Hauteville house – la Maison de Victor Hugo en exil

CARNET DE GUERNESEY

Hauteville House Salon rouge

Je suis arrivée trop tôt, on me demande d’attendre dans le jardin, très agréable mais un peu humide sous la pluie.

Visite guidée en très petit comité (5). Réservation d’un créneau horaire par Internet obligatoire. (Mercredi fermé) . Il convient de laisser manteau et sac dans des casiers. Pour prendre des notes on m’a demandé d’utiliser le crayon de papier. Durée de la visite : 1 heure.

Hauteville House vue du jardin

Expulsé Jersey en 1855 pour avoir critiqué la visite de Victoria à Napoléon III, Victor Hugo fait l’acquisition de Hauteville House en 1856 et va y installer son foyer en exil : maison familiale spectaculaire et théâtrale.

Le guide va pointer tous les éléments du mobilier, les symboles du décor et décrypter les inscriptions cachées, enrichir la visite de toutes les allusions que Hugo a dispersé dans les pièces. Du plancher au plafond, il ne reste pas une place disponible, tapis, tapisseries sur les murs, les portes, les plafonds. Au contraire : des tiroirs secrets, des passages secrets, des panneaux  qui cachent des rangements et les commodités.  Hugo a décoré sa maison comme il écrit ses chefs d’œuvres, généreux, monumental, impressionnant avec le souci du détail, de la mise en scène, chargé de sens, de mystère…

Victor Hugo sur son rocher d’exil

Le premier salon que nous visitons au rez de chaussée, le « salon générique » est occupé par un grand billard français. Aux murs, les portraits de famille, ceux de Victor Hugo, assez jeune, de ses fils, d’Adèle sa femme, mais aussi de Léopoldine, l’absente, qui n’aura pas connu Guernesey mais à qui Victor Hugo fait une place. Un des fils a réalisé un collage photographique représentant la famille autour de Victor sur son rocher. Des dessins de Victor Hugo complètent le décor. Impressionnant et très sombre, celui qui rappelle la lutte d’Hugo contre la peine de mort.

la cathédrale

Le salon privé est dominé par la « cathédrale » buffet monumental occupant tout un mur fait de recyclage de meubles anciens. Les symboles religieux, ménorah, étoile de David, sont largement présents ainsi que les blasons familiaux. Le double H, H pour Hugo, H pour Hauteville, sont aussi une marque omniprésente.  La table est aussi une porte réutilisée.

Un atelier- photo est caché dans l’épaisseur d’un mur : chambre noire mais aussi évier et tout ce qu’il faut pour développer les clichés.

Salle à manger carreaux de Delft

La cheminée de la salle à manger est tapissée de carreaux de Delft, le double H ressort en relief. Notre Dame de Bon Secours peut être assimilée à La Liberté guidant le Peuple. L’inscription EXILUM V ITA EST montre l’acceptation de l’exil, une fois la maison terminée. Entre deux fenêtres, le siège des ancêtres contribue à inscrire les ancêtres dans cette maison. On peut y voir de près les blasons familiaux. Hugo a été fait pair de France par Louis Philippe, il conserve à Guernesey les insignes de sa noblesse.

Dans chaque pièce on peut observer les chinoiseries que l’écrivain collectionnait.

Montant l’escalier sur un palier surchargé de draperies (la tapisserie conserve la chaleur), nous découvrons à l’étage les salons d’apparat rouge et bleu, rappelant le luxe des salons parisiens. Des tableaux de perles occupent tout le panneau qui fait face aux fenêtres avec  des statues, bibelots et chinoiseries .

la chambre

Le deuxième étage est encore plus théâtral : chambre à coucher et bureau de l’écrivain. Les meubles proviennent de stalles d’église, bois foncé tourné. Involontairement je pense à La folie des Grandeurs, adaptation cinématographique de Ruy Blas avec ses sévère meubles espagnols. Au bureau, non pas un fauteuil mais trois Pater – Mater- Filius allusion à la trinité. En guise de séparation des colonnes torses avec des raisins comme dans les églises baroques et au centre « l’arbre de feu » candélabre monumental qui n’a pas dû servir beaucoup : allumé il aurait brûlé le plafond. Le lit rouge, à baldaquin, est disproportionné, à la tête de lit, une tête de mort, pommeau d’une canne d’ivoire. Un escalier secret est caché dans le mur, conduit-il à la chambre de travail au troisième étage, ou a-t-il permis à Juliette Drouet de rejoindre discrètement son amant ?

Verrière

Au dernier étage, une verrière offre un espace lumineux. Hauteville house est admirablement situé en haut d’une colline. La vue est extraordinaire. Par temps clair Hugo pouvait contempler les côtes françaises. C’est là qu’il travaillait et dormait sur une couche posée au sol, presque un campement si on compare avec la chambre théâtrale située juste au-dessous.

Han d’Islande – Victor Hugo

CHALLENGE VICTOR HUGO

 

Entamé dans une série de « LECTURES POUR L’ISLANDE » , j’ai vite compris qu’il n’y avait rien d’islandais dans ce roman de jeunesse de Victor Hugo, sauf peut être le tempérament volcanique et contrasté du bandit, héritier des héros vikings qui ont fondé l’Islande. Han d’Islande se déroule en Norvège au 17ème siècle, et met en scène une révolte des mineurs instrumentalisée par un noble intrigant. 

 

Roman historique, roman romantique, roman fantastique dans l’inspiration de Walter Scott. Fjords et montagnes de Norvège comparables aux lacs écossais!

« C’était un tableau sombre et magnifique que cette vaste nappe d’eau réfléchissant les derniers rayons du jour et les premières étoiles de la nuit dans le cadre de hauts rochers de sapins noirs et de grands chênes. L’aspect du lac, le soir produit quelquefois, à une certaine distance, une singulière illusion d’optique ; c’est comme un abîme prodigieux, perçant le globe de part, laissait voir le ciel à travers la terre. »

C’est tout d’abord un roman d’amour que le jeune Hugo, âgé de 18 ans, pour sa fiancée alors que le reste de l’oeuvre était le fruit d’une imagination débordante alliée à une surprenante documentation:

« il n’y avait qu’une seule chose observée : l’amour de la jeune fille. Ce n’était pas suffisant, à son avis, pour faire un bon roman. Mais c’était plus qu’il n’en fallait pour justifier, à ses yeux, celui qu’il écrivait puisqu’il y contait, chapitre par chapitre, son propre roman d’amour avec Adèle Foucher. Et voilà pourquoi, étant très amoureux, il avait noirci tant de papier »

Pourtant, elle est bien pâle cette Ethel, pure et vierge…reflet d’Adèle, par comparaison aux personnages masculins pleins de fougue, d’audace et parfois de fourberie!

 

Han d’Islande, personnage fabuleux, monstrueux est précurseur de l’Homme qui rit ou de Quasimodo. Dans cette oeuvre de jeunesse apparaissent les thèmes de l’horreur de la peine de mort, de la révolte des opprimés , les mineurs, qu’Hugo traitera magistralement plus tard. Aussi, goût de la démesure et des décors fantastiques.

Oeuvre de jeunesse, mais déjà un beau Victor Hugo!

 

Paris Romantique au Petit Palais

Exposition temporaire : 22 mai – 15 septembre 2019

1815 Passage des souverains Porte Saint Denis

PARIS ROMANTIQUE 1815 – 1848

L’exposition est une déambulation dans le Paris des années 1815 (Cent Jours) jusqu’à la Révolution de 1848. Quelques dates balisent notre parcours

  • 1819 Géricault Radeau de la Méduse,  Ingres : Grande Odalisque
  • 1822 Delacroix Barque de Dante
  • 1824 mort de Byron, Delacroix Massacre de Scio, 
  • 1830 Hernani, Symphonie Fantastique
  • 1931 La Liberté guidant le peuple  et Notre Dame de Paris

Nous ne verrons pas ces tableaux célébrissimes  qui sont pour la plupart au Louvre.

Une carte de Paris présente les étapes de notre promenade dans Paris qui commencera aux Tuileries dans les ors royaux, passera par les Galeries du Palais Royal, le Louvre, Notre Dame, la Bastille puis le Quartier Latin, la Chaussée d’Antin, la Nouvelle Athènes, les Grands Boulevards.

A chacune de ces étapes une salle est décorée, meublée et présenteles tableaux et objets traduisant l’esprit des lieux.

La Duchesse du Berry

Au Palais des Tuileries seront présentés les membres de la famille royale dans un décor royal –  très surchargé –  de meubles de marqueterie, de vaisselle d’or et de pierres précieuses, de lourds candélabres. Les broderies des robes de cour aux motifs d’or ou d’argent sont aussi précieuses  que le reste de la décoration. On fait aussi connaissance avec des personnalités sympathiques comme la duchesse de Berry,  Marie d’Orléans, artiste, élève d’Ary Scheffer. Dominante de rouge et ors, ce n’est pas la salle que j’ai préféré.

Palais royal scène de café

Le Palais Royal, était selon le cartel de présentation, l’épicentre de la vie parisienne. Une grande fresque murale presque à l’échelle humaine, deux belles maquettes nous familiarisent avec les lieux. Les vitrines des boutiques sont reproduites et occasion de présenter tout ce qu’on imagine être les Articles de Paris . On pouvait trouver des souliers d’une grande finesse, des bottines en satin (de très petite taille, les élégantes ressemblaient-elles aux Chinoises aux pieds bandés?), des éventails précieux en ivoire ajouré ou peints, incrustés…, sacs et bourses de formes extravagantes, pour les hommes, des cannes, véritables armes de défense, et même les bretelles de Balzac.

Balzac

Bronzes et pendules, coffres à ouvrages et même des fontaines de parfum. J’ai beaucoup aimé cette section évoquant la vie quotidienne et illustrant les nouvelles de Balzac que, justement je suis en train de lire. Le Palais Royal avait aussi une réputation sulfureuse avec les tripots des joueurs et le racolage.

Promenade de Julie et Saint Preux sur le lac de Genève

La 3ème salle représente Le Louvre. Mon regard est attiré tout d’abord par le très grand tableau de Delacroix : Le Christ au Jardin des Oliviers, trop grandiloquent pour mon goût ainsi que des Saints aux visages trop éthérés de Ary Scheffer. Je préfère m’intéresser à des tableaux de plus petite taille  de peintres aux noms oubliés (inconnus de moi) Bouihot, Debia, Roquelin…

Passage de Portes-de-Fer

La promenade en barque de Julie et de Saint Preux sur le Lac de Genève peinte par Le Comte de Crespy est une très belle surprise, et illustre l’idée que je me fais du Romantisme. Exotiques, les Portes-de-Fer (1839)illustrant la conquête de l’Algérie. Exotique aussi ce Souvenir de Voyage de Dumas à Cadix (1846) peint par Giraud. Orientaliste, Delacroix avec ces admirables Convulsionnaires de Tanger.

Delacroix : convulsionnaires de Tanger

Une salle nous emmène dans la Notre Dame de Paris, celle de Victor Hugo  (sans la flèche) avant la restauration de Violet le Duc. Pendule dorée de la cathédrale. Mais surtout des scènes du roman : Esméralda avec sa petite chèvre de Steuben et les Scènes de Notre Dame de Paris.

Daumier : Portraits-charges

Dans la Salle 5 on évoque le Paris de la Révolution de 1830 qui fut aussi celui de la Bataille d’Hernani illustrée par de nombreuses caricatures et celle de la Symphonie Fantastique. A propos de caricatures, je découvre les Portraits-charges, petites sculptures en terre-cuite peintes ou non

Le Quartier Latin met en scène le personnage de la Grisette(Mimi de la Vie de Bohème). Les Boites à marmottes étaient exhibées par les petits savoyards qui montaient à Paris faire les ramoneurs. Les étudiants furent les sujets des gravures de Gavarni : sur l’une d’elle une femme fait une mise en plis « Combien m’en mets-tu de papillotes? »

Erection de l’Obelisque Dantan

La Nouvelle Athènes réunit des artistes . Au centre on a mis à l’honneur un piano Pleyel comme celui de Chopin. Un fond musical accompagne la visite. On voit encore des portrait à charge de Dantan. Liszt est caché par ses longs cheveux. Une petite aquarelle montre George Sand et Liszt.

George Sand et Liszt

Les Grands Boulevards réunissent Théâtre et opéra; On y présente des décors des pièces romantiques, des costumes de scènes et encore des caricatures de Daumier, des Portraits-charges de Dantan; Dantan ne se limite pas à la caricature, il a aussi exécuté des bustes des musiciens : Meyerbeer, Bellini, Donizetti et Verdi. Les grands actrices et chanteuses La Malibran, Giulia Grisi, Rachel sont aussi présentes peintes sur de grands portraits.

L’exposition se ferme sur la Révolution de 1848 le bureau de Louis Philippe porte les cicatrices d’ouverture par les Révolutionnaires.

Cette exposition est très agréable par sa variété, plutôt que de mettre en évidence des chefs d’oeuvre de peinture ou de sculpture, elle a pu évoquer la vie quotidienne avec objets, musique, théâtre…

Victor Hugo : Caricatures à la Une

Exposition temporaire jusqu’au 6 janvier à la Maison de Victor Hugo, place des Vosges, Paris

180 caricatures du Grand Victor Hugo!

3 sections:

  • 1830 – 1848 –  La Forte Tête 

A la suite de la Bataille d’Hernani, Hugo s’impose comme le chef de file du Romantisme . on reconnait Hugo à son très haut front que les caricaturistes exagèrent à plaisir.

Roubaud a dessiné le « Chemin de la Postérité » où Victor Hugo chevauchant Pégase mène le cortège. A sa suite, je reconnais Théophile Gauthier, Eugène Sue et Alexandre Dumas. A cette époque c’est la mode des processions, panthéons (comme celui de Nadar) trombinoscopes. Encore Roubaud (entre 1835 et 1839) à l’occasion de la candidature à l’Académie Française a dessiné Hugo, Balzac et Dumas accueillis par une vieille femme :

 

« vous êtes jeunes et forts et vous demandez les invalides. Vous ne voulez pas voler le pain des vieillards. Allez travailler grands feignants! » 

Daumier exécute aussi des caricatures à cette époque.

les burgraves et leur demi-succès furent aussi beaucoup caricaturés par la Presse.

  • 1848 – 1851 : Détestation générale et caricatures d’opposition

A la suite de la Révolution de 1848, la liberté de la Presse encouragea les dessinateurs de Presse. Hugo fut très critiqué pour ses positions politiques, ses alliances réelles ou supposées. On le juge versatile et opportuniste. Le glissement progressif de Victor Hugo vers la gauche n’est pas pris en compte car le Presse est réduite au silence dès 1850.

vers 1848 Nadar dessine La Rentrée des classes  dans le Journal pour Rire, en 1949 Victor Hugo est en tête d’une « Croisade contre le Socialisme » où la foule fait un Z tout  travers la une en allant contre la révolte des ouvriers. Il fait aussi figurer Hugo dans un Trombinoscope des commerçants

 

Daumier dessine Hugo et Girardin portant Napoléon Bonaparte sur un pavois avec la remarque « Ce n’est pas solide »

En septembre 1849, Victor Hugo est vice Président d’un Congrès pour la Paix présidé par en 1851 l’anglais Cobden. Hugo s’oppose à la majorité de droite au sujet de l’Expédition d’Italie, de la Loi Falloux  au nom de la Liberté de penser(caricature de Nadar) et de la Déportation des opposants politiques.

Quillembois montre Hugo qui s’écarte de la « majorité de Panurge » qui part à droite tandis qu’Hugo 

Victor Hugo s’oppose au coup d’Etat du 2 décembre 1851, mais il est dangereux pour les journalistes d’évoquer le proscrit

  • 1852 – 1870 La Renommée de l’absent – Caricatures d’Hommage

Ne pouvant dessiner Victor Hugo, politique, les caricaturiste attendent la parution des œuvres écrites en exil qu’ils illustrent avec bienveillance. Le visage de Hugo est moins déformé.

En 1853, quand sort La Légende des siècles, Hugo est dessiné sur son rocher, Les deux tours de Notre Dame font le H de Hugo, pour les Travailleurs de la Mer, les dessinateurs sont très inspirés par le poulpe.

Travailleurs de la Mer : cherchez la Pieuvre!

De nombreux journaux mettent son visage à la une : Le Charivari de Cham, La Lune, le Bouffon, le hanneton, l’Eclipse, le Masque. Je suis impressionnée par le nombre des titres satyriques.

L’homme qui rit
L’homme qui rit
  •  1870 – 1885 Apothéose – Les caricatures de Consécrations

Hugo est représenté barbu, bienveillant. Mais pour le spectateur de l’exposition c’est moins amusant!

Victor Hugo, en Orphée défend les victimes d’un pogrom en Russie

Cette exposition est passionnante, c’est une merveilleuse leçon d’histoire; je révise tout le 19ème siècle, politique et histoire des idées. Chaque illustration est accompagnée d’explication et il y a aussi beaucoup à lire dans la page de journal d’alors.

 

Victor Hugo – Sandrine Fillipetti

CHALLENGE VICTOR HUGO 

Je suis toujours(presque) fidèle aux lectures communes du Challenge Victor Hugo  initié par Claudialucia. Ces rendez vous me prennent parfois de cours au milieu d’une série de lecture et c’est bien de pouvoir s’arrêter et revenir aux classiques (Victor Hugo ou Shakespeare) tellement reconnus dans le paysage littéraire qu’on oublie de les lire. J’arrive à la fin de ma série balkanique, une pause dans la frénésie de la Rentrée littéraire 2017.

Parfois j’oublie, et un rappel me fait lire en urgence.

Une biographie, mais laquelle choisir?

Il y en a tant. Maman a aimé celle de Leon Daudet, mais la personne de l’auteur traîne des relents nauséabonds. André Maurois ne me déçoit jamais, pourquoi pas? Max Gallo et Alain Decaux sont de beaux conteurs. Decaux et Fillipetti sont téléchargeables sur la Kindle. C’est une méprise qui a guidé mon choix : j’avais confondu l’ancienne ministre Aurélie Fillipetti avec Sandrine Fillipetti, critique littéraire,

350 pages qui se lisent facilement. Je serai dans les temps pour le rendez vous!

La vie de Victor Hugo est aussi romanesque que ses gros romans.  Dès l’enfance, les missions de son père, les conflits entre ses parents l’ont fait voyager d’Italie en Espagne, connaitre toute sortes de maîtres, apprendre des langues…Du Consulat à l’Empire, à la Restauration, les régimes politiques changent, les fidélités aussi. Léopold se bat en Espagne pour Joseph Bonaparte tandis qu’aux Feuillantines où il est avec sa mère se cache Lahorie, proscrit, protégé par sa mère, puis arrêté.

Quoi de plus romanesque aussi que la bataille d’Hernani?

« la jeunesse romantique s’est embrigadée en masse pour soutenir le maître et combattre pour la bonne cause« .

Quelques mois plus tard, éclatent les journées de Juillet 1830. Hugo qui hésitait entre les convictions royalistes de sa mère et bonapartiste de son père découvre a force politique du peuple

« il y a de grandes choses qui ne sont pas l’oeuvre d’un homme mais d’un peuple. les pyramides d’Egypte sont anonymes ; les journées de juillet aussi

Victor Hugo rallie la monarchie Orléaniste. Dès que la censure s’attaque à sas pièce Le roi s’amuse, il réagit :

« Aujourd’hui on me fait prendre ma liberté de poëte par un censeur., demain on me fera prendre ma liberté de citoyen par un gendarme ; aujourd’hui on me bannit du théâtre  demain on me bannira du pays…. »

C’est après la prise de pouvoir par Napoléon III et l’exil que la figure de Hugo prend toute son envergure, à Bruxelles, Jersey et enfin à Guernesey. C’est cette partie du livre de Fillipetti que j’ai préférée. Si l’écrivain donne sa mesure avec ses chef d’oeuvres Les Travailleurs de la mer, l‘Homme qui rit et les Misérables qui triomphent malgré l’éloignement, l’homme Hugo vit avec ses contradictions, ses deux ménages et même des maîtresses plus ou moins de passage. Il vit aussi avec ses deuils et ses malheurs. Perte de Léopoldine, et de ses deux fils plus tard, triste destin de sa fille Adèle. Je me suis demandée si le grand homme n’était pas un grand égoïste, privant Adèle de la liberté d’avoir un amant quand lui même a plusieurs maîtresses, cloîtrant Juliette et reconnaissant si peu de liberté à ses fils.

La fin de la vie de Hugo, du retour triomphal en 1870 à ses funérailles nationales, peut être vu comme une apothéose avec le grand bonheur de l’art d’être grand père. Il peut aussi être imaginé comme une suite de deuils. Ses combats pour l’amnistie des Communards et contre la peine de mort n’ont pas abouti.

Comment retracer une vie d’un personnage si riche et si complexe dans une biographie de 350 pages seulement? Sandrine Fillipetti s’est bien acquittée de cette gageure, même si le début m’a paru bien embrouillé et un peu sec et que la querelle d’Hernani a été réduite à un squelette. Les chapitres du temps de l’Exil m’ont beaucoup touchée. Une honnête biographie donc, mais il a fallu résumer pour rester dans le cadre de cette collection Gallimard biographie.

 

 

 

Torquemada : Victor Hugo

CHALLENGE VICTOR HUGO

Les jardins de Séville
Les jardins de Séville

Lecture commune (désolée pour le retard )

Petite chronologie de l’Espagne : 

Tomàs de Torquemada né à Valladolid en 1420, confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand d’Aragon . Nommé Premier Grand Inquisiteur en 1483, rédigea le « code de l’inquisiteur » 1481 la fin de sa vie se retire dans un couvent comme simple moine.

lonja-valence-rois-catholiques
dans les médaillons de la Lonja de la soie de Valence les rois catholiques

Isabelle la Catholique et Ferdinand II d’Aragon régnèrent de 1475 à 1504

Décret de l’Alhambra chassant les Juifs du Royaume (mars 1492)

Don Isaac Abravanel proposa 300.000 ducats contre l’abolition de l’édit d’expulsion.

Sixte IV  pape de 1471 -1484, se plaignit en 1481 des excès de l’Inquisition espagnole

Alexandre VI Borgia pape de 1492- 1503

Saint François de Paule 1416- 1507 ermite, erre sur les chemins de Calabre et de Sicile au temps où l’action se déroule.

Étonnant comme la pièce de Victor Hugo colle à la « Grande Histoire » ! La seule inexactitude est l’attribution du nom fantaisiste de Moïse Ben Habib et fait du financier un rabbin. Mais le marchandage pour les 300.000 ducats, les hésitations des souverains  et la phrase de Torquemada sont vérités historiques.

Judas vous a vendu trente deniers.

Cette reine et ce roi sont en train de vous vendre 

Trente mille écus d’or

 

L’intrigue concernant les deux jeunes novices Sanche et Rose m’a moins intéressée, je n’ai pas été vérifier l’existence de ces deux personnages. L’opposition entre l’autorité royale et celle du Grand Inquisiteur n’est pas évoquée dans Wikipédia (sans doute devrais-je chercher des sources plus approfondies!).

Voilà comment Victor Hugo présente les deux Rois très catholiques :

Deux masques, deux néants formidables

La reine ; elle est la crainte et moi suis l’effroi

………

L’homme de marbre auprès de la femme de bronze

Les peuples prosternés nous adorent tandis

Qu’on nous bénit en bas, nous nous sentons maudits

L’encens monte en tremblant vers nous et l’ombre mêlée

L’idole Ferdinand à l’idole Isabelle

Le personnage de Torquemada, Grand Inquisiteur,  campé magistralement par Victor Hugo est d’une actualité criante. C’est la figure du fanatique qui fait du Bûcher , non seulement une punition, un spectacle terrifiant de propagande, mais aussi un moyen de rédemption.

Ecoute, Dominique a mal compris la flamme

Elle est sublime, à moins qu’elle ne soit infâme

Dominique voulait punir, je veux sauver

Les bûchers sont éteints, je viens les relever.

………

Toutes ces femmes, tous ces vieillards, tous ces hommes,

Tous ces esprits, tomber aux hurlantes Sodomes

Courez!sauvez à coup de fourche ces maudits, 

Et faites-les rentrer de force au Paradis!

Monologues terrifiants de Torquemada, évocation non moins effrayante des bûchers de l’inquisition. Victor Hugo écrit un terrible réquisitoire contre le fanatisme de Torquemada. L’intervention de Saint François de Paule montre qu’il ne rejette pas le christianisme mais l’intolérance. 

TORQUEMADA 

Mais tu fais, dit-on, mon père, des miracles? 

FRANCOIS DE PAULE

J’en vois. Tous les matins l’aube argente les eaux

L’énorme soleil vient pour les petits oiseaux,

La table éternelle aux affamés servie

Se dresse dans les champs et les bois, et la vie 

Emplit l’ombre, et la fleur s’ouvre, et le grand ciel bleu

Luit ; mais ce n’est pas moi qui fais cela, c’est Dieu.

 

 

 

 

 

Mangeront-ils? Victor Hugo

CHALLENGE VICTOR HUGO

challenge Victor HugoLes lectures communes proposées par Claudialucia sont toujours l’occasion de véritables découvertes. Découvrir Victor Hugo??? Notre Grand Homme, sûrement l’écrivain le plus célèbre! Occasion de lire des oeuvres connues et  moins connues :les Travailleurs de la Mer (lecture commune de l’été 2014) ou de l’Homme qui rit (LC 2013) ou Notre Dame de Paris (LC2015), mais aussi Bug Jargal et Mangeront-ils qui m’étaient inconnus. 

Je ne sais pas pourquoi je pense à d’autres lectures communes, dans le Challenge Shakespeare, particulièrement à la dernière Cymbeline avec un titre trompeur, une pièce surprenante. Je pense aussi au Songe d’une Nuit d’Eté  ou Comme il vous plaira, aimables comédies dont je ne sais comment expliquer la parenté avec Mangeront-ils,  autrement que par l’intuition (mais je sais que l’argument est léger).

mangeront-ils

Hugo, en guise d’introduction donne des directives très précises pour le décor – très romantique – une forêt, un cloître, « écroulement et broussaille »,  une chapelle ouverte, surmontée d’une croix, au fond la mer.

Le roi de Man a jeté son dévolu sur Lady Janet qui aime Lord Slada. Les deux amoureux se sont mariés secrètement et se sont réfugiés dans le couvent qui offre un asile inviolable. L’asile, le gîte mais pas le couvert. Mangeront-ils? le titre de lapièce fait allusion à ce piège. Protégés dans les murs du couvent, ils ne trouveront rien à manger ni à boire. Dès qu’ils en franchiront les murs, le Roi pourra les saisir. Mangeront-ils?

Le personnage du Roi, et des amoureux – personnages principaux de la pièce –  ne m’ont guère intéressée. J’ai préféré les personnages secondaires : Mess Tityrus, le « flûtiste lauréat » et Aïrolo , le chasseur qui choisit de venir en aide aux deux amants.

Mess Tityrus est à la fois le confident et le griot du roi, il chante ses louanges, le conseille, mais à part-soi le moque:

Lui veux-du bien? Mais non. Du mal? pas même

Quand je le vois pencher d’un côté, bête et noir, 

Je l’y pousse. Pour nuire au maître?non. pour voir.

Je suis le chien sournois de ce lion inepte.

Je n’ai pas le désir séditieux ; j’accepte

Ce que le hasard fait contre lui ; j’aide un peu

J’aime à le voir gros, gras, bien portant ; c’est mon vœu.

Qu’il soit riche; j’emplis derrière lui mon coffre; 

Seulement, chaque fois qu’une occasion s’offre

Je travaille à le rendre un peu plus idiot.

Pourquoi? Pour me distraire. Ah quel chef-d’oeuvre, un sot!

Airolo met en garde Lady Janet et Lord Slada contre les poisons que contient la forêt, il promet de leur rapporter à manger. Pourquoi? Pour défier l’autorité du roi, peut être.

« Le prince est la médaille, je suis le revers »

ou plus loin

« Le roi c’est mon contraire. ou bien mon grand format »

Airolo est un homme libre

« faut-il compléter mon portrait? braconnage

Et clé des champs. Pensif je dédaigne de loin

Le juge, plus le prêtre ; je n’ai pas besoin

De vos religions, je lis dieu sans lunettes. 

j’aime les rossignols et les bergeronnettes »

Zineb, la sorcière, lie Airolo d’un curieux sort. Mais je ne veux pas raconter la fin, j’en ai déjà trop dévoilé.

forêt maléfique
forêt maléfique

J’admire les détails qu’Hugo livre en botanique. « partout dans cette enceinte un tas d’herbes sinistres » napel, ciguë, scammonée, basilic mandragore, couleuvrée, stacte, lycoperdon, tussilago,….justement je viens de commencer un MOOC de botanique! 

Une comédie plaisante, un tantinet anarchiste.