Le Neveu du Négus – Andrea Camilleri – Fayard

LIRE POUR L’ITALIE

Les romans historiques de Camilleri sont des lectures jubilatoires.  Même si je lis régulièrement et avec grand plaisir ses polars avec Montalbano je garde un souvenir inoubliables des rigolades du Roi Zozimo, qui m’a fait découvrir l’auteur et de tous ceux qui m’ont fait rire ou sourire. 

Sous couvert d’un roman épistolaire, échange de courriers administratifs , (avec entête du Ministère, de l’Ecole des mines, du commissariat…., numéro de référence, formules consacrées « Au nom du Duce! »  « Salutations fascistes, A NOI.. ») c’est une farce qui se déroule. 

 

« Je me présente : Porrino au rapport. – Qualité ? Motifs de votre venue ? On se dépêche. L’homme qui emploie
dix mots quand cinq suffisent n’a rien compris à l’esprit dynamique du fascisme. »

[…]
« On ne vous demande pas de comprendre, Porrino ! Tout ce qu’on vous demande, c’est de croire et d’obéir !
Ainsi que de combattre le moment venu ! »

Comme dans nombreux livres de Camilleri, l’action se déroule à Vigatà cité inventée par l’auteur qui a fini par devenir le second nom de Porto Empedocle. Le roman débute à la veille de la rentrée de septembre 1929 pour se terminer en janvier 1930., donc avant l’invasion mussolinienne de l’Abyssinie. Pour favoriser des négociations diplomatiques avec l’Ethiopie, les autorités fascistes exigent du Directeur de l’Ecole des Mines de Vigatà d’inscrire dans ses rangs un prince éthiopien Gfhané Solassié, neveu du Négus.

 « Dans ce cas, vous tempérerez la rigoureuse discipline fasciste avec un peu de bon sens romain. Les Romains faisaient marcher leurs légions invincibles en utilisant le bâton et la carotte ! Une punition aujourd’hui, une récompense demain. Compris ? »

Les échanges de courrier montrent les compromissions et les bassesses de tous les intermédiaires qui sont forcés d’avaler toutes sortes de couleuvres, de financer le train de vie princier du jeune homme et surtout d’éviter tout incident diplomatique, sous peine de sanctions lourdes et même de relégation et d’exil.

Par conséquent, le bon sens exige que tous les communistes, socialistes, anarchistes et subversifs encore présents à Vigàta, bien que déjà fichés, soient l’objet d’une surveillance accrue de la part des forces de l’ordre et que,pour les cas d’insoumission caractérisée et incontrôlable, l’on prenne les mesures de coercition qui s’imposent, détention comprise.

Et justement, le prince va leur faire subit un véritable cauchemar avec ses caprices, ses exigences burlesques, et ses dépenses inconsidérées. De peur de spoiler, je vous laisse découvrir ces aventures burlesques et vous promet beaucoup d’amusement. 

Camilleri s’est inspiré d’un fait historique : la présence à Caltanissetta du prince Brhané Silassié à l’Ecole des Mines de 1929 à 1932, qui mena grande vie et se couvrit de dettes. Evidemment le personnage de la farce est imaginaire. 

« Ainsi je le répète : si les faits principaux, tels que la tentative d’impliquer le prince dans les visées
expansionnistes de Mussolini, ses aventures amoureuses et le pied de nez final, relèvent de la pure invention, le climat général est authentique – une véritable stupidité collective à mi-chemin entre la farce et la tragédie qui, hélas, marqua toute une époque. »

Publié en 2010, ce conte drolatique serait il en 2023 politiquement correct alors que la mode est de supprimer le nom « nègre » par des paraphrases, et que la cancel culture chasse tout black face? Il me semble que la critique de la bêtise mussolinienne et du racisme fasciste l’emporte sur ces détails. D’ailleurs la couverture, une marionnette, donne tout de suite le ton.

 

 

 

Les Lions de Sicile – Stefania Auci

CARNET SICILIEN

Palerme :Quattro Canti

 

Un pavé de 555 pages lu en trois jours, les pages se tournent toutes seules.

Roman historique racontant l’Histoire de la Sicile, plus précisément celle de Palerme de 1799 à 1868 à travers la réussite de la famille Florio.

On s’attache aux personnages, Paolo et Ignazio, les négociants  en épices qui quittent Bagnara en Calabre pour Palerme. Vincenzo le fils de Paolo développe l’affaire familiale et lui donne un aspect industriel et même un rayonnement international. Ignazio, prendra les  rênes d’un véritable empire. Cependant, malgré leur réussite commerciale, ils ne parviendront pas à s’intégrer dans la  noblesse sicilienne et on leur reprochera leur origine calabraise, « des hommes de peine ».

De courts chapitres retraceront les évènements historiques. La République Parthénopéenne, révolution napolitaine (1799) et la fuite des Bourbons avec l’avancée de Bonaparte bouleversent les  équilibres aussi bien géopolitiques qu’économique avec l’importance stratégique de la Sicile pour l’Angleterre dans son  antagonisme avec la France de Napoléon. On assistera au retour des Bourbons, aux insurrections de 1848, à l’expédition de Garibaldi et à l’Unité Italienne. Les Florio qui deviennent de plus en plus influents participent à cette évolution politique.

Santa Catarina et la fontaine de la Vergogne

Ce roman raconte aussi l‘arrivée de la modernité sur Palerme. Transformation d’un commerce traditionnel d’importation de quinquina, clous  de girofle, cannelle, sumac en une herboristerie fréquentée par la meilleure société. Vincenzo découvre la Révolution Industrielle au Royaume uni, les usines textiles, les machines industrielles et importe des machines anglaises, transforme sa flotte de voiliers en bateaux à moteur à coque d’acier. Il diversifie ses activités :se lance dans la pêche au thon, monte une conserverie, produit et exporte du vin de Marsala…

Il y a bien sûr, dans la saga familiale des histoires d’amour.

J’ai eu grand plaisir à retrouver Palerme, à imaginer les décors intérieurs des palais que j’ai admiré en me promenant. Imaginer la vie des palermitains de toutes conditions, des marins et portefaix jusqu’aux nobles.

 

L’autre bout du fil – Andrea Camilleri

Le mois de Mai, Mois de la littérature italienne se termine avec Camilleri, L’autre bout du fil, dernier opus sorti en français de la série policière, dicté par l’auteur malvoyant. Je suis retournée avec grand plaisir à Vigata pour retrouver Montalbano et son équipe, Fazio, l’inénarrable Catarella et la trattoria d’Enzo. J’ai aussi souri à cette langue « le Camillerese » comme la nomme Serge Quadruppani dans une longue et affectueuse introduction sous forme de lettre ouverte à Montalbano. Loué sot ile traducteur qui imprime une saveur méridionale à sa traduction. Comme j’aimerais être meilleure italiénisante pour goûter à la VO! .Le commissariat de Vigata est épuisé par les arrivées nocturnes d’embarcations de migrants que les autorités et la population accueille avec bienveillance et lassitude. (le roman est paru en 2016 en Italie avant les horreurs de Salvini). Mais l’intrigue de l’Autre bout du fil se déroule en ville. La couturière Elena qui devait justement réaliser un costume à Montalbano est retrouvée assassinée dans son atelier à coups de ciseaux. L’enquête piétine d’abord jusqu’au rebondissement final (que je me garderai bien de vous dévoiler). Nous assistons à de nouvelles arrivées de migrants, savourons avec Montalbano la délicieuse cuisine locale d’Enzo et celle que Angelina lui prépare, entre pâtes à la boutargue, sardines marinées à l’orange, risotto…Existe-t-il un livre de recettes de la cuisine sicilienne de Camilleri?Catarella adopte le « chat-témoin » du meurtre, le perd, s’y attache – péripéties amusantes – mais hilarantes sont ses transformations des noms propres (bravo encore Quadrupani). J’ai bien ri. Je n’ai pas laissé le livre jusqu’à la résolution de l’affaire.Encore un excellent Montalbano!

LIRE POUR L’ITALIE

Le Toutamoi – Andrea Camilleri – Métailié

LIRE POUR L’ITALIE

L’œuvre de Camilleri ne se résume pas à la série policière avec Montalbano que je suis avec beaucoup de plaisir. Elle est diverse. J’aime beaucoup ses romans historiques :  le Roi Zozimo, la Révolution de la Lune, la Secte des Ange, etc… truculence et  bouffonnerie. Les derniers romans que j’ai lus sont aussi dans le domaine du roman noir : Intermittence, ou de la peinture avec Noli me tangere et La couleur du soleil. Le Toutamoi pourrait être classé « érotique« . 

Cependant, pour la première fois, c’est une déception. Je n’ai pas du tout aimé l’héroïne, Arianna, femme-enfant plutôt gâtée et capricieuse, narcissique et infantile. Je suis également mal à l’aise avec les histoires d’abus sexuel impliquant des enfants. L’histoire tourne autour d’une histoire de sexe mais c’est un sexe  mécanique.

Le livre se lit bien. La chute est inattendue. Je compte me rattraper avec Montalbano avec L’autre bout du fil que je viens de télécharger. 

Borgo Vecchio – Giosuè Calaciura – Sellerio

LIRE POUR PALERME

Ce court roman, une centaine de pages, est traduit en Français et édité par Noir et Blanc. Par inadvertance j’ai téléchargé la version italienne. J’ai pensé qu’un petit livre se lirait plus facilement. C’est sans compter la richesse du vocabulaire et le style dont j’en ai goûté la saveur en ayant recours plus que de coutume au dictionnaire.  Cette lecture lente m’a permis de passer un bon moment à Palerme que je connais un peu et qui me fascine.

Gemito

Tragique et burlesque.

Innocence du regard des deux enfants Mimmo et Cristofaro qui sont plongés dans une réalité sordide d’une violence sans limites où le vol, le chantage les coups, le meurtre font partie de la vie ordinaire. Couteau et pistolet sortent facilement de leur cachette.  Carmela, la pieuse putain, enferme sa fille dans une sorte de cage sur le balcon pour recevoir ses clients. Le quartier résonne des plaintes de Cristofaro que son père bat quand il est ivre.

Gemito : ils sont napolitains mais j’imagine un air de famille avec Mimmo et Celeste

 

Il est pourtant plein de vie, ce vieux quartier près du port. L’auteur nous fait sentir la proximité de la mer, l’odeur du pain, les effluves de la viande, des légumes du marché. Il se prépare à la fête paroissiale attendue avec impatience. L’auteur passe de l’action d’un véritable thriller à des moments de contemplation et de tendresse. Tendresse et naïveté de Nana, la jument, confidente des enfants.

Un concentré de poésie, d’action, de tendresse, un roman très noir aussi!

La Reine de Poméranie – Andrea Camilleri

LE MOIS ITALIEN

Avec un peu de retard dans la semaine italienne que Martine a proposée, un hommage à Camilleri qui nous a quitté il y a quelques semaines. L’oeuvre de Camilleri est diverse. Je suis par intermittence les enquêtes de Montalbano, je n’aime pas lire plusieurs épisodes à la suite, mais je ne me lasse jamais d’y revenir. J’ai un grand faible pour les ouvrages historiques(Le Roi Zozimo est mon préféré). Je découvre avec la Reine de Poméranie un nouveau registre : la nouvelle.

Le recueil, La Reine de Poméranie rassemble huit nouvelles, presque de courts romans

. Unité de lieu : Vigatà, bien sûr! Vigatà dans une période un peu floue entre les deux guerres, un peu avant, un peu après peut être. Les personnages appartiennent à toutes les couches de la société, des paysans très pauvres, aux notables. Toute la société de Vigatà : du maire à l’évêque, petits commerçants, tous se croisent dans le territoire exigu de Vigatà où tout le monde connaît tout le monde mais où certains secrets restent gardés pendant des générations ou sortent dans des lettres anonymes. mesquinerie et roublardise, mais jamais de pure méchanceté. Tous sont terriblement humains.

On sourit beaucoup, on rit aussi aux trouvailles naïves, aux inventions langagières . Comme j’aurais aimé le lire en sicilien! ( l’expérience récente du film Le Traitre a montré mes limites dans la compréhension du dialecte).

 

La Pyramide de boue – Andrea Camilleri

LIRE POUR L’ITALIE

Depuis un certain temps, je n’avais pas fréquenté Montalbano, préférant d’autres romans de Camilleri, j’aime bien espacer les romans d’une même série, puis les reprendre.

J’avais oublié comme c’était drôle, et encore bravo à Quadruppani, qui a su trouver les mots savoureux.

Mauvais temps sur Vigata! il pleut sans discontinuer et le sol est boueux,

« Le « fang » comme disait Catarella et peut-être n’avait-il pas tort, parce que la fange avait pénétré dans notre sang, elle en était devenue partie intégrante; la fange de la corruption, des dessous-de-table, des fausses factures, de l’évasion fiscale, des arnaques, des bilans truqués, des caisses noires, des paradis fiscaux, du bunga bunga… »

On a retrouvé un cadavre dans une canalisation, un cycliste qui est venu mourir là, dans la boue. On aurait bien voulu qu’il s’agisse d’une affaire de cocufiage. La femme du cycliste, une allemande, recevait des hommes, aux dires de la vieille voisine…

Montalbano s’oriente plutôt sur la piste des travaux publics, de la construction d’écoles…Mais je ne vais pas éventer l’affaire. A lire! un très bon cru.

Il n’y aura plus de nouveau Montalbano, mais je les ai pas tous lus

Iles Eoliennes

CARNET DU MEZZOGIORNO (SICILE)

Stromboli

L’excursion est bien organisée. Une navette vient nous chercher à 7h dans le virage juste à côté du cancello. Au port, à Tropéa, notre bateau n’est pas encore là, il est pris d’assaut dès son arrivée pour occuper les sièges du pont découvert. Nous trouvons des banquettes bien rembourrées en bas ; Dominique sera bien à l’ombre  et je bougerai tout le long de la traversée.

Trois îles au programme : Vulcano, Lipari et Stromboli.

Vulcano

Nous quittons Tropea , ses falaises et son église sur le rocher, le navire vire au large. Presque deux heures en pleine mer sans rien à voir ? Rien, si ! La guide crie d’excitation « Delfini ! » Je monte sur le pont. Toute une troupe de dauphins, je n’en ai jamais vu autant, ils sautent, font des pirouettes avec un mouvement d’ensemble, une véritable chorégraphie. Ils suivent longtemps le sillage du bateau et sautent dans l’écume. Evidemment, je ne réussis pas à les filmer, il y a toujours une tête, un bras, une perche à selfie dans le viseur. Ces selfies sont vraiment ridicules.  Que des adolescentes prennent la pose, c’est de leur âge. Quand il s’agit de Russes largement ménopausées, mais très apprêtées, qui se recoiffent et minaudent et qui s’échangent les clichés sur leurs téléphones, c’est affligeant. Parmi les passagers, il y a un bon tiers d’Allemands, autant de Russes et le reste des Italiens et de rares Français. Le voyage est commenté en Italien d’abord, puis en Anglais, en Russe et enfin en Français. La guide francophone, Manuela, est très sympathique et vient souvent prendre de nos nouvelles.

Un peu avant 10 heures, nous approchons de Vulcano et de Lipari qui sont voisines. Vulcano est un volcan, de son cratère blanchi on devine des fumerolles. Ses roches sont très colorées, rouge, jaune mais aussi turquoise et vert.

Bains de boue sur Vulcano

1h30 d’arrêt sur Vulcano. Au choix, des bains de boue chaude (+ de 35°C) 3€ l’entrée et 1€ jeton pour la douche ou une baignade gratuite sur la plage de sable noir. Je choisis la boue (j’aurais trop regretté se ne pas avoir sauté sur l’occasion) ; Un bassin contient une eau boueuse agitée de bulles, jacuzzi naturel. Seules les têtes de baigneurs émergent, ils ressortent couverts de boue(c’est le but de garder cette boue le plus longtemps possible, elle est censée guérir les affections rhumatismales ou dermatologiques). Pour simplifier les déshabillages je décide de me baigner en slip et soutien-gorge blancs, ils seront sales et gris de toutes les façons. La boue est vraiment diluée, rien à voir avec Lidia en Macédoine. Ce n’est pas une expérience exceptionnelle. Je respire les émanations sulfureuses et m’attarde devant les dépôts de soufre puis fils me débarrasser de la boue sous la douche. Je me suis rhabillée trop tôt : il existe un accès à l’eau de mer par des rochers noirs fumants ; J’aurais pu également me baigner dans la mer.

Affleurement de soufre

Quand j’arrive sur la plage noire, c’est trop tard. Je me contente de marcher les pieds dans l’eau. Le sable noir est recouvert par des graviers beiges par endroits. Avec ses installations de plage trop nombreuses, elle a perdu de son charme. Je flâne dans la rue pleine de boutiques qui proposent des blocs de soufre, des pierres ponces, de l’hématite et des bombes, ou plutôt des géodes coupées en deux. Galerie marchande sans intérêt qui vend aussi t-shirts, paréos et chapeaux pour les touristes imprévoyants. Je regarde avec envie le cratère fumant au-dessus du port ; pas le temps de s’approcher, il faut déjà remonter à bord.

Tour de LIpari

15 minutes de traversée entre Vulcano et Lipari où débarquent les passagers qui n’ont pas payé le supplément « tour de l’île »(10€). A petite vitesse le bateau s’approche des rochers spectaculaires dressés en pleine mer comme des colonnes géantes (60 m pour la plus haute) , ou rougeâtres de lave solidifiée en formes bizarres qui permettent d’imaginer un profil ou un cheval…couleurs changeantes passant du rouge au noir avec des traces vertes. Devant une petite arche un beau voilier blanc a jeté l’ancre. La piscine de Vénus est une piscine naturelle d’eau turquoise, on raconte qu’Aphrodite, après avoir trompé Héphaïstos, y aurait retrouvé sa virginité.  Le petit tour enchanteur a duré une heure.

Escale d’une heure et demie à Lipari pour déjeuner ou visiter la ville. Sur le port on trouve bars et terrasses des restaurants. La capitale de Lipari est une vraie ville.   La rue qui monte à l’acropole est construite de belles maisons de pierres avec des porches sculptés et des balcons aux ferronneries arrondies pour les robes à paniers des belles dames , nous sommes bien en Sicile ! Le symbole de Lipari est un cercle de fer forgé aux coins des balcons avec deux épées normandes qui se croisent et coupent les vents.

Lipari : port et Acropole

Acropole

Sur l’acropole est construit le château médiéval et une grande église baroque.  Je monte l’escalier théâtral jusque la cathédrale baroque en peinant un peu sous la chaleur de midi. Dans un jardin sont exposés les sarcophages antiques grecs ou hellénistiques. Un site archéologique livre des ruines grecques ou romaines. Différents bâtiments du château sont occupés par le Musée Archéologique : salles de Préhistoire, salles grecques et romaines, salle consacrée à la Géologie de l’île. Cela me passionnerait mais la billetterie est déserte. A un homme qui passait par là, je demande si le musée est ouvert ou fermé. Geste d’impuissance « pomeriggio… »

Lipari sous le signe du corail

La plupart des passagers sont allée au restaurant, je rapporte au bateau deux arancini. Comme il reste encore un petit quart d’heure je m’installe pour un café et mange une délicieuse glace pistache-citron. Il me faut courir avant que le marin ne retire la passerelle.

1h10 entre Lipari et Stromboli en longeant un moment Panarea (l’île de la jet-set) qui a donné son nom à notre bateau « Magic Panarea ». Face à l’île deux îlots rocheux. Je ne veux pas rater l’arrivée au Stromboli et monte sur le pont supérieur. Il approche , j’ai déjà pris une bonne dizaine de photos et j’étais d’abord impressionnée par ce cône parfait avec un cône plus récent emboîté ; quand soudain un panache s’élève : une éruption ? Je suis toute émue. J’avais presque oublié que Stromboli est un volcan actif ! Je guette les projections ; Une colonne de vapeur d’eau blanche s’élève, parfois une petite émission grise.

Au large de Panarea

 

En bas, Dominique profite de l’écume du bateau an premier plan pour faire des photos superbes.

En s’approchant encore, on voit une face gris plus foncé, pierrier géant des émissions récentes pas encore érodées. Je suis toute excitée. Sur les côtés la végétation a colonisé la pente et les coulées anciennes.

Stromboli et son panache

1h30 à Stromboli. L’ascension compte 3h à la montée et 2 à la descente, il faudrait rester une journée entière ou passer la nuit. Je visite donc le village de maisons blanches, cubiques avec des lauriers roses et des bougainvillées débordant des murs. Enseignes colorées. On se croirait dans les Cyclades. Tourisme de passage, tourisme sportif, vulcanologie. Ailleurs on louerait des voitures, des vespas ou des quads, à Stromboli on loue des chaussures, des bâtons de marches et des casques (j’avais oublié les bombes). L’église est baroque et toute blanche.Nuages baroques, lustre ,quel luxe pour une si petite paroisse. Les putti musiciens sont groupés par trois au sommet des chapiteaux, nous sommes bien en Sicile !

Stromboli

Plage de galets noirs, à structure spongieuse comme de la ponce ou des scories arrondis par la mer mais peu confortable pour s’asseoir, encore moins pour marcher pieds nus. Il me reste une bonne demi-heure pour nager dans une eau d’une transparence exceptionnelle, à l’ombre du volcan elle parait bleu foncé.

Stromboli et ses maisons blanches

1h30 pour rentrer au port qui passent très vite à trier nos nombreuses photos. L’équipage annonce au micro la répartition des passagers dans les navettes et les cars qui nous ramènent aux différents hôtels. C’est vraiment très bien organisé !

De retour au gîte sous une très belle lumière, je guette le coucher du soleil. Et le voilà encore : le Stromboli ! La visibilité est parfaite ; je retourne à la nuit tombée, espérant un feu d’artifice du « phare de la Méditerranée » mais c’est vraiment trop loin.

La Loi de la mer – Davide Enia

LE MOIS ITALIEN/IL VIAGGIO

 

« Ici on sauve des vies. En mer toutes les vies sont sacrées. Si quelqu’un a besoin d’aide, on lui porte secours. Il n’y a ni couleur de peau, ni ethnie, ni religion. C’est la Loi de la mer »

Ce n’est pas un roman. C’est un récit. Ce n’est pas un témoignage sur les débarquements et les sauvetages. C’est beaucoup plus que cela. Davide Enia passe quelques jours à Lampedusa en compagnie de son père. Davide Enia, écrivain, rencontre des gens et écrit. Son père fait des photographies.

« Il y aura une épopée de Lampedusa. Des centaines de milliers de personnes ont transité par cet île. Il manque encore une pièce dans la mosaïque, aujourd’hui : l’histoire de ceux qui migrent. Nous n’avons pas les paroles pour dire leur vérité. Nous pouvons nommer la frontière, le moment de la rencontre,montrer des documentaires sur les corps des vivants et des morts. Raconter les mains qui soignent et celles qui érigent des barbelés. Mais l’histoire de cette migration, c’est eux qui la raconteront, ceux qui sont partis pour aborder sur nos rivages à un prix qu’on n’imagine même pas. il faudra des années. Ce n’est qu’une question de temps mais c’est eux qui nous expliqueront leurs itinéraires et leurs désirs, qui nous dirontde ceux que les trafiquants d’êtres humains ont massacré dans le désert…’

Dans le récit, j’ai lu des pages terribles sur des naufrages, quelques pages joyeuses sur les arrivées de ceux qu’on a sauvés. Assez peu de rencontres avec les arrivants. Des dialogues avec les îliens et ceux qui s’investissent dans le sauvetage et l’accueil. Comme Franco, le menuisier qui fait des croix pour les tombes des inconnus, morts en mer ou échoués sur les plages. Comme ce plongeur de métier envoyé à Lampedusa pour les opérations de secours. Paola et Melo qui logent des touristes mais qui vont sur la jetée accueillir les arrivants. Vito, et son bateau. le fossoyeur qui fleurit les tombes….Il y a la mer avec ses naufrages mais aussi le plaisir de la baignade.

Ce n’est pas un reportage journalistique comme nous en avons lus beaucoup. C’est un livre personnel sur la relation entre un père et son fils. Relation entre un homme et son frère, Beppe atteint d’un lymphome. Les deux sont médecins. Ils sont donc très conscients de ce qui arrive. La mort est très présente, dans les naufrages, mais aussi dans la maladie de Beppe, le deuil de Toto, mort récemment d’un cancer. Et pourtant ce n’est pas une lecture pesante. Il y a beaucoup de tendresse et de joie de vivre.

C’est aussi le livre d’un Sicilien très attaché à son île, à sa langue ; nombreux sont les mots siciliens que je n’aurais jamais compris sans la traduction. Attaché aussi aux caractères et aux traditions de ces hommes taiseux pour qui le langage des corps est presque plus bavard que les rares paroles.

« Le Sud souffre d’une difficulté à communiquer venue d’une culture où se taire est une preuve de virilité »

Le thème de la photographie est abordé. Cela me parle parce que c’est le troisième dans cette rentrée littéraire 2018. La photographie est aussi une manière entre le père et le fils de communiquer mais là, c’est avec le grand-père…

Un livre court (236 pages) mais très riche, en émotions et en thèmes abordés. Un livre personnel d’un auteur qui m’avait déjà scotchée Sur la terre comme au ciel, une histoire de boxeurs alors que la boxe et le sport en général m’indiffèrent. Alors que dans celui-ci, larrivée des migrants à Lampedusa m’interpelle depuis longtemps

« On n’échappe pas à la guerre en montant dans un avion. on s’enfuit à pied et sans visa puisque personne n’en délivre plus. Quand la terre finit, on monte dans un bateau. Et cela revient à remonter à nos origines, à la source d’où jaillit encore l’eau qui nous abreuve. C’est toujours la même histoire. Une jeune Phénicienne s’échappe de la ville de Tyr, elle traverse le désert tout entier, et puis ses pieds n’avancent plus parce qu’elle est devant la mer. Là elle rencontre un taureau blanc qui baisse le tête et la prend sur son dos, et devient la barque qui sillonnera la mer pour l’amener en Crète. Cette jeune fille s’appelle Europe. C’est de là que nous venons. Nous sommes les enfants d’une traversée sur l’eau. »

 

Beati Paoli t3 : Coriolano – Luigi Natoli

IL VIAGGIO : LECTURE COMMUNE 

Coriolano

Pavé de l’été (644p)! 

J’ai pris un plaisir de lecture presque adolescent, comme à 12 ans les 3 Mousquetaires, ou Le Comte de Monte Cristo. Je me suis laissé embarquée dans les enlèvements de la prisonnière d’un couvent, dans les conspirations et coups tordus des parents de Giovanna, les recherches des titres de noblesse de Cesare….et bien sûr les amours contrariées, les duels, les réunions secrètes…

Je ne me suis pas lassée de ce feuilleton interminable (après les 2 premiers tomes,  1870 p) parce que je me suis promenée avec un  plaisir toujours renouvelé dans Palerme. J’ai préféré ce dernier épisode parce que le contexte historique et presque révolutionnaire avec l’accaparement des grains par les spéculateurs est particulièrement bien évoqué.

Comme j’étais curieuse de la véracité des faits, je me suis documentée sur Luigi Natoli : site de l’éditeur Métailié ICI 

J’ai été étonnée de ce que ce roman qui ressemble aux romans romantiques du 19ème siècle ait été écrit au 20ème siècle. Luigi Natoli était journaliste et historien, on peut lui faire confiance pour la vérité historique.

Un autre point de vue celui de l’Humanité qui rattache les Beati Paoli à la Mafia ICI

trouvé sur Youtube :

Et bien sur comme c’est une lecture commune : un lien vers le blog de Martine : ICI