Terra Alta – Javier Cercas – Actes Sud

ESPAGNE

Depuis longtemps, les blogs amis recommandent la lecture de Javier Cercas et j’avais envie de découvrir cet auteur. 

Terra Alta est une comarque de Catalogne, région viticole. Site de la Bataille de l’Ebre (juillet-septembre 1938). 

Melchor, ancien voyou de Barcelone, découvre en prison Les Misérables. Cette lecture est une révélation. A sa sortie de prison, il deviendra policier comme Javert et poursuivra les assassins de sa mère. Policier bien noté, il se distingue par un geste de bravoure lors d’une attaque terroriste. Pour sa sécurité, il est muté à Terra Alta. 

Un crime horrible y est commis. Melchor s’investit dans l’enquête qui piétine et qui est rapidement classée. Le policier ne lâche pas l’affaire, comme Javert… et décide de continuer seul contre l’avis de sa hiérarchie.

 

 » -Ecoutez, faire  justice, c’est bien. C’est pour cela que nous sommes devenus policiers. mais quand on pousse le bien à l’extrême, il se transforme en mal. C’est ce que j’ai appris au cours des années. Et autre chose. La justice n’est pas seulement une question de fond. C’est surtout. Aussi, ne pas respecter els formes de la justice revient à ne pas respecter la justice? Vous le comprenez, n’est-ce pas? 

Melchor ne dit rien ; le sous-inspecteur esquisse un sourire tolérant.

Bon, vous comprendrez. Mais n’oubliez pas ce que je vous ai dit Marin : la justice absolue peut être la plus absolue des injustices. »

Terra Alta est un roman policier très littéraire. Melchor tombe amoureux de la bibliothécaire qui lui conseille d’autres livres. Ensemble , ils relisent les Misérables (et cela me donne bien envie de le relire moi-même). J’aime que des correspondances s’établissent entre des livres, qu’elles m’entrainent très loin et qu’un nouvel éclairage me fasse découvrir des facettes d’un livre que je croyais connaître. Pour moi, le personnage intéressant était Jean Valjean et non Javert. Cet aspect m’a plus intéressée que l’enquête qui n’avance pas.

Jusqu’au final : sublime!

De chair et d’os – Dolores Redondo

POLAR BASQUE

J’avais envie de rester dans les montagnes basques, rien de mieux qu’un polar bien épais (608 p.) pour me scotcher et m’emmener dans la vallée du Baztàn, à Elizondo (tout près d’Aldudes où nous avons piqueniqué) et me raconter  les secrets cachés dans ces Pyrénées navarraises.

la vallée de Baztán on a envoyé au bûcher des douzaines de femmes accusées de sorcellerie, dénoncées bien souvent par leurs propres voisins, et elles étaient de la vallée depuis toujours. Tout comportement un peu « anormal » était soupçonné d’avoir quelque chose à voir avec le diable,

Ces  villages enclavés recèlent des traditions de sorcellerie, de monstres des forêts  en plus des ours et des secrets familiaux que tout le monde connaît.

Le Tarttalo, connu également comme le Tártaro et comme le Torto, est une figure de la mythologie basco-navarraise, un cyclope de taille gigantesque, extraordinairement fort et agressif, qui se nourrit de brebis, de jeunes filles et de bergers.

Histoires aussi des cagots, qui remontent aux temps médiévaux ayant souffert de discrimination pendant des générations qui ne sont pas oubliés.

Vous êtes de la vallée, vous avez forcément entendu parler des cagots. — Les cagots ? Tu veux dire ceux qui vivaient à Bozate ?

Les historiens ne sont pas d’accord sur l’origine des cagots. Ils estiment qu’ils sont arrivés en Navarre par les Pyrénées, fuyant les guerres, la faim, la peste et les persécutions religieuses au cours du Moyen Âge. La théorie la plus répandue c’est que c’étaient des cathares, membres d’un groupe religieux persécuté par le Saint-Office ; d’autres pensent que c’étaient des soldats goths déserteurs, réfugiés dans des léproseries du sud de la France, où ils ont contracté la lèpre, une des raisons pour lesquelles on avait peur d’eux ; selon une autre hypothèse, ce serait un mélange de proscrits et de parias amenés ici pour servir le seigneur féodal de la région, qui était alors
Pedro de Ursúa, dont il reste un palais fortifié à Arizkun.

Attends, si je comprends bien ce que tu me dis, la ségrégation envers un groupe racial au Moyen Âge est la
raison historique à laquelle faisait référence le père Sarasola pour expliquer les dernières profanations dans
l’église d’Arizkun

Influence de l’Eglise et surtout de l’Opus Dei, puissance occulte. Un étrange prêtre en Armani.  Dépaysement garanti!

L’inspectrice de police est une jeune femme, nouvellement mère, native de la vallée. Policière brillante, très bien notée :  on fait appel à ses services dans les affaires délicates comme la profanation de l’église d’Arizkun. Elle est aussi très impliquée dans des cas de féminicides et de violences conjugales (malheureusement bien fréquents dans ces régions qu’on imaginerait tranquilles).

Un gros pavé, thriller plein de rebondissements et de pistes, de personnages bien campés et pittoresques dans un décor magique, entre pluies, brumes, routes givrées, torrents et barrages. Belles maisons basques anciennes qui sentent bon la cire d’encaustique.

Un bon moment de lecture malgré de petits bémols : l’allaitement et les biberons du nouveau-né occupent une place non négligeable dans le roman.  Certes, la maternité et les bébés font partie de l’intrigue policière mais les nuances de piaillement des bébés ne me passionnent pas. La question de l’instinct maternel est intéressante.

Je ne suis pas une bonne cliente pour le surnaturel et le paranormal. Que l’on fasse appel aux traditions locales anciennes de sorcellerie m’intéresse. En revanche les phénomènes de transmission de pensée (avec l’agent du FBI américain) parasitent le récit le rendant peu crédible. Les références au « diable » ou au « mal » me sont complètement étrangères.

Du sang, c’est le genre qui veut cela dans un polar, mais point trop n’en faut…c’est un peu Grand Guignol.

Malgré ces réserves (qui me sont personnelles) je reviendrai lire les deux autres opus de la trilogie quand j’aurai envie de retourner dans les Pyrénées. A mettre dans la valise pour les journées pluvieuses!