Duras ou les fantômes d’Anne-Marie Stretter – Sylvie Thorel

MASSE CRITIQUE DE BABELIO

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120 pages, une aimable promenade à travers les livres et les films de Duras sur les trace de la très élégante dame en fourreau noir ou en robe rouge qui a pour moi le visage de Delphine Seyrig…De Calcutta à Lahore, de Savannakhet à Venise, bicyclette appuyée au grillage du tennis vide, salons brillants avec la musique de Carlos d’Alessio. Je suis toujours hantée par les films vus et revus, India Song, Son nom de Venise dans Calcutta déserte… 

 

Il vaut mieux bien connaître l’œuvre de Duras pour ne pas s’ennuyer dans  toutes les répétitions et les  nuances. Heureusement l’enquête est bien menée et le livre est court. En tout cas, il m’a donné envie de revenir à l’original.

La première partie, les pas d‘Anne-Marie Stretter et Ses Visages m’ont enchantée. La seconde Eurydice : Aimer après Auschwitz, est moins légère. Lourde de significations, les sens cachés m’avaient complètement échappé quand j’ai découvert autrefois les textes. Les associations « lèpre-Juifs » m’ont mise mal à l’aise. Les allusions à la colonisation, surtout dans le Barrage contre le Pacifique m’avaient paru évidentes. Encore une fois la lecture de l’essai de Sylvie Thorel éveille une nouvelle curiosité et un besoin de retour au texte. 

 

Si vous n’avez jamais lu Duras, ce livre n’est pas pour vous, mais si vous êtes fan, c’est une belle occasion d’approfondir et une lecture intéressante.

Mr Turner film de Mike Leigh

CHALLENGE ROMANTISME

 

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J’aime la peinture de Turner et j’aime le cinéma de Mike Leigh.  Un film de 2h30 ne me fait pas peur. Toutes ces bonnes raisons pour aller voir le film

Je suis perplexe. Le  film n’est ni aimable, ni plaisant. Turner est un personnage assez désagréable à regarder, à la mine porcine, aux grognements et aux grimaces forcées. Pour éviter l’hagiographie, Leigh est tombé dans la caricature. Deux agonies pénibles. la maladie de peau de la fidèle servante s’aggrave au cours du film. Les altercations avec les peintres et amateurs de peinture sont récurrentes.

Et pourtant ce film est passionnant. Génial générique où un tableau se découvre dans des volutes de fumées.  Recherches sur la lumière, expériences d’optique. Images sublimes dans la nature et dans le studio de l’artiste. On retrouve les tableaux avant même de les voir. Lumière d’un coucher de soleil, marines…

le dernier voyage du Téméraire
le dernier voyage du Téméraire

Il s’inscrit dans l’avancée de la technique : le vapeur qui mène Turner à Margate, les premiers trains et finalement la photographie… chaque fois le peintre s’intéresse à ces nouvelles inventions, saisit le spectaculaire du nuage de vapeur, cherche à comprendre le cliché du daguerréotype. On voit même la jeune reine Victoria.

 

Pluie, vapeur vitesse
Pluie, vapeur vitesse

logo romantisme

Angkor au musée Guimet

LE MONDE EN EXPOS

Angkor, Naissance d’un mythe, Louis Delaporte et le Cambodge

Mystérieux site redécouvert enfoui ans la jungle par les Français au 19ème siècle, Angkor a inspiré autant les explorateurs que les écrivains, Malraux cumulant dans la Voie Royale le roman d’aventure, l’archéologie et l’exploration. Notre guide, Prun, nous avait parlé de Mouhot. Delaporte participant à la mission de Lagrée en 1866 puis dirigeant deux autres missions est présenté dans cette exposition comme le découvreur d’Angkor.

les tours à visages du Bayon

J’aime les récits de voyages et les expositions dédiées aux explorateurs, même si, de leur temps ils furent mêlés à l’aventure colonialiste, même si les méthodes scientifiques n’étaient pas aussi rigoureuses que celles des archéologues actuels. Delaporte était marin, comme Loti comme Yersin. Le premier objet que j’ai remarqué dans l’exposition est l’uniforme de Delaporte. Natif de Loches, en Touraine, il peint  son pays natal en deux aquarelles. Les aquarelles d’Angkor Vat et du Bayon sont d’une grande poésie ainsi que ses carnets de voyages.

moulages des bas reliefs du Râmâyana à Angkor Vat

Dans ses missions, Delaporte était accompagné d’un très bon photographe. Ces épreuves anciennes m’ont impressionnées par la qualité des tirages aussi bien que de la précision des clichés que des matériaux employés. Il a rapporté des moulages de grande précision et magnifiques. Ces éléments décoratifs d’une grande finesse ont été depuis abimés aussi bine par l’érosion que les pilleurs ou les guerres, ce sont des témoignages inestimables pour les motifs disparus.

moulage des bas reliefs

Un autre pôle de l’exposition et de l’œuvre de Delaporte est la construction du Mythe d’Angkor dans un musée qui se tenait à Compiègne et dans la construction des différents pavillons des expositions Universelles et coloniales de Paris et de Marseille avec la présentation de  cartes postales, articles de Presse, affiches, maquettes

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Bien sûr, en dehors de l’exposition,le Musée Guimet présente des trésors d’Angkor que je revois toujours avec plaisir

Kampuchea – Patrick Deville

LIRE POUR LE CAMBODGE (et le Vietnam, et la Thaïlande, et le Laos…)

Angkor

Après Peste&Choléra qui m’a beaucoup intéressée, j’ai cherché Kampuchéa sorti quelques mois après notre retour du Cambodge.

C’est un livre très différent, plutôt un carnet de voyage relatant une errance de Bangkok où il commence et se termine, un reportage au Procès de Douch – le tortionnaire du sinistre S-21 à Phnom Penh, et des digressions au Vietnam et au Laos.

sur le Tonlé-Sap
Sur le Tonlé-Sap – Cambodge

Le titre du livre – Kampuchéa – nom que les Khmers rouges avaient donné au Cambodge – laisse imaginer une sorte d’histoire du Cambodge. Deville commence son histoire en 1860 avec la découverte d’Angkor par Mouhot. Coquetterie d’auteur, il feint de dater les évènements à partir de cette nouvelle ère, ce nous oblige à faire un petit exercice de calcul mental.

Deville joue avec le lecteur en l’égarant aussi bien dans l’espace. Il fournit des indices plus ou moins clairs, ne nomme pas toujours les lieux si bien qu’il faut deviner où se déroule l’action. Un bonne connaissance de l’Asie du Sud-Est est même nécessaire pour se repérer dans ce livre-puzzle.

L’histoire n’est jamais racontée linéairement. Des épisodes, dans le plus grand désordre chronologique,  surgissent au fil du voyage, des rencontres, des digressions. On peut considérer cette lecture comme un jeu. Parfois agaçant. Ce n’est plus l’histoire du Cambodge qui est narrée, plutôt celle de l’Indochine, avec ses pionniers: Mouhot le premier, mais aussi Garnier et Lagrée qui ont cartographié le Mékong, ainsi qu’Auguste Pavie qui cartographia le Tonlé Sap et installa le télégraphe entre Phnom Penh et Bangkok, parti à dos d’éléphant. Rencontres fortuites avec Loti, Brazza ou Stanley, des plus grands explorateurs. Plus tardives avec Malraux ou Graham Green.

Morceaux de bravoures, l’entrée des Khmers rouges le 17 avril 1975 à Phnom Penh, DienBien Phu, ou la débâcle des américains  à Saïgon, même les affrontements entre chemises jaunes et chemises rouges à Bangkok en 2011. On croise Sihanouk et Hô Chi  Minh…. Récit cinématographique:long travelling sur Catinat à Saïgon.

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Nha Trang – Vietnam

« Je vais descendre vers Danang, ou peut être à Nha Trang sur les traces du bon docteur Yersin. Par la route Mandarine ou en train, au milieu des flamboyants et des tamariniers. puis descendre à Hô Chi Minh-Ville et de-là regagner Bangkok, remonter au nord vers Chiang Mai, puis Hanoï, puis Haïphong, corir à nouveau sur la grand-roue dont le moyeu est Phnom Penh, comme l’écureuil de Cendrars dans la cage des latitudes et des longitudes, chercher une issue…. »

Rencontres passionnantes mais un peu frustrantes,  à peine commence-t-on à se situer que le chapitre suivant nous emmène ailleurs.


 

Musée Guimet : adieu au Cambodge!

 

En rentrant d’un voyage il m’est toujours difficile de tourner la page.Tant reste à découvrir! à lire et même encore à voir. La visite au Musée Guimet est la meilleure conclusion à ce carnet si je me décide de le clore.

L’art khmer occupe la salle centrale du rez de chaussée, les sculptures sont à l’honneur.

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J’avais surtout rendez-vous  avec cette divinité à tête de cheval de Sambor Preikuk ôtée de son pavillon dont l’image m’avais frappé. je m’étais promis d’aller lui rendre visite.

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L’état de conservation des sculptures est admirable, les a-ton restaurées admirablement ou simplement les a-t-on soustraites à l’érosion de la pluie? Je n’avais pas remarqué une telle finesse de décor sur les grès des grands statues. je reconnais un fronton de Banteay Srei. so  histoire m’est inconnue. Prun n’a pas pu nous raconter tout le Ramayana en 3 jours!

En revanche je retrouve avec plaisir Valin et Sugriva. la mort de Valin est  très émouvante?.

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Danser le Ramayana – d’après P. Benoit : roi Lépreux

Avant notre voyage , je n’avais jamais entendu parler du Ramayana. La  découverte de la fresque  à la Pagode d’Argent de Phnom Penh fut un enchantement.

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Rama à la Bataille de Langka

Prun, à Angkor-Vat fut un merveilleux conteur devant les bas reliefs. La bataille de Langka, l’épreuve du feu….tout était sculpté sur les murs de la galerie ou sur les frontons du Banteay Srei.

C’est fortuitement, grâce à une amie parisienne, que j’ai appris que le Ramayana se dansait .

Et comme le hasard fait bien les choses, j’étais justement en train de lire Le Roi Lépreux de Pierre Benoit :

« Bientôt, nous atteignîmes au bout de la chaussée, le portique ouvert sur les ténébres béantes du Grand Temple. C’est là que le spectacle allait se dérouler. Des ombres grouillèrent autour d’un cercle de cinquante pieds de diamètre d’un cercle formé par des enfants nus accroupis en rond. Chacun d’entre eux tenait entre les genoux une torche embrasée……

….vous savez que les dansees auxquelles vous allez assister sont la paraphrase vivante du Ramayana, de même que tout près d’ici, les splendides bas reliefs du premier étage d’Angkor-Vat en sont la paraphrase pétrifiée….

Chut! Attention! Voici la flûte et les xylophones qui nous annoncent l’entrée de la belle Sita…

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Ebloui, je regardais la merveilleuse petite idole. Dominé par la t^te droite et dédaigneuse que coiffait le mokot en forme de pagode à longue pointe d’or, le corps n’était qu’une ondulation scintillante de pierreries. Dans l’immobile blancheur du visage, une blancheur impressionnante quasi-chimique, sous les sourcils prolongés au pinceau, sur les lèvres sanglantes, je cherchais vainement la trace de mon sourire de l’avant-veille…

…dans la forêt enchantée de Dandaka, la pricesse fait son entrée douloureuse. Elle songe aux malheurs de son époux, le divin Rama. Ses suivantes bien-aimées participent silencieusement à sa peine. aussi chaste que belle, elle repousse les anvances d’un jeune prince qui a le mauvais goût de choisir une telle minute pour

se venir à ses yeux se déclarer son amant

Il s’en va despéré, et Sita demeure seule. Ah! princesse, alors que on époux, le divin Rama à la face verte, se trouve si loin au fond des  forêts, occupé à protégéer les faibles et les opprimés contre les uppôts du Roi Ravana….Ravana le Roi des Géants, enfin…

Ravisseur de la belle Sita, le Roi des Géants, à pas menaçants pénétrait dans le cercle. Un frisson de tereur parcourait l’assistance. maintenant la lutte s’engageait entre lui et l’allié de Rama, Hanuman, Général des Singes, et c’était un extraordinaire duel rythmé avec de petites épes fulgurantes. Sous l’effroyable masque aux sourcils rouges, aux dents menaçantes, on voyait haleter à travers l’étoffe la fine gorge de la ballerine qui personnifiait Ravana…. »

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les démons de Ravana

Lire pour le Cambodge : Le Roi Lépreux – Pierre Benoit

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Publié en 1927, quelques temps avant la Voie Royale d’André Malraux (1930), ce roman se déroule essentiellement à Angkor. Exotisme, Indochine, archéologie, aventures….on pourrait les rapprocher, ces deux ouvrages sont cependant très différents.

 

Le Roi Lépreux, par certains aspects a mal vieilli. La rencontre des deux amis sur la Côte d’Azur, les confidences alcoolisées, les souvenirs du Quartier Latin, automobiles de luxe, bibelots, mondanités superficielles,  combines peu sympathiques,… passent plutôt mal. Cadre convenu pour introduire le véritable sujet : l’aventure indochinoise.

En revanche dès que le héros quitte Saïgon et découvre le Cambodge, je me régale.

« Tout changea. j’eus la stupéfaction de voir en quelques instants cette immensité humide et lépreuse faire place à une des natures les plus agréables du monde. Les noires plaines marécageuses devinrent des prairies …. La boue se transforma en aimables étangs fleuris de lotus et de lentisques. sur leurs bords, au lieu des hideux marabouts, se promenaient nonchalamment de grands oiseaux blancs, dont les uns, veinés de rose étaient des flamants et les autres, casqués de rouge, des grues Antigone. Les misérables petits pêcheurs fiévreux s’étaient changés en paysans rieurs, dont la vêture plus que primitive laissait apercevoir les beaux corps acajou. Nous venions d’entrer au Cambodge. »

L’arrivée dans le Phnom Penh du roi Sisowath est tout aussi charmante. Je jubile quand  l’étape entre la capitale et Angkor se trouve justement dans des bungalows à Kompong-Thom avec les berges de glaise de l’arroyo (que notre guide a appelé « les quais de Seine »). Comme nous, le héros a rencontré un gecko. les circuits touristiques n’ont pas changé depuis un siècle! Comme nous, l’américaine a fait l’excursion de Sambor. En revanche, nous n’avons pas vu les éléphants royaux en vacances boucher la fenêtre du bungalow….je nous imagine dans une auto de 1920, dans ce décor indochinois qui n’a finalement pas tant changé!

L’arrivée à Angkor- Vat est à Angko-Thom à la tombée de la nuit est plus romanesque que la nôtre

« Au passage, nous entendions, à droite et à gauche, des bruits confus, des craquements obscurs. De rapides points phosphoriescents, des yeux de bêtes s’allumaient pour disparaître ensuite. Ds vols mous, à plusieurs reprises, frôlèrent nos tempes… »

Raphaël, le nouveau conservateur d’Angkor, et Mrs Webb, la touriste américaine, vont découvrir les sites khmers : Angkor-Thom, le Bayon, la Terrasse du roi Lépreux …mais ce n ‘est pas l’archéologue qui fera découvrir les monuments à la visiteuse. C’est l’inverse qui se passe. La grande voyageuse prendra en  main l’éducation khmère du néophyte. On se trouve en plein roman d’amour à l’eau de rose sur décor des temples hindouistes (le bouddhisme n’est pas effleuré) Siva et Indra sont sans doute plus sexy? Pierre Benoit fournit toutes sortes de détails archéologiques passionnants.

Mais une nouvelle intrigue romanesque survient : la jolie Apsara, danseuse du ballet royal, n’est pas seulement ravissante. Princesse birmane, un peu espionne, elle donne au roman un tour aventureux. Rivalités politiques entre l’Empire Britanique et l’Indochine française, trafics d’armes…Raphaël est distrait de ses études savantes….

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Lecture facile, roman léger, les pages n’ont pas le souffle ni le style de la Voie Royale  ou du Pélerin d’Angkor de Loti. En revanche Pierre Benoit accorde beaucoup plus d’importance au décor, aux temples aux oeuvres d’art. Il fournit souvent un commentaire savant  qui m’avait manqué dans la découverte du Banteay Srei par l’archéologue de la Voie Royale. Ce dernier n’avait que peu de considération pour sa danseuse de pierre et ne voyait que la valeur marchande qu’il pourrait en tirer.

Cambodge et Vietnam : Marguerite Duras de Laure Adler

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Biographie très, très bien documentée. Trop bien presque, il me semble lire une explication de texte, pas une paraphrase mais presque. J’ai lu le début qui se déroulait en Indochine (la concession du barrage contre le Pacifique au Cambodge) et la période de l’Occupation, puis j’ai refermé le livre, préférant lire l’original à son commentaire.

Lire pour le Cambodge : Le pélerin d’Angkor – Pierre Loti

Loti est mon compagnon de voyage, avant de partir : pour rêver, à mes retours pour rêver encore….

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Devant le grand Angkor Vat j’ai été comme empêchée d’écrire, stupéfiée.

Comment décrire la splendeur ? Platement, ou copier le guide…

Je préfère citer Loti

« Et plus loin, au delà des eaux stagnantes, voici des tours en forme de tiare, des tours en pierre grise, de prodigieuses tours mortes qui se profilent dans le ciel pâli de lumière! Oh! Je les reconnais tout de suite, ce sont bien celles de la vieille image qui m’avait tant troublé jadis, un soir d’Avril dans mon muséee d’enfant….. »

« ces enceintes colossales et ces tours, qui viennent de nous apparaître comme quelque mirage de la torride chaleur, ce n’est pas la ville-même mais seulement Angkor-Vat…. »

« Pour conduire à la basilique-fantôme, un pont des vieux âges construit de blocs cyclopéens traverse l’étang encombré de roseaux et de nénéuphars ; deux monstres, rongés par le temps et tout barbus de lichen, en gardent l’entrée; il est pavé de larges dalles qui penchent par place, on le dirait crouler dans l’eau verdâtre. Au pas de nos boeufs, nous le traversons, presque endormis; à l’autre bout s’ouvre une porte, surmontée de donjons comme des tiares et flanquée de deux gigantesques serpents cobras qui se redressen, éployant en éventail leurs sept têtes de pierre. »

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« je monte sans hâte, éclairé par un soleil d’éblouissement et de mort. Oh! combien de symboles effroyables, échelonnés sur cette pénible route ascendante! partout des monstres, ds combats de monstres ; partout le Naga sacré, traînant sur les rampes son long corps onduleux, puis le dressant en épouvantail ses sept têtes vipérines! Les apsâras, qu’elles sont jolies et souriantes sous leurs coiffures de déesses, avec pourtant toujours cette expression de sous-entendu et de mystère qui ne rassure pas….. »

 

Lire pour le Cambodge : Le Papier ne peut pas envelopper la braise – Rithy Panh et Louise Lorentz

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Rithy Panh est un cinéaste cambodgien qui a récemment réalisé Un barrage contre le Pacifique d’apès Marguerite Duras et des documentaires dont le célèbre

 sur la prison Khmère rouge de Phnom Penh, Le Papier ne peut pas envelopper la Braise a été égalment tourné comme documentaire.

Comment appelle-t-on un documentaire quand il s’agit d’un livre? Un témoignage, un reportage?

Ce livre donne la parole à une douzaine  prostituées partageant un logement dans le Building blanc,  un immeuble  qui fut autrefois un fleuron de l’architecture de Phnom Penh.

Confidences tristes, révoltes, tendresse, entraide…. ces filles partagent leurs peines et parfois leurs joies.

Jeunes, à peine une vingtaine d’années et déjà si abimées par la vie. Toutes droguées, souvent séropositives, parfois mères. Elles ont presque toutes la même histoire : paysannes pauvres, leur famille les a vendues, a vendu très cher leur virginité, pour payer les soins d’un père malade, racheter un lopin de terre ou réparer une maison.  Elles sont souvent le seul soutien de famille et nourrissent mères, soeurs, et souvent leurs enfants. Certaines ont été mariées à un bon à rien; la plupart galère seule. Une passe suffit à peine à se procurer une dose de mâ, la drogue qu’elles fument dans un narguilé de fortune. Sans le mâ, elles n’auraient pas le courage de travailler. Mais la dose épuise leurs maigres ressources. Reste la solution d’emprunter à la maquerelle….

Tellement courageuses et vivantes.

Le livre se termine par la mort de Phirom emportée par le Sida, Phirom la fleur de sac de jute…

Terriblement touchantes, elles raconte un Cambodge loin de celui que les touristes visitent. J’ai lu avec intérêt cet ouvrage.