avec des chaises de jardin. Un lit king-size, des lampes de chevet en bois flotté, un canapé et des tables gigognes avec une glace ? seul élément décoratif : un mannequin de fer forgé coiffé d’un chapeau de paille. Sur une table minimaliste : un plateau avec une théière et une bouilloire. J’aime me faire un thé en rentrant de promenade.

Dîner à 8 heures : fish & chips avec des petits pois frais dans une cassolette. Le restaurant est désert à cette heure-ci, deux salles sont privatisées pour des évènements festifs. L’affluence est autour de 18 h, de nombreux jeunes boivent des bières ou dinent.

 

Hauteville house – la Maison de Victor Hugo en exil

CARNET DE GUERNESEY

Hauteville House Salon rouge

Je suis arrivée trop tôt, on me demande d’attendre dans le jardin, très agréable mais un peu humide sous la pluie.

Visite guidée en très petit comité (5). Réservation d’un créneau horaire par Internet obligatoire. (Mercredi fermé) . Il convient de laisser manteau et sac dans des casiers. Pour prendre des notes on m’a demandé d’utiliser le crayon de papier. Durée de la visite : 1 heure.

Hauteville House vue du jardin

Expulsé Jersey en 1855 pour avoir critiqué la visite de Victoria à Napoléon III, Victor Hugo fait l’acquisition de Hauteville House en 1856 et va y installer son foyer en exil : maison familiale spectaculaire et théâtrale.

Le guide va pointer tous les éléments du mobilier, les symboles du décor et décrypter les inscriptions cachées, enrichir la visite de toutes les allusions que Hugo a dispersé dans les pièces. Du plancher au plafond, il ne reste pas une place disponible, tapis, tapisseries sur les murs, les portes, les plafonds. Au contraire : des tiroirs secrets, des passages secrets, des panneaux  qui cachent des rangements et les commodités.  Hugo a décoré sa maison comme il écrit ses chefs d’œuvres, généreux, monumental, impressionnant avec le souci du détail, de la mise en scène, chargé de sens, de mystère…

Victor Hugo sur son rocher d’exil

Le premier salon que nous visitons au rez de chaussée, le « salon générique » est occupé par un grand billard français. Aux murs, les portraits de famille, ceux de Victor Hugo, assez jeune, de ses fils, d’Adèle sa femme, mais aussi de Léopoldine, l’absente, qui n’aura pas connu Guernesey mais à qui Victor Hugo fait une place. Un des fils a réalisé un collage photographique représentant la famille autour de Victor sur son rocher. Des dessins de Victor Hugo complètent le décor. Impressionnant et très sombre, celui qui rappelle la lutte d’Hugo contre la peine de mort.

la cathédrale

Le salon privé est dominé par la « cathédrale » buffet monumental occupant tout un mur fait de recyclage de meubles anciens. Les symboles religieux, ménorah, étoile de David, sont largement présents ainsi que les blasons familiaux. Le double H, H pour Hugo, H pour Hauteville, sont aussi une marque omniprésente.  La table est aussi une porte réutilisée.

Un atelier- photo est caché dans l’épaisseur d’un mur : chambre noire mais aussi évier et tout ce qu’il faut pour développer les clichés.

Salle à manger carreaux de Delft

La cheminée de la salle à manger est tapissée de carreaux de Delft, le double H ressort en relief. Notre Dame de Bon Secours peut être assimilée à La Liberté guidant le Peuple. L’inscription EXILUM V ITA EST montre l’acceptation de l’exil, une fois la maison terminée. Entre deux fenêtres, le siège des ancêtres contribue à inscrire les ancêtres dans cette maison. On peut y voir de près les blasons familiaux. Hugo a été fait pair de France par Louis Philippe, il conserve à Guernesey les insignes de sa noblesse.

Dans chaque pièce on peut observer les chinoiseries que l’écrivain collectionnait.

Montant l’escalier sur un palier surchargé de draperies (la tapisserie conserve la chaleur), nous découvrons à l’étage les salons d’apparat rouge et bleu, rappelant le luxe des salons parisiens. Des tableaux de perles occupent tout le panneau qui fait face aux fenêtres avec  des statues, bibelots et chinoiseries .

la chambre

Le deuxième étage est encore plus théâtral : chambre à coucher et bureau de l’écrivain. Les meubles proviennent de stalles d’église, bois foncé tourné. Involontairement je pense à La folie des Grandeurs, adaptation cinématographique de Ruy Blas avec ses sévère meubles espagnols. Au bureau, non pas un fauteuil mais trois Pater – Mater- Filius allusion à la trinité. En guise de séparation des colonnes torses avec des raisins comme dans les églises baroques et au centre « l’arbre de feu » candélabre monumental qui n’a pas dû servir beaucoup : allumé il aurait brûlé le plafond. Le lit rouge, à baldaquin, est disproportionné, à la tête de lit, une tête de mort, pommeau d’une canne d’ivoire. Un escalier secret est caché dans le mur, conduit-il à la chambre de travail au troisième étage, ou a-t-il permis à Juliette Drouet de rejoindre discrètement son amant ?

Verrière

Au dernier étage, une verrière offre un espace lumineux. Hauteville house est admirablement situé en haut d’une colline. La vue est extraordinaire. Par temps clair Hugo pouvait contempler les côtes françaises. C’est là qu’il travaillait et dormait sur une couche posée au sol, presque un campement si on compare avec la chambre théâtrale située juste au-dessous.

première matinée anglo-normande : Saint Pierre-port et la route côtière

CARNET DE GUERNESEY

English breakfast

Le petit déjeuner de Fleur de jardin est pantagruélique : un œuf (au plat ou brouillé), bacon, une petite tomate chaude, une saucisse, une tranche de boudin (black pudding) ; au centre de la très grande assiette, une minuscule casserole avec des haricots à la sauce tomate. Sur un buffet on peut aussi se servir de yaourts, céréales, viennoiseries et salades de fruit. Déjà que le boudin était en trop !

Autour de Fleur du jardin c’est la campagne avec des fermes, des vaches normandes, des serres mais l’urbanisation ronge le paysage.

Toponymie

Nous avons fait confiance au GPS pour nous mener à la capitale : Saint Pierre Port. La toponymie est un poème, en guernysien qui est un ancien patois normand. L’hôtel n’est pas à Kingsmill comme l’annonçait Booking.com mais aux Grandes Moulins, nous empruntons la Ruette des Bergers. Une ruette est une route étroite destinée aux cyclistes et aux piétons qui sont prioritaires où la vitesse est limitée à 15 MpH. Nous passons au Champ du Roi (français dans le texte) puis par la Ruette des Brayes, la rue de la Charroterie, le Bordage. Plus on s’approche du port, plus on traverse des quartiers administratifs et commerciaux, et plus l’Anglais se substitue au Français : Market square, Fountain street, High street….

Un cottage

Dominique trouve une place de parking au port le long de la Marina Victoria, non loin de l’Office de Tourisme qui est logé dans un imposant bâtiment de pierre. L’accueil y est sympathique. L’employé répond de très bonne grâce à toutes mes questions. Pour aller à Sark, il cherche sur Internet les horaires des bateaux et des marées. Selon le coefficient de marée, il y a plus ou moins de marches sur un escalier de pierre. Dominique avait très envie de retourner sur la petite île sauvage sans voiture ni moteur, gardée par ses falaises, elle renonce à regret à cause des marches qui pourraient être glissantes. Je ressors du bureau avec une pile de documentation, une carte indispensable et un plan de la ville.

Etape suivante : se procurer du cash au distributeur (ATM). Les guichets de la Barclays,  sur HIgh Street bien  à l’abri, ne délivrent que des livres guernesiaises. Je ne prends que 100£, s’il m’en reste à la fin du séjour, elles seront inutilisables ailleurs qu’à Guernesey. Par ailleurs, il faut éviter l’utilisation de la Carte Bleue, la commission bancaire est élevée.

Il fait beau, la rue commerçante est fleurie, les boutiques pimpantes et les prix attractifs. A la boutique Millet (magasin de sport) il y a des chaussures de randonnée à 39£ (c’est donné). Les chiens sont les bienvenus, un bol d’eau et un bol de croquettes à leur disposition. Plus loin, jeans de belle qualité détaxés 55£ pour femmes, 65 £ pour hommes, promotions chez Marks & Spencer : tous les pulls à 39£ sans parler de la papeterie qui vend du matériel très raffiné avec des promotions pour la rentrée des classes. Je craque pour un carnet doublé de cuir. Je me promène dans les rues très pentues de Saint Pierre. Un panneau retient mon attention :

CES PREMISSES SONT TERRES A L’AMENDE

La note en anglais est plus explicite : Fine 50 £. Curieuse façon de formuler « interdit de stationner » !

Je suis perplexe : que veut donc dire « prémisse » aussi orthographié « prémises » ?

Je monte jusqu’aux clochers et tourelles qui dépassent des toits et qui m’avaient tant plu hier soir. Certaines appartiennent au Elizabeth College. Fondée en 1563 par Elizabeth 1ère, c’est une Public School qui accueille 750 étudiantes et étudiants. Des garçons sortent, en uniforme, costume bleu marine, chemise blanche et cravate à rayures, mal coiffés, la chemise tirebouchonnée ou flottante. J’entre dans une église méthodiste 19ème siècle, gothique parfait ! Ville en pente mais aérée avec des parcs et des jardins.

Saint Pierre Port

Nous quittons le port en suivant la route côtière vers le nord, passant à la sortie du port par des quartiers neufs, style contemporain, beaux balcons et bureaux. La Grève bay est une grande plage de galets. Un peu plus loin, une petite zone industrielle avec de hautes citerne, centre de traitement des ordures, cheminée d’usine étrange spiralée.  Juste après, le petit port de Saint Sampsons. à l’extrémité de la Grève, je trouve le sentier côtier pour une courte promenade parfumée aux Eléagnus en fleur – floraison très discrète de clochettes blanches minuscules mais très odorantes. Nous pique-niquons rapidement d’une tartine de rillettes sur le parking de la Marina Albert sous la statue du Prince Consort Albert curieusement vêtu de hauts de chausses crevés et d’un pourpoint élisabéthain (ou shakespearien). Pourquoi est-il ainsi attifé ?

A bord du ferry de Cherbourg à Guernesey

CARNET DE GUERNESEY

A bord du ferry, le fascinant spectacle des nuages

Condor Ferries

L’embarquement , 90 minutes avant le départ (16h40). A 15 heures, la queue est déjà longue. Selon les plaques minéralogiques,  uniquement des Guernesiais. Arrêt à plusieurs guérites:  tickets et vérification des passeports par la police. Maudit soit le Brexit!  On est orienté sur différentes files, une pour les deux-roues, une pour les camping-cars, une pour les voitures ordinaires et la nôtre pour l’assistance. Quand vient notre tour, un marin fait signe de nous garer devant la porte de l’ascenseur.  Il nous accompagne.  Le ferry n’a qu’un pont avec des sièges-avion et un pont extérieur. A l’avant, le salon VIP offre une vue panoramique ; il est réservé à ceux qui ont payé un supplément . Il y a un restaurant self-service et une boutique hors taxe. Après Guernesey, le bateau continue sa route vers Poole dans le sud de l’Angleterre (Dorset).

Samedi dernier, Jackie nous avait beaucoup inquiétées :

« Lundi, il y a le vent ! » avait-elle dit.

La météo avait confirmé l’ alerte, la télévision annonçait des rafales à 70km/H en Manche. Nous avons suivi sur nos téléphones, heure par heure, la vitesse du vent, téléchargé l’échelle de Beaufort. J’ai avalé un comprimé de Mercalm.

La Hague : Flamanville

Ouf ! Le ferry a pris la mer. Il longe les côtes du Cotentin. La voix du capitaine annonce : « Nous avons dépassé le Cap de la Hague, restez assis dans vos sièges. La mer sera plus dure ! ».

Par les larges baies vitrées, je repère les grues et les constructions de Flamanville. Je suis fascinée par l’éclairage changeant, les nuages qui courent, se séparent, forment des trouées de lumière, des faisceaux qui éclairent la surface écailleuse de l’eau. La traversée dure deux heures et je ne m’ennuie pas un instant. Je regrette seulement d’avoir oublié de relire le récit de nos promenades sur le sentier côtier du Cotentin pour me rafraîchir la mémoire, j’ai oublié le nom des plages et le phare de Goury. Aurigny se profile au loin, on dépasse l’île sans voir en détail ses côtes.

L’arrivée du Ferry en face de Saint-Pierre-Port est spectaculaire sous un soleil éblouissant. La surface de l’eau est si brillante que je n’arrive pas à faire la photo. Un vent favorable a poussé le bateau si bien que nous avons une demi-heure d’avance, il faut patienter parce que le quai n’est pas libre. Nous passons devant le Château Cornet (la citadelle) et entrons enfin dans le port.

Entrée dans le port du Ferry

Les passagers pour Poole doivent également débarquer pour faire viser les passeports (je maudis une première fois le Brexit). Le  gentil marin qui a accompagné Dominique nous donne l’ordre d’attendre dans la cale et de ne pas monter dans la voiture ; les policiers monteront à bord exprès pour nous et viseront nos passeports. Je ne comprends pas pourquoi il nous interdit de monter dans la voiture. La cale se vide, L’équipage pour Poole se présente, blousons orange, nous comptons une trentaine de marins. Et nous sommes encore à bord à attendre. Le bateau va repartir pour l’Angleterre avec nous ! Enfin, le marin gentil revient. Il n’avait pas capté que notre destination était Guernesey. Il faut regagner la 108 au plus vite. Dominique ne trouve plus ses clés.

le Château Cornet : la citadelle qui garde Guernesey