Aliano, La Rabata, Santa Maria d’Anglona

CARNET DU MEZZOGIORNO (BASILICATE)

A:iano : callanche

Aliano est le village où Carlo Levi a été relégué en résidence surveillée 8 mois. De cette expérience il a tiré le récit Le Christ s’est arrêté à Eboli, livre magnifique que j’ai lu à deux reprises. Carlo Levi repose au cimetière d’Aliano et le village a conçu un « parc littéraire » dédié à son souvenir. Je tenais absolument à faire cette visite.

Nous avons donc repris le Circuit des ravins d’argile abandonné à Montalbano : Route côtière S106 jusqu’à Policoro puis S598 dans la vallée de l’Agri traversant des plaines fertiles plantées de vergers, agrumes surtout, oliviers bien sûr, actinidia (kiwi), pommiers, pruniers….Tous ces arbres fruitiers sont irrigués. De minces caoutchoucs noirs courent à 1.50 m du sol retenus par des poteaux en ciment. Le plus étonnant c’est qu’ils poussent sous des tunnels. A la vitesse où nous roulons je ne distingue pas la matière des tunnels : plastique ou mince toile ? Il semble que les deux soient employés ; la vigne bénéficie aussi d’une protection mais ce ne sont pas des tunnels retenus par des arceaux mais plutôt une couverture horizontale. A quoi peut servir ce système, sûrement pas à lutter contre le froid, en plaine et au bord de la mer, les gelées sont rarissimes. Protège-t-on les fruits des ravageurs, oiseaux, chauve-souris ou insectes ? Veut-on faire de l’ombre et limiter l’évaporation. J’envisage toutes les hypothèses possibles. Qui me renseignera ?

D’énormes tuyaux conduisent l’eau captée au barrage sur l’Agri près de Tursi et du grand barrage sur le Sinni. Dans le lit de la rivière il ne subsiste qu’un mince filet d’eau. Alors que la plaine est cultivée, les ravins d’argile sont stériles et désolés. Parfois à mi-pente on voit le tapis des chaumes du blé moissonné, parfois ce sont des graminées folles qui donnent l’illusion de céréales. Certaines pentes portent des buissons arbustifs ? je retrouve avec plaisir le pistachier lentisque.

callanche d’Aliano

A l’arrivée à Aliano est spectaculaire, ces terres ravinées nous évoquent les demoiselles coiffées non loin de Gap, sauf qu’ici, l’argile est fine et homogène, pas de chapeau pour protéger la colonne. Le ruissellement a creusé de profondes entailles verticales tandis que l’argile plastique et gonflée, quand elle est mouillée, a coulé. Ces « badlands » sont nommées ici callanche. Un belvédère des callanche est installé avant l’entrée à Aliano. Un pont métallique franchit le ravin.

L’Office de Tourisme organise deux visites guidées : le matin à 11h30 et une autre dans la soirée. Que faire en attendant ? Nous montons au cimetière fermé sous de hauts cyprès ; la tombe de l’écrivain est devant la grille. Puis visiter l’église, bien fraîche décorée des bouquets blancs d’une noce. Je me souviens du récit de la messe de Noël dans le livre de Carlo Levi, je ne l’imaginais pas ainsi.

Carlo Levi à Aliano

Dans la rue des panneaux portent des citations du livre. L’urinoir incongru sur la place a été démoli, l’école ne se trouve plus à l’étage surplombant cette place. J’ai encore dans la tête les passages dont on a tiré les citations. Je m’arrête devant la fosse du bersagliere.

En 80 ans, le village a grossi, des maisons modernes ont été construites. Je cherche le chemin que les paysans empruntaient en revenant de leurs champs, très loin. Les hommes sont assis à l’ombre des arbres plantés devant le café le long de la route. Encore à Aliano, en 2019, les hommes sont assis et les femmes debout, marchent. La policière, la dame avec son cabas qui sort de l’épicerie, les dames de l’Office de Tourisme…

Aliano : la place du village

La « passeggiata litteraire » se résume à une marche rapide entre les petits musées. Il fait si chaud sous le soleil. Les dames font peu d’effort pour commenter les lieux désignés par les panneaux portant les citations. D’ailleurs, je les ai lus tout à l’heure. J’imaginais une promenade plus animée. Dans une maison, il y a une galerie d’exposition : dans la première salle, la plus vaste les murs sont couverts de photos anciennes. Je découvre le visage de Carlo Levi adolescent, puis homme jeune à Aliano, enfin son retour après la guerre. On le voit aussi à Matera en compagnie de Pasolini. Les photographies sont agréablement commentées, datée. Je m’attarde devant chacune d’elles.

Dans la pièce suivante, je suis un peu déçue par les tableaux Les grandes compositions pleines de personnages que j’avais découvertes sur Internet ne sont pas ici, seulement des petits formats, les oliviers avec leurs filets me plaisent, les autoportraits me plaisent. Les petits tableaux représentant un hérisson., une miche de pain, ne me semblent pas extraordinaire. La dernière salle est celle des lithographies, intéressantes.

Carlo Levi : le dsépart de l’émigrant

La maison qu’a occupé Carlo Levi se trouve au bout du village. C’est une grande maison crépie de blanc avec une belle terrasse. Le rez de chaussée est occupé par un musée ethnographique paysan avec un intérieur meublé, cuisine et chambre ainsi que deux pressoirs à huile qui prennent beaucoup de place. L’un d’eux a trois meules de pierre. Les masques de carnaval m’ont beaucoup intéressée(j’ai raté le musée de Palmi qui en présentait). Ils sont cornus, très colorés et me rappellent ceux que j’ai vus autrefois en Sardaigne à Mamoiada au Musée des Masques Méditerranéens.

masques de Carnaval

Carlo Levi vivait à l’étage supérieur dans un appartement de trois pièces, confortable pour l’époque. Il n’est pas meublé et il ne resta pas de souvenirs tangibles de son passage. La plus grande pièce est utilisée comme pièce de projection d’une vidéo d’une vingtaine de minutes. Les détails de ses tableaux alternent en fondu enchaîné avec des photos du village, ou avec les visages des habitants représentés, soit la photo est ancienne et le visage peut se superposer sur la peinture, soit la photo montre le personnage vieilli mais on retrouve les traits. Le feu qui brule dans la cheminée réchauffe mais aussi nous plonge dans l’univers des sorcières dont l’auteur avait reçu certains secrets, ou ans le carnaval. C’est un document très immersif qui me donne encore envie de relire le livre.

Tursi : la Rabatana

Le circuit nous ramène vers Tursi par une route qui longe la retenue d’eau ; le niveau de l’eau me paraît bien bas pour l’été qui n’a pas encore commencé. Nous montons à La Rabatana , dont le nom rappelle ses origines arabes. Vais-je trouver une medina? C’est un hameau presque abandonné et qui tombe en ruine mais qui possède deux restaurants ; Le plus grand, le Restaurant des Poètes est tout en haut, les tables sont dressées, il semble chic. Comment les clients arrivent-ils ? Au somment je découvre un escalier bien dallé qui descend commodément au bourg de Tursi. J’aurais volontiers fait la promenade mais comment retrouver Dominique dans ce gros village ?

Santa Maria d’Anglona

Sa Marian d’Anglona

Le sanctuaire de Santa Maria d’Anglona est perdu dans les collines, en direction de Policoro. Isolée, mais très bien indiquée ; la petite route tortille avant de parvenir à une oasis de verdure. Petite église normande à campanile carré entouré d’un jardin fleuri de rosiers, à l’ombre des palmiers. Tout est organisé pour la visite des touristes ou des pèlerins : parking, toilettes, tables à pique-nique. Miracle ! l’église est ouverte, fleurie de bouquets blancs.

Sa Maria d'Anglona fresque

Nous pique-niquons confortablement : salade de pommes de terre, anchois, olives ; œufs durs.

Ce sanctuaire est un lieu de culte, pas une attraction touristique. Aucune explication donnée concernant les fresques. Qui sont ces saints ? Je reconnais Saint Sébastien qui a un air doux, presque féminin. J’aime beaucoup celui qui a deux lévriers à ses pieds. Je ne reconnais pas les scènes aux couleurs délicates avec de nombreux animaux.

Saint Sébastien

Baignade à la Marina di Policoro

A l’arrière d’une belle pinède ; parking sous les arbres., plage aménagée avec des parasols et même une « douche commune » gratuite. Un cordon de galets se trouve juste à l’entrée de l’eau. Voyant une belle étendue de sable je n’avais pas mis les chaussons. Il faisait chaud et nuageux dans les collines. Sur la plage, le vent s’est levé. Les parasols claquent. La mer est agitée ; prudente je reste à  m du bord, la où les vagues se brisent. Si je vais plus loin, c’est plus calme mais un courant entraine vers le sud. J’ai l’impression de nager dans une piscine à courant d’eau. Je nage vigoureusement et fais du sur-place. Même avec les chaussons, impossible de tenir debout immobile sans efforts. Au bout d’un certain temps je suis fatiguée de nager à contre-courant.

Le quotidien, visite de la Farnesina

CARNET ROMAIN

vie quotidienne

Piazza Trilussa : on a fleuri le poète
Piazza Trilussa : on a fleuri le poète

La RomaPass est terminée. Je sors à 8h du matin avec la poubelle chercher une carte de transports hebdomadaire, de l’argent au distributeur.

Pour les poubelles, j’ai enfin compris le mode d’emploi. Les paresseux qui ne trient pas mettent leur sac au coin de la rue où il y en a d’autres. Les consciencieux qui trient apportent les différents sacs : organique, tout-venant-non-recyclable, verre, papier-carton, plastique sur la place Trilussa aux poubelles sélectives qui arrivent sur un petit camion le matin et disparaissent ensuite ; la liste des emplacements de tri est punaisée à l’intérieur de notre porte d’entrée.

Les cartes de transports journalières et les tickets se vendent à l’Edicola (kiosque à journaux) mais les cartes hebdomadaires ne se trouvent que dans certains bureaux de tabacs.

Le distributeur automatique de billets s’appelle en italien Cash machine il y en a un enfermé dans un bar fermé à 8h30 et un autre caché derrière l’Edicola qui rend beaucoup de services et me rappelle les kiosques périptères grecs.

La Farnesina

les orangers de la Farnesina
les orangers de la Farnesina

La villa se trouve très près de notre gîte, au bout du viccolo Moroni, on passe sous une arche et on arrive dans une rue tranquille bordée du grand palais Corsini où est morte Christine de Suède.

La Farnesina  est la « villa de campagne » sur les bords du Tibre construite par Baldassare Peruzzi de 1503 à 1518 pour Agostino Chigi  très riche banquier siennois. Elle n’est plus à la campagne mais au milieu d’un parc entouré de grands murs ; le jardin est planté de parterres de buis. Une fontaine coule en son centre.  Dans de grosses poteries orangers et citronniers sont en fruits.

La loggia de Galatea au plafond l’horoscope de chigi
La loggia de Galatea au plafond l’horoscope de chigi

Nous arrivons les premières et profitons des décors magnifiques. La Farnesina n’est pas un écrin pour des collections comme la villa Borghèse. C’est la maison elle-même qui est l’œuvre d’art – entièrement peinte à fresques couvertes de marbres multicolores et précieux.

Raphaël : Galatea
Raphaël : Galatea

La loggia de Galatée est peinte par Raphaël et ses élèves ? La Maitre a dessiné Galatée sur une coquille tirée par des dauphins. Dans le ciel des amours ailés avec arcs et flèches. Sur le panneau voisin Polyphème convoite la nymphe. Le plafond est l’œuvre de Sebastiano del Piombo. Dans dees lunettes sont peintes des scènes mythologiques et une grosse tête en grisaille qui serait (d’après le Guide du Routard) un clin d’œil de Michel-Ange à Raphaël le premier reprochant au second la petitesse de ses personnages.

Loggia d'Amour et Psyché
Loggia d’Amour et Psyché

La Loggia d’Amour et de Psyché est aussi l’œuvre de Raphaël et de son école d’après l’Ane d’Or d’Apulée (que je n’ai jamais lu mais que je viens de télécharger). Il est partagé en deux longs rectangles où se déroule un banquet. Les convives sont très dévêtus (surtout les hommes qui exhibent une puissante musculature). De nombreux animaux, soit réels comme un aigle, des paons ou imaginaires comme le sphinx, accompagnent les dîneurs. Des guirlandes végétales chargées de fruit suggèrent l’ouverture sur les jardins. Dans des triangles je reconnais Hermès,  des amours et des nymphes. Cupidon est accompagné des trois pies en vol. Ailleurs, un attelage de colombes. Des candélabres en albâtre complètent le décor.

La pièce des frises est de Baldassare Peruzzi : sur un fond noir et gris, de  petits personnages colorés racontent les travaux d’Hercule et des scènes mythologiques : Orphée charmant les animaux, Danaé sous la pluie d’or…..

Salle des Perspectives
Salle des Perspectives

L’escalier est monumental, le plafond hémicylindrique est recouvert de stuc blanc relevé de rose tendre, les murs sont en marbre gris en bas, rose en haut, les marches blanches étincellent. Au détour de l’escalier : une surprise, la très vaste salle des Perspectives est une merveille de trompe-l’œil : fausse loggia, fausses colonnes, de même le paysage entre les colonnes peintes, même le marbre du sol qui semble s’étendre sur le faux balcon. Chigi n’a profité longtemps de sa merveilleuse villa qui fut envahie par les lansquenets de Charles Quint lors du sac de Rome de 1527. On peut encore voir les graffitis qu’ils laissèrent.

Alexandre et Roxane
Sodoma – Les noces d’Alexandre et de Roxane

La salle des noces d’Alexandre et de Roxane (1519) est de Giovanni Antonio Bazzi dit Sodoma. Les grands personnages sont de taille humaine.

Le corridor est couvert de grottesques. A l’occasion, j’apprends que le mot grottesque vient du mot grotte . Style résultant de la découverte accidentelle de la Domus Aurea. Un jeune Romain, tombé dans une fissure découvrit par hasard cette villa de Néron recouverte de fresques. Les grottesques imitaient les décors de la Domus Aurea ou les peintures pompéiennes.

Grottesques
Grottesques

Bologne :San Giacomo Maggiore et Oratoire sainte Cécile

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Le campanile de S.Giaccomo Maggiore vu du patio du Conservatoire de musique

Il suffit de changer de trottoir sur la Strada Maggiore pour faire des découvertes : le Supermarché est logé dans un palais tout orné. Les chapiteaux des arcades sont tous différents. La place devant S.Maria dei Servi est entourée de portiques. On ne voit pas tout du premier coup d’œil !

Une rue courbe bordée de baraques de bois peint en vert nous avait intriguées :un joli marché, s’y tient un peu luxueux, fruits et légumes, fromages et spécialités locales. De là nous remontons la St. San Vitale en direction des deux tours quand la musique nous fait lever la tête. Quelque part, quelqu’un fait des gammes au piano. Piazza Rossini, se trouve le Conservatoire de Musique. Un jeune homme roule une contrebasse, de toutes les fenêtres s’échappe de la musique. Au dessus des toits le clocher de San Giacomo maggiore dont la façade est cachée par des bâches. L’entrée se trouve via Zamboni.

San Giacomo Maggiore est encore une église géante avec une trentaine de chapelles toutes très ornées et souvent très baroques. Une chapelle peinte à fresques retiendra notre attention ; la chapelle Bentevoglio aux fresques de Lorenzo Costa (1490). le mur est partagé en deux le Triomphe de la Mort fait face au Triomphe de la Fama. Ces deux triomphes se déroulent dans un paysage de collines escarpées, la foule descendant d’un chemin qui serpente. Dans les deux tableaux le peintre a mis une sorte de bulle ronde (un globe ?) portant des personnages étranges flottant dans le ciel. Dans les deux il a peint au premier plan des bêtes fantastiques : un éléphant et des buffles. La Mort est juchée sur un rocher tandis que la Renommée est assise sur une charrette tirée par l’éléphant. La Mort brandit sa faux, la Renommée souffle dans une trompette. Un personnage barbu habillé de bleu avec un manteau orange fait face au spectateur dans le coin gauche. Je retrouve symétriquement de dos dans le coin droit. Etrange symétrie des deux triomphes !

Nous avons cherché (et trouvé) le San Rocco de Carrache, un peu sombre, (mais c’est notre faute nous avons radiné sur l’éclairage).

Oratoire sainte Cecile

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aspertini

Rue Zamboni, juste au bout de S Giaccomo, nous entrons dans un cloître très calme baigné de la musique du Conservatoire. Les musiciens s’exercent, un contre-basson pétarade. Les cloches sonnent à toute volée dix heures. Le moine Giovanni Bono avec son doigt sur la bouche semble appeler au calme. L’oratoire est une chapelle rectangulaire. Les fresques ont été réalisées par trois peintres fameux Francesco Francia, Lorenzo Costa et Amico Aspertini en 1506. Elles racontent la vie de Cécile mariée contre son gré à un jeune homme païen, Valeriano à qui elle révèle qu’elle a fait vœu de chasteté pour se vouer au Christ. Valeriano se convertit au christianisme ainsi que son frère Tiburzio. Ces deux derniers furent condamnés et décapités. Sur le mur d’en face, on voit Cécile donner une sépulture aux martyrs. La suite du martyr de Cécile est plus embrouillée. On n’apprend pas non plus pourquoi Cécile est la patronne des musiciens.