L’île Lihou où Ebenezer et Jim, encore gamins, pris par la marée ont été forcés de passer la nuit
J’aurais aimé que la tempête empêche le ferry d’appareiller pour rester encore quelques jours à Guernesey. Le gros Livre d’Ebenezer Le Page (608 p.) m’a permis de flâner un long moment encore dans la campagne, de revoir avec enchantement les criques, les roches. Peut- être ne suis-je pas objective? L’auteur ne fournit que peu de descriptions précises du décor, et que je m’y suis promenée plus par mes proches souvenirs que par les évocations du livre. Je ne sais pas si un lecteur qui ne connait pas Guernesey aurait une impression aussi vive que la mienne. En revanche, c’est LE livre à emporter si vous préparez un voyage à Guernesey.
cottage
Ebenezer Le Page est né à Guernesey à la toute fin du XIXème siècle, dans une famille où l’on parle encore lepatois guernesiais, ancien patois normand, dont certaines expressions donnent une coloration exotique au texte (en VO en anglais, je ne sais pas, sûrement). Pêcheurs, maraîchers, ils pratiquent déjà la culture en serres, tomates, raisin, pommes de terre de pleine terre. Poules et cochons. Il y avait aussi des carriers
Dans ce temps-là, le Nord tout entier résonnait du bourdonnement des casse-pierres et du grondement provoqué par les roues métalliques des lourds chariots, sur les routes.
Ils y faisaient encore pousser du raisin, mais essayaient de cultiver des tomates sous les vignes. Je trouvais que les tomates étaient un drôle de fruit. Je n’en appréciais pas beaucoup le goût. Mais j’aimais bien le raisin, en revanche. Il s’est avéré que les tomates se vendaient mieux
Les familles guernesiaises ont des patronymes à consonnance françaises comme la toponymie mais Guernesey est sous la domination de la couronne anglaise depuis des siècles. Le père d’Ebenezer est mort pendant la Guerre des Boers (1899-1902) . Si Ebenezer n’a quitté son île qu’une seule fois pour aller à Jersey, son père avait voyagé dans le monde entier comme marin, et ses cousins sont partis en Australie, en Amérique. L’île est petite, mais le monde entier arrive à Saint Pierre-Port et les séismes que furent les Guerres mondiales n’ont pas épargné ses habitants.
Ebenezer raconte les changements qui ont affecté la vie tranquille de sa famille proche et de ses cousins lointains, parce qu’à Guernesey, tout le monde est plus ou moins apparenté. Ses chroniques de l’île sont pleines de saveur et d’humour.
« …des tas d’aristos avaient rappliqué le mois précédent et prononcé des discours sur l’Entente cordiale, et Saint-Pierre-Port était décoré en bleu, blanc et rouge. En réalité, on avait donné comme prétexte à leur venue l’inauguration de la statue de Victor Hugo. C’était un Français célèbre qui avait vécu dans une grande maison à Hauteville, mais c’était avant mon époque. Il écrivait des romans et des poèmes en français ; je n’en ai lu aucun. Dans le temps, je voyais ses livres en vente dans la vitrine de Boots en haut de Smith Street, mais il n’y en a plus maintenant. La statue avait été élevée à Candie Grounds et elle engendrait bien des commentaires. Jusqu’à la dernière minute, certains disaient que ça n’aurait pas dû être autorisé.
Victor Hugo jardin Candie
Personnellement, j’aime bien cette statue. Il se dresse en haut d’un rocher avec la queue de sa redingote qui volette au vent. Il paraît presque vivant. L’ennui, c’est qu’au sommet des Jardins, il y avait une statue de la reine Victoria, et tout ce qu’elle pouvait voir de Victor Hugo, c’était son derrière…
Le livre est composé de trois parties :
La première raconte l’enfance et la jeunesse du héros, ses amitiés très fortes, ses premiers émois amoureux. la guerre de 14 éclate, beaucoup se portent volontaires.
La seconde commence avec la démobilisation des soldats de la Grande Guerre, tous ceux qui ne sont pas revenus…Ayant perdu son grand ami Jim, il se rapproche de son cousin Raymond qui se destine au sacerdoce. Il est beaucoup question de religion : Ebenezer est anglican mais sa mère très pieuse est méthodiste. Curieusement les catholiques qui sont aussi nombreux sur Guernesey sont très peu présents. J’ai eu un peu de mal avec les nuances entre les différents courants méthodistes et anglicans et pas trop compris les prêches.
Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune idée de l’importance qu’avait la religion sur l’île il y a soixante ou soixante-dix ans. Il n’y avait aucun endroit où aller, à part l’église.
Mariages se font et se défont, des enfants naissent. Puis vient le drame de l’occupation allemande qui a laissé des blockhaus, tours en béton, rationnements et sous-alimentation, marché noir, délation aussi….
La Troisième partie montre la modernisation de l’île, les voitures se répandent, les touristes arrivent . Nombreuses exploitations agricoles se convertissent en pensions de famille ou gîtes touristiques. Avec l’extension de l’urbanisme, le caractère agricole se dilue.
Je me suis attachée à Ebenezer . Dans cette petite île, l’auteur a su faire vivre tout un monde. J’ai refermé à regret le Livre et je l’ai offert autour de moi. J’espère qu’il plaira autant qu’à moi.
@ceciloule : comme pour le précédent, le fait d’avoir visité Guernesey a sûrement changé l’optique de lecture!Je ne me suis pas ennuyée du tout et je l’ai même acheté pour l’offrir à ma mère.
@keisha : Sarnia est le titre du même livre, même traduction. Ce n’est pas la première fois que je remaqua que les éditeurs changent les titres et nous induisent en erreur.
Sans doute l’auteur a-t-il réédité un vieux bouquin, je trouve ans ma bibli Sarnia du même auteur qui a l’air d’être une première partie?
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Tu ne t’es donc pas ennuyée alors tant mieux ! Peut-être qu’avoir visité l’île change la lecture, comme tu le dis…
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@ceciloule : comme pour le précédent, le fait d’avoir visité Guernesey a sûrement changé l’optique de lecture!Je ne me suis pas ennuyée du tout et je l’ai même acheté pour l’offrir à ma mère.
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@keisha : Sarnia est le titre du même livre, même traduction. Ce n’est pas la première fois que je remaqua que les éditeurs changent les titres et nous induisent en erreur.
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C’est souvent intéressant de lier lectures et voyages ; surtout comme ici où le livre est réussi.
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@Aifelle : j’essaie toujours de lier lecture et voyage. Le livre est réussi et le voyage aussi!
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