Notre agent à La Havane – Graham Greene

LITTERATURE ET ESPIONNAGE

Dans le bleu, France culture dans les écouteurs….

La série des podcasts de France Culture commencée avec Le Carré, se poursuit logiquement avec Graham Greene qui servit également dans les Renseignements de Sa Majesté et qui se servit de son expérience d’espionnage pour écrire des romans d’espionnage. 

Plutôt que du côté des thrillers, l’auteur lorgne vers la comédie. Humour réjouissant, très british, comme il se doit. Dérision totale des services secrets qui recrutent un marchand d’aspirateurs bien tranquille pour bâtir un réseau dans le Cuba troublé de 1958, juste avant la Révolution Castriste. Le héros se laisse enrôler non pas par patriotisme, ni par goût de l’aventure (il est très plan-plan) mais parce que sa fille adorée a engagé des dépenses inconsidérées et que cela lui semble un bon moyen de renflouer ses caisses. 

Et cet homme bien tranquille, boutiquier sans histoire, plutôt routinier développe une créativité et une imagination incroyable! Ses supérieurs de Londres lui envoient des aides : une secrétaire et un opérateur radio. Comment va-t-il  s’en sortir? De façon très réjouissante, ma foi. Le rythme de l’action s’accélère, fusillades, attentats, accidents se succèdent….

Graham Greene a situé l’action dans le contexte particulier de la corruption du régime et des violences castriste dans les provinces. Contrairement à Le Carré, il ne propose pas de vision géopolitique mondiale ni régionale et ne contextualise pas l’action dans la Guerre Froide. Il tourne en dérision des services secrets bureaucratiques où l’efficacité est le cadet des soucis des grands pontes.

« Il me semblait que les Affaires étrangères autant que les services de renseignements avaient amplement mérité
d’être un peu ridiculisés. »

Chacun place ses pions comme à ce jeu de dames où le héros joue avec le capitaine Segura, policier cubain : 

 » Il y a dans tous les jeux des pions sans importance, dit le capitaine Segura. Comme celui-ci. Je le prends, et il vous
est indifférent de le perdre. Et n’oubliez pas que le docteur Hasselbacher réussit admirablement les mots croisés. »

Obispo

Loin de l’analyse politique, dans cette période troublée l’auteur utilise Cuba comme décor exotique avec ses boites de nuit, ses rues pittoresques d’Obispo ou les villas luxueuses du Vedado ainsi que ses coutumes amusantes comme la numérologie appliquée au loto:

« -j’ai besoin de votre aide. j’ai été piqué par une guêpe, ce matin.

-C’est vous qui êtes médecin, pas moi.

-Aucun rapport Une heure après, en allant voir un malade, de l’autre côté de l’aéroport, j’ai écrasé un poulet.
— Je ne comprends toujours pas. — Mr Wormold, Mr Wormold, vos pensées sont loin d’ici. Redescendez sur terre. Il faut que nous trouvions, immédiatement, un billet de loterie, avant le tirage. Vingt-sept, c’est une guêpe, trente-sept un poulet.

[…] Comme Milly, le docteur Hasselbacher avait la foi. Il vivait sous la loi des nombres, comme Milly obéissait aux
saints.

[…] la loterie est un commerce sérieux que n’ont pas corrompu les touristes. Une fois par semaine, les numéros sont
distribués par un service du gouvernement, et chaque homme politique reçoit un nombre de billets correspondant
à l’importance de son appui. »

Je me suis bien amusée avec ce livre distrayant!

 

Mr Ashenden agent secret – Somerset Maugham

LITTERATURE ET ESPIONNAGE

Dans le bleu, France culture dans les écouteurs

Toujours les podcasts de France Culture, « Grande Traversée : John Le Carré affinités » ; dans la série d’émissions, sont évoqués d’autres écrivains britanniques : Graham Greene et  Somerset Maugham  et particulièrement Mr Ashenden agent secret.

« Espion du gouvernement de Sa Majesté, Ashenden n’en restait pas moins un humoriste et soupira de voir qu’il
manquait son effet.« 

Recueil de nouvelles (8) ayant pour personnage principal Ashenden, écrivain jouissant d’une certaine notoriété et agent secret au service des Renseignements britanniques. 7 de ces nouvelles se déroulent pendant la Première Guerre Mondiale, le plus souvent Ashenden est basé à Genève qui se déplace entre la France en guerre et la Suisse neutre. La septième se déroule en Novembre 1917 dans le Transsibérien et à Petrograd. La dernière, dans un Sanatorium après la Guerre, est différente des premières qui pourraient former un roman cohérent. 

« Ashenden se dit que c’était l’erreur commise très souvent par l’humoriste amateur, par opposition au professionnel. Lorsqu’il fait une plaisanterie, il insiste lourdement. Les relations du plaisantin avec sa plaisanterie devraient être aussi rapides et fantaisistes que celles de l’abeille avec sa fleur. Il devrait faire sa plaisanterie et passer à autre chose. Il n’y a bien sûr aucun mal si, comme l’abeille qui approche de la fleur, il
bourdonne un peu. »

J’ai lu avec beaucoup de plaisir, le sourire aux lèvres, ce livre à l’humour très british. Ashenden,  comme Somerset Maugham régale le lecteur de finesse, d’ironie et d’observations très précises sur ce monde désuet, quelque peu snob, où le savoir-vivre est cultivé comme un art. A côté des diplomates, des militaires un peu attendus, une galerie de personnages plus flous gravitent.

« Comme la vie serait plus simple si les gens étaient tout blancs ou tout noirs et comme notre conduite à leur égard
en serait facilitée ! Caypor était-il un bon attiré par le mal ou un méchant attiré par le bien ? »

Ashenden, espion ou romancier, analyse ces caractères  sans jugement à l’emporte-pièce. Sociable, il est plutôt bien disposé vis-à-vis de son prochain. Il sait voir le bon côté des humains et même si ses supérieurs des Services Secrets ont décidé d’éliminer un traître ou un agent double, il suit sa mission avec le plus possible de bienveillance.

« Harrington était un raseur. Il exaspérait Ashenden et le faisait sortir de ses gonds. Il lui tapait sur les nerfs et le
mettait dans des rages folles. Mais Ashenden ne le détestait pas. »