L’autre bout du fil – Andrea Camilleri

Le mois de Mai, Mois de la littérature italienne se termine avec Camilleri, L’autre bout du fil, dernier opus sorti en français de la série policière, dicté par l’auteur malvoyant. Je suis retournée avec grand plaisir à Vigata pour retrouver Montalbano et son équipe, Fazio, l’inénarrable Catarella et la trattoria d’Enzo. J’ai aussi souri à cette langue « le Camillerese » comme la nomme Serge Quadruppani dans une longue et affectueuse introduction sous forme de lettre ouverte à Montalbano. Loué sot ile traducteur qui imprime une saveur méridionale à sa traduction. Comme j’aimerais être meilleure italiénisante pour goûter à la VO! .Le commissariat de Vigata est épuisé par les arrivées nocturnes d’embarcations de migrants que les autorités et la population accueille avec bienveillance et lassitude. (le roman est paru en 2016 en Italie avant les horreurs de Salvini). Mais l’intrigue de l’Autre bout du fil se déroule en ville. La couturière Elena qui devait justement réaliser un costume à Montalbano est retrouvée assassinée dans son atelier à coups de ciseaux. L’enquête piétine d’abord jusqu’au rebondissement final (que je me garderai bien de vous dévoiler). Nous assistons à de nouvelles arrivées de migrants, savourons avec Montalbano la délicieuse cuisine locale d’Enzo et celle que Angelina lui prépare, entre pâtes à la boutargue, sardines marinées à l’orange, risotto…Existe-t-il un livre de recettes de la cuisine sicilienne de Camilleri?Catarella adopte le « chat-témoin » du meurtre, le perd, s’y attache – péripéties amusantes – mais hilarantes sont ses transformations des noms propres (bravo encore Quadrupani). J’ai bien ri. Je n’ai pas laissé le livre jusqu’à la résolution de l’affaire.Encore un excellent Montalbano!

LIRE POUR L’ITALIE

Le Temps des hyènes – Carlo Lucarelli – Métailié

LIRE POUR L’ITALIE

Un polar Erythréen ou un polar Italien?

Les deux mon capitaine!

Le capitaine des carabiniers royaux, Colaprico est chargé d’une enquête concernant le meurtre (ou le suicide) de trois « indigènes » et du marquis Spérandio, pendus aux branche du sycomore d’Afelba.  Il est accompagné de son « bachi-bouzouk » abyssin, Ogbà.

Nous voici transportés dans la Corne de l’Afrique, colonie italienne. Chaleur accablante et orages de la saison des pluies, pistes poussiéreuses, plantations. Ambiance coloniale, casernes, bordels, alcool, racisme…Vie rurale africaine : traditions, costumes, cuisine. Une leçon de cuisine extraordinaire au foyer d’Ogbà, quand la femme de ce dernier veut honorer le capitaine, son hôte d’un soir.

Roman italien d’une Italie tout juste unifiée avec des provinces bien identifiées par leur dialecte. Comme je regrette que mon faible niveau d’Italien ne me permette pas de goûter les nuances dans les parlers de Romagne, de Livourne, Turin ou Naples! Lucarelli insiste sur les différentes prononciations.  Les jurons doivent être savoureux pour les linguistes. Ces nuances langagières ont leur importance dans la résolution de l’enquête, aussi bien en tigrigna (la langue locale) qu’en Français…

L’histoire italienne ne se résume pas à la colonisation de l’Afrique. En filigrane, on devine Garibaldi, et les républicains italiens, la mafia sicilienne et ses « morts qui parlent« (les vivants n’étant pas bavards).

C’est surtout un polar avec ses mystères, ses rebondissements, les violences et les cadavres qui se décomposent vite. Si Colaprico est un grand lecteur de Sherlock Holmes, c’est plutôt Ogbà qui réfléchit et résout les énigmes.

« il préférait réfléchir, le tarbouch en équilibre au bout d’un doigt et les soies bleues du gland qui lui fouettaient la paume ouverte de l’autre[….]

A voir l’affaire ainsi, elle semblait b’ghez, évidente. mais aussi zegherherrim, étrange. 

Forcément : kem negher zeybabriawi yelen

Il n’y a rien de plus trompeur que l’évidence.

 

There is nothing so unnatural as the commonplace. 

Putain, Ogbà, putain…tu l’as encore fait! tu as cité Sherlock Holmes