Les Oiseaux Chanteurs – Christy Lefteri

CHYPRE

Lu à la suite de L’île aux arbres disparus d’Elif Shafak qui se déroule également à Chypre et qui fait également allusion aux oiseaux migrateurs et de chasse à la glue, sur la recommandation de Jostein

Récit à deux voix autour de la disparition de Nisha, la nounou srilankaise d’Aliki. Petra, la maman d’Aliki et la patronne de Nisha cherche à retrouver cette dernière, déclare cette disparition inquiétante à la police qui ne prend même pas sa déposition. Yannis, le locataire de Petra, est l’amant clandestin de Nisha (qui craint de perdre son travail si cette relation est connue). 

« – je ne peux pas m’amuser à chercher ces étrangères. J’ai du travail. Si elle ne revient pas, c’est sans doute qu’elle est passée au Nord. C’est ce qu’elles font. […]Ces femmes sont des animaux, elles obéissent à leur instinct. Ou à l’argent. Vous devriez rentrer chez vous et débarrasser sa chambre. Si elle n’est pas de retour à la fin de la  semaine, appelez l’agence pour demander qu’elle vous envoie une autre bonne. »

A travers les récits entrecroisés de Petra et de Yannis la personnalité de Nisha se découvre.

Pour la patronne chypriote, la domestique srilankaise est bonne à tout faire : engagée pour s’occuper de la petite fille, elle fait le ménage, les courses, la cuisine et même vient au magasin d’optique de Petra nettoyer la boutique. En 9 ans, elle n’a quitté la maison de Petra que deux jours, et si on lui octroie la journée du dimanche, elle doit être présente le soir pour coucher l’enfant. Elle envoie tout son argent à sa fille au Sri Lanka et se trouve enchaînée à l’agence qui lui a procuré visa et billet du voyage pour une dette de milliers d’Euros. Petra connait l’existence de la fille mais sans plus. Petra et Nisha auraient pourtant beaucoup à partager, l’éducation de leurs filles, les deuils de leurs maris décédés jeunes, et tant encore…Elle ne s’est jamais intéressée à cette femme pourtant au sein de son foyer. 

Yannis, au contraire est très amoureux de Nisha c’est sur sa tablette que mère et fille communiquent chaque matin et Yannis a l’occasion de parler avec Kumari. ils entretiennent une relation très forte, et la veille de la disparition de Nisha, il l’avait demandée en mariage. Travaillant avant la crise de 2008 dans la finance, et ruiné, il s’est laissé entraîner dans un trafic très louche de braconnage d’oiseaux migrateurs que réprouve Nisha. Est-il responsable de la disparition de sa compagne? 

Petra mène son enquête et découvre que Nisha était connue dans tout le quartier et très appréciée. Elle découvre aussi d’autres disparitions d’employées de maison sans que la police n’intervienne…

Je ne spoilerai pas l’histoire…. A vous de la lire! A vous de découvrir aussi les Oiseaux Chanteurs qui ont donné le titre à l’ouvrage!

Nous voici, disaient les manifestantes. Nous ne surgissons pas du néant en taxi, avec une valise, pour disparaître un jour et retourner au néant.

Nous sommes des êtres humains.

Nous aimons.

Nous détestons.

Nous avons un passé.

Nous avons un avenir.

Nous sommes des citoyens et citoyennes, et nous avons
des droits. Nous avons des voix.

Nous avons des familles.

Nous voici.

J’ajouterai quand même que l’auteure s’est inspirée de faits réels, de disparitions de femmes et d’enfants, victimes de prédateurs mais aussi du silence complice de l’inaction de l’entourage et des autorités. Merci à Christy Lefteri de lever le voile cachant l’esclavage domestique dans l’indifférence générale. 

L’Île aux Arbres disparus – Elif Shafak – Flammarion

TURQUIE/CHYPRE

J’aime bien l’auteure Elif Shafak dont j’ai apprécié L’Architecte du sultan, Crime d’honneur, Bonbon Palace. J’avais bien envie de faire un tour à Chypre visitée il y a maintenant bien longtemps, dernier prétexte pour lire ce livre : j’ai trouvé par l’intermédiaire de Jostein et de Pativore le Challenge turc. 

 

« Les arbres sont des gardiens de la mémoire. Entremêlés à nos racines, cachés dans nos troncs, courent les tendons de l’histoire, les décombres de guerres où personne n’a rien gagné, les ossements des disparus. L’eau aspirée par nos rameaux, c’est le sang de la terre, les larmes des victimes, l’encre de vérités encore niées. Les humains, en particulier les vainqueurs qui tiennent la plume au moment de rédiger les annales de l’histoire, ont tendance à effacer autant qu’à documenter »

Le narrateur principal n’est pas un être humain mais un figuier, témoin d’une histoire longue puisqu’il a été planté au temps d’Abdülhamid II en 1878, au temps où ce dernier a cédé par un accord secret l’administration de l’île à la reine Victoria en échange de sa protection contre une agression de la Russie.

« Le temps arboréen est cyclique, récurrent, pérenne ; le passé et l’avenir respirent en un même moment, et le
présent ne coule pas nécessairement dans une seule direction ; au contraire il dessine des cercles à l’intérieur de cercles, comme les anneaux que vous découvrez quand vous nous coupez. Le temps arboréen s’apparente au temps des histoires – et comme une histoire, un arbre ne pousse pas en lignes parfaitement droites, courbures impeccables et angles droits précis, mais il se penche et se tord et bifurque en formes fantastiques, projette des branches de prodige et des arcs d’invention. »

Comme le figuier a vu Chypre passe sous administration britannique, il voit plus tard la décolonisation et le départ des Anglais en 1960 puis les troubles intercommunautaires et enfin le débarquement des troupes turques en 1974 et la partition de l’île en deux zones. L’île aux arbres disparus est un roman historique non pas écrit par les vainqueurs mais par un arbre….

Le figuier, témoin muet, raconte aussi une histoire d’amour, cachée celle de Defné (au nom de laurier) jeune fille turque, et de Kostas son amoureux grec. Une autre histoire est encore plus secrète celle  de Yiorgos et Yusuf les propriétaires de la  taverne construite autour du Figuier Heureux, turc et grec gays.

Aux émigrants et aux exilés de tous les pays, les déracinés, les ré-enracinés, les sans-racines. Et aux arbres que nous avons laissés derrière nous, enracinés dans nos mémoires

C’est aussi une histoire d’exil, de déracinement, Kostas, le père d’Ada, naturaliste de métier a prélevé une bouture du Figuier de la taverne pour le replanter à Londres où ils ont émigré. Pour qu’il supporte la froidure de l’hiver londonien, le figuier doit passer l’hiver enterré, pratique que j’ignorais :

Enterrer les figuiers dans des tranchées souterraines pendant les hivers les plus durs et les déterrer au printemps, c’est une tradition étrange mais très répandue.

Le figuier écoute aussi les histoires des oiseaux, des insectes dans son entourage immédiat. Mycorhizes, champignons, bactéries et signaux chimiques, les végétaux communiquent entre eux. Le figuier peut même affirmer que l’aubépine l’a prévenu que Ada n’était pas bien.

Kostas est naturaliste, c’est même un spécialiste internationalement reconnu, écologue, environnementaliste, qui se spécialise justement dans l’écosystème des figuiers. Ceci est un autre aspect tout à fait contemporain qui donne un intérêt scientifique au roman.

Vanessa cardui

Vous en apprendrez beaucoup sur les extinctions des chauve-souris, les migrations des papillons, des mœurs des fourmis et des abeilles….

 

 

Vous apprendrez également les recettes de cuisines chypriotes, les nuances entre les recettes grecques et turques par la tant d’Ada, Meriem qui va apporter à Londres, traditions rurales, superstitions, et proverbes…

 

C’est donc une lecture très riche, parfois un peu trop didactique en ce qui concerne les écosystèmes, mais très intéressante. L’auteure fournit même une liste bibliographique pour les lecteurs qui voudraient approfondir…

 

Paris- Larnaka : vol Cyprus Airways, nuit d’été en avril

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A 13h, Notre sac à dos gît , abandonné, tandis que les valises empruntent le tapis roulant. Je proteste. L’employé, en chemise blanche, me rassure :
« tu ne t’inquiètes pas, je suis là ».
15 h. L’avion décolle,
Aéroport de  Larnaka, 20h10

Nous avons récupéré les deux valises mais pas le sac à dos. Le tapis roulant tourne à vide, un employé de Cyprus Airways vient nous chercher pour signer une déclaration. Quand le sac arrivera, il l’enverra par taxi à la Maison Cornaro.
Sur le moment, je ne réagis pas, (nous sommes bien assurées grâce à ma Carte VISA 1er). L’avion a dû laisser à Roissy 700 kg de bagages. Nous n’avons pas de trousse de toilettes, le reste est moins urgent.

Larnaka

Petites rues toutes noire bordées de maisons basses, pas la moindre enseigne d’hôtel. En plein centre, devant l’église Saint Lazare toute illuminée je demande notre chemin à des passants qui montent dans notre voiture et nous y conduisent dans  un dédale de sens interdits.

L’hôtel Onisilios (2 ** 24£/ la chambre)  un peu vieillot,  tout à fait correct, paraît vide. J’ai réservé par téléphone. Le patron se souvient de mon appel,. Très aimable, il  nous donne une chambre bien tranquille avec une double orientation, vue sur des jardins, les toits, l’église et le fort éclairés.

Saint Lazare

Nous sommes impatientes de découvrir Larnaka et de profiter de la belle nuit chaude, En cinq minutes  à pied, nous arrivons à l’église Saint Lazare dont le campanile, très ouvragé, se détache dans la nuit. Arcades en ogives, volumes compliqués,  coupoles byzantines : cette église est une merveille.

Nous avons du mal à trouver le sommeil. Cette histoire de bagage perdu me tracasse. Je ne me souviens plus avoir reçu une copie de la déclaration de perte. J’épluche le livret des garanties de l’assurance.

Première matinée chypriote, Larnaka


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Réveil à Chypre

Une merveilleuse nuit étoilée ne promet pas forcément un lendemain ensoleillé !
Le carillon de Saint Lazare nous réveille à 6h30. Le ciel est voilé d’une fine pellicule grise. Jardins et  courettes sont peuplés de chats, de canaris et de perruches en volières. Un citronnier est couvert de citrons énormes. Comme partout en Grèce, des bidons et des seaux contiennent des plantes diverses, géraniums fleuris, petits palmiers …

Au loin, la mer. Je ne peux pas m’empêcher de penser que Haïfa n’est distante que de 300 km. Un pincement au cœur : « si je t’oublie Jérusalem… « . Même climat, même soleil, mêmes odeurs des orangers en fleurs. Sensation de Terre Promise interdite.

Dimanche à saint Lazare
Le patron de l’hôtel nous indique un petit supermarché,  ouvert le dimanche matin, qui nous dépannera. Il nous conseille d’aller à Saint Lazare avant 10 heures. Nous arrivons au beau milieu de la messe diffusée par haut parleur sur toute la place. Les retardataires convergent vers l’église, certains sont assis sous les arcades et suivent le service de l’extérieur. Je me faufile dans la queue des fidèles qui attendent dehors pour communier. Chacun reçoit un gros morceau de pain et donne l’argent de la quête. Au fond, une autre porte est ouverte. On voit moins bien l’iconostase dorée et les icônes. Trois hommes chantent. La liturgie orthodoxe est vraiment très belle. Le pope en chasuble officie tantôt devant l’iconostase tantôt derrière. Il réapparaît, se prosterne, se relève ….

Promenade des Palmiers
Les rues sont désertes, les magasins fermés. Sur la promenade des Palmiers la saison n’a pas encore commencé. Les plagistes n’ont sorti que quelques lits de plage, les supports des parasols pointent vers le ciel, tubes métalliques donnant un air hostile à la plage. Les hôtels sont modernes, sans grâce. Je ne trouve aucun charme à ce front de mer bétonné. Plus loin, le Fort paraît bien petit à côté des immeubles modernes. De près, il est très harmonieux mais, malheureusement, fermé.

Mosquée

A côté du Castro : la mosquée. Tout autour,  un charmant désordre oriental. Sur la petite place, des voisins ont apporté leurs chaises et de petites tables pour jouer au tric trac. Ils ont oublié leurs tasses à café. Le minaret est en réfection, un échafaudage de planches l’entoure. Dans le jardin, une gallabieh et des calottes en crochet blanc sèchent sur une corde à linge. L’imam, égyptien, nous fait les honneurs de sa mosquée bien modeste. Des décorations à la peinture laquée verte, des tapis, de peu de prix.

Maisons turques

Dans le quartier de l’hôtel, de nombreuses maisons basses sont fermées, abandonnées, certaines en ruines, ce sont les maisons que les Turcs ont dû abandonner. Encore ici, une purification ethnique, comme l’histoire se répète ! de Bosnie à Chypre. Toujours les décombres de l’empire ottoman.

De Larnaka à Limassol: lac salé, Tekke Hala Sultan, cap Kition,

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Le Lac Salé est traversé par la grande route de l’aéroport. Nous espérons y voir les flamands roses.  Les oiseaux sont bien là mais nous circulons à grande vitesse.

–  « Et si nous allions y faire un tour à l’aéroport au moins pour avoir un double du certificat de perte du sac à dos ? »

Les hôtesses d’Accueil m’envoient dans un mystérieux «  Room number 24 »  dans un dédale de couloirs. Je raconte notre aventure. L’employé saisit mon  nom sur l’ordinateur, tout notre dossier apparaît, sur l’écran : l’hôtel Onisilios, la Maison Cornaro. Un détail : le sac est retrouvé ! Ils ont cherché à nous joindre à l’hôtel sans succès. Je suis l’homme dans les couloirs.  A la douane, gisent de vieux, sacs abandonnés, des cartons éventrés, mais pas de sac à dos. L’employé téléphone. Notre sac se trouve au Room 24, au beau milieu du bureau ! Et je ne l’avais pas remarqué !

Tekke de Hala sultan

La route du Tekke de Hala Sultan longe le lac Salé. Les coupoles et le fin minaret pointu se détachent : c’est une jolie mosquée turque. Le mihrab est très curieux : la pierre blonde est ciselée de pampres et grappes de raison surmonté d’une étoile à six branches, réemploi d’une sculpture antique ? Décor original ? Nous avions déjà vu le décor de vigne dans une église grecque de Cappadoce l’assemblages de ces symboles est assez étrange.

Le guide nous mène à la tombe de la sainte, Umm Haram, tante du Prophète, venue accompagner les Arabes qui islamisèrent l’île en 649. Les trois pierres abritant la tombe font l’objet de diverses légendes. L’une raconte qu’elles arrivèrent d’Arabie. selon  une autre, une pierre de quinze tonnes serait restée suspendue en lévitation…. L’homme qui nous accompagne parle plus sobrement d’un dolmen. Autour de la mosquée, quelques tombes turques dans les oxalis en fleurs.

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Le vent qui s’est levé, les nuages se sont disloqués.

Nous nous promenons autour du lac espérant voir de près les flamands roses.. Une sorte de salicorne pousse en bordure de l’eau, les fenouils sont en fleurs,  ainsi que de grosses touffes jaunes de composées jaunes, ressemblant à des marguerites jaunes.

 


Nous décidons de pique-niquer près d’une tour vénitienne en bord de mer au Cap Kition. Sur la carte, c’est tout près. Nous nous perdons dans les  sens interdits des villages.Echouons sur une plage de galets devant une mer déchaînée. Le vent souffle si fort que nous nous réfugions dans la voiture pour déjeuner.

Nous traversons des cultures maraîchères. C’est la récolte des artichauts. Les tunnels de plastiques, la plage de galets battus par les vagues, les constructions anarchiques nous rappellent Kokkynos Pyrgos, en Crète.

La tour vénitienne est perchée sur une colline en retrait de la mer. C’est une tour carrée, crénelée, en pierre blonde  et peu élevée.

Kiti : l’église construite par les anges

 

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A Kiti, l’église est « construite par les anges »: Panayia Angeloktitos.

Nous passons  devant deux églises à campanile avant de trouver la basilique byzantine et ses coupoles. Les Francs on ajouté une chapelle gothique qui sert d’entrée. On peut y voir la pierre tombale de la Noble Dame Simone, femme de sire Renier de Gibelet . Le tracé de la robe de la Dame  est très pur, à l’intérieur des courbes sinueuses suggèrent les cuisses ou les fesses . C’est gracieux, presque inconvenant sur une tombe. Un enfant se précipite :
–  « pas de photos! »
Il allume la lumière derrière l’iconostase, éclairant une mosaïque dorée très ancienne.

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Un car s’arrête. Toujours à l’affût des commentaires des conférenciers, je me précipite. Des Grecs, descendent, venus faire leurs dévotions, surtout des vieilles femmes, de noir vêtues. Ils achètent des cierges. Avant de les allumer, l’une d’elle fait le ménage. Elle saisit à poignée les cierges qui brûlent, les retourne dans le sable pour les moucher et jette la poignée à la poubelle. Elle peut alors planter les siens.

Vers Limassol

L’autoroute traverse de vertes collines. Limassol n’est distante que de 65 km mais  le vent souffle de face et un arrêt s’impose.

La plage du Gouverneur est une baie protégée  par un cap surmonté par des cimenteries. La mer est calme, bleue, la Méditerranée, telle que je l’imagine. Le sable est fin, je me déchausse et longe, pieds nus. La plage est bordée de restaurants de poissons, heureusement construits en retrait derrière de belles pelouses vertes où sont installés lits et parasols.

Arsos, la Maison Cornaro

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Arsos

Arsos est un gros village, très en pente, construit en contrebas de la route. Nous trouvons assez facilement la Maison Cornaro,  mais le haut portail est bouclé. Personne n’est là pour nous accueillir. Catherine, de l’Agence Héliades à Paris, nous avait assuré que la « réception » était assurée à n’importe quelle heure. J’imaginais donc une sorte d’hôtel. La « réception », c’est le kafénéio face à l’église. En cette saison pas de terrasse dehors .Tout le monde est à l’intérieur autour de grandes tables rondes. Tablées de joueurs de cartes ce dimanche après midi. Les murs sont couverts de posters de l’équipe de foot locale La femme qui sert des bières s’interrompt pour téléphoner. Prend les vouchers et me donne les clés. Elle se présente : Demetra .Elle me propose de boire un café . Il y a même une femme attablée avec les hommes et des gamines circulent.

La maison Cornaro

Nous ouvrons l’imposant portail de bois décoré d’une plaque de cuivre armorié, le blason des Cornaro. Découvrons une vaste cour dallée, un petit four à pain, une belle maison à étage avec des balcons bleus. Sur le mur, au dessus du portail une divinité antique de terre cuite veille, sorte de sphinge ailée.
Notre studio Véneto, n’est pas situé dans la maison principale mais dans une sorte d’appentis au fond de la cour. Il est composé d’une très vaste salle en pierres crues et poutres apparentes. Face à la fenêtre le plus immense lit que je connaisse. Le bois du lit et l’armoire sont peints en vert décoré de moulures dorées d’un improbable style empire de fantaisie mais de bon goût. Table carrée, chaises vertes assorties. Dans un coin, une banquette en sapin contournée un peu bizarre et une table basse, au dessus un tableau: une sirène à tête d’icône avec une auréole dorée porte d’une main un trident, de l’autre un voilier sur un fond bleu nuit. Le style est composite mais de bon goût . Nous serons très bien.

J’ai écrit ce billet pour Voix-Nomades autrefois, entre temps j’ai croisé à nouveau Catherine Cornaro à Venise.

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portrait de Catherine Cornaro par Gentile Bellini

Nostalgie : Eli che lo igamer leolam

  Soirée Radio

La télévision est en grec, mais la radio capte la Grèce, le Liban, Israël et RFI .

Sur Kol Israël, deux musicologues, ton très France Musique, dissertent du lied, de la chanson française, ils commentent de manière savante « Eli che lo igamer le olam » .

Je suis parcourue de frissons, bouffée de nostalgie ,A nouveau un commentaire savant puis une version « de concert ». Après toutes les images d’Intifada j’avais presque oublié qu’il existait là-bas une vie intellectuelle, une musique que j’aime. L’émission musicale terminée, un historien pérore sur la deuxième Alia.

Je change de station et tombe sur un hommage en grec à Mélina Mercouri. Si je ne comprends pas le détail, j’arrive à saisir assez de grec pour que cela ait un sens. Nous terminons la soirée toujours avec de la musique grecque

villages chypriotes : Arsos, Vasa

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Premier matin au village

Ciel gris, les ouvriers rénovant la maison d’à côté nous chassent avec le vacarme de leur perceuse. Le supermarché du village vend l’épicerie de base, de la crémerie et du poisson surgelé, pas de légumes ni de viande. La boulangère vient de sortir des miches rondes du four. Elle est curieuse et me demande d’où je viens :

–    « de France ! »

Ce  n’est pas la réponse qu’elle attend

–    « de la Maison Cornaro ! »

La voilà satisfaite.

Les vieux sont assis devant le kafénéio sur des chaises de bois, l’un d’eux porte sur la tête une sorte de résille, un autre, un voile noir drapé à l’arabe. Tous ont des bâtons fourchus et nous dévisagent sans se cacher.

Les villages des environs

Les routes secondaires sont bien asphaltées,( les guides parlaient de piste). Tout se complique dans les villages : les ruelles ne permettent pas aux voitures  de se croiser . Tout un système de sens interdits, de flèches nous engage dans un labyrinthe compliqué par des travaux. Nous tournons dans Vasa et suivons les flèches qui nous conduisent à saint Barnabé qui domine le village. Cette église n’a pas l’air d’être ancienne. Sa construction ramassée coiffée de coupoles en tuiles romanes dans le paysage de collines mérite bien la photo.

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De Vasa nous comptons rejoindre Omodos,  tout près, derrière la colline.  La route tortille. Nous revenons en arrière. Un troupeau de chèvres bloque la voie. Les bergers,  dans un pick-up, poussent les chèvres avec la voiture les encourageant en frappant dans les mains.

Omodos

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Omodos

Après bien des détours nous trouvons un parking, des WC, la banque, des panneaux explicatifs : Omodos est organisé pour recevoir des touristes ! Un peu trop : au lieu du kafénéion de village, des snacks. La place est encombré d’étals de marchands de souvenirs : cuirs de mauvaise qualité – on dirait du faux –  les nappes et dentelles ne nous tentent pas.

Le monastère est plus calme, l’église assez récente, plantée au beau milieu du cloître, le campanile ouvragé ressemble à celui de Larnaka,. Nous nous asseyons devant l’iconostase pour lire notre documentation. Ce monastère possède des reliques vénérables datant de la visite d’Hélène en 327, reste de la corde qui a servi à attacher Jésus, morceau de la Croix. Ces reliques sont invisibles, le reliquaire contient les restes de 26 saints différents…Le cloître est très charmant avec ses deux niveaux d’arcades: en pierre blanche  sobrement travaillée, les balcons de bois rappellent les moucharabieh, les plafonds sont également en bois dans le style musulman en plus fruste, belles portes aussi sculptées.

Dans un coin du cloître, un petit musée de la Résistance: des photos des combattants, quelques effets personnels. Dans cette région de montagnes, les hommes jaloux de leur indépendance ont combattu les Turcs au 19ème siècle, les Anglais de 1930 à 1960. Le drapeau grec flotte sur les cimetières.

Les rues d’Omodos sont pimpantes, chaulées, décorées de plantes en pots (ou bidons peints) . Les brodeuses insistent pour nous vendre des napperons au crochet (one pound).

Un vieil homme m’invite chez lui, sa maison est un véritable musée familial : il a encadré les photos de mariage, d’école de toutes les générations, les robes de mariées sont présentées dans des vitrines.  Socrates m’offre son vin  que je refuse. J’achète un pot de miel. Le vieux pressoir restauré occupe tout un bâtiment : une poutre énorme est actionnée par une vis et une grosse masse de pierre. Les raisins étaient étalés sur une terrasse de pierre, le jus se déversait dans un pot de terre énorme rappelant les pithois antiques. Ces jarres géantes se retrouvent un peu partout dans les cours et jardins d’Arsos. Le village est pittoresque mais trop touristique. Nous préférons notre village un peu écroulé.