Péché Mortel – Carlo Lucarelli

POLAR HISTORIQUE

Bologne 1943

L’histoire commence le  24 juillet 1943 tandis que les combats font rage en Sicile et se termine , le jeudi 2 décembre 1943 avec la déportation des Juifs. Entre temps, la situation politique et militaire est très confuse : juillet, Mussolini démissionne, le Roi prend le commandement des armées avec Badoglio. Début septembre, les Allemands occupent Bologne, la République est proclamée et les fascistes sont de retour sous la coupe des occupants.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? – Mussolini est tombé, dit l’agent. – Il s’est fait mal ? demanda De Luca. Les
policiers échangèrent des regards perplexes avant de se mettre à rire. – Mais non ! Le gouvernement est tombé. »

L’auteur rythme le récit de l’intrigue policière par les titres du journal local, Il resto del Carlino, évènements marquants  aussi rationnement alimentaire, sortie de films et même émissions de la radio.

Le commissaire De Luca est un policier consciencieux, en cherchant à démanteler un réseau de marché noir, il butte sur un cadavre. Cadavre sans tête. Suivant son flair d’enquêteur, il découvre une tête sans corps. Affaire résolue? Pas du tout, la tête n’est pas celle du cadavre! De Luca se laisse emporter par cette énigme malgré la réticence de ses chefs.

« Alors qu’il peut arriver n’importe quoi… les fascistes, bon, ceux-là, maintenant… mais les communistes, qui  sait, bref, il peut arriver n’importe quoi et nous, au lieu d’aider à garder la situation en main, on va à la chasse…  de quoi, De Luca, mon garçon, de quoi ? « 

Alors que les bombardements font des dizaines de victimes civiles, que les combats dans le sud de l’Italie sont meurtriers, que des italiens sur le front de l’Est ne reviendront pas, qui se soucie de l’assassinat de deux inconnus? Même s’ils deviendront quatre. Et encore moins s’il s’agit d’un Trafiquant de marché noir, un aristocrate débauché, joueur et de trafic de cocaïne! La corruption gangrène aussi bien les autorités. Et surtout quand on découvre que l’une des victimes était un juif et l’autre un albanais, c’est connu, les Albanais ont un code, le Kanun, qui dicte des vengeances cruelles!

« Un apatride et un interné. Qui ça intéresse ? Je ne peux pas nier qu’on l’aurait fait encore, mais faites-moi
confiance, je n’aurais choisi que des gens comme ça. Juifs, exilés, réfugiés, internés, deux ou trois, quatre au
maximum, pas plus. Qui ça intéresse ? Qui en sent le manque ? »

Alors que dans les rues on défile en chantant Bandiera Rossa 

 une inscription à la peinture rouge sur le mur, “Nous voulons des pâtes et de l’huile, Badoglio et le roi à la cave, le Duce à la guillotine”,

Dans les bureaux des chefs, on complote, on cache les portraits du duce compromettants, on organise sa fuite et on met à l’abri ce qui peut être utile. On se défile de ses responsabilités. Cachotterie, copinages, corruption à tous les étages, même menaces. J’ai eu un peu de mal à identifier qui était milice, police, fascistes. Peut-être, cette confusion est intentionnelle? Quant au fichage des Juifs, personne ne veut ouvertement prendre la responsabilité de transmettre une liste aux Allemands mais tout le monde se moque de leur sort.

Un polar addictif, une lecture qu’on ne veut pas lâcher.  J’ai aussi appris beaucoup sur la vie quotidienne sous les bombes. De nombreux détails sont marquant. Saviez-vous qu’en 1943 un film est sorti dans les salles « la vie est belle? »

 

La légende des montagnes qui naviguent (2) Les Apennins- Paolo Rumiz

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la deuxième partie de La Légende des montagnes qui naviguent se déroule dans les Apennins de Savone au Capo Sud, à l’extrême sud de la Calabre.

En prologue : 

Entre Florence et le bassin du Mugello, j’ai traversé dix-huit kilomètres au milieu d’une angoissante succession de plaques verticales de roche fracturée, de lames dégoulinantes d’eau qui m’enserraient[…] je voyageais dans une éponge. Les Apennins étaient un fond marin criblé de fissures.

….saignée qui, en quelques années à peine, avait volé aux Apennins cent vingt millions de mètres cubes d’eau, soit
cinquante litres à la seconde. On m’a parlé de caporalato1, de pots-de-vin, de main-d’œuvre tuée au travail. 

Le tunnel de la ligne Bologne-Florence m’apparaissait de plus en plus comme une allégorie dantesque.

En contrepoint, il va chercher à suivre la  colonne vertébrale de l’Italie en suivant sa crête, il part

avec des règles de fer. Pas de grande ville. Pas de plaine. Pas de guides rouges, verts ou bleus en direction des monuments.

Et pour moyen de transport une Topolino 1953 bleue, une voiture de collection, qui suscite curiosité et sympathie partout où il va passer. Ce roadtrip est presque une histoire d’amour entre lui et sa voiture qui va imprimer son rythme particulier, et ses limites (elle prend l’eau). Il sera beaucoup question de pannes, de réparations qui imposeront des étapes imprévues et des rencontres. 

Les rencontres sont inattendues comme celle de la baleine des Apennins, fossile bien sûr mais inspirante. Autres mastodontes  : les éléphants d’Hannibal . Hannibal sera un personnage récurrent au cours de  cette expédition ainsi que Frédéric II. Cette montagne que les humains désertent est une sorte de bout du monde 

« C’est un endroit où ne viennent que les bêtes sauvages. Les montagnes sont pleines de hérissons, de vipères, de renards et de buses »

C’est aussi le domaine du loup, et celui des bergers et des agneaux.

Si les montagnes sont désertées, les auberges sont chaleureuses

« Mon cher ami, ton voyage t’ouvrira la porte d’un monde oublié et méconnu. Tu trouveras l’âme d’un pays malheureux, aimé de tous, sauf des Italiens. »

On y joue de la musique : on y apprend que la cornemuse en serait originaire. Les souvenirs historiques racontent la dernière guerre, les partisans, les Américains mais aussi un passé plus ancien des guerres napoléoniennes

 On l’appelle Camp dei Rus, le champ des Russes. C’est à cause des cosaques. Ils ont commis de telles atrocités parmi les villageois, après avoir défait les armées de Napoléon en 1799, que les gens se sont mis à les zigouiller dès qu’ils étaient
ivres.

les années 1950, on a vu arriver les charrues motorisées, la terre a été retournée jusqu’à ses profondeurs,
régurgitant des sabres, des baïonnettes et des boutons frappés d’étranges lettres en écriture cyrillique, et ce n’est
qu’alors que la mémoire a repris corps.

L’Antiquité a laissé des noms puniques :

« écriteau qui indique le village de Zerba, puis devant une plaque portant le nom Tàrtago. Les noms comportent toujours un secret et mon incomparable navigateur en détient, de toute évidence, la clef : « Il paraît que ces deux noms veulent dire respectivement Djerba et Carthage. À cause des Carthaginois qui se seraient cachés ici, après la deuxième guerre punique. »

il importe que, après vingt-deux siècles, la vallée revendique encore maintenant de fabuleux antécédents puniques. »

Il traverse aussi des villages remaniés par Mussolini où le souvenir du Duce est encore honoré avec boutiques de gadgets fascistes. L’auteur note avec humour 

« Il nous suffit de savoir que, par un perfide retour des choses Mussolini repose dans la via Giacomo Matteotti; locataire de sa propre victime »

Dans les Marches, il passe par les monts Sybillinsquel beau nom, qui évoque la Sibylle, les mystères, les forces cosmiques des orages, les ermitages et les couvents, Camaldules et Padre Pio… on approche du Gargano. 

Le Monte Sibilla n’était que le commencement. Je m’aventurais ensuite dans un territoire, au sud-est, où l’invisible prenait l’ascendant. Après les baleines volantes et les éléphants d’Hannibal rencontrés en Padanie, c’étaient maintenant des cavernes et des eaux souterraines qui se manifestaient.

Nous voici revenus aux eaux souterraines, comme au début de l’aventure, à ces eaux que le tunnel du TGV a volée, à l’eau qui manque…à l’exode rural. parce que la désertification des Apennins est aussi le thème principal.

L’Italie est tellement obnubilée par les clandestins, tellement braquée sur les extra-communautaires, qu’elle ne s’aperçoit pas que l’émigration interne s’est remise en marche. Dans les grandes largeurs

J’ai pris 13 pages de notes tant j’ai été enchantée de cette lecture. Incapable maintenant de tout restituer.

Vers la fin, quand il traverse la Basilicate et la Calabre j’espère croiser des routes que nous avons parcourues en juin 2019. En vain. En revanche il détecte ce que nous n’avions pas pu voir ni entendre : l’ombre de la n’drangheta et les rapports sociaux 

« En Italie, une voiture sert à faire savoir combien d’argent on a. Dans le Sud, elle sert en plus à autre chose : à indiquer son contrôle du territoire. Celui qui se gare de travers en occupant la moitié de la chaussée laisse entendre que quelque chose (ou quelqu’un) lui permet de le faire. »

Un beau livre à ranger à côté de ceux de Fermor, de Chatwyn, Durrelln  de Lacarrière, et de son compatriote triestin Magris.

La Vie parfaite – Silvia Avallone

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J’avais beaucoup aimé d’Acier de Silvia Avallone qui se déroulait à Piombino, en Toscane et racontait l’amitié de deux jeunes adolescentes sur fond de crise des aciéries en 2001. Je m’étais promis de suivre les publication de l’auteure. Le mois Italien/Il Viaggio m’a do né l’occasion de découvrir La Vie Parfaite, publication récente d’Avallone (5/04/2018) . 

 

J’ai retrouvé le même décor : les cités-dortoirs déshéritées,  et les adolescentes avec leur rage de vivre et leurs frustrations, entre pauvreté et marginalité.  La cité est surnommée Lombriconi (vers de terre) ironie pour des barres d’immeubles longs d’un kilomètre accompagnées de tours (un peu Sarcelles) en périphérie de Bologne. Dans cette cité résident surtout des femmes, les hommes sont en prison, en cavale ou inexistants. Les adolescents le même chemin…

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« Pourquoi tu crois que les tours, la cour en bas, ce n’est pas intéressant? Tu les as déjà regardées, tu as pris des notes. TAnt que tu ne les mets pas noir sur blanc, les choses,  tu ne les vois pas…. »

C’est donc une (deux) histoires de femmes et de maternité. Adele, 17 ans est enceinte. Elle accouche et abandonne sa fille dès les premières pages du roman. Dora, professeure de lettres, mariée depuis 7 ans est désespérée de ne pas être enceinte. Traitements hormonaux, tentatives de FIV, rien n’y fait. Ce désir d’enfant la fait dérailler complètement, elle est capable d’agresser physiquement les femmes enceintes qu’elle rencontre…

La vie est mal faite : Adele, l’adolescente, est incapable d’assumer sa fille tandis que Dora et son mari, architecte, ont tout pour accueillir un enfant et voient leur désir d’enfant pourrir littéralement leur vie de couple. 

Le thème de la maternité ne me passionne pas. J’ai donc moins bien accroché que dans la lecture d’Acier. J’ai été plus sensible à la description de la vie dans les Lombriconi, la façon avec laquelle les mères-courages comme Rosaria élèvent leurs filles, entre travail mal payé, tâches ménagères et télévision (omniprésente dans les foyers de la cité).

Voilà ce qui fait la différence, pensa Zeno : s’entêter quand on n’y arrive pas, s’acharner, jour et nuit, choisir la difficulté plutôt que la facilité, travailler à en crever.La différence entre ceux qui quitteront les Lombriconi et ceux qui y resteront. »

Parmi les racailles et les dealers, un garçon, Zeno, fait exception. Enfermé chez lui, il est en terminale littéraire dans un lycée classique du Centre-ville et observe minutieusement la vie de ses voisines. Son histoire est déchirante. Chez lui aussi, la figure du père absent explique son comportement qui paraît étrange dans la cité. Laideur du décor, pauvreté des loisirs : pour se distraire, on va au centre commercial, on regarde la télé…

La Vie parfaite, Adele ne pourra pas l’offrir à Bianca, sa fille à-naître. Et pourtant quelques instants de cette vie à laquelle elle aspire,surgissent comme des fenêtres furtives dans cette vie morose. comme un jardin caché dans l’hôpital, ou la découverte de la mer. 

Même si j’ai préféré d’Acier, j’ai été happée par la rage de vivre dans cette banlieue, le foisonnement des histoires, souvent violentes et tragiques. 

 

 

La Pension de la Via Saffi – Valerio Varesi

POLAR ITALIEN (PARME)

C’est une lecture de saison! L’action se déroule pendant la semaine qui précède les vacances de Noël avec  le dénouement  le jour de Noël. Parme est noyée dans le brouillard, tout juste comme la Région Parisienne aujourd’hui. Ambiance de circonstance!

Le centre de Parme (2004) s’est vidé de la population étudiante et laborieuse, bureaux et immigrés ont remplacé les autochtones. Seul résiste le barbier qui attend la retraite. Le commissaire Soneri ne retrouve  plus ses souvenirs de jeunesse dans la pension pour étudiants où logeait sa fiancée Ada et où l’on retrouve la propriétaire Ghitta assassinée.

L’enquête démarre doucement, très doucement.  Soneri revisite son passé autant qu’il cherche les indices pour résoudre l’affaire. Il marche en plein brouillard. Les mobiles du meurtrier (e) ne manquent pas. Ghitta était un personnage singulier, sa pension, un établissement louche, maison de rendez-vous. Soneri lève une affaire de corruption dans les affaires de construction de Parme qui se transforme…

Soneri revient sur ses années de jeunesse, années 70, années de plomb, quand les gauchistes avaient viré terroristes, quand les factions se faisaient la guerre. Années où le parti communiste italien était encore influent. Parme, de tradition ouvrière ancienne. Allusions aux années 20 et aux barricades de de 1922, Arditi del Popolo. Un goût d’Ettore Scola dans « nous nous sommes tant aimés » (avec 30 ans d’écart)... Nostalgie, qui donne un charme indéniable à ce polar lent. Un photographe à l’ancienne a gardé des clichés des manifestations ou des réunions des anciens militants. Soneri découvre une photo de son ancienne femme qu’il n’aurait pas dû voir….

Traditions de Noël. Il fut un temps où on faisait maigre la veille de Noël (ça c’est un scoop). Gastronomie parmesane. Evidemment, en planque Soneri trompe l’ennui ou la faim avec des copeaux de parmesan! Il est question de préparer (ou non) des anolini specialité de Parme, et bien sûr le jambon, bien gras….

J’ai beaucoup aimé ce livre et je reviendrai sûrement vers cet auteur.

Ferrare, les dames des temps jadis : Isabelle d’Este et Beatriz de Luna, Lucrèce Borgia

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ISABELLE D’ESTE de Christiane Gil – Pygmalion


A Ferrare, j’ai entendu l’écho des pas de dames illustres.

Isabelle d’Este, (1474-1539), fille d’Ercole 1er d’Este, après une éducation humaniste de la Renaissance, fut mariée au Marquis de Mantoue, François Gonzague, condottière au service de la Sérénissime. pendant que Gonzague guerroyait Isabelle décorait son château de Mantoue en attirant les meilleurs artistes de Vinci ,Mantegna, Bellini, dans sa jeunesse à Raphaël et au Titien..

.Belle-sœur de Ludovic Sforza, elle rayonnait à la cour de Milan. Mécène, Prima Dona del mondo, elle mit tous ses tatlent au service de la diplomatie. Mantoue, comme Ferrare n’étaient pas des puissances de premier plan, mais elles se trouvaient à la croisée des intrigues entre les puissances, Milan et États du Pape, rivalités entre Autrichiens et Français qui guerroyaient en Italie.

Isabelle d’Este a donc croisé deux rois de France, Louis XII et François 1er, les papes Borgia, Jules II, Clément VII…toute l’histoire de l’Europe est racontée dans la biographie d’Isabelle d’Este de Christiane Gil.

Roman historique ou livre d’histoire? Je penche plutôt pour la seconde alternative; histoire très bien documentée, très précise d’une vie combien romanesque!

La SENORA de Catherine Clément


j’avais lu cet ouvrage il y a 20 ans. Dans la via della Vittoria un panneau placardé dans le petit restaurant du ghetto racontait que Beatriz de Luna avait vécu là. Et j’ai relu la Senora.

Le narrateur, Joseph Nasi, conte les pérégrinations des marranes portugais des quais de Lisbonne au temps des Grandes Découvertes, en passant par Anvers des Habsbourg, Venise, Ferrare, Istanbul de Soliman le Magnifique jusqu’à Safed en Palestine. De persécutions de l’Inquisition ou des papes en intrigues avec les rois qui convoitaient les richesses de la banque des Mendes, la Senora organisait les réseaux qui permettaient de sauver les Juifs Portugais tandis que le  futur Duc de Naxos, son cousin, était le familier des rois et des sultans. Compagnon de Maximilien  Habsbourg, ami de Sélim le sultan, il était mêlé à toute l’histoire du 16ème siècle historie qui s’achève à la bataille de Lépante.

C’est aussi une belle histoire d’amour impossible entre les deux cousins, une recherche spirituelle pour ces marranes qui judaïsaient en secret mais qui ne furent instruits qu’au passage à Ferrare dans la communauté florissante protégée par les duc d’Este.

quand à Lucrèce Borgia, il me faudra trouver sa biographie!

 

Bassani : Le Roman de Ferrare

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le Roman de Ferrare réunit 6 ouvrages:

  DANS LES MURS

LES LUNETTES D’OR

LE JARDIN DES FINZI-CONTINI

DERRIERE LA PORTE

  LE HERON

l’ODEUR DU FOIN

dans un gros QUARTO GALLIMARD qui réunit également une préface de PP Pasolini, des entretiens EN REPONSE, « CENT ANS D’HISTOIRE DE FERRARE, et une biographie de Bassani.

Prise come un tout, l’oeuvre de Bassani est mise en perspective.

Il ne m’est pas indifférent que le tableau illustrant la couverture représente un cycliste : la bicyclette est un personnage à part entière à Ferrare. Croyant à ue alternative écologique à la voiture en ville, j’ai aimé cette circulation silencieuse sans me doute que les Ferrarais n’ont pas abandonnée cette habitude  ancienne.

Le premier recueil  DANS LES MURS convie à une promenade lente, dans les rues de la ville à la rencontre de personnages modestes comme Lida Mantovani ou de notables, le médecin Elias Corcos, la militante Clelia Trotti….le rescapé des camps qui découvre son nom sur la plaque commémorative via Mazzini…Il nous introduit dans la vie provinciale, la communauté juive. Avec lui nous prêtons attention à des lieux secrets de Ferrare.

Aurais-je dû lire ces histoires avant le départ? Ou est-ce que je les goûte mieux en ayant parcouru la ville?

Si j’avais lu Bassani, j’aurais cherché sa tombe au cimetière israélite, je n’aurais pas été étonnée des jardins  entre les cimetières et les remparts. J’aurai sans doute cherché la belle propriété des Finzi-Contini. Et la découverte de Ferrare aurait tourné au pèlerinage…

Si Bassani est l’auteur de Ferrare, sa description n’est pas tant géographique : il fait vivre une époque entre fascisme et normalisation de la  vie après la seconde guerre mondiale. Sans complaisance : la communauté juive qui a subi les lois raciales de 1938 – période du Jardin des Finzi-Contini – s’était bien compromise avec le fascisme. a part la figure admirable de Clelia Trotti, les opposants à Mussolini n’étaient pas majoritaires à Ferrare dans l’avant-guerre. Les lois raciales ont mis le feu aux poudres.

 

 

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 Les Lunettes d’Or raconte la fin d’un notable, un médecin à la mode, homosexuel. Instinctivement je fais un parallèle entre l’exclusion raciale des juifs et sexuelle. Tant que le notable ne s’affichait pas, on faisait faisait mine de ne rien savoir….L’autteur s’échappe des murs de la ville. Nous prenons le train des étudiants pour Bologne, passons la belle saison à la plage à Cesenatico.

Le héron, enfin se déroule dans le delta du Pô, près de Codigoro. Roman délicat, d’une grande amertume. La guerre finie, les propriétaires terriens dans les terres bonifiées du Delta rencontrent l’opposition des communistes. Le narrateur  trouvera de fait une complicité avec un aubergiste, ancien fasciste. Désenchantement?

Bassani est un grand auteur : il recrée un monde, une société avec ses caractères mais aussi ses compromissions, son décor…L’analyse est toute en finesse et en filigrane. Peu nou pas de jugements de valeur.

 

 

Histoire de l’Italie – Catherine Brice – Tempus

LIRE POUR VOYAGER/VOYAGER POUR LIRE

un gros livre de poche  à emporter dans sa valise

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Garibaldi, Parme

Plus de 2000 ans d’histoire, de l’Empire Romain à aujourd’hui. L’Italie a une histoire complexe qu’on n’imagine pas arrivant  de France, unifiée depuis Louis XI (ou presque)…

L’Unité Italienne fête cette année ces 150 ans et nous avons eu le plaisir de partager ces commémorations à Bologne ou à Ravenne.

Notre itinéraire: Bologne-Ravenne- Ferrare- Parme se limite à une seule province : L’Emilie-Romagne. Je ne pouvais imaginer une telle diversité historique entre Ravenne, la romaine ou la byzantine, Ferrare, médiévale et Renaissance, Parme des Lumières, Napoléon puis Restauration, Bologne….

Ce livre m’a donc aidée à m’y retrouver, aussi bien dans l’évolution sociale, économique que dans les alliances politiques, entre les villes mais aussi les puissances européennes. Papauté Espagne, Autriche, France…toute l’Europe a guerroyé en Italie. Marignan 1515 n »est elle pas la date que tous les écoliers ont retenue, comme un numéro de téléphone!

Plus anecdotique, j’ai pu mettre un personnage sur les noms récurrents de Garibaldi, Cavour, Mazzini, Farini ou d’Azeglio, qui personnifient les rues des villes, tous acteurs de l’Unité Italienne. Et pour un voyageur, la logique de la toponymie est parfois d’une grande aide pratique!

Bologne : Piazza Maggiore

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palazzo d’Accursio

Premier objectif : la Piazza Maggiore

Facile, la Strada Maggiore y conduit.

Débarrassées de nos valises nous pouvons admirer les chapiteaux des arcades, tous différents, nous glisser sous des porches, découvrir des courettes ou de vastes passages protégés par les cancelli de fer forgé. La colonnade devient plus aérée, les colonnes plus fines divisées en deux avec une impression de légèreté,  le long de l’immense église de Santa Maria dei Servi .Sur les murs extérieurs, des lunettes peintes mais très noircies m’intriguent. Le parvis est une jolie place carrée toute simple entourée de cette colonnade.

Deux tours Garisenda (47m) et Asinelli (97m)  datent de l’époque des guerres entre Guelfes et Gibelins. Tours de prestiges comme nous en avons vues à San Gimigiano en Toscane. Mais elles semblent différentes dans une grande ville !

 Le palais gothique de la Mercanzia est à angle aigu sur une placette. C’était la maison des marchands. Mélange de brique rouge et de marbre blanc. Les fenêtres gothiques soulignées de blanc et le balcon à balcaquin sont très élégants.

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Mercanzia vue de la tour

Par la Via Caprarie puis Grafici, on débouche sur la Piazza Maggiore. Pas de chance, la Basilica San Petronio est en restauration sous des bâches. En face le Palazzo del Podesta surmonté dune tour carrée semble au milieu de la place. C’est derrière qu’est caché lOffice de Tourisme. Le Palazzo dAccursio siège de lHôtel de Ville est monumental, en face les Palis des Notaires et des Changeurs ont de belles façades régulières.

Nous trouvons une table libre à la terrasse d’ café au coin de S. Petronio et je fais tranquillement le tour de la place. Mon attention est attirée par des détails annexes 2011 célèbre les 150 ans de l’Unité italienne: une petite exposition sur le thème du Risorgimento dans les livres d’enfants. Je trouve une plaque, monument aux morts à Corfou et Céphalonie.

La Fontaine de Neptune de Giambologna curieusement représente le Pape, en Neptune, dominant les eaux, 4 angelots figurent les 4 grands fleuves alors connus : le Gange, le Nil, l’Amazone et le Danube. Des tétons de la poitrine des femmes jaillissent 4 jets d’eau.

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Neptune

Les boutiques sous les arcades sont très attirantes. L’extérieur un peu vieillot de « Veronesi e Fratelli » me plait. Les articles en vitrine sont à la pointe de la modernité : chaussures de luxe, très belles et faciles à porter, blouses et robes merveilleuses mais inabordables. On vend des gants de peau de toute taille et couleurs. Continuant les arcades j’arrive au Palazzo dell’Archigimnasio, siège de l’Université jusqu’en 1863. La cour est décorée à l’excès de sculptures blasons, fresques, entassés qui se chevauchent. Cette surabondance éclectique m’étourdit.

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Palazzo dell’Archigimnasio

Nous faisons un détour pour voir la façade de la maison de Farinelli, façade jaune très simple dans une rue voisine.

L’immense basilique S. Petronio est une église gigantesque, rouge et blanche à l’intérieur, brique et marbre. Au sol, le cadran solaire de Cassini , protégé par une plaque de verre mesure 67 m. Comment fonctionne un cadran solaire à l’intérieur d’un bâtiment ? Ce n’est pas la seule attraction astronomique : dans une chapelle se trouve un pendule de Foucault  qui me rappelle le roman d’Umberto Eco lu autrefois qui m’a laissé un  souvenir embrouillé.

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Charles Quint fut sacré dans cette église par le Pape.

Chaque chapelle possède un décor différent, explications en italien, boîte à sous 0.20€ pour l’éclairage. Négligeant une Pieta et Saint Jérôme signalés par le G. du Routard, je m’attarde à la Chapelle des Bolognini décrite par un audiovisuel en français (1€) à  ne pas négliger. Cette chapelle est une merveille : la fresque du Jugement dernier est très belle œuvre de Giovanni da Modena 15ème siècle. Comme d’habitude le Paradis est moins drôle que l’Enfer. Les saints sont alignés sagement. Sous le Christ ans une mandorle, Lucifer, énorme et poilu ressemblant à un ours noir avale les pêcheurs de ses deux bouches (la 2ème pelvienne, le Diable ne peut pas se reproduire et n’a pas de sexe). En face le mur est dédié aux Rois Mages qui à la fin repartent curieusement en bateau. Toute admirative des fresques j’avais oublié le polyptique et les beaux vitraux.

Quittant la Piazza Maggiore par une arche sous le Palais des Changeurs nous empruntons la Via Clavature très animée avec ses tables de restaurants et retrouvons la place de la Mercanzia à l’angle des via Castiglione et Santo Stefano

Bologne :San Giacomo Maggiore et Oratoire sainte Cécile

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Le campanile de S.Giaccomo Maggiore vu du patio du Conservatoire de musique

Il suffit de changer de trottoir sur la Strada Maggiore pour faire des découvertes : le Supermarché est logé dans un palais tout orné. Les chapiteaux des arcades sont tous différents. La place devant S.Maria dei Servi est entourée de portiques. On ne voit pas tout du premier coup d’œil !

Une rue courbe bordée de baraques de bois peint en vert nous avait intriguées :un joli marché, s’y tient un peu luxueux, fruits et légumes, fromages et spécialités locales. De là nous remontons la St. San Vitale en direction des deux tours quand la musique nous fait lever la tête. Quelque part, quelqu’un fait des gammes au piano. Piazza Rossini, se trouve le Conservatoire de Musique. Un jeune homme roule une contrebasse, de toutes les fenêtres s’échappe de la musique. Au dessus des toits le clocher de San Giacomo maggiore dont la façade est cachée par des bâches. L’entrée se trouve via Zamboni.

San Giacomo Maggiore est encore une église géante avec une trentaine de chapelles toutes très ornées et souvent très baroques. Une chapelle peinte à fresques retiendra notre attention ; la chapelle Bentevoglio aux fresques de Lorenzo Costa (1490). le mur est partagé en deux le Triomphe de la Mort fait face au Triomphe de la Fama. Ces deux triomphes se déroulent dans un paysage de collines escarpées, la foule descendant d’un chemin qui serpente. Dans les deux tableaux le peintre a mis une sorte de bulle ronde (un globe ?) portant des personnages étranges flottant dans le ciel. Dans les deux il a peint au premier plan des bêtes fantastiques : un éléphant et des buffles. La Mort est juchée sur un rocher tandis que la Renommée est assise sur une charrette tirée par l’éléphant. La Mort brandit sa faux, la Renommée souffle dans une trompette. Un personnage barbu habillé de bleu avec un manteau orange fait face au spectateur dans le coin gauche. Je retrouve symétriquement de dos dans le coin droit. Etrange symétrie des deux triomphes !

Nous avons cherché (et trouvé) le San Rocco de Carrache, un peu sombre, (mais c’est notre faute nous avons radiné sur l’éclairage).

Oratoire sainte Cecile

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Rue Zamboni, juste au bout de S Giaccomo, nous entrons dans un cloître très calme baigné de la musique du Conservatoire. Les musiciens s’exercent, un contre-basson pétarade. Les cloches sonnent à toute volée dix heures. Le moine Giovanni Bono avec son doigt sur la bouche semble appeler au calme. L’oratoire est une chapelle rectangulaire. Les fresques ont été réalisées par trois peintres fameux Francesco Francia, Lorenzo Costa et Amico Aspertini en 1506. Elles racontent la vie de Cécile mariée contre son gré à un jeune homme païen, Valeriano à qui elle révèle qu’elle a fait vœu de chasteté pour se vouer au Christ. Valeriano se convertit au christianisme ainsi que son frère Tiburzio. Ces deux derniers furent condamnés et décapités. Sur le mur d’en face, on voit Cécile donner une sépulture aux martyrs. La suite du martyr de Cécile est plus embrouillée. On n’apprend pas non plus pourquoi Cécile est la patronne des musiciens.