Les Nuits de la Peste (2022) Orhan Pamuk – Gallimard

LIRE POUR LA TURQUIE 

Lecture au long cours : pavé de 683 pages !

« ce 22 avril 1901 où commence notre histoire, l’arrivée au large de l’île d’un vapeur non programmé, deux heures avant minuit, annonçait quelque chose d’extraordinaire. »

Ce roman-fleuve commence comme un roman policier :le pharmacien-chimiste Bonkovski Pacha, envoyé par le Sultan pour endiguer l’épidémie de peste sur l’île de Mingher, est assassiné. Le Docteur Nuri et son épouse Pakizê , en route vers la Chine pour un congrès sanitaire international, est rappelé en secret pour élucider ce meurtre.  Abdülhamid, le Sultan, grand lecteur de Sherlock Holmes a missionné ce dernier pour résoudre cette énigme en utilisant les méthodes du célèbre détective tandis que Sami Pacha, le gouverneur a plutôt tendance à obtenir des aveux par la torture.

« Au fond, peut-être que mon oncle Abdülhamid ne prenait pas cette histoire de Sherlock Holmes au sérieux, pas davantage que toutes les réformes qu’il a menées sous la contrainte des Européens. Le problème n’est pas tant que le sultan apprécie et parodie les mœurs européennes, mais que le peuple apprécie de bon cœur cette parodie. En conséquence, ne vous chagrinez pas trop. »

La narratrice, une historienne, plus d’un siècle après les faits  reconstitue l’histoire de la peste de Mingher  qui a proclamé son indépendance. Elle utilise les lettres de la Princesse Pakizê, présente sur l’île et témoin de l’histoire. La princesse, fille du Sultan Mourad V, déposé par Abdülhamid, a vécu recluse avec les pachas et sultans dans le sérail d’Istanbul. Orhan Pamuk nous raconte aussi la vie à Istanbul pour la famille règnante. L’empire Ottoman, au tournant du XXème siècle est « l’homme malade« , l’Empire se délite en guerres des Balkans, et luttes des Grecs de la Mer Egée (1897 la Crète est rattachée à la Grèce), la carte de l’Empire que le Sultan fait afficher est de plus en plus périmée…Les grandes puissances sont en embuscade.

 

En même temps, sur d’autres rivages Mustapha Kemal étudie à l’école militaire de Monastir (c’est moi qui fait le parallèle, l’auteur n’y fait aucune référence). Ce gros roman peut être lu comme un roman historique, d’ailleurs la narratrice racontera l’histoire jusqu’au XXIème siècle.

« Il fit des rêves et des cauchemars étranges, il montait et descendait sur les vagues d’une mer déchaînée ! Il y
avait des lions qui volaient, des poissons qui parlaient, des armées de chiens qui couraient au milieu des
flammes ! Puis des rats se mêlaient aux flammes, des diables de feu rongeaient et dépeçaient des roses. Le treuil d’un puits, un moulin, une porte ouverte tournaient sans relâche, l’univers se rétrécissait. De la sueur semblait goutter du soleil sur son visage. Ses entrailles se nouaient, il voulait s’enfuir en courant, sa tête s’embrasait puis s’éteignait successivement. Le plus effrayant, c’était que ces rats, dont depuis deux semaines on entendait les couinements aigus résonner dans les geôles, dans la Forteresse et dans tout Mingher, et qui prenaient les cuisinesd’assaut, dévoraient les nattes, les tissus, le bois, leurs hordes maintenant le pourchassaient dans tous les couloirs de la prison. Et Bayram Efendi, parce qu’il craignait d’avoir lu les mauvaises prières, fuyait devant les rats. »

C’est aussi l’histoire d’une épidémie de peste, maladie terrifiante puisque très létale et très contagieuse. Yersin, en Chine, (1894) a déjà mis en évidence la transmission par les puces des rats. Nous allons assister à toutes les phases de l’épidémie (un peu comme la Peste de Camus, et beaucoup comme récemment avec le Covid). D’abord l’incrédulité, puis des mesures pour limiter la contagion, fumigations, désinfections pièges à rats, enfin les confinements et quarantaines, mise à l’isolement de familles entières, hôpitaux saturés, et les révoltes des religieux, le fatalisme…

C’est aussi l’essor de l’identité nationale de Mingher. Au plus fort de l’épidémie, le major proclame l’indépendance. Tout un roman va se construire autour du personnage. Renaissance d’une langue locale (originaire de la mer d’Aral???) . Hagiographie, enrôlement de la jeunesse des école dans ce roman national. En filigrane, on devine certaines analogies. Introduction de l’idée de laïcité, pour éviter les conflits confessionnels entre musulmans et orthodoxes et aussi pour promouvoir les mesures sanitaires scientifiques face aux pratiques superstitieuses.

« Les eaux de la rivière Arkaz étincelaient sous le pont comme un diamant vert du paradis, en contrebas s’étendait le Vieux Bazar, et de l’autre côté, c’était la Forteresse, et les cachots sur lesquels il avait veillé toute sa vie. Il pleura en silence un moment. Puis la fatigue l’arrêta. Sous la lueur orange du soleil, la Forteresse semblait plus rose que jamais. »

Pour construire ce roman foisonnant, Pamuk a imaginé une île, il l’a décrit avec pittoresque. L’arrivée dans le port est grandiose. Il décrit des quartiers populaires, des rues modernes avec des commerces, des agences de voyage, des bâtiments officiels. On pense à Rhodes, à toutes les îles du Dodécanèse (la 13ème?) avec ses ruines byzantines, ses fortifications vénitiennes, puis ottomanes, son phare arabe. Peuplée pour moitié de Turcs musulmans et de Grecs orthodoxes. Certaines communautés sont absentes, un seul arménien, un peintre qui ne vit pas sur l’île, pas de Juifs… Ces absents m’interrogent.

Nous nous promenons avec grand plaisir dans le landau blindé dans les criques rocheuses ou dans les vergers des belles villas bourgeoises. Cela sent le crottin, les plantes méditerranéennes, mais aussi le lysol souvent, et les cadavres parfois. Le lecteur est immergé dans cette île merveilleuse de Mingher, il aimerait qu’elle existe pour y passer des vacances.

« Aujourd’hui, à l’heure où le gouvernement de la République de Turquie, un siècle et quelques années plus tard, redécouvre Abdülhamid – sultan tyrannique, certes, mais pieux, nationaliste et aimé du peuple, toutes qualités dignes d’éloges – et donne son nom à des hôpitaux, nous savons désormais, grâce aux historiens spécialisés, à peu près tout ce qu’il faut savoir sur la passion de leur cher sultan pour les romans policiers. »

Peut-on imaginer, entre les lignes, des allusions à la Turquie contemporaine?

Romantiques philhellènes : l’Enfant grec – Victor Hugo

CHALLENGE ROMANTIQUES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le massacre de Chios (avril 1822) a horrifié l’opinion européenne et a été à l’origine du poème de Victor Hugo et de la toile de Delacroix

L’Enfant

Les turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d’avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu’un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ?
– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.

8-10 juillet 1828

     Victor Hugo – Les Orientales


Rhodes : la fête au village d’Asklipio

Thodes Asklipion fête au villages vieilles dames foulard

 

Ce samedi soir, c’est fête au village. Autour d’une petite estrade, les petites charrettes des vendeurs de barbes à papa, de pop corn, de maïs grillé, de pêche aux peluche se sont installés sur la place. Le loueur de chaise est passé à grand renfort de micro
– « kareklès !kareklès ! »

Nous n’avions pas prévu d’assister au spectacle (une pièce de théâtre jouée par des adolescents) . Je me laisse gagner par l’ambiance de la fête et  ne peux résister au plaisir d’aller sur la place. Tout le village est présent, enfants, vieillards, toutes générations. Un petit orchestre traditionnel vient d’accorder ses instruments. Une ronde de femmes danse avec les enfants.

Derrière les musiciens, les plus anciennes du village sont réunies sur un banc de pierre à l’écart.  Fichus traditionnels sur la tête et des bâtons noueux. Assez timidement je  demande la permission de les photographier. Elles sont ravies. Je m’adresse à elles avec mon grec insuffisant. Elles répondent dans un italien fluide qui me sidère. Elles ont connu l’occupation italienne et ont gardé la langue 60 ans plus tard. L’une d’elle est coquette avec son foulard. C’est le même foulard blanc brodé de perles que j’ai acheté à Beysehir ! Nous rentrons à contrecœur. Il faut se coucher tôt en prévision du voyage de demain

De Rhodes à Samos sur le Ierapetra (ferry)

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minuit . Au pied des remparts de Rhodes.Comment allons nous trouver notre bateau, le Ierapetra ?
J’avise un  beau bateau aux guirlandes d’ampoules.

–    « tu crois que, parce que tu prends le ferry, qu’on va te mettre des guirlandes ! »
–    «  Et oui ! J’en veux, des guirlandes ! »

Quatre lettres grecques s’étalent sur un paquebot blanc : LANE C’est bien la compagnie de notre bateau. Mais ce n’est pas le Ierapetra.  Nous le trouvons non loin de là, enguirlandé entre le ferry qui part au Pirée et un magnifique voilier turc avec deux mâts, une longue pointe à la proue  et une coque en bois très fine.

Heureusement que j’ai mon coupe-vent. Masque d’avion sur les yeux, capuche fermée. Je me suis empaquetée pour dormir. Le bateau semble vide. Nous sommes seules sur le pont. Nous découvrirons par la suite que les passagers dorment par terre sur la moquette n’importe où.

4 heures précises, le Ierapetra appareille.

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5h30 – vers l’est, le ciel rosit. Les îles ou les côtes anatoliennes défilent en passant du noir au marine puis au violet. Vers le sud, je crois deviner une longue ligne lumineuse. Est-ce encore Rhodes ?  Cette silhouette changeante, est ce l’île de Symi? Sur l’horizon, la zone orangée se précise. Le spectacle est somptueux. Enfin, le soleil sort des montagnes. Il prend toutes les teintes.. Très excitées nous mitraillons, photo sur photo. Ne pas oublier les reflets sur l’eau !

Sur l’autre bord : une île. Tilos peut être, avec son cône volcanique ? Nous consultons notre carte de la mer Egée. Peut être existe-t- il d’autres îles non répertoriées ? Au loin, encore une silhouette…

La croisière continue. Un petit phare est perché haut dans une montagne. Le drapeau turc rouge est peint à sa base. Si les îles pouvaient avoir une étiquette semblable pour les identifier ! Cette pensée n’est pas si stupide puisque se profile une nouvelle silhouette.

Kos

Quand nous nous approchons, nous voyons un immense drapeau grec peint sur le rocher. Comme il fait jour j’examine le paysage. Cette nouvelle île est rocailleuse, pas un arbre, peut être une maigre garrigue. Caillou aride sur la Mer Egée. Cette île est longue. Finalement : des habitations des immeubles modernes ! toute une cité moderne parée de quelques arbres. En voilà une île que je n’aurais pas voulu choisir comme destination de vacances : un désert avec des buildings ! Je suis bien irréfléchie! Souvent une île présente un visage complètement différent sur chaque côte. Nous ne longeons qu’une face. L’autre versant de la colline est peut être beaucoup plus vert ?j’ai observé ce phénomène aux Canaries, à Madère et à Rhodes. Peut être n’avons-nous vu que la région déshéritée. Le ferry ralentit nous arrivons dans un port : Kos. De fières murailles, un minaret, plusieurs coupoles d’églises. Si l’escale se prolonge je dessinerai la vieille ville et ses remparts. Des palmiers ! Durrell qualifie Kos d’enfant gâtée, verte luxuriante « une île qui ne prend pas la peine de se coiffer ». Pas la peine de sortir le carnet moleskine ! le bateau s’ébranle. La plage est hérissée d’installations balnéaires ; on se croirait en Italie avec ces rangées serrées de parasols et de lits qui s’ordonnent par couleur sur deux rangées. Le tourisme balnéaire a-t-il étouffé le charme de l’île que Durrell a visité en 1945 ?

Le soleil est maintenant haut. La matinée est bien avancée. Pourtant j’ai gardé mon coupe-vent. On m’assure que je suis ridicule. Je trouve le vent très frais. A Kos trois jeunes déguisés en hippies sont montés : pantalons bouffants foulards mauves et oranges, chignons d’un négligé savant pour les filles, boucles folles de satyre pour le garçon qui rapporte un instrument local en forme de mandoline et qui en joue comme d’un violon au son  lancinant ni grec ni, agréable.


Kalymnos

Depuis un  certain temps nous longeons les côtes de Kalymnos, toujours aussi aride. L’arrivée au port est un enchantement. Les maisons colorées s’accrochent aux pentes. Les taches vert foncées des jardins contrastent avec les teintes pastels des façades anciennes. A quai on souhaite la bienvenue dans l’île des pêcheurs d’éponges. Ces derniers doivent être particulièrement dévots si je me base au nombre d’églises.

Un énorme camion chargé de pneus pénètre dans la cale du Ierapetra. Quelques touristes blonds descendent.

Je ne cherche plus à suivre le trajet sur ma carte. Passons nous près de Leros ou est ce encore Kalymnos?

Et sur la droite, est ce la Turquie, Au micro on annonce déjà Samos. Pourtant l’arrivée n’est programmée qu’à 13heures. La fatigue se fait ressentir. J’ai peur de m’endormir au soleil pour me réveiller toute cuite. A 12H30, des rumeurs circulent. Les annonces se succèdent – en grec ou dans un anglais incompréhensible – nous descendons prématurément les valises dans la cale. Une heure trop tôt ! La croisière s’achève dans la moiteur, le bruit, la fatigue et l’énervemen.

Samos : en route vers Marathonkampos

 


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Sur le port de Vathi, le bureau d’Europcar est introuvable. En principe, tout devait être facile : La location de la voiture payée par Internet, la voiture au pied du bateau. J’arpente le front de mer de Vathi, le gros sac sur le dos. Boutiques, bars, banques, personne ne connaît Europcar. Forcément Europcar, Sixt et Aramis font boutique commune juste devant l’arrivée des ferries. L’employé prend tout son temps avec des clients danois tandis que nous poireautons.

Notre carrosse est une Hyundai blanche Getz toute neuve, nerveuse qui vrombit dès qu’on appuie sur l’accélérateur. Nous donnera -t -elle autant de satisfaction que la Hyundai Prime grise que nous avons laissée à Rhodes ? On la photographie au premier arrêt au tournant d’une corniche sous des pins qui longe la côte nord de Vathi à Karlovassi.la montagne abrupte est plantée d’épaisses forets de pins où se mêlent les fins cyprès. Parfois des oliviers remplacent les pins. On nous l’avait dit à Rhodes : Samos est très verte. Elle est aussi plus fraîche (ou est ce la vague de chaleur qui s’est éloignée ?), un thermomètre affichait 28°C, il faisait près de 40°. La chaleur de l’après midi exhale les parfums. Les vignes du fameux vin de Samos sont précédées de leur fragrance. Je peux aussi deviner un figuier sur le bord de la route bien avant qu’on ne le dépasse.

Jusqu’à Karlovassi, nous faisons la course avec un gros bateau qui embarquait des passagers pour les Cyclades quand nous sortions du port. Après le débarcadère nous quittons la route principale pour une route secondaire marquée en jaune sur notre carte. Dès que nous abordons la montagne, des  épingles à cheveux mettent la voiture à l’épreuve qui les grimpe en première. Certains tronçons sont cimentés d’autres de la piste de graviers. Les villages sont perchés très haut : vraiment Samos est très montagneuse ! Les églises sont très colorées : des murs de pierres mêlées à la brique sont coiffés de coupoles bleues. Le bleu s’harmonise bien avec le blanc, avec la pierre cela nous choque un peu.

Enfin Marathonkampos, gros village, à mi-pente à 5km de la mer. A Samos les kilomètres comptent double. L’adresse de notre logement mentionne Marathonkampos Ormos, sans autre précision.

Samos:Votsalakia


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 Sur la place d’Ormos, au supermarché deux jeunes filles s’étonnent :
–    « que cherchez vous au juste ? Une chambre ?
–    « Non, j’ai réservé une semaine à l’Hôtel Albatross.
–    « ….. »
Sur le voucher, elles trouvent le numéro de téléphone et appellent le propriétaire qui va venir nous chercher. Je ne sais comment remercier ces filles gentilles. J’achète un kg d’oranges puis des yaourts. Un pick-up arrive, nous le suivons et quittons Ormos. La résidence se trouve à Votsalakia. Station balnéaire construite le long d’une longue plage.


Le jardin est luxuriant : jeunes palmiers, roses trémières, un carré de pelouse, des rosiers grimpants . Les appartements sont situés dans de petits bâtiments en L d’un seul étage crépis de blanc rosé, au toit de tuile dans le style de Samos, les balcons sont abrités d’un auvent de tuiles. A l’arrière, la piscine est entourée d’un jardin soigné : zinnias en fleur, tournesols géants ployant sous le poids de leurs lourdes têtes mais aussi des arbres magnifiques : un caroubier et des micocouliers – arbres méditerranéens rustiques qu’on voit plutôt dans la campagne qu’autour d’une piscine.


Je suis très agréablement surprise. J’avais réservé par Internet en cliquant sur des cases, en 15 minutes le voucher avait été édité sans aucun contact humain. J’avais imaginé un complexe moderne déshumanisé, grand et impersonnel. J’ai une confiance très limitée dans les photos des sites d’hôtels.

Notre appartement est composé d’une très grande pièce avec une toute petite cuisine : un évier, deux plaques électriques, une casserole une poêle un findjan pour le café, des assiettes et des couverts. Sur le grand balcon dans les oliviers nous avons une petite table ronde et des chaises en plastique. Les meubles sont simples, en bois de pin. Le frigidaire est un gros modèle avec un congélateur. Il y a la télévision et la clim (avec supplément  5€/jour). Je déteste la climatisation bruyante qui force à vivre enfermé. Il ne fait pas vraiment chaud. Nous refusons la clim.

A la piscine, une bande de touristes parlent une langue étrangère. Je prête l’oreille : rien de répertorié dans ma mémoire. Sans doute une langue slave,  intriguée, je leur demande d’où ils viennent : ils sont Tchèques. Une dame parle même Français, elle nous dit que la mer est très froide à 18°C et qu’il vaut mieux se baigner à la piscine.


Puis je pars à pied  à la découverte de Votsalakia.
Une seule route, le long de la plage, des restaurants de poisson, tavernes, pizzerias, 4 supermarchés, une pâtisserie, des boutiques de souvenirs, des agences de voyage ou de location de voitures. Rien de pittoresque. Tavernes sans surprise, menus en lettres latines et en anglais, classiques gyropitas, moussakas, souvlakis que demandent les touristes. Bien  pratique « tous les plats sont à emporter »…J’achète une belle tomate énorme, pas trop rouge, pas trop ronde, de celles qui poussent dehors non pas celles qui sont calibrées, de l’huile d’olive, de la feta, des olives. Deux pêches et un  yaourt TOTAL et du miel. Je mange « à la grecque » tous les soirs pour un prix défiant toute concurrence.

Samos : Ormos

 


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Ormos est un vrai petit port de pêche avec des barques et quelques caïques . Tous sont peints de couleurs vives : blanc et rouge avec un peu de bleu. Sur le quai, des tavernes pittoresques avec leurs tables carrées, leurs chaises de bois peint sous des tonnelles vertes ou des cannisses. En face, de belles maisons, des fleurs. Après le port, une plage de sable, quelques parasols.

Dans l’unique magasin de souvenirs, nous achetons des cartes postales, une carte « touristique » de Samos et une serviette de plage. Pour 6€ on vend de vrai draps de bain, d’éponge légère et mince, certes, à motifs horribles : des panthères ou des tigres, des dauphins dans le meilleur des cas, des pin-ups dans des poses suggestives…le moins laid est un drapeau grec. Je n’aime pas ceux qui affichent leurs couleurs. Mais nous n’avons pas vraiment le choix. Les autres serviettes sont vraiment trop affreuses.

Tout me donne envie de dessiner et de peindre à Ormos. Les bateaux de pêche colorés, les chaises bleues des tavernes, les bougainvilliers, les façades, les dégradés de bleu de la mer.
Il suffirait de s’asseoir à une terrasse.

Nous choisissons la plus jolie: la taverne des oiseaux. Une bonne dizaine de cages sont suspendues au plafond. La décoration est très soignée en bleu et blanc. Bleu vif des chaises, des poutres, des gourdes peintes suspendues en alternance avec les cages. Nappes à carreaux bleu et blanc, bouées…curieuse idée : un grand miroir est suspendu en biais sur le fronton : les tables s’y reflètent vues de dessus.
Le vieux Monsieur, sûrement sourd, crie très fort au téléphone ses commandes, avec force gestes et mimiques à son interlocuteur qui ne peut les voir. Cette demi-conversation est très expressive et distrayante. La dame en tablier ne prête aucune attention à notre présence. Elle vaque à ses occupations avec balai et chiffon. Elle prend finalement la commande : ouzo et café frappé. Je change d’idée : au lieu de prendre comme sujet les bateaux du port, je dessine les cages et les gourdes peintes.

Une camionnette musicale passe : oranges valencias. Tout le village se précipite. Le marchand pèse les oranges à l’arrière du pick -up. Ce matin, à 9h, à Votsalakia le poissonnier est passé. Le temps que j’arrive sur la route avec mon porte-monnaie la camionnette était loin. Dommage ! Nous avons aussi tenté notre chance auprès d’un pêcheur rentrant à quai  – à vide – Nous achèterons du poisson surgelé au supermarché !

Samos Ormos filets

Il est presque midi quand nous quittons Ormos après avoir acheté des tyropitès (feuilletés au fromage 1,6€) à la pâtisserie.

Samos : plage de Limionas

La plage de Limionas : deux tavernes en bord de plage, parasols et lits orange et bleus. A l’arrière, dans les oliviers, un petit village de vacances discret. A midi, la plage est tranquille:.les estivants sont au restaurant. Une voix nous interpelle : c’est une Suissesse ravie d’échanger quelques phrases en Français.

Je suis surprise par la fraîcheur de l’eau. Il faut nager vigoureusement pour se réchauffer. Mon snorkelling économe en mouvements de Rhodes ne peut pas se pratiquer ici. Les fonds sont très beaux : les herbiers de posidonies  alternent avec des rochers où s’accrochent des organismes jaunes et oranges en touffes molles et d’autres qui ressemblent aux champignons chinois. J’ai honte d’être aussi imprécise mais une introduction en biologie marine ou simplement une initiation à la plongée serait bien nécessaire. Qui pourrait me renseigner ?

La Suissesse et son fils s’amusent à bord d’un pédalo gonflable orange : un genre de matelas en plastique transparent avec des pédales. Nous les voyons partir vers un voilier. Quand je rentre d’une longue exploration à la nage, ils sont toujours autour du voilier (on râle à cause de la photo: le bateau blanc se détache bien sur le camaïeu des bleus, l’orange dépare). Ce n’est que longtemps après qu’un canot à moteur revient à la plage à son bord la Suissesse et son fils, le pédalo en remorque. Elle  nous conte son aventure – pas drôle – ils étaient incapables de revenir seuls. Le plaisancier qui s’est rendu compte de leur détresse et les a sauvés. Ils auraient mieux fait d’abandonner le pédalo et de revenir à la nage. La jeune femme voulant remercier le Breton lui offrira le dîner du 14 Juillet ce soir à la taverne. De la plage, n i son amie et ses files, ni d’autres baigneurs ne s’étaient rendus compte de leurs difficultés ! Le vent de Nord ouest est beaucoup plus puissant qu’on ne pourrait l’imaginer. Est-ce lui le meltemi qui rafraîchit les étés en mer Egée dont parle Durrell ? En tout cas, il refroidit drôlement l’eau et l’air. Il faut être vigilantes avec le soleil aussi. Le parasol ne donne que peu d’ombre et comme il ne fait pas chaud du tout on aurait vite fait de prendre un mauvais coup de soleil. Je m’enroule dans le grand drapeau grec que nous avons acheté ce matin.

La plage se peuple, petit à petit, à partir de 15h. A 16h30, il est temps de partir après trois ou quatre baignades merveilleuses.

Samos piscine Albatros

Nous terminons la soirée dans notre très agréable Hôtel Albatross. Baignades à la piscine en compagnie des Tchèques incompréhensibles pas désagréables. Sur le balcon, la lutte contre les moustiques s’organise. Ils n’attaquent qu’après 20h. A 19H30 je mets une pastille dans le diffuseur électrique à 20H15 nous allumons des bougies à la citronnelle, je vaporise le reppellent sur mes jambes et on laisse le studio dans le noir. Tout se passe bien !

Samos : côte nord Karlovassi – Saint Antoine (balade)

Samos Marathonkampos

 

Au gîte, pas un souffle de vent. Lorsque nous arrivons sur la côte nord, la mer est ridée de vaguelettes. J’émets l’hypothèse personnelle que la côte nord serait plus ventée.

Les deux versants de l’île ne se ressemblent pas. Le versant septentrional est plus abrupt, recouvert d’une épaisse végétation, forêt de pins mêlés aux thuyas et aux cyprès, cultivé en terrasses. C’est là que se trouve le célèbre vignoble de Samos. Le versant sud est plus pelé. Oliviers et agrumes constituent l’essentiel des cultures.

Nous traversons Karlovassi qui est une petite ville active avec un port de commerce. Contrairement à Pythagorio que nous avons visitée hier, elle ne fait aucune concession au tourisme. Les rues n’ont aucun charme particulier. Il est reposant de voir une vraie ville et on pas une station balnéaire même si elle est aussi ravissante que Pythagorio.

Des usines désaffectées, grands bâtiments de pierre  qui tombent en ruine sur le bord de mer témoignent d’une activité industrielle en déclin : la tannerie. La prospérité de Karlovassi vient aussi de l’exportation du vin de Samos dans toute la Grèce et l’Europe.
Une petite rue face au port de commerce nous conduit à Paléokarlovassi perché sur la colline. sur la place un écriteau Aghios Andoni correspond sans doute au St Anthony du petit Fûté qui nous  promet une balade d’une heure jusqu’à une grotte. Le sentier est bien indiqué dans les oliviers puis dans une garrigue. La grotte n’a rien d’extraordinaire à part un autel monstrueux. Nous nous attardons dans les ruelles de PaléoKarlovassi, maisons fleuries et petites places tranquilles avec leurs fontaines, chapelles et églises. L’une d’elles coiffe un rocher et se voit de loin avec ses coupoles peines de blanc et bleu. Elle est un peu clinquante, un peu neuve et fait pâtisserie.

Plus loin, vers l’ouest dépassant Karlovassi nous trouvons la plage de Potami où nous nous promettons de terminer l’excursion.
Vers l’est la route longe la côte de Karlovassi à Vathy traversant des villages agréables  proposant un grand nombre de locations et de chambres. Tourisme encore diffus et bien intégré dans le paysage.

Samos : côte nord, villages de Vourlioutes, Ambelos et plage

Samos : montée vers Vourlioutes (rando possible)

Samos piste nord

Pour arriver au village de Vourlioutes accroché à mi-pente au dessus de la côte, la route fait de nombreux virages,  il faut rétrograder en 1ère. A mi-chemin, un écriteau signale une chapelle. On s’engage sur la piste. Le problème avec la signalisation à Samos c’est que les panneaux sont les mêmes pour les voitures et pour les piétons. A la vue de la flèche bleue on s’imagine que la route est carrossable. Ce  n’est pas toujours le cas. Des anglophones charitables ont même ajouté à la peinture  « Footpath, wear boots ! » pour décourager les téméraires . La petite Hyundai passe bien entre les oliveraies et les vignes. Des cyprès agrémentent le paysage. Ils ne sont pas plantés en allée comme en Toscane ou pour souligner un lieu-dit, ou comme brise-vent. Ils sont distribués au hasard dans les vignes mais aussi parmi les pins ou au milieu d’une oliveraie. Les fragrances des vignes sont délicieuses. Des vieilles maisons basses sont cachées par une tonnelle, à moitié écrasées. Les vieilles tuiles sont maintenues par de grosses dalles de schistes verts qui brillent au soleil. Une rigole court le long du chemin, à sec, aujourd’hui. Samos ne manque pas d’eau. De Grosses pierres entravent la circulation. Je descends pour éviter que la voiture ne s’empale sur un rocher. Mieux vaut continuer à pied sur un sentier dallé grimpant très raide, je découvre une source captée et une chapelle au dessus de la source. Encore une promenade bien plaisante ! L’itinéraire est balisé pour les randonneurs. Nous aurions dû acheter le livre de la collection Sunflower (randonnées et pique-nique en anglais néerlandais allemand) la même collection qui nous avait été bien utile à Madère.

Samos : côte nord Vourlioutes et Ambelos,

Samos Ormos porte bleue

 

A Vourliotes, il faut impérativement laisser la voiture à l’entrée du village sur le parking sinon on s’expose à des désagréments. Le charme du village réside dans ses ruelles tortueuses en pente. La présence d’une auto bouleverse tout sur son passage, les touristes qui se promènent, la livraison des magasins, le passage du taxi toléré par les habitants. Celui qui s’aventure en voiture est donc très mal vu ! Ensuite il faut trouver où faire demi tour pour remonter tout penaud sous l’œil sévère de ceux qu’on a déjà dérangé une première fois.

De vieilles maisons à encorbellement bordent les ruelles décorées de chaux blanche. Les portes vermoulues bleues, grises ou brunes  ont beaucoup de charme sur les façades souvent blanches parfois pastel. Pour donner de l’ombre aux tavernes  la vigne pousse en tonnelles qui traversent la rue. Nous croisons une touriste anglaise :

–    « Où sont les oiseaux ? »
–    « ….. »
–    « vous n’avez pas entendu parler des rossignols ? »
–    « non, dommage ! »

 

Cela nous aurait bien plu.

Malheureusement, les maisons les plus belles tombent en ruine. Les petites épiceries de campagne cèdent boutique aux vendeurs de cartes postales.

La route continue versle monastère Moni Vrondiani – sévère forteresse au long bâtiment de pierre – fermé pour restauration. Plus loin il y a un kastro dans la montagne. Un panneau militaire « défense de prendre des photos » nous décourage .

Ambelos est un autre village perché. Montée à 14%. Village vinicole : visite des caves et dégustation proposées. Mais le village est moins pittoresque que Vourlioutes. Nous sommes blasées !

Samos : côte nord  plage de Potami

Il est temps d’aller se baigner : retour à Potami, la plage à l’ouest de Karlovassi, au bout de la route. Ce matin, nous avions trouvée magnifique la plage et nous étions promises d’y revenir.

Plusieurs cars de touristes attendent, la plage est bondée. Le vent a forci : les vagues roulent les galets. Je me baigne là ou les gens se baignent. L’eau charrie toutes sortes de végétaux, elle est trouble. Baignade minimale et retour au bercail.

En arrivant à Votsalakia c’est la tempête. Le vent secoue les oliviers tout proches de notre balcon. Je repense – amusée – à mon hypothèse du matin. Je me suis bien trompée. Et nous nous baignerons à la piscine !