LIRE POUR LES CARAÏBES – HAÏTI

Grande fresque historique (624 pages) qui se déroule à Saint-Domingue de 1770 à 1793 jusqu’à la guerre civile puis à La Louisiane 1793 – 1810.
« Danse, Zarité, danse, car un esclave qui danse est libre… aussi longtemps qu’il danse », me disait-il. Moi, j’ai toujours dansé. »
Deux récits s’entremêlent, celui de Zarité , l’esclave mulâtre, et celui de son maître, Toulouse Valmorain qui débarque de Paris pour prendre la succession de son père à l’Habitation Saint Lazare – une plantation sucrière.
« Vous avez la chance de ne pas être un planteur, dit Valmorain. Je n’aime pas l’esclavage, je vous l’assure, et
j’aime encore moins vivre ici, mais il faut bien que quelqu’un dirige les colonies pour que vous puissiez sucrer votre café et fumer un cigare. En France, on profite de nos produits, mais personne ne veut savoir comment on les obtient. »
L’auteure Isabel Allende est chilienne, le livre est donc traduit de l’Espagnol ce qui me change de la littérature caraïbe que j’ai lue jusqu’à présent : Chamoiseau, Maryse Condé ou Simone Schwartz Bart dont le style intégrait les influences créoles. Lecture plus fluide, mais moins dépaysante. Saint Domingue était à moitié espagnole et la Louisiane colonie espagnole, une partie du roman se déroule à Cuba.
Décentrement aussi de l’action, L’île sous la mer met en scène les planteurs, les Grands Blancs, les autorités militaires, et toute une bourgeoisie urbaine avec les cocottes qui apparaît beaucoup plus marginalement dans les romans précédemment cités où narrateurs et personnages principaux étaient plutôt des esclaves, des noirs, et des gens très simples.
Roman historique et aussi roman d’amour : les histoires d’amour occupent une grande place dans le récit. Amour maternel surtout: Zarité met au monde deux enfants dont le maître est le père, elle élève le fils de son maître et de sa femme décédée comme ses propres enfants. Relations entre le maître et l’esclave, achetée à 9 ans, violée à 11….Amour de Zarité pour un esclave qui s’enfuira et deviendra lieutenant de Toussaint Louverture. . A propos de Toussaint Louverture, j’aurais aimé en savoir plus!
j’ai aussi bien aimé les personnages du médecin, le docteur Parmentier, et de Tante Rose, la guérisseuse de Saint Lazare, détentrice d’un savoir ancestral, et aussi de pouvoirs occultes.
« Depuis le seuil, Tante Rose a vu le Baron Samedi et un frisson l’a secouée, mais elle n’a pas reculé. Elle l’a
salué par une révérence, en agitant l’asson avec son cliquetis d’osselets, et lui a demandé la permission de
s’approcher du lit. Le loa des cimetières et des croisements de chemins, avec sa tête blême de mort et son chapeau noir, s’est écarté, l’invitant à s’approcher de doña Eugenia ; celle-ci respirait comme un poisson,
trempée, les yeux rougis par la terreur, luttant contre son corps qui faisait du mieux qu’il pouvait pour libérer le bébé, tandis qu’elle le retenait en serrant avec force. Tante Rose lui a mis l’un de ses colliers de graines et de
coquillages autour du cou et elle lui a dit quelques mots de réconfort, que j’ai répétés en espagnol. Puis elle s’est
tournée vers le Baron. »
La deuxième partie du livre se déroule en Louisiane, une plantation sucrière, des esclaves…Tous les personnages, ou presque vont se retrouver. la Louisiane devient française, pour peu de temps, puis américaine…
Une lecture plaisante et instructive.