La Religion – Tim Willocks

CARNET MALTAIS

C’est avec soulagement que j’achève ce pavé de plus de 850 pages.

Laborieusement,  j’ai tenu à le lire en VO et j’ai dû souvent avoir recours au dictionnaires ( j’en ai deux anglais-français, et deux, anglais -anglais et même américain-anglais, c’est le plus de la liseuse) sans savoir que l’auteur avait prévu un glossaire (c’est le moins de la liseuse, l’accès aux notes n’est pas évident). Comme je lis souvent en anglais, l’usage répété au dictionnaire indique un vocabulaire particulièrement vaste, riche et recherché, et donc un style qui n’est pas banal. Pas banal, voire, j’ai appris un nombre impressionnant de mots concernant le vomi, les crachats, les puanteurs de toutes origines, le sang, les glaires….et si c’est instructif ce n’est pas forcément plaisant. J’ai aussi appris les noms précis des différentes parties d’une armure, le tranchant des épées, dagues, cimeterres…pas très utile au 21ème siècle.

Jean Parisot de La Valette

Ce livre raconte le Grand siège de Malte ( 1565) .  De retour de Malte, j’étais très impatiente de le lire et je me suis acharnée même si cette lecture était souvent pénible. Pénible à cause de la violence souvent insoutenable. J’ai souvent posé la liseuse en me demandant : ai-jevraiment envie de lire cela? les intestins sortant des ventres, les démembrements, les descriptions très précises et interminables des corps à corps avec luxe de détails. Au bout d’une demi-heure de ces combats traînant en longueur, j’étais attirée par mon téléphone, Télérama, le Monde…. n’importe quoi!

1540, Mattias Tannhauser, fils de forgeron saxon, dans la Hongrie d’alors, Transylvanie aujourd’hui, est enlevé pour devenir devshirme, esclave soldat de Soleiman.  Ayant suivi les janissaires dans de nombreuses campagnes, il devient commerçant, marchand d’épices associé à un Juif de Venise, trafiquant d’opium et probablement d’armes. Le Grand Maître de l’Ordre de Malte, La Valette l’attire  pour utiliser ses connaissances des armées du Sultan qui assiègent l’île. Mercenaire ou espion? Il ne vend pas ses services mais les offre à une Comtesse maltaise qui recherche son fils perdu. Tous les ingrédients pour un roman de cap et d’épée, des intrigues, des combats héroïques, un roman historique comme j’aime les lire comme ceux d’ Alexandre Dumas ou de Natoli. Cependant avec ce pseudonyme wagnérien on arrive dans Shakespeare ou le Grand-Guignol.

La Religion,  c’est ainsi que les Chevaliers de Saint Jean nomment l’Ordre de Malte, oppose le combat titanesque entre la foule de 40 000 soldats du Sultan qui se battent au nom d’Allah à quelques centaines de chevaliers et quelques milliers de Maltais et d’Espagnols au nom du Christ et du Baptiste. Fanatisme contre fanatisme. Mattias qui a combattu avec les deux camps est plutôt incroyant. Son maître à penser fut Petrus Grubenius, un érudit victime de l’Inquisition. Quand Tannhauser rencontre l’Inquisiteur Ludovico Ludovici, on comprend qu’une lutte sans merci opposera les deux hommes. Fanatisme, Pouvoir de l’Eglise contre tolérance et multiculturalisme (même si ce dernier mot est un anachronisme).

Ce livre violent et barbare est aussi une condamnation du fanatisme. Dire que les guerres de religions furent une boucherie sanglante et puante relève d’une démarche louable.  Est-il nécessaire de se complaire pendant 850 pages dans le sang et la merde?

La Promenade au phare/to the Lighthouse – Virginia Woolf

LECTURE COMMUNE

notre promenade au phare (par voie de terre!)
notre promenade au phare (par voie de terre!)

Enfin! avec beaucoup de retard, je termine cette Promenade, promise, retardée et finalement réalisée.

J’avais pourtant commencé pleine d’enthousiasme : les Lectures communes sont toujours des occasions de partage, de confrontation de nos impression, d’enrichissement. Virginia Woolf est une auteure qui m’intéresse. j’ai gardé une très forte impression d‘Orlando, si bien que j’avais acheté dans la foulée Les Heures et La traversée des apparences que j’ai sans doute lus (les livres ne sont pas neufs) mais qui ne m’ont laissé aucun souvenir. Troisième raison, non la moindre, j’ai beaucoup aimé Skye  où nous avions loué un cottage.

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Skye terre et mer

Peut être ai-je été présomptueuse, j’ai téléchargé en anglais, To the Lighthouse. Depuis que j’ai la Kindle avec ses 4 dictionnaires, la lecture en VO s’impose.

Lecture toutefois ralentie par la consultation des dictionnaires, je ne me contente plus de comprendre le sens général, je vérifie chaque mot inconnu. Lecture laborieuse, non du fait de la richesse du vocabulaire, mais à cause du nombre de personnages, je me suis perdue pendant tout le début du livre entre les nombreux enfants et les nombreux invités. A cause du style parfois répétitif. Une phrase peut se retrouver à plusieurs reprises. Il ne se passe rien de notable. Mrs Ramsay tricote une chaussette, raconte une histoire au petit James, se préoccupe du bien être de ses invités, s’inquiète du retard que prendra le dîner si les jeunes amoureux en promenade tardent….Mr Ramsay passe, interrompt la lecture à James…Mrs Ramsay reprend le récit où elle l’avait laissé, reprend le tricot….et moi je reprends la lecture. J’avais pourtant l’impression que j’avais déjà lu cela avant!

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un cottage à Skye

Je me lasse et prends Télérama, pour changer. Pourtant je suis incapable d’abandonner la Promenade. Je reprends ma lecture, pour l’interrompre avec le Monde…Et je reviens à Skye sans que rien de notable ne se soit passé. De fil en aiguille, la lecture a traîné. Est arrivée la Grande Guerre, de nombreux personnages ont disparu, Andrew mort à la guerre, Prue en couches, Mrs Ramsay, on ne sait comment. Je me suis familiarisée avec le livre, j’ai envie de poursuivre jusqu’au bout.

Que rajouter au billet très fouillé de Claudialucia?

J’aime beaucoup l’expression impressionniste qui décrit si bien le style de l’auteure, touche après touche, elle fait surgir l’impression générale, sans s’appesantir dans des analyses psychologiques. Impressionniste le roman, et peut être aussi la peinture de Lily Briscoe.

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Je me suis d’ailleurs plus attachée au personnage de la vieille fille avec ses yeux bridés et son visage un peu chafouin moins séduisante, mais tellement plus existante. Lily peint et sa peinture occupe une bonne partie du roman. Se mariera-t-elle avec William Bankes? Mrs Ramsay favorise ces rencontres. Je l’ai trouvé plus intéressante que la belle, la solaire, la merveilleuse hôtesse, la mère attentionnée de famille nombreuse, l’épouse modèle, parfois rudoyée. En creux, la personnalité de Mr Ramsay, le chef de famille, le professeur émérite, le père autoritaire, assez odieux. Les autres sont esquissés sans que je m’y sois vraiment attachée.

 

 

 

 

CRANFORD – A tale by MRS GASKELL

LITTÉRATURE ANGLAISE

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Elizabeth Gaskell (1810-1865)est moins connue que les Soeurs Brontë  ou que Jane Austen. C’est ma maman qui m’a confié le joli petit livre entoilé vert des éditions Collins quo’n lui avait offert en 1936. 305 pages d’un petit format illustré de quelques gravures….

Dans la préface, il est écrit que Cranford « nécessite un fauteuil confortable, un feu de bois, des rideaux tirés et une lampe douce ».

 Ambiance feutrée qui était celle des réunions des dames de Cranford, se réunissant pour boire le thé, jouer au cartes, et distiller des ragots. Il semble que la couleur des rubans de leurs coiffures, leurs broches, et la préséance dans la hiérarchie de la bonne société du village. Société essentiellement féminine, les hommes en sont bannis, à de rares exceptions.

Lecteurs de thrillers, de turn-pages, de sagas ou pavés, passez votre chemin. Cranford se déguste lentement, il ne se passe pratiquement rien dans ce village tranquille.  Les jeunes filles ont vieilli sans même s’en apercevoir. Un mariage semble une incongruité. Des souvenirs des disparus,  l’arrivée d’une Lady, d’un magicien, un vol de pomme ou d’un gigot d’agneau déclenchent des réactions disproportionnées. Et pourtant, c’est une lecture délicieuse. L’humour et l’ironie d’Elizabeth  Gaskell se savourent lentement. Les pointes anti-françaises, peu de temps après les guerres napoléoniennes, sont particulièrement acérées.

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J’ai d’abord eu l’impression qu’il n’y aurait pas ni intrigue, ni d’histoire. Lentement, l’auteur a présenté ses personnages, puis des personnages secondaires (masculins) sont arrivés  par effraction. On a vu revenir un ancien prétendant de Matty, qui a presque pris le deuil à son décès. La narratrice, l’amie de Matty, découvre l’existence de Peter, le frère disparu. L’auteur distille les indices, sans s’y attarder.

A la fin, la tragédie se noue. la naïve Matty se retrouve ruinée par la banqueroute de la banque. On est loin des tergiversations sur la couleur d’un turban ou d’un ruban. On a le cœur serré. Comment va-t-elle s’en sortir?

Lady Susan – Love & Friendship

UN LIVRE – UN FILM

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Charme, séduction, élégance.

Ainsi peuvent se résumer aussi bien le livre de Jane Austen, le film de Whit Stillman qui est l’adaptation du livre et le caractère de Lady Susan Vernon.

J’ai d’abord vu le film qui vient de sortir sur les écrans. Élégance du générique, présentation des personnages qui quittent le château de Langford, chevaux, voitures, ballet des départs et des arrivées à Churchhill la demeure de Charles et Catherine Vernon. Les dialogues sont légers, spirituels. Chacun et chacune rivalise de politesse surtout quand il s’agit de masquer les réticences et parfois les hostilités. Lady Susan, veuve, s’invite chez son frère, précédée d’une mauvaise réputation. Sans être la bienvenue, elle déploie un enthousiasme de façade pour ses neveux tandis que Catherine Vernon accueille sa belle-sœur avec une hospitalité convenue.

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Séduction, hypocrisie, art de la conversation. Reginald de Courcy, se laisse prendre au charme.

Légèreté, ironie, humour et même rire au dépend de la bêtise de Sir James Martin, « presque fiancé » de Frederica, la fille de Lady Susan. Bête « il n’est pas Salomon« , mais très riche, et beau garçon- bon parti inespéré pour Frederica, désargentée, qui ne serait ainsi plus une charge pour sa mère.

Les beaux châteaux irlandais (le film est irlandais) fournissent des décors merveilleux.

Musique parfaite. en harmonie avec les décors. Haendel, Vivaldi, Marc-Antoine charpentier, Grétry et Gossec…avec d’autres musiciens moins célèbres comme Sacchini, Vogel ou Jardin.

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Bien sûr, j’ai eu envie de lire le roman de Jane Austen.

Court roman épistolaire, dans un style élégant, très dix-huitième. Facile à lire pour moi, les tournures sophistiquées sont souvent dérivées du français. Je retrouve le ballet des missives, pas toujours bien réglé d’ailleurs, la variété des points de vue selon les personnages. Manipulations et intrigues que mènent de concert Lady Susan et son amie Alicia.

Belle, intelligente, séductrice, sans scrupules, mauvaise mère. Lady Susan doit-elle être blâmée? A-t-elle le choix ? Elle est désargentée,  veuve, contrainte de vivre au dépens de sa famille et de ses relations. A la fin du 18ème siècle , où se déroule l’action, ou même du 19ème (parution du roman posthume en 1871), les femmes sont enfermées dans un rôle mineur. Il faut donc une grande audace pour braver les conventions, choisir un, ou plusieurs amants, se jouer d’eux.