la piste à travers le Togo jusqu’à la frontière béninoise

3ème CARNET BÉNINOIS ET TOGOLAIS

village togolais, chaume

Une ficelle en travers de la piste : nous entrons dans une « forêt classée ». Sous un abri quelques gardes surveillent. Ici aussi des petits tecks plantés serrés. Apollinaire m’a enfin expliqué ce mode de plantation. Les tecks poussent vite. Ces petits arbres aux troncs fins sont fragiles et craignent le vent. On les regroupe ainsi pour éviter qu’il ne les mette à bas. Comme à Kpalimé, il y a des cultures dans la forêt : ananas et coton. Un grand troupeau de bœuf est mené par des Peuls et accompagné par des hérons. A Mélia un écriteau m’amuse : « teckeraie litigieuse » ( ??)
A l’entrée de Notsé se trouvent deux l’usines : celle d’Egrenage de Sotoco et l’usine textile Novatex. Notsé est une ville importante.  Nous avons toutes les peines du monde à trouver des bouteilles d’eau minérale et deux papayes mangeables. Les ananas ne coûtent rien (50francs) mais les avocats sont trop durs. Pour les petites douceurs : alocos ou chips de bananes je reste sur une déception, il n’y a rien le dimanche.
La piste de Notsé à la frontière béninoise traverse des villages de peu d’importance. Elle est plus étroite que celle que nous venons de quitter. A peine avons-nous parcouru quelques kilomètres que Kamal descend et regarde sa roue avant droite  de la 405.
–    « cela coince ! »
Nous trouvons un abri de chaume avec des rondins en guise de banc. Leur bois est poli comme du marbre de tant d’assises. Nous y prenons place et regardons Kamal sortir le cric et la manivelle, défaire la roue puis les plaquettes de frein qu’il frotte contre une pierre plate avec le même geste que  j‘ai vu pour écraser le piment. Vingt cinq minutes plus tard la roue est reboulonnée et nous repartons.
Sous le soleil de midi qui écrase tout, nous ne sommes plus d’humeur à faire du tourisme. Il serait mal venu de déranger Kamal avec mes questions alors qu’il se concentre sur la conduite :
–    « la piste est dégradée » dit- il
Comment choisit- il un côté ou un autre de la route ? Sans raison apparente, il roule à gauche puis traverse à droite, évitant dans des trous inimaginables, négociant ceux qui sont inévitables. Des femmes marchent avec leurs bassines pleines sur la tête. Il leur demande si la piste est meilleure devant. Non ! la frontière semble reculer, les trente derniers kilomètres sont interminables.
Le poste frontière est perdu dans la campagne. Sous un auvent rustique, un fonctionnaire togolais habillé de bleu, ausculte nos passeports, regarde les visas et les tampons. Il ne semble pas pressé ; Au contraire, il recopie consciencieusement tous les items du formulaire.
–    « Où est Issy-les –Moulineaux ? »
Qu’est ce que cela peut  lui faire ?
C’est interminable ! Deux curés en soutane blanche sur une mobylette passent sans s’arrêter. Quand il a enfin fini avec nos passeports il lui faut les papiers du véhicule. Un autre policier fait le tour de la voiture. Celui qui se tient près de la barrière téléphone sans fin. Cela se complique. Il veut 1000F ; même si nous ne voulons pas encourager la corruption nous sommes prêtes à donner les 1000F pour en finir. Kamal tergiverse, il ne paiera que 500F. Fin du Togo ! Mais pas des tracasseries. Du côté béninois, l’officier d’émigration me fait remplir les formulaires en double. Heureusement que je le fais moi-même ! Tant pis pour la calligraphie !

 

Vol Air France-Roissy/Cotonou

  BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Afrique rose


Hier, invasion des rails de la Gare du Nord par la manifestation anti-CPE. Je panique.

Roissy,9h45 ,l ’enregistrement ne commence qu’à 10h20. Nous sommes les premières, piaffant derrière le chariot. Bernique ! Il ne reste plus de place-hublot.Furieuses ! Oubliée la peur d’être bloquées par les manifestants! Formalités de sécurité très tatillonnes, dix fois, il faut montrer le passeport. Je négocie une nouvelle carte d’embarquement,22A et 22B, nous pourrons voir le paysage!

En vol

La caméra embarquée filme le paysage. Excitées comme des enfants, nous nous promettons d’essayer tous les divertissements. Déjeuner luxueux, menus imprimés : entrée, salade de pâtes, maïs, tomates avec un pavé de chèvre frais, puis poisson au cresson aux trois riz .

J’essaie de suivre le voyage, vexée de ne rien  reconnaître dans la mosaïque de bocage et de bois. Survol de montagnes encore enneigées, lesquelles? Nous arrivons au bord de la mer. La caméra embarquée n’est d’aucune aide. Sur la côte, des lagunes, on dirait Gruissan ! Mais peut être est ce l’Espagne ? Traversons-nous la Méditerranée ? Sommes-nous sur l’Atlantique ? A nouveau le rivage. J’hésite : Algérie ou Maroc ?

Beaucoup plus tard, le pilote viendra en personne nous détailler l’itinéraire : Paris –Perpignan- l’Algérie puis le Niger.

Le Sahara est rose, irréel, flou. Je n’ai jamais vu un environnement aussi rose. Sur le petit écran rose, parfois, des dunes. Plus tard, du rocher noirâtre émergent, des oueds à sec : des nombreuses ramifications forment des dendrites. Le manque de netteté m’étonne : nébulosité ou tempête de sable, peut être ? Le Niger, à la tombée de la nuit, dans une sorte de brouillard. L’Afrique se dérobe.

Au dernier moment : la frange blanche de la plage. Cotonou illuminée, des rues très encombrées..

Cotonou la nuit, chaleur africaine

La chaleur lourde s’abat sur nous. L’aéroport est sans charme particulier, sans bousculade ni impatience malgré la longueur du vol. Un officier de santé, vêtu de blanc, contrôle avec  beaucoup de conscience notre carnet de santé. La délivrance de bagages est laborieuse. Des caisses monstrueuses se présentent sur le tapis roulant. Les valises arrivent après, au compte-gouttes. Tout le monde est bien patient. Des porteurs se proposent, sans insister, les chariots sont gratuits. A la douane, seuls les Africains sont contrôlés.

Deux hommes brandissent un plateau de bois peint artistement de blanc, rouge, vert aux couleurs du Jardin Helvetia. L’un d’eux est le porteur, l’autre, le chauffeur. Le taxi jaune et vert est d’une marque indéterminée, son pare-brise fêlé. Toutes vitres baissées, la température est agréable. Au rond-point,  le chauffeur nous prévient qu’il va emprunter un « chemin de terre » qui longe la mer. Des piétons surgissent dans l’obscurité. Ils marchent tranquillement sans que rien ne les signale. Sur les bords de la piste, des cabanes de bois éclairées par une bougie ou, luxe, par une lampe à pétrole. On devine la misère dans le noir, sans la voir.

Lorsqu’on s’éloigne de l’aéroport, la mer se fait plus présente. Les cocotiers, les paillotes de plage et des restaurants illuminés évoquent des plaisirs balnéaires. Je n’arrive pas à distinguer les constructions de plage des paillotes habitées. Nulle part, lors de nos précédents voyages, nous n’avons vu un habitat si précaire. Les bidonvilles de Bangkok les maisons des Acas de Thaïlande étaient luxueux à côté de ces huttes de palmes. Le taxi fait de grandes embardées pour éviter les nids de poules. Après une dizaine de kilomètres, la cocoteraie devient plus belle, la mer plus proche. Le taxi fait demi-tour pour emprunter un chemin de traverse.

Cotonou : Installation au Jardin Helvetia

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Au Jardin Helvetia dans la cocoteraie, Thierry, le chauffeur

Heiner, le patron  de l’hôtel Au Jardin Helvetia, nous accueille. Suisse,cheveux blancs fournis, et barbe blanche, vêtu d’une chemisette africaine .

Nous posons nos affaires dans le bungalow sans nous installer et continuons la soirée au restaurant  sous une vaste paillote ronde, au toit très haut, très aérée fermée seulement sur un secteur par le bar. Les  tables sont habillées de nappes en batik vert.

La carte SIM avec notre numéro de téléphone béninois, nous attend. On va chercher le mobile au bungalow : la porte ne veut plus s’ouvrir. Et nos affaires sont enfermées à l’intérieur !

paillote restaurant au Jardin Helvetia

Nous faisons connaissance avec Moronikê, la très jolie et  jeune femme d’Heiner : visage rond aux traits très fins, dents blanches dans son rire si fréquent. Leur fille, métisse, coiffée à l’africaine, avec  des couettes dressées, a un visage clair délié. A six ans, elle parle français, fon, allemand et suisse allemand. Elle a un petit air malin mais très conscient de sa valeur.

La serveuse nous sert une salade de tomates et concombres. Est-ce prudent ? La présence des enfants nous rassure. C’est rafraîchissant. Nous ne faisons pas honneur au plat principal de poisson frit et haricots verts. On s’excuse :
le repas d’Air France était si copieux et si tardif… ».
Je termine avec bonheur de l’ananas frais « tendre, pas une pierre comme en Europe… ».

Heiner installe la puce dans son téléphone mobile et la recharge.
Plutôt que de réparer la serrure, on a transféré nos affaires dans un autre bungalow. Nous nous couchons presque à minuit, dans la fraîcheur du ventilo.

 

premières impressions du Bénin

 

Première nuit africaine

3 heures du matin, arrêt du ventilo et extinction de toutes les lumières.
L’électricité ne revient que vers 7 heures, fournie par un générateur qui fonctionne de 18 h à 24h, de 7 à 10 et vers midi. Exprès pour nous, ils ont laissé le courant plus longtemps cette nuit. Les générateurs supportent mal l’air marin saturé en humidité et en sel qui corrode tout ce qui est métallique. Ce qui explique aussi la mésaventure de la serrure. L’eau est également salée. On se lave les dents à l’eau minérale Potossomé.

Premier matin béninois au Jardin Helvetia

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les bungalows dujardin Helvetia

notre bungalow

Notre bungalow  au jardin Helvetia est très vaste, haut de plafond avec son toit à double pente doublé de bois. Le lit, couvert de batik brun est surmonté d’un baldaquin de mousseline posé sur deux fils tendus à travers la pièce : la moustiquaire. Le vent de la mer a chassé les insectes, elle est donc inutile cette nuit et sert de décoration.

intérieur du bungalow

Face au lit, une sorte de salon en bois exotique : le bois lourd est sculpté avec des motifs de lions aux accoudoirs mais aussi aux pieds, le dossier est à clair voie. La matière est belle, la sculpture très réussie.

Au dessus, un tableau naïf représente deux tambours mâle et femelle (attributs très explicites) joués par trois tambourineurs chacun armés de sorte de crosses. Plus loin, un village de cases rondes. Dans le ciel, un avion. Sous la fenêtre, un grande table rectangulaire recouverte d’un tissu à grands ramages avec un jeu d’awalé. En face, une armoire de bois contient notre « trésor », coffre-fort tout à fait indispensable puisque nous transportons tout l’argent du voyage en espèces.

En déballant nos sacs,  nous ne savons quels habits choisir. Y a –t- il des moustiques le matin ? Où avons-nous mis les passeports ?

Comment téléphoner ? Mon portable n’accepte pas la carte SIM. Il proteste, « insérer une carte Sim correcte« . Heiner propose de louer un appareil à un de ses employés africains.

la plage

il suffit de traverser la piste pour trouver la plage

Avant le petit déjeuner, nous avons traversé le jardin pour découvrir la plage, magnifique, bordée d’une rangée de très beaux parasols de paille surmontés d’un  pinacle rond, abritant des lits de bois. Le sable est très propre et la vague pas trop effrayante, ce matin. Une femme vêtue seulement d’un pagne long enroulé, les seins pendants, vient à notre rencontre. A l’aide d’un balai en palme de cocotier, elle a nettoyé la plage.

Conversation à bâtons rompus pendant le petit déjeuner

Le petit déjeuner est somptueux : un grand verre de jus de fruit frais, ananas-orange, une mangue découpée en hérisson, délicieuse, à point, fondante. Au choix:  müesli ou omelette. L’omelette aux fines herbes est parfumée, avec des morceaux de tomate.

Gruyère ou Brie complètent le menu ainsi que de la confiture confectionnée par des moines au nord du pays.

paillote restaurant

Heiner nous tient compagnie. Il a travaillé pour un institut de recherche sur la Cécité du Fleuve, maladie parasitaire véhiculée par de petites mouches qui pondent sur la peau des paysans. Des milliers de vers microscopiques s’attaquent au système nerveux, provoquant la cécité. Maladie de pauvres, peu rentable. Si jamais on développait un remède, les pauvres paysans n’auraient pas de quoi payer le médicament.

Expatrié au Bénin depuis 16 ans, il ne voit pas le développement du pays décoller, au contraire !

Il souligne les aberrations du système : on fait le café venir d’Europe, alors qu’il pousse ici. Les  expatriés préfèrent les confitures françaises,  puisque les produits locaux ne se vendent pas meilleur marché. La banque de l’aéroport est ouverte l’après midi quand il n’y a pas d’avion mais elle ferme à 20heures même si le vol d’Air France est retardé.

Pour tolérer la Malarone, on aimerait du lait : il faudra acheter Nestlé ou hollandais, condensé ou en poudre.

Heiner qui essaie de mener son affaire « à la suisse », est contrarié par l’indolence des béninois.

Expédition à Cotonou – La Route des Pêches

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zemidjans

Thierry, le chauffeur de taxi, vient à 9heures nous chercher avec son taxi jaune (Toyota Corolla) au JardinHelvetia. Moronikê nous accompagne jusqu’à l’entrée de la ville elle prendra un zemidjan (moto-taxi).

la route des Pêches

De jour, la piste paraît moins misérable : les cocotiers sont magnifiques. Sur la plage, une dizaine de pêcheurs tirent un filet. Ce sont eux qui vivent dans les huttes de palmes tressées. Des nattes tressées délimitent des enclos. Dans les cours, on voit les femmes ; du linge sèche. Tant qu’il y a des cocotiers et de la verdure, ces villages sont jolis, pittoresques. A l’approche de l’aéroport, des terrains vagues séparent les groupes de bicoques. Des hommes errent sans but apparent. L’un d’eux « cherche du papier pour se mettre à l‘aise » selon Thierry. Expression sybilline que je ne comprendrai que plus tard

maraîchers

A l’entrée de la ville : les lopins des maraîchers, parcelles de 5x3m environ, avec des plants de carottes, oignons, salades. Des hommes passent portant un arrosoir dans chaque main.

quartiers officiels

Sans transition, l’hôtel Sheraton en face du Siège de la Banque Mondiale, puis la Présidence – en chantier-  des bâtiments officiels, l’Ambassade de France.

Nous retrouvons ensuite des rues encombrées de mobylettes, les trottoirs occupés par de petits étals de fruits soigneusement empilés, des cabines téléphoniques dans une baraque de bois, des pièces de voitures à même le sol. Nous approchons du marché.
Supermarché de la Pointe
Supermarché (pour le lait).  Je vérifie les dire d’Heiner : conserves de pois chiches et de tomates venant de Provence, au rayon des vins fins,on peut trouver du Sauterne ou des grands Bourgogne.

Cartes postales à la Librairie Notre Dame où nous reviendrons pour les fournitures scolaires. En plus des manuels scolaires et universitaires, sur des tables, de la littérature africaine francophone. Mention spéciale pour Aimé Césaire, qui n’est pas africain mais qui semble très lu ici. Si nous restions plus longtemps, si nous étions plus riches, j’achèterais des piles de bouquins.
cathédrale et moquées


Nous passons sans nous arrêter devant la cathédrale carrelée de rouge et blanc. les rayures horizontales me font penser au style pisan, le carrelage aux azulejos portugais. L’ensemble est original sinon beau.

Des mosquées aux minarets neufs lui font concurrence. Les rues principales Clozel et Steinmetz sont noires de mobylettes, motos et pollution. La cause de cette pollution monstrueuse est clairement identifiée : c’est l’essence qui se vend dans des dames-jeannes, des bouteilles d’huile ou de pastis bouchées ou non. C’est de l’essence de contrebande venant du Nigéria très peu raffinée vendue 350 CFA alors qu’à la pompe c’est 450.

Le marché de Dantokpa

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Dantokpa : étals alimentaires
Dantokpa : étals alimentaires

Dantokpa, poissons, légumes et gris-gris. Tout va changer !

C’est un des plus gros marché  de l’Afrique de l’Ouest.

Un homme nous prend en charge :
– « Voulez vous voir les animaux pour les fétiches ?
– Bien sûr ! »

Le Vaudou et la sorcellerie excitent ma curiosité. Charles sera un guide précieux qui nous pilotera dans les ruelles encombrées, nous montrant les passages à l’ombre où il fait plus frais.
pagnes

Nous traversons d’abord le quartier des tissus africains,  étoffes colorées, roulées et empilées, tandis que des vêtements pendent à des cintres. Il y a même des vendeurs qui portent un plateau avec des cintres, suspendus autour de leur tête. Chaussures à talon entassées, nous retrouvons l’atmosphère des souks marocains ou égyptiens.
limaçons

limaçons au marché Dantokpa

Plus loin, dans des bassines, des plateaux de vannerie, des paniers ronds, d’étranges escargots à la coquille pointue évoquent plus la limnée que le petit-gris. Dans des écuelles : des escargots sans coquille ou des cadavres de limaces ?
légumes
De toutes petites tomates ; des piments très rouges, des bassines remplies de toutes sortes de haricots, de la farine ou du sucre dans des cylindres en sachets de plastique transparent artistiquement disposés.

Moulin à moteur

Sous un toit de tôle ondulée, une sorte d’atelier : des moteurs bruyants actionnent des moulins. Ce n’est pas le café qui est moulu, mais les haricots et le maïs « pour faire la pâte ». Des dizaines de personnes sont occupées dans le vrombissement infernal.
Faire des photos?

J’essaie de faire une photo – refus systématique de l’homme servant la machine.

Pourquoi ? Est-ce par peur qu’on utilise son  image dans quelque sorcellerie ? On m’assure énergiquement que non. Charles, le guide, Thierry le chauffeur,  Heiner, ont une autre théorie : ils veulent seulement faire monter les enchères pour le « cadeau » qu’on leur fera en l’échange de la photo. D’ailleurs nombreux sont ceux qui veulent qu’on « paye d’abord ». Il me vient une autre idée: et si c’était une réaction de dignité ? Refus qu’on considère leur misère comme du folklore, refus d’être perçus comme des curiosités.
la lagune

Dantokpa lagune

Sur le bord de la lagune,  les femmes vendent des petits poissons argentés dans des paniers ronds. Des pirogues débarquent  transbordant les piétons d’une rive à l’autre. Dans la cohue, on peut faire une photo d’ensemble. Certaines femmes sont abritées sous d’énormes chapeaux, certains sont aussi grands que des bassines renversées, d’autres pointus à la manière asiatique. Elles ne refusent pas la photo, se rendant invisibles sous le fameux couvre-chef.
fétiches
Les animaux morts utilisés pour les fétiches forment un alignement de crânes dénudés, des têtes portant encore la fourrure. On identifie même une petite panthère, des moitiés de crocodile, peaux étalées par terre, fourrures poussiéreuses, serpents séchés, grenouilles aplaties. Tout un assortiment macabre dont je renonce à faire l’inventaire exhaustif. Nous avons plutôt envie de fuir.
Heboristerie

La qui femme tient une herboristerie nous montre l’écorce qui guérit la malaria, les bottes d’herbes médicinales destinées à d’autres affections. Encore une fois, impossible de faire des photos.

Nous rentrons par le plus court chemin, évitant de bousculer une petite fille assise au milieu de la rue des tissus

Tout va changer! Le Nouveau Président!


Une aile delta motorisée survole la ville tirant une banderole à la gloire du nouveau président. Tout le marché l’acclame. Des femmes se mettent à danser. Fait exceptionnel, elles me demandent de les prendre en photo pour témoigner leur joie. Je m’exécute bien volontiers. Pour une fois qu’une photo n’est  ni volée  ni achetée !

Galerie des arts et de l'artisanat : flamboyant

la Galerie des Arts et de l’Artisanat est un village reconstitué avec un grand nombre de  cases-magasins de souvenirs. Je suis frappée par la qualité de la menuiserie et de la sculpture sur bois. Nous nous promettons de revenir avec Thierry pour marchander un batik « je vous casserai les prix », promet un marchand.

Galeries des arts et de l'artisanat : mobylettes

Nous achetons des avocats, des mangues, une papaye et des oranges. Je suis surprise par le prix : 1100CFA, nous en aurons pour plusieurs jours.

Devant  une grande église, une foule est massée, la chemise jaune des zemidjans ressort. Les taxis et motos sont à l’arrêt. Le nouveau Président est à l’église. Sous un crucifix, perchée sur les marches,  une troupe, officiels ou sécurité ? Le cortège de voitures noires s’ébranle. Celle du Président est immatriculée « PR ».

Cocoteraie et plage

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cocos! la vie est belle!

Cocos
Sur le chemin des Pêches qui nous ramène à Helvetia, Thierry arrête la voiture devant l’auvent d’un  vendeur de noix de coco : il a soif. Je l’invite. Pas de paille comme en Thaïlande. Il faut se débrouiller à boire par le trou fait à la machette. Ensuite, on rend la noix au vendeur qui fait quatre quartiers de son coupe-coupe. A l’aide d’une écorce, il racle la pulpe et la présente sur un quartier : c’est délicieux mais tellement calorique qu’il ne faudra pas en abuser.

notre bunggalow au jardin Helvetia

Nous mangeons nos avocats sur la terrasse du bungalow. Moronikê nous a proposé une assiette et des couverts, à la vue de nos sacs plastiques noirs, sans doute. La papaye est décevante, fade. Je l’ai choisie moi-même. Je n’y connais rien. Je n’avais jamais remarqué l’étoile à cinq branches au creux du fruit. La symétrie d’ordre 5 est rare dans la nature.

Une après-midi à la plage

la plage au jardin Helvetia

Après la douche, je me tartine de biafine. Même à l’intérieur de la voiture le soleil cogne dur. Il fait encore plus frais sous les paillotes de la plage. A notre intention Diane vient installer un matelas sur les lits de bois. Deux fois, je vais me tremper. J’attends que la vague m’éclabousse puis se retire dans un grand bruit de succion. Les vagues ne sont pas très puissantes. Seule, j’ai peur de ne pas ressortir de l’eau.

Promenade dans la cocoteraie

Vers 18heures, nous continuons le chemin de Pêches très tranquille et atteignons un curieux « Temple de la Lumière » vaudoun : bâtiment neuf au toit de chaume imposant. Le portail est très décoré, les portes de bois sont sculptées, les colonnes historiées. Deux éléphants de bois gardent l’entrée. Sous un  petit auvent, une jarre. Sous un autre un étrange monticule en forme d’étron( ?).
Le troupeau de bovins rentre, mené par un tout petit berger qui chantonne. Il n’a pas huit ans et ne semble pas comprendre le français, ou peut être est il trop timide.

menu suisse!
Au dîner : Rostli zurichoise, une galette de pommes de terre râpées et grillées, accompagnée d’une « sauce » africaine avec de petits morceaux de bœuf extrêmement parfumée au persil.

Je termine la soirée sur notre terrasse à écrire. La première impression est qu’il n’y a pas de moustiques. Je reste en T-shirt. A la première piqûre, Je prends les mesures qui s’imposent : crème à la citronnelle et spirales à brûler. Vers 21h30, j’écrase un moustique sur mon coude. Il faut passer à l’alerte supérieure : chemise à manche longues imprégnée et produit plus efficace.
On se couche tôt et on éteint à 22heures. C’est une erreur. On se réveille à cinq heures avant le lever du jour et sans électricité.

 

Au petit matin sur la plage

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les pêcheurs sur la plage

Au lever du  jour, les pieds dans l’écume mousseuse….
Je me réveille à 6h pour une promenade matinale le long de l’eau. Je relève ma longue jupe de gitane fleurie, et laisse les tongs à la limite du sable sec .Quand j’atteins le village le plus proche, les hommes sont sur les pirogues et je n’ose pas m’approcher. Quand je reviens face au soleil levant (6H50) une vague plus forte mouille ma jupe. La mer monte. Je crains pour mes tongs et hâte le pas.

Curieux face à face entre un rat mouillé et trois crabes. Qui hypnotise qui ? Qui avancera le premier ? Une vague manque de noyer le rat qui ne réagit pas. Il est sans doute en train de crever et les crabes s’attaqueront à son  cadavre.

aux barques, je rebrousse chemin

A l’abord des paillotes, je retrouve mes pas imprimés dans le sable mouillé. Ils me conduiront à mes tongs. La mer n’est pas encore arrivée là où je les ai laissés. Je suis mes pieds, mes pieds, mes pieds …Dans le sens inverse je vois mes tongs, mes tongs mes tongs imprimés dans le sable mouillé…Ils ne sont pas partis seuls !

Serpent

Devant la paillote des toilettes, un joli serpent vert fluo, au ventre jaune et aux reflets bleus sur la tête, passe devant moi. Extrêmement fin. J’appelle le jeune jardinier :
– « Je vais chercher un bois ».
Il tue d’un coup bien placé derrière la tête le petit serpent. Diane regarde:
– « il n’est pas dangereux ».
Au petit déjeuner, Moronikê confirme :
– « Il n’a même pas de dents »
Heiner regrette la mort du petit animal inoffensif.

 

Sur la route de Ganvié

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Thierry fait le plein à Cotonou

Le téléphone  de Willy nous a réveillées. Un message ? Non seulement le réveil! Nous n’arrivons toujours pas à envoyer de SMS. D. peste contre les inventions modernes . Heiner, au contraire, s’amuse avec le mobile comme un enfant avec un jouet. Il change les cartes SIM, enregistre en mémoire, modifie, jongle avec la technique en allemand ce qui ne facilite rien pour moi. Willy, très noir de peau, aux traits très fins, vient aux nouvelles avec le chargeur du téléphone. Tous les deux cliquent, naviguent… Le téléphone a une fonction de prestige, de statut social pour Willy plutôt que de nécessité. Il nous le loue volontiers. Il me faut apprivoiser l’appareil, défi qui ne me déplait pas.

Thierry nous attend déjà lorsque nous arrivons sous la grande paillote pour le petit déjeuner. Nous retrouvons avec plaisir la Route des Pêches. On lui demande de nous montrer sa maison : c’est une cahute en bord de mer – bien située sur la plage – mais très petite. Il a deux enfants. Sa fille fréquente l’école primaire. D demande à voir l’école. Elle préfèrerait acheter les fournitures scolaires aux enfants de notre village plutôt que d’aller à Lokossa où nous sommes si peu attendues. N Kodjoh, notre correspondant injoignable pour cause d’élections,  a appelé. Peu aimablement sans aucune intention de nous véhiculer. Il n’était pas loin de nous engueuler de ne pas avoir pris contact nous- même avec le collège.

Carburant

Arrêt carburant devant un étal où sont posées 4 dames-jeannes. Le soleil du petit matin éclaire l’essence couleur caramel qu’on verse par un entonnoir en zinc.

Cotonou, le dimanche, est moins animée qu’hier. De nombreuses boutiques sont fermées . Sur la plage, des hommes jouent au foot avec des mini-cages mais avec de vrais maillots et de vraies chaussettes. La rue est barrée par des plots qui servent de but.

Des théories de femmes et enfants portent des palmes : ce sont les Rameaux, ils vont à l’église.

 

L’embarcadère de Ganvié se trouve à Abomey-Calavi.

Thierry a mis la radio; Après les informations sur RFI (nouvelles de France, de Palestine, mais aussi nombreux conflits en Afrique, Casamance, Tchad, un séisme à Kivu…). Il écoute un débat sur la formation du nouveau gouvernement. Le Président Boni Yayi a été élu avec le mot d’ordre « Tout va changer ! ». Il mécontente la classe politique s’il ne choisit pas les ministres parmi la classe politique (anciens ministres ou candidats malheureux). En revanche, il est plus populaire.

Ganvié : cité lacustre

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

pirogue à voile

Ganvié : notre équipage

Un fonctionnaire  enregistre les touristes et nous attribue un guide:
– « Je suis Grégoire, votre guide, et voici Bienvenu, votre capitaine ».
Grégoire est habillé à l’africaine en satin rose broché de fils d’or. Il s’exprime très bien.
–  « Le voyage durera 35 minutes à voile et le retour 45 minutes à la rame. ».
Il installe une perche et la voile rectangulaire, une sorte de drap imprimé avec Snoopy, qui nous fait une ombre très agréable. Craignant la réflexion du soleil sur l’eau, j’ai pris mes précautions : écran total, chapeau, et je me voile à la turque avec le voile blanc acheté aux femmes devant la mosquée de Besehir. La Biafine a fait des miracles après les coups de soleil d’hier mais il ne faut pas recommencer.

La légende de Ganvié : épervier et crocodile

pêche à l'akadja

La pirogue glisse sur l’eau en silence.

Grégoire nous raconte l’histoire de Ganvié et de ses habitants, les Hommes de l’Eau ou Toffinous originaires du Togo (les Adjakedos).

« Par suite de guerres tribales, ils sont arrivés avec leur roi Agbogdobé en 1717 . C’était alors la brousse. Ce roi, puissant en Vaudoun, se métamorphosa en épervier, survola la lagune et découvrit l’île de Ganvié. Ses gens restés sur la rive ne pouvaient pas passer. Il fit alors une autre magie qui le transforma en crocodile, transportant ainsi ses collaborateurs sur son dos. Depuis, le crocodile est sacré à Ganvié. Le nom Ganvié vient de Gan=sauvé et de vié=collectivité. »

Toutes les activités des habitants de Ganvié sont liées à l’eau : principalement la pêche, accessoirement la contrebande d’essence avec le Nigeria.

Pêche à l’épervier et pêche à l’akadja

pêche à l'épervier

Deux techniques de pêche sont pratiquées ici : la pêche à l’épervier, de la pirogue, seul ou à deux. Le pêcheur lance un filet circulaire d’un beau mouvement tournant. Il remonte ensuite sa nasse en essorant les bords et en les repliant. Le poisson se concentre au fond comme dans un sac. Un jeune garçon nous en fait une belle démonstration, pour la photo et 100CFA.

L’autre pêche est plus élaborée : les pêcheurs piquent des branchages portant encore leurs feuilles, des bambous ou des palmes et les attachent. Dans ces rideaux, sur de grandes étendues la vie se développe : microorganismes, plancton, crevettes ou mollusques. Les poissons attirés par toute cette nourriture prospèrent. Les pêcheurs entourent cette « pisciculture » de filets et piègent ainsi daurades et tilapias. Le problème est qu’ils coupent parfois les chenaux de navigation et qu’il s’en suit des bagarres. Un autre problème moins immédiat est que la lagune se comble ainsi.

Les Rameaux

Nous croisons de nombreuses embarcations chargées de Béninois en route pour l’église, en habits de fête, portant des palmes. A Ganvié, on ne se déplace qu’en pirogue, dès 6 ou 7 ans. Certains pêchent, d’autres plantent les branchages. Une femme allaite son bébé, des petites filles traversent le chenal.

Des sternes se posent sur les piquets des filets. Elles ressemblent à des hirondelles.

le village sur pilotis

village sur pilotis

Le village est construit sur pilotis. Certaines maisons sont couvertes de chaume, d’autres plus modernes sont peintes en couleur et couvertes de tôle ondulée. Quelques unes partent complètement de guingois, les poteaux de travers. Des enfants nagent dans les canaux. Peu de terre ferme : un arbre donne de l’ombre à une place. Plus loin, une statue énorme : le monument du roi légendaire peint en blanc et en doré  ressemble à un bouddha Thaïlandais. D’ailleurs, tout ce village et son marché flottant, évoquent le Siam : les chapeaux pointus et évases, les marchandes…

Cité lacustre

village sur pilotis

Visite de  la Maison de la Francophonie  qui a accueilli Chirac au Sommet de la Francophonie en 1995. Maintenant bien délabrée, elle abrite un peintre d’acryliques naïfs et stéréotypés, un vendeur de batiks (grossiers).

Deuxième arrêt : terrasse d’un hôtel-restaurant-souvenirs où nous invitons Grégoire et Bienvenu à boire un coca. Au dessus  du marché flottant, nous avons un bon point de vue pour prendre des photos. En face, dans une église évangélique, les fidèles habillés de blanc répondent bruyamment au prêtre. Il est passé midi, l’heure de rentrer. Nous quittons le village sur la vision de cochons aquatiques qui nagent. L’épervier (l’oiseau, celui du roi de la légende) nous survole.

Le téléphone portable sonne, je suis ravie: c’est le premier appel sur notre numéro béninois : Sébastien, le guide que nous a recommandé Danielle.

Thierry nous donne la clé d’une énigme : des barques étaient remplies d’une vingtaine d’hommes et de femmes habillés tous du même tissu imprimé vert à grands ramages. Il s’agit d’une cérémonie mortuaire. Les proches du défunt choisissent un tissu et manifestent ainsi leur deuil.