margouillats, éperviers et tortues, 2ème après midi à Helvetia

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Margouillats

Collation au bungalow : avocat, mangue et yaourt.

J’attends la visite de Sébastien, le guide de Sandotour. Deux margouillats font leur apparition sur la terrasse. La femelle, grise et gracile, le mâle avec sa curieuse tête orange greffée sur un corps noir. Ils sont très amusants : on dirait qu’ils font des pompes, leurs épaules sont presque humaines.

Une visite

Sébastien,n’arrive pas seul : il est accompagné par une touriste française qui souhaite partager  la 4X4 de Natitingou. Financièrement, c’est une bonne affaire. Nous avons l’impression qu’on nous impose des équipières qu’on n’a pas choisies.
A la plage

A 18heures, les parasols se sont vidés sur la plage du Jardin Helvetia. Les 4X4 énormes et les grosses voitures rutilantes des Européens expatriés quittent le parking. Diane et le jeune serveur ont traversé à nombreuses reprises la route, portant des plateaux avec des bières, des cafés et autres rafraîchissements.

Quand je vais à l’eau, une Française se baigne. J’espère qu’elle va plonger dans la vague et me montrer le chemin. Elle se contente d’attendre la vague et de reculer quand l’onde est trop haute.

Maintenant que le soir tombe, je peux reprendre ma promenade sur le sable mouillé à la limite de l’eau, là où l’écume mousseuse arrive et se retire avec force. Le ciel est gris opalescent. Les cocotiers au loin, sont noyés dans une sorte de brouillard. Des petits crabes presque transparents courent de côté et sont balayés parla vague suivante.
Un rapace plane, puis deux. Encore l’épervier ? Plutôt une buse.

Les tortues viennent pondre en avril et en mai sur cette plage. Deux carapaces sont exposées au restaurant, portant des slogans pour leur protection. Heiner et Moronikê se désolent : ici on mange les œufs. L’espèce est pourtant protégée. La misère est si grande ! Ils mangent aussi les chats.
Dîner
Au dîner : salade carottes maïs et salade verte, poisson en papillotes accompagné de courgettes sautées au persil très parfumé, bananes plantain caramélisées épinards délicieux. Pour dessert une part de tarte avec une boule de glace moka maison.

Nous dînons à la table voisine de celle de nos hôtes et bavardons familièrement d’une table à l’autre. Heiner nous explique le déroulement de l’excursion prévue à Ouidah.

Porto-Novo : Songhaï, Institut d’Agriculture biologique

  BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Thierry traverse  Cotonou par le chemin de la plage calme entre les jardins, puis par les quartiers des bâtiments officiels avec leurs murs débordant de bougainvilliers et les beaux arbres de l’Ambassade de France. Nous passons devant le port avec sa grande file de camions. Cela me fait plaisir de reconnaître les lieux – je révise Cotonou – Nous arrivons dans la pollution infernale, le bruit, les motos chinoises… enjambons la lagune sur le vieux pont.

La route pour Porto Novo et le Nigeria est encombrée de toutes sortes de véhicules. C’est une route à péage . À l’entrée des villages, des ralentisseurs
–  « C’est à cause des Nigérians qui conduisent comme des sauvages ! » s’exclame Thierry.
Sentiment universel que le dénigrement des voisins !

Songhaï : agriculture bio
L’Institut Songhaï,est nommé d’après l’empire prestigieux s’étendant sur les bords du Niger au 15ème siècle.

Le fondateur de cet institut de formation agricole est un dominicain originaire du Nigeria, passé par les Etats Unis. N’importe quel adulte, pourvu qu’il parle le français,  peut y étudier. Des stagiaires venant de toute l’Afrique de l’Ouest, y sont également accueillis.

les écoliers de Sakété

Nous faisons la visite avec un groupe d’écoliers de Saketé encadrés par la directrice de l’école, une maîtresse et un informaticien : Monsieur Samson.

Soja

 

pasteurisation du lait de soja et du jus de gingembre

La visite commence par la pasteurisation du lait de soja dans la toute petite cuve d’un four de terre, loin des industries agro-alimentaires modernes. Le principe est que les agriculteurs doivent pouvoir appliquer dans leur village, immédiatement, ce qu’ils ont appris. Dans un autre bâtiment, une petite usine d’embouteillage a un autoclave plus moderne. Songhaï commercialise ses sirops et ses confitures. Ils doivent être excellents puisque Heiner m’a fait une commande. Yaourts et fromage de soja sont fabriqués dans un autre atelier.
pisciculture

Traitement des eaux usées par lagunage et pisciculture : on élève lees alevins dans les canaux

Dans les bassins, on élève des tilapias et des poissons-chats. Les oies et les canards, normalement associés à ces bassins, sont enfermés – grippe aviaire oblige.
pas de volailles!

poulaillers vides pour cause de grippe aviaire

Nous verrons donc les poulaillers à clair voie où on élève les poussins et les pintades, vides .

Les plantes associées à ces élevages sont intéressantes : le Moringa (sorte d’acacia) est très riche en protéines. On donne ses feuilles aux volailles, mais elles sont également consommées par les humains et guériraient même la malaria. Autre recette contre le palu : les feuilles de papayer triturées avec du citron. L’élevage est placé dans son contexte écologique en association avec des plantes.

Digesteur et production de méthane

Tout est recyclé. La fiente des oiseaux dans les cabanes sur pilotis sert d’engrais. Elle sert également à la production de méthane avec les déjections des porcs. L’installation également est « faite maison ». Le manomètre est un simple tube en U. le compresseur relié aux citernes est très simple. Même les brûleurs de la cuisine de la cantine sont forgés à Songhaï. On imagine des villages autonomes du point de vue énergétique avec digesteur à méthane et panneaux solaires !
penisettum et Agoutis

Dans les enclos, la grippe aviaire a chassé dindons et pintades, mais on nous montre la plante dont ils se nourrissent le Pénnisetum qui ressemble à de la canne à sucre. Les agoutis en mangent la tige. Pas de grippe des rongeurs ! On nous montre donc les agoutis. Les plus gros pèsent 8 à 10 kg et  ressemblent à s’y méprendre à des ragondins.

cailles

Les cailles sont élevées pour leurs œufs qu’on vend au magasin. Elles sont épargnées des mesures d’éviction qui frappent les poulets puisqu’on assure la reproduction sur place. (Les poussins des poulets sont achetés en France et au Nigeria frappés par H5N1).
Riziculture

 

riziculture : le riz est cultivé, étuvé, conditionné sur place

La riziculture commercialise un riz coloré, étuvé avec le son puis décortiqué. Culture du soja avec tous ses sous-produits : huile, lait, tourteau.

Retour à la pisciculture avec les alevins de poissons chats,  fécondation artificielle, les alevins sont élevés dans les canaux de drainage et dans les eaux usées épurées par les jacinthes d’eau (en fleur : hautes hampes florales bleues rappelant les jacinthes de chez nous) . Les tiges des jacinthes vont dans le digesteur pour la production de méthane. Ici, rien n’est perdu !

Escargots
On élève les escargots sous les bananiers. Cachés sous la paille, ils mangent du son et des épluchures d’ananas.
Asticots
L’élevage des asticots et la production du compost complètent le recyclage.

Le génie de cet institut est la simplicité des techniques reproductibles dans presque n’importe quel village sans avoir recours à un outillage spécialisé, sans engrais artificiel, en parfaite harmonie avec l’environnement et presque en autonomie. Tout à l’opposé de l’agriculture industrielle consommatrice d’engrais et d’énergie polluante. Ici, Tout est recyclé et il y a création d’énergie. Cette visite est passionnante. Je prends des notes sans relâche pour ne rien laisser échapper.

Le Palais des Rois de Porto Novo en compagnie des enfants de Sakété

les enfants de Sakété ont revêtu leurs plus belles tenues pour faire du tourisme

24 dans un minibus!

Les enfants en excursion scolaire,sont arrivés arrivés à bord d’un minibus rouillé où ils se sont entassés  21 enfants, leurs 3 accompagnateurs, le chauffeur et son aide. Les enfants ont revêtu leurs plus beaux atours pour l’occasion. Les petits sont habillés à l’africaine avec des tissus multicolores à grands motifs. L’un d’eux à dominante violette, est à la gloire de je ne sais quel diocèse : églises et croix dans des médaillons de 15 cm de diamètre. Les plus grands sont en costume cravate. Un autre est vêtu de satin blanc. Les filles portent des coiffures sophistiquées, chignons à boucle (à 8 ans !) ou tresses compliquées. Ils sont étonnamment sages et appliqués. Chacun a apporté un cahier et un stylo pour prendre des notes. Leurs accompagnateurs les tancent :« Ecrivez ! » Ils écrivent : les noms des plantes en latin, les variétés des poules pondeuses. Intimidés, aucun ne pose de question, aucun ne bavarde. Ils écrivent sagement.

Ecrivez! dit la Maîtresse

D leur a parlé de la fête d’anniversaire de son collège et du lâcher de ballons . Elle les photographie. L’accompagnatrice en chef est une très belle femme, très bien coiffée, avec une robe africaine aux découpes ingénieuses, et manches à crevés. La dame plus vieille surveille que les petits écrivent bien. Monsieur Samson est beaucoup moins zélé. Il se fait reprendre par la responsable à cause de l’oreillette de son  téléphone qu’il a gardée. Il cherche toutes les occasions pour se distraire en nous  faisant la conversation. Il est informaticien et veut développer un centre de formation à l’informatique. On pourra donc lui envoyer les photos par Internet. Vu le volume ce ne sera pas une mince affaire !
Nous terminons la visite par la case des champignons (pleurotes) et par les caïmans.

 

 

Le Palais des Rois de Porto Novo

 

Sculptures métalliques et photos de groupes dans la cour du Palais
Nous visitons avec les enfants le Musée Royal ou Musée Honmé. Les photos ne sont permises que dans la cour. D organise des séances de photos de groupe autour des sculptures métalliques. Les petits (en particulier deux jumeaux) sont adorables. Les filles avec leurs belles robes et les plus grands sont un  peu gauches. Le guide supporte avec impatience nos initiatives. Il nous les fera payer en refusant de nous raconter l’histoire du chasseur de crocodile et du lapin  (on peut acheter l’opuscule à la boutique).

Dynastie
Les  rois de Porto Novo se sont succédé  de 1688 à 1976 (25 rois).

Arrêt devant une sorte d’autel.
 » Le Palais est encore vivant puisqu’on y pratique encore des cérémonies » annonce le guide.

les épouses du Roi

La visite commence par la cour des Reines, aux arcades ouvertes autour d’un bassin, pour les ablutions. Le roi avait une centaine d’épouses. Tous les 21 jours, la Reine Mère venait chercher 2 reines. Après la toilette les reines, elles arrêtaient le programme de la journée, le soumettaient à la Reine Mère.

A la mort du roi, ses femmes l’accompagnaient dans l’au-delà, empoisonnées et enterrées.

Le Palais date du début du 19ème siècle. A partir de 1882, sous Protectorat français, la royauté est supprimée et devient la Chefferie supérieure qui ne sera abolie qu’en 1976, quand le Bénin deviendra marxiste léniniste.

Cour du Conseil

Les étrangers attendaient dans le Couloir d’attente où l’on détectait  s’ils étaient de bonne ou mauvaise foi. Dans la Cour du Conseil, les ministres étaient réunis sous la divinité protectrice. Dans une cérémonie, on  immolait des animaux pour donner à manger et à boire aux esprits des morts.

Dans la salle des Repas du Roi, seuls partageaient le repas, sur une natte, ceux qui avaient conclu un Pacte de Sang. Dans la cour, le Roi invitait ses amis à jouer à l’awalé. Mais gare à celui qui s’avisait de gagner !

Reine mère et vierges

Un autre personnage important était la Reine Mère qui n’était pas la Mère du Roi mais plutôt une de ses tantes, ménopausée. Salle des Gozins, des jeunes filles vierges en étaient chargées de transporter l’eau sacrée dans des cruches : les gozins.

La Chambre Noire

Enfin, la Chambre Noire était réservée au Roi qui devait mourir après l’avoir visitée. Un seul Roi l’a utilisée : le dernier, dépassé par la Révolution en 1976, trahi par ses propres parents qui faisaient partie des CDR. Il a préféré se suicider pour sauver son honneur.

Pendant cette longue visite, les enfants sont toujours aussi appliqués. D en a marre et s’amuse à semer la pagaille en distribuant des chicklets. Certains se laissent tenter. L’un des petits jumeaux, sage comme un pape, l’ignore et continue d’écrire sagement. Ceux qui acceptent font la révérence en guise de remerciement.

Dans la vaste cour où le roi rencontrait le peuple, est dressée une estrade pour y représenter des spectacles. Le guide montre où se tenait le Roi. Justement un môme vêtu de jaune et vert se tient là.
–    « C’est toi le roi ! » affirme D.
Le gosse se rengorge.
A notre programme : le Musée Ethnographique. Il est passé 13 h, nous avons piétiné et n’avons plus la force ni la patience d’envisager une nouvelle visite. De plus nous sommes accablées de chaleur. Thierry fait un tour de ville en taxi pour chercher les belles maisons coloniales et brésiliennes des cartes postales (vraiment mal conservées).

Nous rentrons à 15h30 à Helvetia. Trop tard pour commander une salade.

Collation de yaourts et de fruits. Les vagues sont toujours aussi impressionnantes. J’attends la vague, laisse l’écume m’éclabousser et me tiens bien droite pendant le reflux. Notre nouvelle voisine est une jeune Allemande qui revient d’un séjour de trois mois dans le nord du pays consacrés à un travail de recherche conjuguant botanique et sociologie : la cueillette du bois de chauffage par les femmes cause-t elle des dégâts écologiques ? Elle croit pouvoir affirmer que non. Le prélèvement serait raisonnable et n’affecterait pas trop les arbres de cette région de savane. Je l’interroge sur le nord. Elle affirme que nous allons voir plein d’animaux à la Pendjari. Je suis ravie.
Comptes avec Moronikê : la location du téléphone portable de Willy nous reviendra à 16 800CFA, l’excursion à Ganvié, 30 €. Nous confions les objets précieux et l’argent des ballons, puis distribuons le pourboire au personnel.
Au menu de notre dernier dîner : avocat, brochettes de bœuf fondantes et une tarte aux pommes digne des meilleures pâtisseries,  Nous restons longuement sur notre terrasse dans l’obscurité. Que nous réserve demain ?

La Route des Pêches jusqu’à Ouidah

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Cocoteraie route des pêches

Le taxi suit la Route des Pêches à petite vitesse. Sables et trous, c’est un miracle qu’on ne s’ensable pas. Sur la plage, de grandes pirogues délavées attendent je ne sais quelle fortune. Photos des cocotiers et des paillotes. Plus loin, une vingtaine d’hommes tirent un filet. La corde est accrochée au tronc d’un cocotier. Ils travaillent dur. On n’ose pas les approcher. Des enfants assis crient quelque chose à Thierry. Traduction : « On  va te fracasser la voiture ! ». Joignant le geste à la parole, ils font voler du sable.

Village de paillotes

Plus loin, un autre village de paillotes. Rien du monde moderne ne perturbe l’ensemble. Les murs d’enceinte sont de palmes tressées, nervures verticales, chaque palme est tissée avec la voisine. Dans les cours, quelque verdure, peut être des papayers. Du côté de la route des petits auvents très simples : quelques piquets fichés en terre, un toit de chaume ou de cocotier.

A l’ombre, des femmes sont accroupies autour de marmites avec les tout petits nus. Tas de coquilles d’huîtres. Elles viennent de la lagune. On concasse les coquilles pour vendre la poudre comme provende aux poulaillers. Pas de cultures ni de jardins. Les villages vivent exclusivement de la pêche. Les femmes fument les poissons qu’elles iront  vendre à Ouidah ou même à Cotonou. Des taxis jaune et vert les emmèneront au marché. Elles portent d’énormes bassines métalliques. La plastique n’a pas encore fait apparition.

arrêt photos

Des femmes assises avec leurs enfants le long d’un mur m’appellent. Je m’exécute « 100 francs ! ». Problème, je n’ai pas de monnaie. Distribution de chewing-gums aux enfants qui se massent près de la voiture, et  portraits de sourires aux dents blanches et yeux brillants. En Egypte, on réclamait les chicklets. Ici, ils veulent « de l’argent pour manger». Ils doivent tout acheter : pas  même des mangues.

Cocoteraie route des pêches

Ouidah : Fort Portugais, Forêt sacrée et Temple des Pythons

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Arrivée à Ouidah par la Porte du Non Retour

Porte du Fort Portugais

La route des Pêches arrive directement à la Porte du Non Retour – arche rose encadrée de sculptures métalliques. Une autre arche est  la Porte du Jubilée de l’an  2000 commémore l’arrivée des missionnaires en  Afrique de l’Ouest. La silhouette du Bénin évidée,  est précédée d’une croix.
La route qui mène à la ville est bordée de statues mais Thierry ne s’attarde pas. La Route de l’Esclavage est prévue en fin de visite.

Nous franchissons la lagune très peu profonde. A l’écart se trouve le village des sauniers qui vendent le sel de la lagune dans de petits bols.

 

Ouidah : le Fort Portugais

ouidah : fort portugais

Le Fort Portugais ne ressemble pas à un fort, mais à une maison coloniale aux murs blancs. Un petit azulejo rappelle le Portugal. Dans la cour,  de splendides manguiers  et un frangipanier sont en fleurs. Fond sonore : musique en portugais. Le guide est d’origine brésilienne, grand, mince, vêtu à l’africaine, très distingué.
Les Portugais après l’Indépendance en 1961, à  l’époque de Salazar, ont brûlé le fort et les archives plutôt que de les laisser.
Le Musée ne contient que peu d’objets originaux mais il expose des photos intéressantes, cubaines et brésiliennes comme celles de l’exposition du Musée Dapper. Ici, point de visite de Chirac mais  de Lula.
Je suis surtout impressionnée par les chaînes des esclaves, entravés non aux pieds, comme je l’imaginais mais par le  cou. La Jarre percée de plein de  trous symbolise l’unité nationale : de nombreux doigts sont nécessaires pour boucher toutes les ouvertures. Les tambours annonçant la mort du roi sont de curieuses poteries qui résonnent quand elles sont frappées d’un chiffon. Un autre tamtam sacré est impressionnant : il est utilisé seulement par les orphelins, l’orphelin de mère tape de la main droite l’orphelin de père de la main gauche, il annonce la mort des parents.

 

Ouidah : Vaudou, Forêt Sacrée et Temple des Pythons

sakpata dieu variole

 

Devant la Forêt Sacrée, attendent deux cars d’écoliers en excursion.  Lundi de Pâques et la  fête du Mouloud coïncident, c’est donc férié. La Forêt sacrée n’est plus réservée aux initiés. Depuis 1992,  cet endroit est ouvert aux touristes pour présenter les dieux Vaudou.

Un arbre immense, l’Iroko, est entouré de nombreuses statues des divinités : Legba, avec ses cornes, le Dieu du Tonnerre etc.… Certaines statues sont modernes, faites de ferraille récupérée (phares de voitures, chaînes de vélo, boulons…). D’autres  plus naïves, ont des silhouettes courtaudes, pieds et jambes exagérément lourds, attributs colorés en rouge vif ou en bleu roi.

dieu du tonnerre crachant le feu

Notre guide, Anicet, explique patiemment le panthéon vaudou, raconte des anecdotes et chantonne . Son visage, comme celui de nombreux hommes ici, est orné de scarifications verticales, sur le front, coupant les sourcils, sur les pommettes. Cette religion est difficile à appréhender. Qu’un roi se transforme en arbre immense Iroko, est très poétique. Le drap taché d’œuf et de sang, à l’entrée du Temple des Pythons, est plutôt répugnant.

Temple des Pythons

 

 

Le Temple des Pythons comporte plusieurs cours avec de petites cases réservées aux prêtres et aux initiés, seulement fermées par un drap. Le bâtiment des serpents est plus important avec ses portes de bois. A l’intérieur 50 serpents sont entassés. Le jeune guide en prend un assez petit d’un mètre cinquante environ, le met autour de son cou. C’est un animal très lent, très doux. J’ai envie de caresser ses écailles fines et douces. Il est tiède. Je demande au jeune homme de me le passer autour du cou. Il darde sa petite langue. Ce contact me plait.

 

Ouidah : la route de l’Esclavage

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place des enchères

Pèlerinage, 4km,  de la place des Enchères à la Porte du Non retour.

Place des enchères
La Route des Esclaves  commence place Chacha – surnom de Francisco de Souza, personnage très ambigu, marchand d’esclaves portugais qui aida à faire revenir du Brésil la mère du roi, dont Chatwin s’est inspiré dans Le Vice-roi de Ouidah. Cette place ornée maintenant d’un très bel arbre, était la Place de la Vente aux Enchères.

La route vers la mer, dernier parcours en Terre d’Afrique

 

Ici, commençait le calvaire de ces malheureux. Calvaire marqué par des statues, comme autant de stations d’un chemin de croix historique. Histoire tragique, qu’Anicet et Thierry nous content avec émotion. Les statues présentent pour la plupart les attributs des rois du Dahomey, le Martin Pêcheur, le Tamtam du roi détrôné, le Lion…

arbre de l'oubli

L’arbre de l’Oubli
Les esclaves faisaient 7 fois ou 9 fois le tour  de l’Arbre de l’Oubli pour prendre congé de leurs souvenirs  d’Afrique.

Zomaï

ouidah zomai

Case hermétiquement close où l’on enfermait les esclaves pour les préparer à la traversée dans la cale du bateau. On visite aussi L’Aire du Marquage et la Fosse commune où furent enterrés ceux qui mourraient avant le départ.

Arbre du Retour

Enfin, l’Arbre du Retour figure  retour de leur âme immatérielle en Afrique tandis que leurs corps resteraient en Amérique.
Porte du Non Retour

Nous sommes arrivés à la plage d’où s’embarquent les esclaves pour l’Amérique.

La Porte du Non-retour

De nombreuses statues jalonnent la route jusqu’à la Porte du Non Retour. J’accompagne Anicet jusqu’aux deux bornes qui figurent l’esprit des morts. An fin de parcours nous sommes tous remués par ces souvenirs tragiques.

J’offre à Thierry et à Anicet un Fanta orange. Il fait très chaud. Nous avons hâte de rentrer.

Après midi tranquille à Helvetia

Diane nous apporte au bungalow deux salades : niçoise et poulet. Nous nous reposons pendant les heures où la chaleur est la plus intense, avant de terminer l’après midi à la plage. Les vagues interdisent la baignade. Je me  promène dans l’écume blanche en laissant mon esprit vagabonder à la lisière des vagues avec grand plaisir.

Au dîner : salade niçoise, côte de porc valaisanne accompagnée de courgettes et de plantains, pour finir, une glace moka maison. Moronikê nous livre ses secrets de cuisine. Ses épinards sont cuits à l’étouffée avec très peu d’eau (1dl) parfumée au bouillon de volaille et de l’oignon. Les courgettes sont blanchies 3 minutes avant d’êtres sautées avec du beurre et du persil.
Les moustiques font leur apparition. Je déserte la terrasse du bungalow pour écrire sous la grande paillote plus près de la mer et plus aérée, où il n’y en a pas.

voyage Cotonou/ Abomey en Taxi-brousse

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sur les routes béninoises (photo Damien)

Négociations

Thierry se charge de négocier, à la station de taxi,  un siège arrière dans un taxi collectif pour nous seules. Le tarif Cotonou-Abomey est de 1500 CFA mais 4 voyageurs doivent se tasser sur la banquette. Pour 6000CFA nous serons à l’aise.

Thierry est entouré par une demi douzaine de chauffeurs. L’un d’eux est d’accord. Nous chargeons les valises dans son coffre. Soudain, le ton monte. Thierry, la douceur même, crie plus fort qu’eux. Je saisis quelques mots en Français : « confiance », « hôtel ». Les valises retournent dans la malle arrière de la Toyota Corolla jaune et verte de Thierry qui nous fait signe de monter d’urgence.

En route pour l’autre gare routière, il nous explique que le véhicule était en mauvais état, la vitre arrière, brisée en éclats, nous aurait blessées.

Nouvelle négociation. Thierry me charge d’annoncer moi-même mon prix : 6000 CFA . 1500, c’est le tarif pour Bohicon. Pour 1800, le taxi nous conduira à la porte de l’ hôtel. Deux autres passagers occupent le siège avant : un vieux monsieur en boubou blanc et bonnet de ski à pompon de laine, un jeune qui tente de prendre ses aises en lançant se bras.

La campagne béninoise

Après Abomey-Calavi, nous découvrons la campagne béninoise. Plus de paillotes en palme tressée comme à la mer, les maisons sont en dur. Parfois, on voit un village ancien en terre rouge et chaume, le plus souvent : parpaing, ciment et tôle ondulée. Les stands des marchands d’essence de contrebande se font rares. La misère urbaine disparaît. Dans les campagnes sévit sans doute aussi la pauvreté, mais elle ne se voit pas autant.

J’ai beaucoup de mal à déchiffrer la paysage. Par moment je reconnais des petits champs de manioc ou de canne. Les orangers dans les vergers sont-ils cultivés dans des vergers ou retournent-ils à l’état sauvage ? Même question pour les manguiers. Je n’arrive pas à faire la différence entre friche, champ cultivé et même forêt. Ces rideaux d’arbres aux feuilles énormes, des tecks, ont-ils été plantés de la main de l’homme ? Pourquoi si serrés ? Ils ont du mal à se développer. Qu’en est-il des arbres immenses qui dominent de leur hauteur le paysage : des restes d’une forêt ancienne ou des individus poussant solitaires ?

Nous passons devant une usine d’huile de palme. Où sont les palmiers ?
Forêts

Nous suivons la route sur la carte du Petit Futé,  traversons une forêt. Les frondaisons sont plus élevées, les arbres plus imposants. Toute une exploitation forestière se développe le long de la route. Des sacs cylindriques en forme de phallus dressés sont remplis de charbon de bois. Des « piquets » soigneusement rangés, des tas cubiques (stères ?) de bois de chauffage. Une grande scierie moderne et son aire pour les camions. Plus insolite : les mortiers et les pilons sculptés offerts à la vente.

Bohicon

A Bohicon, la circulation s’intensifie. Le chauffeur confie le vieux monsieur et son ballot à un zemidjan. Le jeune descend plus loin. Notre taxi erre dans Abomey. Je suis de moins en moins sûre qu’il connaît la résidence Marie José. Attente devant une boutique de téléphone, puis vérification de la pression des pneus.

Abomey : Résidence Marie-José, marché et couturières

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Gari : farine de manioc

La résidence Marie José

Chez Marie José, deux employés Hawa et Honoré, nous font visiter les chambres. Le patron est en voyage et la patronne absente. La chambre climatisée possède un très vaste lit mais aucun dégagement sur l’extérieur.
Avez vous une chambre qui donne sur le jardin ? »

Nous choisissons une petite chambre ventilée, ouverte sur une jolie cour. Devant l’entrée, un bel avocatier aux feuilles arrondies. Des hibiscus forment de petites haies. En face un petit cycas, et des arbustes qui ressemblent à des lauriers roses derrière la piscine des enfants. Un grand manguier dépasse du mur.

Moustiques

Honoré prétend qu’il n’y a pas de moustiques. Il faut espérer que c’est exact : la moustiquaire de la porte est crevée (on pourra toujours fermer la porte en bois). Un appareil de climatisation hors d’usage est mal encastré dans le mur. Des insectes pourraient s’introduire par le trou. On colmate les brèches avec le papier toilette.

Ventilo

Un ventilo à longues pales est suspendu au plafond. Je rêve d’avoir le même à Créteil. La fraîcheur de l’air brassé est relative mais très agréable. Avec la climatisation la différence artificielle de température entre le dehors et le dedans est beaucoup trop forte. On est forcé de s’enfermer. En plus, c’est bruyant.

Promenade dans Abomey

La rue qui mène au marché est bordée d’ateliers de couturières. Leur table à découper et leur machine mécanique sont installées sur leur terrasse devant la maison. J’ai envie de les photographier assises dans leurs robes colorées et leur turban assorti en train de piquer des tissus multicolores. L’une d’elles est particulièrement belle. Je m’enquiers du prix d’une robe. Son mari intervient. Pour la photo, c’est raté !

marché d'Abomey

Nous avons de la chance : c’est jour de marché

Nous avons de la chance : c’est jour de marché. Nous nous proposons d’acheter des avocats, des fruits. Nous complèterions volontiers le repas avec une boîte de thon et des yaourts. Dans les épiceries, il y a des sardines mais les marchands ne savent même pas ce qu’est le thon. Les yaourts sont hors de prix 1000CFA l’un. On en achète deux, (l’un d’eux sera fermenté, immangeable). Pour les avocats, on a vu arriver les Yovos, 100 francs l’un, alors qu’à Cotonou, avec Thierry, j’en avais eu deux pour 75F.

photos

les étals piments et tomates

Le marché est très tranquille, très coloré, très pittoresque. Pour les photos, je fais mine de poser, D « me prend en photo ».  Heiner nous l’ a suggéré. Pour lui, c’est facile ! Il installe ses enfants, tout le monde comprend qu’un père photographie ses enfants.

Sur les plateaux recouverts d’une toile blanche, la vendeuse a déposé des petits tas de piments rouges ou des tomates. Plateaux de poisson et de crevettes séchés. Même pour la marchandise, pas de photo. Dans des paniers, des cônes de haricots variés,  du maïs entier ou concassé, bien plus clair que chez nous, de la semoule pour le couscous.

pagnes

Les vendeuses de tissu africain sont très aimables : 600F le mètre pour les tissus imprimés les moins chers, 1000f pour les plus beaux. Elle propose : 4 m pour un ensemble, ou 2m pour une jupe. J’achète après avoir beaucoup hésité devant la variété des couleurs .

Nous nous asseyons un instant. Le flacon de liquide désinfectant fuit. Nous en profitons pour nous « laver » les mains. Les vendeuses de la « pharmacie » en réclament croyant que c’est du parfum. J’en dépose une goutte sur les mains en expliquant que cela rafraîchit. La « pharmacie » est une catastrophe sanitaire, les boîtes éventrées sans date de péremption, cachets orphelins.
Nous sortons du marché après avoir vu l’étal des fétiches : grenouilles desséchées, pauvres buses emplumées, crânes de petits carnivores, phallus de bois…

Coca dans un petit maquis,  bien frais mais on  ne donne pas de paille. Je n’ose pas boire dans la timbale en fer blanc. Pour une somme modique on sert du poulet, du couscous et des pâtes.

cybercafé

Le cybercafé est fermé. Une banderole annonce qu’il ouvre de 12h à 24H. On nous dit de revenir après 19 h. La panne sera réparée. Il est 13h. Le soleil est au zénith. Après 150 m en plein soleil, nous nous abritons sous un bel arbre où des garagistes réparent des motos. On n’ira pas plus loin à pied. On arrête un  zemidjan, discute le prix. Pour 100CFA nous rallions confortablement et à petite vitesse, le bout de la rue à un petit kilomètre.

après midi tranquille

Après midiD s’installe sur le lit sous le ventilo, et moi dans le jardin à écrire.

Nous n’avons pas l’énergie d’aller au Musée. Marie Josée est revenue. C’est une grande femme d’un âge indéterminée. Son pagne glisse sous ses chairs qui débordent de partout. Elle s’enquiert mollement de notre sort et du menu que nous avons choisi pour dîner : poulet et couscous. Elle nous dit qu’elle va téléphoner au directeur d’un Musée. Nous ne sommes pas plus avancées.

La Direction du Tourisme

Dans le Petit Futé il y a  une info intéressante : la Direction du Tourisme organiserait des tours de la ville. Puisque nous avons un téléphone, j’appelle. Cinq minutes plus tard un fonctionnaire important habillé d’un costume de style chinois en toile légère entre gris et kaki qui le boudine fait apparition sur une moto.

Avant de faire des propositions concrètes, il pontifie en nous décrivant un « circuit de la résistance de Béhanzin » et nous promet de visiter des lieux historiques dans la brousse (Comment ? En moto ?). Mais ce circuit est beaucoup trop long. Il faudra se contenter du la Place et du Musée (on aurait trouvé cela toutes seules).

Ce soir ont lieu des cérémonies vaudoun. Il nous enverra un accompagnateur, ou peut être viendra-t- il en personne « pour  notre sécurité » ?

A cet instant, Marie José arrive avec son téléphone : Otis, son mari, désire me parler. Il vient de prendre connaissance du mail que j’ai envoyé il y a une dizaine de jours. Je lui passe le « technicien » du tourisme.

Mon boubou raté !

La couturière à qui j’ai confié le coupon est la sœur de Marie José ; mon boubou est prêt et m’attend. Il est aussi large que haut. Pas besoin d’essayage. C’est unitaille et pas très seyant ! Une chemise de nuit mal taillée. Je le passe. Toute l’assistance s’exclame que j’ai fait un très bon choix pour le tissu. Surprise : je suis drôlement au frais là dedans. Sûrement pas élégante mais quel confort quand le vent s’engouffre partout !

Abomey – La soirée avec Gabin : cérémonie et poulet-bicyclette

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

statues du musée de Gabin

Il va venir… Il faut attendre…

Marie Josée est revenue, vêtue à l’Européenne en pantalon mode baggy, accompagnée par un homme « Gabin, comme Jean Gabin, l’acteur ! ». C’est le Directeur du musée privé dont elle m’a parlé en début d’après midi et c’est le guide officiel de l’hôtel. Nous voilà bien ennuyées.
Nous avons maintenant deux guides !
Ce n’est pas la première fois que nous sommes dans cette situation gênante. Nous ne faisons pas suffisamment confiance aux Béninois qui, de leur côté sont plutôt lents à la détente. Comme nous ne voyons rien venir, nous nous agitons en tout sens et nous adressons à une autre personne. C’est une erreur. Il nous faut être plus patientes, apprendre à attendre.

Il va venir », « Il faut attendre », nous serine-t-on ici.

Il y a beaucoup de guides et peu de touristes.
Comme par magie, Otis, au téléphone, surgit au bon moment. Il a appelé l’office de Tourisme, tout est arrangé. Gabin  nous accompagnera à la Cérémonie et nous fera visiter la ville demain.

en attendant Gabin

Dans le quartier tout proche, ce soir il y a aussi des Revenants. Ce sont des Masques. J’espère que Gabin nous montrera également les Revenants.
Ce matin, j’ai demandé à Hawa, la bonne, s’il risquait de pleuvoir.
–    « Non ! parce qu’il y a des Revenants » affirme-t-elle.
Bizarre météo ! Ce soir, alors que nous attendons Gabin qui a disparu, elle nous confie :
– « Heureusement que vous serez avec Gabin qui est un grand initié. Quand les Blancs sont tout seuls les Revenants les poursuivent, et se moquent d’eux ».

Foot

Comme Gabin n’arrive toujours pas, nous sortons sur la place devant l’hôtel pour l’attendre et guetter les Masques. Des jeunes jouent au foot (la place est aménagée avec des cages) Le ballon arrive sur nous, D shoote. Les garçons la félicitent. Ils ont vite fait de nous encercler. Ils connaissent Zidane et Ronaldo et Ronaldinho (notre répertoire ne va pas plus loin). Au Bénin on suit sur FRI le Championnat Français, il y a même des paris.

Séance- photo. Pas de refus ! Au contraire, ils veulent tous être pris en portrait, seuls. J’explique :

L’appareil n’est pas numérique, il faut des rouleaux on n’en n’a pas beaucoup. »

Ils n’insistent pas. C’est vrai qu’avec un numérique on aurait pu leur montrer le résultat et éventuellement supprimer après !

statue du musée de Gabin

La Cérémonie

Gabin finit par arriver. C’est trop tard pour les Revenants. Il nous conduit à pied à la Cérémonie qui a lieu sur une place devant un petit temple peint en blanc tacheté de rouge décoré avec des personnages naïfs. Il s’agit d’honorer une divinité de l’eau et les esprits des enfants royaux mal formés. Dans la famille royale, on éliminait les enfants malformés mais ceux-ci devenaient alors des divinités. On est très choqué par cet eugénisme.
–   « Il faut que les rois soient beaux et sans tache ».

D’un côté l’assistance est assise autour des musiciens, joueurs de tamtam. En face, les danseurs, les initiés et les possédés qui sortent d’un porche. Un rang d’hommes et un rang de femmes vêtus de tenues chamarrées multicolores avec des mètres de tissus précieux repliés. Un couvre-chef décoré. Des bracelets de métal aux chevilles et aux poignets. A la ceinture, un sabre dont la pointe du fourreau ressort sous les tissus bouffants. Le Maître de Cérémonie arrive sous un parasol brodé. Ses habits sont tout dorés ou argentés ; il luit sous les perles cousues, les tissus aux fils d’or et d’argent et porte un bonnet à oreilles orné de perles.

Nous sommes les seules blanches mais personne ne fait attention à nous, si ce n’est pour nous offrir une bonne place assise. Les danseurs font des pas lents, très compliqués. Même ceux qui sont âgés sont d’une souplesse surprenante, sautant sur un pied, se ramassant, se détendant.  Gabin est très évasif. Sans doute, ne veut- il pas trahir des secrets. Après les hommes qui dansent seuls ou deux par deux, les femmes dansent en ligne à pas mesurés. Comme les hommes, elles portent des cannes, symbole de puissance. Plus la soirée avance, plus les chanteurs se déchaînent, suivis par l’assemblée. Gabin murmure. Une longue file d’initiés est placée devant nous distants d’à peine 1,50m. Je peux observer à loisir les bracelets de coquillages blancs et rouges haut encerclant leur bras près de l’épaule, presque à l’aisselle. Les nombreux colliers et pendeloques à leur cou. Les coiffures compliquées tressées avec des perles et des coquillages, chapeaux bizarres. Des spectateurs se précipitent, le front dans la poussière, baisent les pieds d’un danseur, puis se relèvent rapidement et reprennent les chants.

Au bout de trois quarts d’heure, D est rentrée seule. Je souhaite profiter plus longtemps de ce magnifique spectacle. Une bouteille placée devant les chanteurs « cela leur donne de l’énergie ». Peut être va-t-il se passer quelque chose. Au dessus de nous, le ciel est zébré d’éclairs qui renforcent l’atmosphère dramatique. Gabin remarque « on ne voit plus les étoiles, il va pleuvoir ». Nous rentrons sous de grosses gouttes qui ne mouillent pas. Au loin, le tonnerre. Chacun espère la pluie. Nous avons oublié de nous protéger des moustiques. Il n’y en a pas.

Le poulet-bicyclette est dur
On invite Gabin à dîner. Mauvais convive ! Il s’empare de la radio, écoute les nouvelles, les premières décisions du nouveau gouvernement, les commentaires sur la nouvelle politique cotonnière, les réactions des syndicats. Les Béninois sont vraiment passionnés de politique. Ils ont balayé Kérékou au nom du changement et continuent, même les élections terminées, à suivre avec ferveur l’actualité.

Le dîner tarde à arriver. Le troisième couvert a perturbé en cuisine. D,lasse d’attendre, s’est éclipsée. Elle n’est vraiment pas africaine ! Je suis un peu confuse de ce manque de politesse. A Rome fais comme les Romains ! A Cotonou, arme-toi de patience ! La perception du temps n’est pas la même que sous nos latitudes tempérées. Tout se fait plus lentement. Les nouvelles sont terminées, succède à la radio. une émission sur la constipation à la radio.

Enfin le poulet arrive. Est-ce le fameux « poulet-bicyclette » ? J’essaie de planter la fourchette dans la cuisse. C’est dur, impossible à couper. Gain mange avec entrain, utilisant ses doigts. Je détache l’aile et trouve le blanc, à peu près comestible. La graine du couscous est délicieuse.
La pluie a rafraîchi l’air. Il fait une température agréable. Nous retardons l’heure de nous enfermer. D me dit qu’elle s’est trompée et qu’elle a mis le bouton du chauffage . Sur un ventilateur ! la chaleur fait déraisonner !

Abomey : Le musée de Gabin

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

musée de Gabin

Réveil chez Marie Josée

Aux premiers pépiements des oiseaux dans l’avocatier, je sors.

On sert le poulet d’hier avec le couscous au petit déjeuner,  du Nescafé en sachet avec du lait concentré, de la confiture et du pain frais. Les jus de fruits, les omelettes et les mangues d’Helvetia sont loin !

3 guides pour 2 touristes!

A 8h30, une moto arrive. Ce n’est pas Gabin mais le gros homme au costume étriqué. Gênée, je lui parle de Gabin.
–  « Gabin et moi, c’est pareil ! »

D’ailleurs, le voilà qui arrive, lui aussi. Avec un jeune à moto, ils sont trois à nous attendre. Finalement, nous partons, D, en selle derrière Gabin, et moi, sur la moto du jeune assistant du bureaucrate.

La maison de Gabin se trouve  à la lisière de la ville. Le fossé  et le mur d’enceinte de la ville sont dans son jardin. Il essaie de préserver le fossé menacé par les constructions des voisins. Depuis 1978, il plante et entretient. Je calcule, Gabin doit avoir à peu près notre âge. Il paraït beaucoup moins avec son visage rond, son sourire juvénile et ses yeux un peu bridés. Les arbres aux larges feuilles sont des tecks. J’ignorais qu’ils poussaient en Afrique.

Gabin nous ouvre son musée privé. Par terre, dans un coin, tout le nécessaire pour le Fâ (la divination) : les diverses graines, boules, perles de terre cuite, cailloux, les petites tables sur lesquelles est écrasée la boule de kaolin, les chapelets à pièces plates que le devin lance. Tout le rituel reste mystérieux. Nous restons sur notre faim. Comme pour les danses. Gabin entrouvre une porte pour la refermer aussitôt. Il laisse imaginer l’existence de secrets sans les révéler. L’initiation n’est pas réservée aux Béninois. Il nous parle d’une journaliste néerlandaise initiée.

Le long d’un mur, des poteries symbolisent des divinités, mais nous ne savons pas lesquelles. Dans un coin, sont entassées pêle-mêle des statuettes. Pour une fois, je peux photographier sans réserve. Gabin nous montre une tunique de raphia violette du Legba (sorte de bouffon de cérémonie en même temps une divinité). Sur le tissage sont cousues de toutes petites calebasses et des coquillages.

Asen (autels) et Fâ (divination)

Dans des débarras en piteux état, il nous montre ses projets : une salle audiovisuelle, des entrepôts pour les fouilles archéologiques, costumes. Il nous raconte ses collaborations avec des Américains d’Atlanta et avec le Musée Dapper.