L’île Sous la Mer – Isabel Allende

LIRE POUR LES CARAÏBES – HAÏTI

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Grande fresque historique (624 pages)  qui se déroule à Saint-Domingue de 1770 à 1793 jusqu’à la guerre civile puis à La Louisiane 1793 – 1810.

« Danse, Zarité, danse, car un esclave qui danse est libre… aussi longtemps qu’il danse », me disait-il. Moi, j’ai toujours dansé. »

Deux récits s’entremêlent, celui de Zarité , l’esclave mulâtre, et celui de son maître, Toulouse Valmorain qui débarque de Paris pour prendre la succession de son père à l’Habitation Saint Lazare – une plantation sucrière. 

« Vous avez la chance de ne pas être un planteur, dit Valmorain. Je n’aime pas l’esclavage, je vous l’assure, et
j’aime encore moins vivre ici, mais il faut bien que quelqu’un dirige les colonies pour que vous puissiez sucrer votre café et fumer un cigare. En France, on profite de nos produits, mais personne ne veut savoir comment on les obtient. »

L’auteure Isabel Allende est chilienne, le livre est donc traduit de l’Espagnol ce qui me change de la littérature caraïbe que j’ai lue jusqu’à présent : Chamoiseau, Maryse Condé ou Simone Schwartz Bart dont le style intégrait les influences créoles. Lecture plus fluide, mais moins dépaysante. Saint Domingue était à moitié espagnole et la Louisiane colonie espagnole, une partie du roman se déroule à Cuba.

Décentrement aussi de l’action, L’île sous la mer met en scène les planteurs, les  Grands Blancs, les autorités militaires, et toute une bourgeoisie urbaine avec les cocottes qui apparaît beaucoup plus marginalement dans les romans précédemment cités où narrateurs et personnages principaux étaient plutôt des esclaves, des noirs, et des gens très simples. 

Roman historique et aussi roman d’amour : les histoires d’amour occupent une grande place dans le récit. Amour maternel surtout: Zarité met au monde deux enfants dont le maître est le père, elle élève le fils de son maître et de sa femme décédée comme ses propres enfants. Relations entre le maître et l’esclave, achetée à 9 ans, violée à 11….Amour de Zarité pour un esclave qui s’enfuira et deviendra lieutenant de Toussaint Louverture. . A propos de Toussaint Louverture, j’aurais aimé en savoir plus!

j’ai aussi bien aimé les personnages du médecin, le docteur Parmentier, et de Tante Rose, la guérisseuse de Saint Lazare, détentrice d’un savoir ancestral, et aussi de pouvoirs occultes.

« Depuis le seuil, Tante Rose a vu le Baron Samedi et un frisson l’a secouée, mais elle n’a pas reculé. Elle l’a
salué par une révérence, en agitant l’asson avec son cliquetis d’osselets, et lui a demandé la permission de
s’approcher du lit. Le loa des cimetières et des croisements de chemins, avec sa tête blême de mort et son chapeau noir, s’est écarté, l’invitant à s’approcher de doña Eugenia ; celle-ci respirait comme un poisson,
trempée, les yeux rougis par la terreur, luttant contre son corps qui faisait du mieux qu’il pouvait pour libérer le bébé, tandis qu’elle le retenait en serrant avec force. Tante Rose lui a mis l’un de ses colliers de graines et de
coquillages autour du cou et elle lui a dit quelques mots de réconfort, que j’ai répétés en espagnol. Puis elle s’est
tournée vers le Baron. »

La deuxième partie du livre se déroule en Louisiane, une plantation sucrière, des esclaves…Tous les personnages, ou presque vont se retrouver. la Louisiane devient française, pour peu de temps, puis américaine…

Une lecture plaisante et instructive.

 

Poussière dans le vent – Leonardo Padura – Métailié

CUBA

Ce week-end, je me suis offert un voyage à La Havane, et en Floride, Barcelone, Madrid, et même Tacoma…700 pages, un roman-fleuve de 710 pages qui m’a emportée. Addictif! Oubliés, le cinéma, la télévision, le Monde ou Facebook. 

26 ans séparent les premiers épisodes de l’histoire : la fête d’anniversaire de Clara en 1990 où sont réunis les amis formant le Clan immortalisé par la photo de groupe dans le jardin de la maison de Fontanar, et le dénouement en Floride. C’est avant tout le roman de l’amitié, la fraternité, de la solidarité qui a uni les membres de ce Clan pendant toutes ces années même à travers sa dispersion et l’exil.

« Pourquoi tous ces gens qui avaient vécu de façon naturelle dans une proximité affective, attachés à leur monde et à ce qui leur appartenait, s’efforçant durant des années d’améliorer la vie personnelle et professionnelle à laquelle ils avaient eu accès dans leur pays, décidaient ensuite de poursuivre leur vie en exil, un exil dans lequel, supposait-elle, et c’était ainsi que Fabio l’avait ressenti, ils ne retrouveraient jamais ce qu’ils avaient été et n’arriveraient jamais à être autre chose que des transplantés … »

Roman de Cuba, de sa culture, sa cuisine, sa chaleur, mais aussi la débrouillardise dans les privations, les combines et les compromissions, la peur aussi et la défiance. Dans l’exil, ces cubains ressentent et font revivre cet attachement. 

Vedado

Romans des trahisons multiples, infidélité conjugales, non-dits de ceux qui savent qu’ils vont quitter l’île. Plus grave : un mouchard s’est infiltré dans le groupe. Des évènements dramatiques vont peser des décennies sans faire éclater les solidarités.

En dix chapitres centrés chacun autour d’un protagoniste, l’histoire sera contée, et l’énigme va se découvrir par bribes. La lectrice devine l’intrigue, mais les indices parfois se contredisent.

« Une complicité avec suffisamment de force pour vaincre l’apocalypse divine et l’entropie de la matière. Selon
Horacio : la dynamique de la cohésion l’emportant sur la dissociation. Les fragments d’un aimant que leur
propre nature ingouvernable rassemble toujours. »

Padura met en scène la vie quotidienne de ses personnages sans aucun manichéisme. Tous sont attachants avec leurs différences. S’il y a parmi eux un traître, un ange déchu, un alcoolo, un arriviste…il y a aussi le pardon qu’ils sollicitent et obtiennent.

 

Notre agent à La Havane – Graham Greene

LITTERATURE ET ESPIONNAGE

Dans le bleu, France culture dans les écouteurs….

La série des podcasts de France Culture commencée avec Le Carré, se poursuit logiquement avec Graham Greene qui servit également dans les Renseignements de Sa Majesté et qui se servit de son expérience d’espionnage pour écrire des romans d’espionnage. 

Plutôt que du côté des thrillers, l’auteur lorgne vers la comédie. Humour réjouissant, très british, comme il se doit. Dérision totale des services secrets qui recrutent un marchand d’aspirateurs bien tranquille pour bâtir un réseau dans le Cuba troublé de 1958, juste avant la Révolution Castriste. Le héros se laisse enrôler non pas par patriotisme, ni par goût de l’aventure (il est très plan-plan) mais parce que sa fille adorée a engagé des dépenses inconsidérées et que cela lui semble un bon moyen de renflouer ses caisses. 

Et cet homme bien tranquille, boutiquier sans histoire, plutôt routinier développe une créativité et une imagination incroyable! Ses supérieurs de Londres lui envoient des aides : une secrétaire et un opérateur radio. Comment va-t-il  s’en sortir? De façon très réjouissante, ma foi. Le rythme de l’action s’accélère, fusillades, attentats, accidents se succèdent….

Graham Greene a situé l’action dans le contexte particulier de la corruption du régime et des violences castriste dans les provinces. Contrairement à Le Carré, il ne propose pas de vision géopolitique mondiale ni régionale et ne contextualise pas l’action dans la Guerre Froide. Il tourne en dérision des services secrets bureaucratiques où l’efficacité est le cadet des soucis des grands pontes.

« Il me semblait que les Affaires étrangères autant que les services de renseignements avaient amplement mérité
d’être un peu ridiculisés. »

Chacun place ses pions comme à ce jeu de dames où le héros joue avec le capitaine Segura, policier cubain : 

 » Il y a dans tous les jeux des pions sans importance, dit le capitaine Segura. Comme celui-ci. Je le prends, et il vous
est indifférent de le perdre. Et n’oubliez pas que le docteur Hasselbacher réussit admirablement les mots croisés. »

Obispo

Loin de l’analyse politique, dans cette période troublée l’auteur utilise Cuba comme décor exotique avec ses boites de nuit, ses rues pittoresques d’Obispo ou les villas luxueuses du Vedado ainsi que ses coutumes amusantes comme la numérologie appliquée au loto:

« -j’ai besoin de votre aide. j’ai été piqué par une guêpe, ce matin.

-C’est vous qui êtes médecin, pas moi.

-Aucun rapport Une heure après, en allant voir un malade, de l’autre côté de l’aéroport, j’ai écrasé un poulet.
— Je ne comprends toujours pas. — Mr Wormold, Mr Wormold, vos pensées sont loin d’ici. Redescendez sur terre. Il faut que nous trouvions, immédiatement, un billet de loterie, avant le tirage. Vingt-sept, c’est une guêpe, trente-sept un poulet.

[…] Comme Milly, le docteur Hasselbacher avait la foi. Il vivait sous la loi des nombres, comme Milly obéissait aux
saints.

[…] la loterie est un commerce sérieux que n’ont pas corrompu les touristes. Une fois par semaine, les numéros sont
distribués par un service du gouvernement, et chaque homme politique reçoit un nombre de billets correspondant
à l’importance de son appui. »

Je me suis bien amusée avec ce livre distrayant!

 

la Havane : callejon de Hamel – musées

CUBA – 28 Février 2004 dernier jour du voyage

Street art

Pour aller au Callejon de Hamel, Delta nous recommande d’aller à pied jusqu’à l’hôtel Habana Libre (l’ancien Hilton) puis de prendre L jusqu’à San Lazaro . Je viens justement de lire cet itinéraire dans « La Havane Pour un Infante défunte » de Guillermo Cabrera Infante . Ce gros livre pourrait servir de guide des rues de la Havane, c’est mon livre de chevet. L’initiation sexuelle du jeune héros toutes ses dragues minables ne me passionnent pas mais je dévore ce livre comme guide touristique. Le héros promène ses conquêtes ou poursuit des inconnues selon des itinéraires précisément répertoriés. Cela donne une vie supplémentaire à la rue où nous passons. Cela me permet également de mémoriser des itinéraires.

Street Art

Au bout de la 21 nous filons tout droit sur l’Hôtel National« Monument Historique »

Nous nous promenons dans les salons et les jardins. Dans une sorte de tranchée, une exposition historique : la Crise des fusées. Toujours des photos NetB avec citations sentencieuses de Marti et de Fidel. Pourtant ce n’est pas ennuyeux. Ce sont les actualités de mon enfance qui sont devenues de l’histoire. Dans un salon, des affiches rangées par ordre chronologique, de tous les visiteurs célèbres des années 30 à nos jours : Errol Flynn, Clark Gable, Fred Astaire ou Marlon Brando ne m’étonnent pas, Danielle Mittérand beaucoup plus tard non plus . En revanche de nombreux américains, acteurs ou metteurs en scène sont venus récemment : Schwarzennegger, Spielberg …Les liens entre les Etats Unis et Cuba sont bien étranges.

grandeur et décadence

Nous traversons le Centre de La Havane par les calle Animas, Virtudes, Industria . Toutes sont bien délabrées aux antipodes des quartiers aisés et verdoyants du Vedado et des belles restaurations de La Vieille Havane . la misère est bien visible . Pas de restaurations, des rues entières sont fermées à la circulation.

Le callejon de Hamel est une petite rue complètement recouverte de fresques . Nous sommes habituées aux fresques révolutionnaires, les slogans ou les dessins simplistes qui occupent l’espace un peu partout où il y a un mur inoccupé . Celle du callejon de Hamel sont des fresques artistiques . Tout est peint de couleurs vives, du sol aux bidons d’eau sur le haut des toits et les murs des maisons jusqu’au troisième étage . Il y a toutes sortes d’installations : des colonnes peintes, des cadres de vélos suspendus, des grillages, des statues de style africain, . c’est aussi le haut lieu de la Santéria, culte Afro-cubain . Le dimanche, on joue du tambour et de la rumba . Des galeries de peinture sont ouvertes au public . Des poupées et animaux de papier mâché font penser aux Musée de l’Art Moderne à Vienne. Dans  une sorte de citerne des tortues et un petit crocodiles sont prisonniers. Pauvres animaux ! que font ils là ? Des gamins noirs dansent. Une petite boutique d’herbes est prise d’assaut par les habitants du quartiers , aromates ? plantes médicinales ? sorcellerie ?

J’ai envie de tout photographier : les peintures murales, les colonnes, les statues qui semblent sortir du mur, les personnages pittoresques …

Nous sommes abordées par un jeune noir qui vend son CD de rumba 10 $ Nous nous laissons tenter mais nous aimerions bien l’écouter. Il nous conduit à un petit bar où il y a un radiocassette ; on n’entend rien . Il veut se faire offrir un mojito . Le mojito est fait à l’eau du robinet, sans angostura . Il est plus cher que dans le bar chic de la place San Francisco . Nous avons l’impression de nous être fait pigeonner . Espérons que le CD nous plaira ! . Nous quittons le callejon de Hamel sur cette impression déplaisante .

En route nous découvrons les marchés populaires et reprenons le même chemin qu’hier pour visiter le Musée des Beaux Arts – musée moderne très clair, très bien conçu quoique sobre .Les collections sont très intéressantes mais je les parcours au pas de charge . Dommage d’avoir prévu si peu de temps . Tout m’intéresse : les œuvres contemporaines colorées certaines plutôt naïves d’autres politiques, les œuvres anciennes du siècle dernier qui n’ont peut être pas valeur de chef d’œuvre du point de vue de artistique mais elles sont un témoignage précieux pour imaginer la vie des cubains il y a 150 ans. Paysages agrestes de plantations, vie à La Havane, portrait d’espagnols, de cubains, de Créoles … J’aimerais consacrer plus d’attention.

Quand je rejoins Dominique, elle s’est fait une belle frayeur, ne retrouvant plus la carte de crédit que j’ai avec moi .  Qu’allons nous faire de ces quelques heures qui nous séparent du départ ? Nous avions tout prévu en cas de grosse chaleur : la sieste au Prado, les sandwichs etc. . Il fait très frais et nous ne sommes même pas habillées avec une petite laine . Je propose d’aller rendre visite à nos hôtes de la belle maison du Vedado 25y6 . Nous pourrions nous reposer dans le beau jardin . Un coco taxi nous y conduit donc . Les dames ont l’air contentes de nous revoir mais elles ne comprennent pas tellement pourquoi nous sommes chez elles puisque nous ne voulons pas de chambre . Je demande si nous pouvons avoir un sandwich comme la semaine dernière . C’est compliqué La dame part faire des courses elle n’a plus de pain . Nous attendons longtemps sur la terrasse . Déjà Dominique s’impatiente . La dame arrive avec un plateau avec des verres et les sandwich, elle a l’air affolée, elle en casse un verre . Il ne faut pas que nous nous installions sur la terrasse de devant « les voisins pourraient vous voir «  nous allons donc derrière à l’ombre . Dominique a très froid . Je n’avais jamais pensé au fait que cela aurait pu leur causer des ennuis de déjeuner dans le jardin . Sans doute, elle n’ont pas le permis de nous faire à manger . Cela jette un froid . La dame très gentille veut nous offrir un café Dominique s’impatiente encore . Finalement nous nous sauvons presque comme des voleuses . Ce n’était pas une si bonne idée de revenir ici . Dommage

De retour chez Delta nous avons juste le temps de nous changer avant de prendre le taxi qui nous conduira à l’aéroport

La Havane : Malecon, Prado, manufacture de cigares

CUBA 2004 – 27 février après midi

manufacture de cigares Partagas

A 11h30, sur le Malecon. Il fait très beau mais la mer est très agitée. D’énormes vagues viennent se briser sur la jetée. Elles sont tellement fortes qu’on a interdit la circulation le long de la digue . Nous faisons des photos des beaux immeubles qui tombent en ruines . La couleur de la peinture apparaît par plaques, délavée .

La Rue San Lazaro est parallèle au Malecon . Elle est encombrée puisque le Malecon est fermé aux voitures.

Prado

 

Nous arrivons au Prado. J’essaie de visiter la maison natale de Lezama Lima, encore un pèlerinage littéraire, mais il n’y a rien à voir.

Le Prado est une belle promenade ombragée de magnifiques ficus . Des bancs de marbres pourrons nous accueillir demain en attendant le taxi pour l’aéroport. Le Prado nous conduit au Parque Central, nous passons devant le Capitole.

Manufacture de cigares Partagas

Derrière le Capitole, nous trouvons la Manufacture de cigares Partagas.

Visite guidée en français.  Le vacarme des ateliers couvre les explications. Cette fabrique date de 1840 . Les méthodes de travail n’ont pas dû changer depuis. Les cigares se roulent à la main. Dans les ateliers, les ouvriers sont assis par deux ou par trois à de longues tables. Chacun doit rouler 100 cigares au minimum . S’il en fait plus, la prime est payée en dollars. Les calibres sont en bois, des planches creusées de rayures cylindriques. Quand la planche est pleine, on met le tout quinze minutes sous presse. Pendant le travail, un lecteur lit le matin les journaux, l’après midi, des classiques. Comme c’est l’heure de midi, il y a de la musique à la radio ; Les ouvriers chantent en même temps que la radio . Un homme passe, beau costume très mode, lunettes noires, acclamé comme une vedette de la télé : c’est le lecteur. Chaque ouvrier fait des cigares différents . Pour découper les feuilles, ils se servent de sorte de rasoirs en acier. Ici, les ouvriers fument en travaillant .

Derrière Partagas, le quartier chinois avec son portail très chinois . Nous achetons du poulet dans un restaurant de plein air . On nous y recommande de prendre un  cyclo-pousse pour arriver au Couvent Santa Clara, cela ne devrait pas coûter plus d’un dollar.  Nous en dénichons un qui nous débarque à la station des cyclo-pousse, peut être sommes nous trop lourdes ou le dollar marchandée suffit il pas ?

couvent santa Clara bleu Havane

 Le Couvent de Santa Clara se trouve au sud de la Vieille Havane . La visite est guidée. C’est donc un couvent de Clarisses (franciscaines) très ancien du XVIème siècle. Un grand cloître a été restauré, planté d’un très beau jardin avec des arbres de nombreuses essences : une ceiba, un arbre de l’hypocrisie « yaruba » dont une face des feuilles est verte et l’autre blanche. Nous avions déjà remarqué cet arbre qui ressemble à un énorme aralia  sauf que les feuilles ne sont pas vernissées comme pour l’aralia. Quand elles tombent, elles se recroquevillent comme des mains de sorcières ou comme des araignées monstrueuses.

Dans une autre cour, la Maison du Marin où est installé un hôtel . Un marin ayant quitté Cuba avait laissé sa femme dans cette maison ancienne à balcon gardée par les religieuses.
Le couvent est restauré, les murs peints en jaune pale, les volets, les poutres, les arcades en « bleu Havane », bleu vif tirant sur le turquoise, très lumineux . La guide nous montre une maquette d’une cellule de religieuse . chaque religieuse a une esclave à son service, la maîtresse a une grande chaise, l’esclave une petite, la maîtresse un grand lit, l’esclave, un petit …L’hôtel, est vraiment bon marché 25$, le même prix que notre chambre chez l’habitant.

Avant de rentrer au Védado Dominique goûte enfin un mojito . Nous nous installons à la terrasse d’un très beau bar devant l’église San Francisco que je dessine . La place est occupée par des calèches, l’endroit est superbe . le garçon donne la recette du mojito : sucre, glace pilée, de l’eau gazeuse , du rhum de la menthe fraîche et un trait d’angostura.

Nous rentrons par un taxi genre touktouk, marron à allure ancienne conduit par une fille en bonnet qui n’hésite pas à monter sur le trottoir pour doubler le camion- poubelle ?

Douglas nous sert sur la table de la terrasse un dîner végétarien : riz et légumes . nous faisons connaissance avec les autres locataires : des italiens deux couples et trois garçons suisses et italiens. Delta et Douglas ont vraiment beaucoup d’hôtes !

La Havane – chez Hemingway

 CUBA – Vendredi 27 février 2004

Chez Hemingway

Un carillon a sonné toute la nuit les quart d’heures et les heures !

Douglas nous explique comment arriver à la Maison d‘Hemingway à San Francisco de Paula – hors plan de La Havane- : trouver le Paséo tout proche,  le remonter jusqu’à la Place de la Révolution, chercher la Cité Déportive puis la route de Dolores, enfin demander . La route est bien dégagée à huit heures du matin, peu de circulation à part les énormes autobus surchargés. Les enfants des écoles  massés de part et d’autres de la chaussée, agitent des petits drapeaux de Cuba . Nous avons l’impression d’être reçues avec les honneurs d’un Chef d’Etat étranger.

Chez Hemingway : bibliothèque et bureau de l’écrivain

San Francisco de Paula se trouve à la  campagne . C’est une bourgade très fleurie sur une colline. La Maison d’Hemingway est précédée d’un beau parc avec des arbres immenses : casuarinas, bambous, palmiers royaux etc.. La maison blanche  se trouve à l’arrière d’une terrasse avec une tonnelle fleurie ornée de céramique . Elle est de plain pied,  ouverte sur le jardin. Tout est resté tel qu’Hemingway l’a laissé, ses livres, ses bouteilles, ses chaussures . Je l’imagine avec ses chats et ses chiens – on a vu les tombes des chiens dans le jardin – nous montons à la tour . Partout des livres. Ce que je n’avais pas imaginé, ce sont les affiches de corridas et beaucoup de trophées de chasse . Belle piscine, sur le bord, tout est prêt pour recevoir des invités ! Ce pèlerinage dans le décor quotidien de l’écrivain m’émeut. J’ai vécu un bon moment dans son intimité en lisant Iles à la Dérive, Pour qui sonne le Glas avait accompagné nos vacances en Espagne. En revanche, je n’ai pas pu lire ses livres sur les corridas . Là, je n’accroche vraiment pas . Nous rentrons sans encombre à la Havane dans laquelle nous nous orientons bien maintenant et rendons la voiture dans les temps .

 

Retour à la Havane sous la pluie

CUBA – jeudi 26 février 2004

 

Un déluge s’abat sur Trinidad. Au petit déjeuner Helena ferme les volets orientables du comedor pour qu’il ne soit pas  inondé . Des gouttières s’écoule un flot furieux dans la cour. Heureusement, que j’ai mis les sandalettes de plage !

Cubanacar accepte de changer l’essuie glace défectueux et les pneus lisses de la Hyundai. Cela prendra une heure . Nous traînons donc jusqu’à 10 heures dans les rues transformées en ruisseau. Les étalages de l’Exposition des Livres sont rentrés. Les Cubains n’ont pas l’air de s’émouvoir de la pluie . Certains portent des parapluies, d’autres se laissent mouiller tranquillement. Nous nous abritons devant la vitrine d’un magasin d’objets « recyclés » principalement des vêtements d’occasion. La devanture est une misère. Pour meubler un peu la vitrine vide, on a réparti « artistiquement »des fleurs peintes sur des cartons. Dans une vitrine : deux pneus de vélo, quelques chambres à air, une pièce métallique étrange, sans doute de la plomberie. Dans l’autre vitrine, des bouteilles de verre ressemblant à des flacons de laboratoire remplis ,de produits pour le sol et de shampooing, bleus tous les deux : pas d’étiquette, bouchons recyclés eux aussi .

Les objets modernes et neufs existent quand même, mais ils sont vendus dans les magasins en dollars où l’on montre patte blanche avant de rentrer et son sac et le ticket de caisse à la sortie . Un vigile laisse entrer au compte goutte et referme la porte derrière chaque client. Autre endroit étrange pour acheter son ventilateur ou son frigo : la station service !

A 10h30, nous prenons la route de Cienfuegos. Pendant les premiers kilomètres, en plein brouillard. Nous trouvons enfin les réglages de la ventilation et du chauffage de la voiture, asséchons l’humidité . La pluie cesse, les nuages se séparent . La chaussée s’assèche . Les conditions de conduite redeviennent normales. Entre Cienfuegos et l’autoroute, sur 50 km la route est très lisse et glissante à cause de la terre rouge . A l’aller, la grosse averse l’avait transformée en patinoire. Le paysage de rizière était magnifique.  Le ciel est menaçant, nous passons au sec .

Dans le dernier village avant l’autoroute, nous achetons une pizza cubaine. Pour la manger au calme, nous nous arrêtons dans une rue parallèle à la route, très misérable. Une petite fille nous observe déjeuner dans la voiture . Sa mère l’appelle, elle revient avec des fruits. Cadeau inestimable de gens si pauvres qui ne veulent surtout pas vendre les fruits .

A midi, nous sommes sur l’autoroute.  Après les vergers d’agrumes et les grandes pâtures des bovins, le paysage devient sauvage et monotone avec des arbustes piquants. Peu de diversion à part le manège de deux voitures qui roulent de front et se passent une bouteille de bière par la fenêtre tout en roulant. Des charrettes à cheval traversent l’autoroute, des vélos roulent à contre-sens. Le réservoir de la Hyundai semble à moitié plein quand nous passons devant la station service à 180 km de La Havane . Nous nous arrêtons pour profiter de la cabine téléphonique mais n’achetons pas d’essence . Le niveau baisse, à la fin, le voyant d’essence s’allume . Toujours pas de Station service. Heureusement, la route est plus souvent en descente qu’en montée . Enfin, juste à l’entrée de la ville, nous trouvons une pompe, nous sommes à la limite de la panne sèche.

Pour nous orienter dans les banlieues, nous prenons une auto-stoppeuse et arrivons facilement à notre nouvelle adresse Vedado 21 y D 501. La rue est très tranquille, très aérée avec de beaux jardins, de grands arbres et des villas magnifiques. La nôtre occupe le coin, elle a dû, en son temps être belle, avec ses ferronneries, ses moulures Art Déco au dessus des portes et des fenêtres, ses vitraux et surtout son architecture originale toute en courbes et dissymétries. Pas un angle droit ! Malheureusement, les occupants Delta et Douglas ont entassé un tas de vieilleries . La salle principale est très sombre et encombrée : pas moins de 9 horloges et d’une dizaine de guéridons. Aussi d’étranges reproductions de la Joconde brunâtre. Notre chambre s’ouvre sur le salon par des portes battantes en verre cathédrale sans serrure. Un rideau masque l’entrée . Cette pièce a une forme très bizarre, une sorte de trapèze dont les côtés seraient arrondis avec des sortes de placards dans les coins . Le lit à deux places occupe tout l’espace, pas de place pour des tables de nuit ! Après la belle villa 25y6 et la Casa coloniale de Trinidad, nous avons pris des habitudes de luxe !. Je suis donc un peu déçue .Dominique s’accoutume bien de la chambre, moins des propriétaires très collants.

Nous profitons de la voiture pour visiter les quartiers éloignés . Miramar avec ses grandes villas et ses énormes hôtels nous déçoit. Les villas sont encore plus grandes qu’au Vedado mais le bord de mer est tout gâché. Puisque Miramar ne nous a pas offert la promenade de bord de mer, nous traversons La Havane par le Malecon pour retourner à la forteresse. A 9 heures, s’y déroule une cérémonie en costumes du 18ème siècle qui se termine par un coup de canon . Nous n’avons pas prévu la petite laine ,comme le vent souffle fort, nous avons froid .

Nous attendrons 9 heures dans la Habana Vieja dans les petites rues autour de l’hôtel Valencia . Nous retrouvons avec plaisir la Place d’Armes, l’hôtel Valencia, faisons un tour par Obispo . Je suis un peu déçue : les rues sont désertes . Pas de musique dans les bars .Peut être est ce le froid ? Ou simplement, nous étions venues le week-end et en semaine, il y a moins d’animation ? 21h :coup de canon . Nous rentrons chez nous.

Trinidad Topes de Collantes, cascades

CUBA 26 février 2004 

Au petit matin, le crépitement des grosses gouttes qui s’écrasent sur le ciment de la cour nous a réveillé. L’averse a duré quelques minutes mais le ciel reste menaçant. Cela contrarie notre projet d’excursion à la montagne.

Je fais un tour à la Galerie marchande moderne (en $ )acheter des yaourts .  Je m’oriente maintenant bien dans les rues de Trinidad. Notre gîte est un peu en retrait de la Ville Historique. Les enfants des écoles sont encore en sortie: gym sur la place de la Mairie en short et en T-shirt blanc, au milieu des passants.

La montée est impressionnante, la route heureusement en bon état. A chaque détour, nous pouvons admirer le panorama jusqu’à la mer. Les flancs de la montagne sont couverts d’une végétation très dense. : arbustes épineux, grands arbres souvent couverts de lianes. A un arrêt nous avons la surprise de trouver un curieux oiseau grimpeur brun avec une longue queue qui saute de branche en branche. Un petit écriteau prévient « route dangereuse » . La route décrit une sorte de huit avec des épingles à cheveux .

Topes de Collantes est une station de cure.. Le village est très laid, peu d’agriculture, des HLM dans un état désastreux, une sorte de lycée moche, au sommet un hôtel monstrueux, soviétique, véritable ministère de Bucarest, des parkings immenses . Sous le ciel gris, ce n’est guère engageant.. L’employé à l’accueil, en revanche, est très aimable. Il nous dirige sur un parking .6.5$ par personne pour descendre à la Cascade (trois heures par un sentier difficile) . Nous renonçons, il recommence à pleuvoir, c’est un peu décevant.

A l’entrée de Trinidad, une pancarte signale une autre cascade à 5 km. La piste longe une rivière sinueuse bordée d’arbres immenses.  En remplacement de la randonnée de Topes de Collantes nous pensons aller jusqu’au restaurant et à la pisciculture, je ferai le chemin à pied.

A côté du restaurant, un jeune homme se précipite pour nous vendre des tickets d’entrée pour le sentier de la cascade : 6.5$ « comme toutes les cascades de Cuba », jus d’orange à la fin inclus . Selon lui, le sentier est facile : 3.5 km en 2h30.

Cascade

Le temps s’est amélioré. Nous emportons le pique-nique. Le sentier est très, très bien aménagé. Des panneaux rappellent l’histoire de l’esclavage. Dans ce massif montagneux, des esclaves marrons pouvaient se réfugier. Le sentier s’élève ensuite au flanc de la montagne dans une jungle touffue. En contrebas, la rivière. Rapidement, le « chemin facile » devient très pierreux et très glissant. Heureusement il est équipé d’une rambarde. Les équipements sont très bien conçus : le bois est attaché par des liens végétaux du meilleur effet avec des poubelles en palmes très discrètes . Nous avançons en pleine jungle dans la touffeur et l’humidité d’après l’averse. Les oiseaux invisibles font un raffut exotique. Des lianes dégoulinent des arbres. Au sol, des mousses étranges frisées, des fougères, …Un animal énigmatique : silhouette de lézard, des ventouses aux doigts, une crête blanche sur le dos roux, reptile ou batracien ? Je n’ose pas attraper cette créature gracile. Tout à l’heure, un oiseau étrange a attiré notre attention : gros comme un pigeon, marron avec une longue queue. Sa démarche est étonnante, au lieu de voler de branche en branche, il marche et sautille en haut de son arbre .

sentier aménagé dans la forêt

Une sorte de buvette-restaurant, dans une jolie paillote aux murs de planches blanchies, ressemblant à une maison de village sert des repas à de nombreux touristes . Retrouvant nos collègues touristes, l’aventure dans la jungle prend une allure plus tranquille . Nous pique-niquons dans un coin ombragé sur de jolis bancs de bois en face d’un trou d’eau avec un petit ponton pour la baignade ? Des centaines de petits poissons nagent dans l’eau limpide. Je jette des miettes de pain, les poissons grouillent et font de furieux remous. En rentrant Dominique débusque un petit serpent très mince qui sort du chemin assez paresseusement pour que nous puissions l’observer. Le chemin du retour est plus facile. Un observatoire a été construit pour observer les ruches suspendues des abeilles sauvages. Ce sont des gâteaux de cire allongés suspendus à la falaise comme des stalactites. A la jumelle je distingue bien les alvéoles mais pas les abeilles.

Les abeilles sauvages

Le temps s’est remis au beau. Nous retournons à la mer. D’abord à la Boca, sur une petite plage que nous avions repérée à l’arrière d’un petit port de pêche. Quelques petits palmiers donnent de l’ombre. Le sable est grossier et l’eau n’est pas très claire. Nous préférons nous installer plus loin. Un restaurant de fruits de mer annoncé par une gigantesque langouste de plâtre abrité dans une paillote ouverte à tout vent, a installé sur la plage des parasols en paille et des lits de plage . Nous en louons deux et y passons le reste de l’après midi . La mer est haute. Avec le vent, les vagues sont trop fortes pour nager près des rochers. J’avais pris les sandalettes en plastiques . Comme j’avais transpiré pendant la promenade, je suis ravie de pouvoir me rafraîchir dans l’eau .  Les vagues ne sont pas assez fortes pour me déséquilibrer sur les galets , mais je ne peux pas nager . Les baignades sont donc courtes.

Sur un petit ponton de bois, nous assistons à un spectacle inédit : une blonde en string s’appuie à la rambarde et se penche . Monsieur photographie ses fesses. Elle fait bouffer sa crinière dans le soleil et prend des poses suggestives. Les vagues  viennent se briser sur la petite digue . Aphrodite nait de la vague. On se dirait dans un magazine porno. La lanière de son soutien gorge descend jusqu’à celle qui lui passe dans la raie des fesses renforce l’obscénité des poses suggestives. Toute la plage écarquille ses yeux. Même les trois Italiennes en bikini qui allumaient les messieurs d’un certain âge , sont scandalisées.

6Vers 6h nous retournons à la Boca. Les pêcheurs ne sont pas venus sans doute à cause des vagues. Nous sommes déçues de pas retrouver l’animation de la veille. Même le soleil n’est pas aussi brillant. Les montagnes sont grises et de gros nuages bourgeonnent. Est ce encore un front froid ? Le dernier nous avait apporté du mauvais temps pour trois jours. Nous avions lu qu’en février, il y avait en moyenne quatre jours de pluie. Nous allons dépasser largement cette moyenne.

 

Trinidad (3) – la vie du village – Musées –

CUBA – Mardi 25 Février 2004

Trinidad enfants des écoles

 

Promenade le matin dans les rues de Trinidad par un soleil estival . Le vent  souffle atténuant la chaleur. Si, de plus, on choisit le trottoir à l’ombre, la température est parfaite .

Les enfants des écoles vont en rang à la Foire du Livre. Ils sont réunis dans une salle pour assister à un spectacle . En route, ils mangent des glaces ou des oranges . Un homme pousse une petite charrette grillagée contenant des oranges. Avec une curieuse machine il les pèle, un fin ruban de zeste vert se déroule, puis  il coupe l’orange par moitié. Je ne sais pas comment les enfants arrivent à manger sans se mettre du jus partout !

Vendeur de rue

Nous commençons à mieux voir les boutiques , les vendeurs de légumes, les échoppes de pizza . sur le bord du trottoir, on vend des paniers en vannerie. Des vieux confectionnent aussi des petits objets décoratifs en tressant des fibres de palmier : une tortue portant une graine ovale en guise de carapace, des crocodiles . Les touristes échappés de leurs cars, occupent les rues les plus restaurées aux maisons peintes de couleurs vives .

Trinidad les rues aux pavé inégaux (montage)

Plus loin les pavés deviennent plus inégaux, les façades plus délavées, les ferronneries moins élaborées, les intérieurs plus petits et très pauvres. Des chiens squelettiques dorment dans la rue, et toujours des cages à oiseaux .

A dix heures nous entrons dans le Musée Romantique en même temps que des fournées de touristes. La présence de cette foule enlève une partie de son charme à la visite . Contrairement à la plupart des maisons de la ville, le Palais est construit avec un étage avec des balcons (vue extraordinaire). Le Musée romantique s’appelle ainsi à cause de l’époque sans doute. Il est entièrement meublé avec  une sophistication extrême : Biscuits français, porcelaine de Meissen, cristaux de Baccarat, marbres d’Italie .Seuls les meubles sont cubains . Nous sommes prises en main par une des gardiennes du Musée qui malheureusement se contente de désigner les objets précieux et de nommer leur provenance. Le luxe de ces aristocrates sucriers est inouï . une baignoire de marbre ressemble à un sarcophage antique. Elle ne comporte ni arrivée d’eau ni vidange . C’était la tâche des esclaves. Seule mention de l’esclavage . Tout ce luxe nous éblouit mais la foule gâche notre plaisir.

les riches maisons des sucriers, patio fleuri

Le Musée de l’Architecture est moins prisé des touristes en car. La gardienne qui nous sert de guide, plus intelligente que la précédente . La visite est donc beaucoup plus plaisante. Cette belle maison coloniale est bâtie sur un plan similaire à la nôtre  en beaucoup plus grand . La salle de réception immense : son plafond de cèdre est extrêmement décoré à l’espagnole, presque à la marocaine . Elle est flanquée de salles plus petites servant de chambres à coucher. A l’arrière, une galerie s’ouvre sur le patio . Dans cette pièce, les femmes brodaient, cousaient au frais . La vaste cour est bordée des chambres des domestiques d’un côté, de l’autre d’annexes utilitaires, cuisine extérieure, WC etc… Au fond, un petit édicule abrite une centrale à gaz (acétylène) pour l’éclairage . La citerne couverte se trouve dans un coin de la cour. L’eau de pluie est soigneusement captée par tout un système de gargouilles et de gouttières. Le sol est pavé de marbre importé d’Italie. Un détail architectural nous avait intriguées à La Havane : les demi-cercles au dessus des hautes portes de bois nous les retrouvons . ici, en fines lamelles de bois disposées en éventail pour l’aération.

climatisation naturelle (courants d’air)

Comme au Maroc, la climatisation est l’art de faire circuler l’air dans les pièces aux hauts plafonds . Ici, tout est courants d’air, claire-voie, persiennes, lattes …La belle maison à étage et à galerie ressemblant aux sobrados capverdiens a été transformée en galerie d’art. Une salle est consacrée à un peintre dont la peinture fait penser à la sérigraphie de Robert. Motifs africains, couleurs primaires, dessins un peu naïf.

Nous avions remarqué des touristes au sommet d’ une tour carrée dominant la Plaza Mayor . Nous voulons les imiter et tournons autour du « bloc » puisque c’est ainsi qu’on nomme un pâté de maisons . Nous nous retrouvons dans le hall du Musée Municipal occupant, lui aussi, un Palais à étage (le plus grand) construit autour d’un patio à arcades. Deux étages plus une sorte de colimaçon dans une cage en bois et au final, une échelle conduisent à la terrasse. On se bouscule dans l’escalier. Magnifique vue sur la Plaza Mayor et la montagne en toile de fond.

Les collections du Musée Municipal sont éclectiques, la présentation, un peu vieillotte. Toujours des panneaux bilingues noir sur blanc. Des photos anciennes, des fac-similés de lettres. Toujours une très grande place aux exploits guerriers .Ici, la Révolution n’est pas au premier plan, plutôt les luttes pour l’Indépendance. J’apprends  de nouvelles choses sur l’esclavage :

-14 000 esclaves travaillaient aux plantations au début du XIXème siècle

  • le développement de ces plantations est relativement récent (un décret autorisant la Traite est daté de 1789)
  • -c’est l’effondrement des plantations d’Haïti qui a stimulé la production à Cuba
  • l’une des photos de Manaca avec la tour à 7 étages vue hier me surprend . Sur la photo, pas de trace du mignon village. Près de la tour, une énorme maison (le restaurant actuel) et plus loin , la sucrerie avec quatre cheminée qui a maintenant disparu . c’est surtout l’absence du village qui m’étonne.
  • dernière visite : l’église. Intérieur peint en blanc, sobre. Des chapelles ont été rénovées avec des autels en bois moderne de facture assez grossière. Les statues de bois sont assez étranges : nombreuses sont habillées avec de vrais habits de tissu. Une scène représentant une barque sur des flots de bois bleu porte des personnages (apôtres ?) habillés comme des cubains actuels enchemise kaki avec les manches retroussées, ils rament au pied d’une Vierge flottant sur des petits nuages baroques.

Comme hier, nous achetons un déjeuner populaire en monnaie nationale(je donne 1$ et on me rend un billet inconnu de 10 pesos) nous achetons deux pizzas cubaines au fromage jaune cuites dans des assiettes en fer blanc, type militaire. Le four est un bidon (genre bidon d’essence) horizontal posé sur un support métallique. Je fais la queue, le pizzaiolo m’appelle « companera » ce qui m’amuse .On essore la pizza du gras avant de l’arroser de ketchup .C’est un peu bourratif mais  cela a bon goût .

Nous faisons un peu de lessive que nous étendons dans le patio avec celui de la dame.

Trinidad – promenade en ville, rencontre avec des collègues cubains

CUBA 2004 – 23 février après midi

Les maisons aux couleurs pastel de Trinidad

En rentrant à Trinidad vers 14h ,. nous doublons des carrioles tirées par des chevaux chargés de canne. Le cheval rentre seul à la maison, il connaît le chemin. Le paysan fait la sieste couché sur son chargement de canne.

Notre patio est idéal pour l’heure de la sieste . Après une douche rafraîchissante, dans ma nouvelle tenue blanche, je transcris le compte rendu de la matinée. Dominique fait ses cartes postales ? le colibri est revenu . Ses couleurs métalliques me renvoient à des souvenirs de fac : c’est un des moments de gloire de l’Optique du cours de Françon que le calcul de la couleur du colibri d’après les interférences : calcul de la longueur d’onde de la lumière en fonction de l’écartement des barbules des plumes. Un des plus beaux problèmes de physique que je connaisse !

Vers 16h15, nous partons visiter la ville . Premier objectif : la Poste . Nous demandons souvent notre chemin. La réponse est toujours formulée de la même manière : 3 blocs puis à gauche, 4 blocs puis à droite. Malgré le relief et la relative fantaisie des maisons et placettes, le plan à angle droit est respecté . Jamais personne n’emploie le nom des rues. Le spectacle de la rue est réjouissant .Tout le monde est sorti sur le pas de la porte, les enfants en uniforme, short et jupe rouge à bretelle, chemise blanche et foulard bleu pour les petits, pantalon et minijupe moutarde chemise blanche pour les plus grands. De nombreuses maisons sont ornées de cages à oiseaux comme au village ..

les grilles des maisons de Trinidad

Ici, on a mis une table sur le trottoir et on joue aux dominos. Partout, les hommes proposent des marchandises diverses : gâteau sablé découpé en parts sur un plateau, quelques betteraves et du coriandre dans un panier sous le bras…Un autre pousse un chariot avec des courges ou des calebasses découpées à la scie. Sans oublier le vendeur de bonbons à l’unité qui crie sa marchandise « caramelle ! » . Des enfants jouent au base-ball avec un bâton ordinaire et une balle de leur confection.

Un cyclo-pousse passe à grand vacarme : il a  fixé une batterie rien que pour la musique.

J’ai enfin compris pourquoi tous ces grillages de ferronnerie ou en bois placés devant les portes font une toutes avancée dans la rue . Les grilles « ferment » la maison. Elles sont très décoratives. Tout le monde ouvre sa porte pour laisser entrer la fraîcheur du soir . Nous pouvons jeter un coup d’œil indiscret . Certaines maisons sont encore plus grandes et plus belles que la nôtre avec le salon d’apparat carrelé séparé en deux par des colonnes, ses lustres et les fauteuils à bascule. Certains intérieurs sont misérables. Scène de rue : un homme tond un tout petit garçon et lui enlève ses boucles de bébé .Nous arrivons par des rues encore plus animées : on vend des livres dans la rue . les livres sont étonnamment présents à Cuba. Une île où on lit et où on fait de la musique force le respect .

Nous cherchons toujours la Poste . Nous trouvons les ruines du Théâtre Brunet . Sous des arcades de brique à ciel ouvert, on a installé un bar, une salle avec des chaises et une petite scène. Affiché, tout un programme alléchant : cours de dans e afro-cubaine, cours de percussions tous les jours . Deux touristes européens s’essaient à la danse cubaine.

Plus nous montons, et plus nous rencontrons des touristes. Les maisons multicolores sont de plus en plus soignées.  J’ai envie de tout prendre en photo – la photo comme une drogue – Une façade bleue est particulièrement soignée : joli porche tarabiscoté Par le porche, nous découvrons une salle de classe avec 21 tables de deux, un tableau noir et une télévisions, pas ou très peu d’affichage . Nous sommes au lycée technique . Deux profs sont encore dans la classe : le prof de biologie et celui d’histoire.

Que racontent deux profs français à deux collègues cubains ? Nous parlons d’effectifs – toujours trop lourds . A Cuba ils dépassent 40 par classe.   Retraites, 60 ans pour les femmes 65 pour les hommes . Le professeur de biologie, la soixantaine, dit qu’à soixante cinq ans, on n’a plus de voix . Des vacances : là, cela diffère énormément : ils n’ont qu’un mois en Août 2 ou3  jours pour Noël et pour Pâques. Des programmes, pas si différents des nôtres . Quant aux salaires, ils se demandent bien combien de temps nous avons économisé pour venir à Cuba.

Le soir tombe, les maisons peintes ont des teintes de plus en plus vives . Certaines sont vertes, d’autres roses, jaunes . Les volets bleus tranchent sur les maisons jaunes . Les ferronneries, les balustres quelques balcons donnent une touche de fantaisie . Le clocher jaune de l’église dépasse les maisons basses . Nous le connaissons d’après les photos  des catalogues de voyages à Cuba.

Plaza mayor16

Nous parvenons à la ravissante Plaza Mayor jolies  lanternes blanches , balustres de porcelaine . Des grillages délimitent des petits jardinets où sont plantés des palmiers et des bougainvillées . Au centre de la petite place des bancs de fer forgé peints en blanc avec des motifs végétaux. Deux musiciens donnent un véritable concert : un guitariste et un percussionniste . Les deux chantent très bien . Les touristes ont occupé les bancs .Je sors mon carnet de dessin . La Galerie d’art ressemble aux maisons nobles de Sao Felipe. Il ne faut pas que je recommence toujours les mêmes dessins !Je décide de dessiner au premier plan les musiciens . Le soleil va se coucher . Il fait très doux, presque frais . Je resterais volontiers plus encore à écouter les musiciens . Nous rentrons par les rues pavées . A chaque coin de rue, un petit orchestre, un peu plus loin, un saxophone .

Comment allons nous retrouver notre Maison coloniale?

finalement facilement, elle est sur la route principale, Camilo Cenfuegos .