Anna-Eva Bergman – Voyage vers l’intérieur – au Musée d’Art Moderne de Paris

Exposition temporaire jusqu’au16 juillet 2023

1960 Grande Vallée

Anna-Eva Bergman (1909-1987) est une plasticienne norvégienne. J’ai découvert son œuvre à Antibes au Musée Picasso à côté de celle de Hartung son mari de 1929 à 1938 puis se remarie en 1957. Ils avaient également une maison à Antibes qu’on peut visiter. 

Minorque 1933

Hartung et Bergman s’installèrent à Minorque. Anna-Eva Bergman dessina caricatures et dessins critiquant le pouvoir nazi et Franco

critique du nazisme

mais c’est à son retour en Norvège que dans sa série Fragment d’une île en Norvège elle s’intéresse à la nature, aux galets, aux diaclases du granite, aux textures et aux minéraux.

Composition 1951

Elle introduit des feuilles métalliques dans sa peinture, fait des recherches sur le nombre d’or, fait des recherches de style, incursion dans le cubisme avec cette recherche sur la pluie

1949 Pluie

A partir des années 1950 Anna-Eva Bergman travaille des formes observées dans la nature, construit une sorte d’alphabet de ces formes: montagne, falaises, stèles, galets…

1955der Hochschwebender

Formes, mais aussi transparences et lumière. Elle met au point cette technique très personnelle de feuilles métalliques, argent, aluminium, or et cuivre sur des supports divers, bois ou papier laissant découvrir des fentes, des failles ou des rayures ou au contraire des plis.

1960 Holme îlot

l’exposition présente deux sections : Cosmogonies, transcriptions paysagères puis Epures, captation atmosphériques. Je me promène dans un espace très lumineux, illuminé par la lumière surnaturelle du cercle arctique baigné dans la mer de Norvège, entre mer et fjords

1963 mer de Norvège

Paysages du Finmark je navigue dans cette terre étrange, lunaire, envoûtée, dépaysée

1966 Finmark hiver

Eclairée par le soleil argenté, blafard à travers la brume entre des falaises déchirées et les reliefs verticaux des fjords.

1967 Fjord

Un voyage en terres polaires, ou peut être dans le cosmos!

 

 

Munch à Orsay – un poème de vie, d’amour et de mort à Orsay

Exposition temporaire jusque au 22 janvier 2023

Soirée sur l’avenue Karl Johan

De Munch, je ne connaissais que le Cri célébrissime sinon la neige fraîche sur l’avenue vu à Marmottan en compagnie de Hodler et Monet (2016). 

la neige fraîche sur l’avenue

Munch n’est pas le peintre d’un seul tableau, son œuvre est abondante et diverse. Diverse par ses thèmes : portraits, paysages, décors de théâtres, affiches, projets décoratifs de grands formats pour l’université de Kristiania. Diverse aussi par les techniques : il maîtrise la peinture et toutes sortes de gravures. Diverse aussi par les styles : influencé par l’impressionnisme,  symboliste à la fin du XIXème siècle, puis expressionniste … Cependant l’impression qui domine est une  inquiétude qui culmine avec le Cri et qui se dissipe rarement. Inquiétude et parfois morbidité sont récurrents.

Désespoir Humeur malade au coucher du soleil

Trois versions de Près du Lit de mort sont accrochées : 1895, 1915 une version monumentale expressionniste

Près du lit de mort 1915

orphelin de mère très jeune, il perd sa sœur à 14 ans. mais c’est la version gravée que je trouve la plus réussie

Ses portraits de femmes sont aussi inquiétants, dépeintes parfois en vampires. Les titres Angoisse, Jalousie sont aussi dans cette veine.

Le Vampire

Cette femmes aux cheveux roux semble l’inspirer. Est-ce la Nouvelle Eve dépeinte par les peintres de la fin du XIXème siècle, une Eve tentatrice ou Mélisande de Pelléas et Mélisande?

Le Baiser est aussi un de ses thèmes de prédilection. Baiser-fusion aux visages blafards qui se confondent. C’est aussi le sujet de ses gravures

Baiser gravure

J’ai beaucoup aimé les gravures, une vidéo (3 minutes) explique les techniques développées par Munch, gravure sur cuivre, eaux fortes, lithogravure, gravure sur bois avec une utilisation de « puzzle »quand il découpe une partie de la plaque de bois ce qui permet l’impression avec différentes couleurs. Il utilise aussi les veines du bois pour des effets intéressants.

la Madone

Heureusement la morosité n’est pas toujours de mise et certains tableaux sont colorés comme les jeunes filles sur le pont

jeunes filles sur le pont

Un mécène lui commande un décor pour une chambre d’enfant : le résultat ne semble pas approprié :

Danse sur la plage

Pour ses autoportraits, au choix Autoportrait après la Grippe Espagnole ou

Nuit blanche Autoportrait au tourment intérieur.

Quand il se peint avec son modèle, il n’est pas plus gai!

Heureusement, dans ses projets de fresques décoratives pour l’Université de Kristiania il propose des projets colorés et plus sereins

Le Soleil

les Graciées – Kiran Millwood Hardgrave – Pavillons

FEMMES/NORVEGE

Avignon mars 2022, je viens de terminer le finlandais Un pays de neige et de cendres de Petra Rautianen et je l’ai apporté à Claudialucia qui me confie Les Graciées. Echange de blogueuses….coïncidence, ce dernier livre est aussi un livre de neige et de cendres. Sauf que 4 siècles séparent ces deux romans historiques qui se déroulent en pays sami. Tous deux sont des romans historiques, tous les deux montrent comment les Samis ont subi des discriminations terribles. 

Les Graciées relate la Chasse aux Sorcières que l’Eglise luthérienne a mené en 1617 dans l’île de Vardö, au Finnmark pour asseoir l’autorité royale de Christian IV, roi de Danemark-Norvège. Ce dernier fait appel à Absalom Cornet, originaire des Orcades qui a déjà brûlé des sorcières en Ecosse. 

La veille de Noël, une tempête soudaine chavire et emporte tous les hommes de la petite île de Vardö où il ne reste que deux vieillards et quelques enfants en bas-âge. Les femmes vont devoir se débrouiller seules pour affronter l’hiver arctique  et ne pas mourir de faim. On leur enverra quand même un pasteur, faible et falot quelques mois plus tard.

Dans le Grand Nord, les Samis peuvent se déplacer si la mer est gelée. Ils sont animistes et leurs chamans ont une grande influence sur les norvégiennes démunies. Une veuve, Diinna, sami, fait venir un chaman pour honorer les naufragés que la mer a rendus. Elle a gardé ses coutumes  : elle est bien intégrée au village sauf qu’elle ne fréquente pas l’église. Kirsten, forte personnalité, va former des équipages de femmes pour aller pêcher. la pêche est une activité masculine, mais on ne peut pas mourir de faim! Elle va aussi prendre soin du troupeau de rennes. Les femmes se réunissent pour des travaux d’aiguille, des commérages et s’entraident en l’absence des hommes.

Le roi envoie enfin un Délégué qui assistera le gouverneur de la forteresse. Il arrive avec sa jeune femme Ursula, une citadine qui ne sait rien faire de ses dix doigts. Le délégué ne sera d’aucune aide effective, son rôle est ailleurs : il est missionné pour la chasse aux sorciers samis et cherchera avec l’aide des dévotes à démasquer les sorcières de l’île. Par jalousie, intérêt ou par désœuvrement, les dévotes vont dénoncer la femme sami, puis d’autres.

La fin sera tragique.

Albert Edelfelt (1854-1905) Lumières de Finlande au Petit Palais

FINLANDE

Enfants au bord de l’eau

Exposition temporaire jusqu’au 10 juillet 2022

En route pour le baptème

Edelfelt est un peintre finlandais qui est venu à Paris comme son compatriote Akseli Gallen-Kallela dont on peut voir une belle rétrospective au Musée Jacquemart André à Paris en ce moment-ci. Deux Finlandais à Paris en ce moment (comme alors, dans les années 1880). Aucune redondance dans ces deux visites, Finlandais mais très différents!  

Portrait du grand-père de l’artiste

Edelfelt est venu à Paris avec une bourse pour étudier la peinture d’histoire sous la direction de Gérôme . Il a peint des tableaux historiques, et s’est même représenté en costume (16ème ou 17èm siècle). j’ai bien aimé un paysage de neige racontant la révolte des paysans en 1596 avec le Village incendié. Dans ce grand tableau on peut voir trois sujets différents, trois paysans avec skis et arbalètes au premier plan, avec une attention particulière au portrait, un paysage de neige et au fond, très petit, dans un style très différent les silhouettes des cavaliers et les maisons incendiées derrière eux. 

le village incendié (1596) détail.

Edelfelt excelle dans le portrait et son chef d’œuvre le plus connu en France est le portrait de Louis  Pasteur qui surpasse ceux des autres peintres de l’époque : François Lafon et Leon Bonnat. L’exposition permet de faire son avis personnel et de comparer les trois tableaux. Montrant Pasteur en action dans son laboratoire, il peint une « allégorie de la science en marche » des rapports étroits se tissent entre Edelfelt et Pasteur qui peint sa femme, son fils et toute la famille Pasteur-Vallery-Radot. 

Louis Pasteur 1886

A paris, Edelfelt peint de nombreux portraits de ses amis et de la vie parisienne. Il se plait à représenter les chatoiements des tissus

Virginie

Dans sa grand composition Au jardin du Luxembourg il côtoie les impressionnistes auprès desquels il est exposé et trouve que ce voisinage le dessert et que ses coloris sont pâles à côté des tableaux impressionnistes<;

Au jardin du Luxembourg

Mais quand il rentre en Finlande l’été où il a fait construire un atelier en 1883 il peint les Finlandais plus que les paysages. Il a une attention particulière pour les enfants et les vieux, les paysans et les marins.

Apprentis tailleurs
Devant l’église en Finlande

Tandis que Gallen-Kallela livre des paysages éblouissants, Edelfelt s’applique à nous faire aimer ses compatriotes.

Akseli Gallen-Kallela – Mythes et Nature au coeur de la nature finlandaise – Jacquemart-André

EXPOSITION TEMPORAIRE jusqu’au 25 juillet 2022

Akseli Gallen-Kallela 1865-1931), après des années de formation en Finlande étudie à Paris de 1884 à 1888. 

L’exposition au Musée Jacquemart-André offre un panorama sur l’œuvre variée du peintre finlandais.

Souffrance muette

Portraits naturalistes comme cette souffrance muette

Automne à Kallela

Gallen-Kallela a su construire et aménager un chalet comme studio d’artiste dans la forêt pour sa famille et pour travailler en pleine nature. Un vitrail montre qu’il a utilisé des techniques diverses dans les arts décoratifs comme un tapis ondulant.

Bouleaux

Etudes botaniques avec une finesse inégalée

Huile, aquarelle, dessin, il a aussi utilisé la gravure en illustrant le Kalavala

GRavure

Il a aussi collaboré aux décors des Expositions Universelles en 1889 et 1900 avec des fresques sur les thèmes du kalavala

la Rivière des morts

Deux salles de l’exposition montrent le symbolisme sur des thèmes plus ésotériques mais ce n’est pas ce qui me plait le plus.

Ad Astra

mais c’est l’évocation de la nature finlandaise, de l’eau, de la glace, des reflets et des nuages qu’il m’a vraiment bluffée.

lac Keitele

Reflets et bandes de glace, géométrie d’une débâcle.

Nuages et reflets des nuages….

Un rendu parfait de l’eau .

Neige aussi

Et même une tonalité japonisante avec ce fond doré

paysage japonisant?

 

Un pays de neige et de cendres – Petra Rautianen

FINLANDE

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Merci au Seuil et à Babélio qui m’ont offert ce livre dans le cadre d’une opération de la Masse Critique.

Je me réjouissais du voyage en Finlande, en Laponie, au delà du Cercle Polaire. Je n’avais pas bien lu le titre : Un pays de neige et de cendres. Ces cendres dénoncent un épisode de la Seconde Guerre Mondiale tragique et peu (pas) connue de nous . 

Une petite remise à niveau sur Internet a été nécessaire pour mettre de l’ordre dans mes idées:

  • Novembre 1939 : invasion de la Finlande par l’Union Soviétique qui s’affrontent en une Guerre d’Hiver 
  • Avril 1940 : invasion du Danemark et de la Norvège par l’Allemagne nazie
  • Juin 1941 : Opération Barberousse : les panzers allemands entrent en Union soviétique, les troupes allemandes entrent en Finlande. 
  • 1941- 1944 : Guerre de Continuation : co-belligérance de l’Allemagne et de la Finlande
  • fin 1944 ; Intensification des hostilités entre les Alliés et les Allemands qui pratiquent dans leur retraite la politique de la Terre Brûlée 
  • jusqu’en 1950 : poursuite des opérations de déminage

Deux histoires s’entrecroisent dans le roman : l’une se déroule à Inari de février à septembre  1944 dans un camp de concentration mettant en scène des hommes, finnois, allemands et lapons, gardiens et prisonniers. Les prisonniers sont soumis à un régime épouvantable, froid, manque de nourriture et travaux dans des conditions terribles. Les gardiens jouent un jeu très trouble, on ne comprend pas très bien s’ils gardent des prisonniers vivants ou s’ils les liquident par la faim et le froid. D’étranges expériences, mensurations, examens médicaux suggèrent une purification ethnique dont seraient victimes entre autres les Sames au titre d’une aryanisation, les Finnois étant les Aryens. Les gardiens finnois se surveillent les uns les autres, l’un d’entre eux fait l’objet d’une surveillance telle qu’on ne sait plus où le situer, parmi les prisonniers ou les gardiens. Une Saigneuse – guérisseuse? infirmière? est un autre personnage très trouble. 

L’autre histoire racontée dans le livre est celle d’Inkeri, journaliste-photographe qui s’installe au village d’Enontekiö en 1948. Elle est à la recherche de son mari qui est passé par le camp de prisonniers d’Inari. En l’absence d’indices ou de preuves de vie, elle s’intègre dans le village lapon et enseigne dans une école locale, fait des photos et s’intéresse à la culture locale sami qui est occultée. La neige, l’obscurité  noient les décombres du camp de prisonniers. Surtout, les témoins s’ingénie à nier ce passé récent. Chacun sait ce qu’Inkeri cherche mais chacun lui met des bâtons dans les roues. Le passé est si inavouable qu’il vaut mieux qu’il reste caché. 

Cette lecture est difficile.  Si l’évidence est noyée dans un brouillard épais, cela ne facilite pas la compréhension pour la lectrice peu au fait de l’histoire. Sans parler des noms finnois difficiles à déchiffrer. Et pourtant je suis restée captivée comme dans un thriller.

Mes recherches sur Internet, au lieu de clarifier la situation, ont contribué à m’embrouiller. Selon Wikipédia, les commandements militaires finnois seraient restés distincts de leurs alliés nazis et il n’y aurait eu que très peu de persécutions antisémites. D’après d’autres sources, les camps en Laponie auraient été des camps d’extermination ethnique. Récemment, la Russie a demandé qu’on ouvre une enquête sur ces persécutions et massacres (Le Monde 28/04/2020). La question est donc ouverte!