Atlantique, AntiAtlas, Atlas et Riads des Mille et Une nuits
Essaouira, kilims et tapis
Musée Sidi Mohamed Ben Abdallah.
Le Musée occupe une belle demeure qui a servi de Mairie du temps du Protectorat. Les collections de tapis et marqueteries ne montrent rien d’exceptionnel, on voit aussi beau dans les magasins. En revanche, les instruments de musiques sont très bien présentés. Un Oud (luth) à la caisse de résonance toute marquetée, un rebab incrusté de nacre possède bizarrement un archet lourd et grossier. Les objets de la confrérie hamadcha occupent une vitrine. Pendant les cérémonies, après des chants et des danses, se déroulait un rituel plutôt macabre : la transe comportait des flagellations avec des faisceaux de bâtons, des boules de bronze et même des haches en forme de cimeterre. Un costume des gnaoua montre les liens très forts avec l’Afrique Noire.
Sorties du Musées, nous découvrons tout un quartier de la médina que nous n’avions pas vu hier ; un bazar avec des arcades modernes en ciment abritant des marchands de tapis, des bijoutiers, des antiquaires exposant des objets berbères mais aussi des statues des portes sculptées venant du Mali, de Maurétanie ou de plus loin en Afrique.
Galerie d’art moderne
Essaouira, le long des remparts
La Galerie d’Art Frédéric Damgard expose les peintres d’Essaouira : foisonnement des couleurs, un peu de naïfs mais pas trop. Un peintre pointilliste me rappelle les peintures aborigènes d’Australie que j’ai vues récemment au Musée du Quai Branly. Un autre remplit le moindre recoin d’animaux fantastiques, lézards, scorpions, chiens ou chèvres parmi des constructions végétales. Un troisième colore en jets de couleurs primaires tableaux ou objets divers…Tous ces artistes sont des hommes simples, artisans ou paysans. Aucune prétention ni artifice. C’est décoratif et rafraîchissant.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et Riads des Mille et Une nuits
Essaouira port et barques
Cinq heures du matin : avec la pluie les chiens ont abondamment aboyé. Il est six heures à Paris. Nous sommes « décalées ». Le petit déjeuner est servi à neuf heures : grand verre d’orange, pain frais encore chaud, confiture d’orange. En principe, on mange dans la véranda qui est inondée après l’averse.
Dès dix heures le soleil arrive. De jour, je remarque une étoile de David cassée au-dessus de notre porte extérieure, de jolis petits auvents de tuiles vernissées au-dessus des fenêtres de vitrail bleu et jaune de la cuisine et surtout des volets de bois bleus que nous aurions été mieux inspirées de fermer.
Essaouira porte magen David
Toutes les portes de notre rue sont décorées, chacune est différente. La belle pierre beige se sculpte bien de palmettes, étoiles à 5 ou 6 branches, rosaces et aussi coquilles comme à rabat. Des zelliges encadrent souvent les sculptures, mais pas toujours. Certaines sont encadrées de bois ajouré. Certaines sont cloutées… La rue passe sous des arcades décalées et parfois en tunnel sous des maisons. Le plafond est alors fait de fines traverses de bois.
Essaouira souk
Contrairement aux médinas aux ruelles tortueuses, Essaouira est construite selon un plan en damier. Il est donc très facile de s’orienter en retournant dans les artères principales. L’une d’elles, Sidi Mohamed Ben Abdallah, est très commerçante. L’avenue de l’Istiqlal relie les portes principales Bâb Doukalah et Bâb-el-Menzeh qui s’ouvrent sur le port, axe de symétrie presque parfait découpant la médina en deux moitiés égales, perpendiculairement il y a aussi deux artères parallèles. Les souks sont situés au cœur de la vieille ville, à l’intersection de l’axe Est Ouest et de l’axe Nord Sud. Une autre façon de ne pas se perdre est de suivre les remparts et de prendre la rue de la Skala qui emmène au Bastion Nord(près de chez nous) et en poursuivant ensuite vers le Mellah. Le Mellah est bien ruiné, déserté par les juifs depuis près de 50 ans. Certaines maisons sont écroulées laissant imaginer des splendeurs anciennes en voyant des colonnettes avec des chapiteaux ornés. Je cherche des Magen David ou des Mézouzot encore intactes, sans doute les a-t-on emportées dans le déménagement. L’emplacement est complètement effacé par la crasse et la patine.
Le port
Essaouira burnous et filets
Le port est très actif avec une criée à l’ancienne, vide aujourd’hui. Un poissonnier explique :
– « les pêcheurs ne sont pas sortis aujourd’hui avec le mauvais temps ».
Les bateaux sont à quai, gros chalutiers et barques bleues – marine à l’extérieur, bleu roi à l’intérieur ; des filets roses traînent.
On entre au port par la Porte marine dans les fortifications construites sous le règne de Sidi Mohamed ben Abdallah(1764) qui y basa ses corsaires. Pour 10 dirhams, je visite la Skala du Port, grosse tour carrée dominant une esplanade armée de ses canons.
Essaouira port
Le long des remparts, les commerçants qui nous ont vu passer avec la carriole nous reconnaissent. On nous présente les tapis. J’ai toujours un faible pour les tapis. Les tapis marocains ne sont pas aussi raffinés que ceux de Perse ou de Chine mais ils ont des couleurs vives, des oranges qui flashent, des jaunes d’or qu’on ne voit pas en Orient. Les motifs sont extrêmement variés.
La coopérative de marqueterie de bois de thuya embaume. J’aimerai en rapporter rien que pour l’odeur. La marchande nous montre les différentes qualités du bois. Celui qui est plein de nœuds et de ponctuations intéressantes vient de la racine. Les branches et le tronc donnent un grain plus fin. Le bois de citronnier, plus clair, me fait penser au merisier. La variété des articles est infinie : tables, sièges ; boîtes, mais aussi animaux, échiquiers, pieds de lampe et même abat-jour ajouré assorti.
Je goûte à l’huile d’argan à la petite cuiller. Elle a un goût de noix ou de noisette. Avant d’être moulues, les amandes sont grillées pour l’huile alimentaire qui se vend 150 dirhams la bouteille. L’huile cosmétique moins parfumée, est faite avec les amandes fraîches. Comme nous restons plusieurs jours à Essaouira, nous promettons de revenir. Les commerçants n’insistent pas. Ici, tout est tranquille.
La Skala du bastion Nord est une rampe qui monte doucement vers une place circulaire dominée par le bastion. De là, nous cherchons notre terrasse. Sous la Kasbah, des ateliers des menuisiers et des luthiers se sont installés. On nous reconnaît. Un jeune homme demande:
– « vous avez réussi à ouvrir votre porte ? ».
Difficile de rester dans l’anonymat! Du bastion Nord, nous trouvons notre maison, la dépassons, traversons le Mellahpour arriver dans les souks construits sous des arcades. Petits marchés au poisson, aux épices, aux souvenirs. Impression d’intimité. Essaouira est vraiment une toute petite ville !
Nous mangeons sur la terrasse un demi-poulet sec, filandreux, immangeable, pire que le poulet bicyclette africain ! Heureusement que D a ses yaourts et moi, mes bananes !
Les Allemandes ont fini leur sieste sur les chaises longues. Elles nous les cèdent volontiers. Sur le carnet moleskine j’essaie de dessiner terrasses, minarets et cheminées. Trois gouttes de pluie nous chassent. Je retourne dessiner au port sans inspiration. Il y a un monde fou. Les pêcheurs ou les poissonniers lancent les viscères des poissons aux mouettes. De temps en temps, impression d’humidité : la pluie ? Les embruns des vagues? Ou le pipi d’un goéland ?
Atlantique, AntiAtlas, Atlas et Riads des Mille et Une nuits
Essaouira porte bleue
Le porteur connaît les « appartements de Jacques » où j’ai réservé par Internet. Les clés sont « au kiosque », est une librairie très bien fournie. Je me présente. L’homme se souvient de ma réservation :
– « Une mini-suite ! » Me répond-il
Je remplis la fiche pour la police tandis qu’il discute en arabe avec une femme. Je devine que quelque chose cloche. On ne me donne pas de clé. L’homme prétend que la réservation ne court qu’à partir de demain. Je lui tends le courriel que j’ai pris le soin d’imprimer.
La petite caravane, composée du porteur et de sa charrette, de Dominique et moi, s’ébranle en suivant une femme qui traîne ses savates. Je monte avec elle sur une terrasse. La » mini -suite » est une chambre minuscule toute entière occupée par un lit de deux places. Au fond, la « salle d’eau » rudimentaire est d’une propreté douteuse. « Où est la cuisine ? – pas de cuisine ! ». La terrasse donne sur l’océan. Cette chambre serait idéale à la belle saison. Avec la pluie qui menace, cela ne convient pas. Je demande à visiter autre chose. La femme n’est pas étonnée.
-« On va aller au 5 » dit elle
– « Et la 8 prévue sur INTERNET ? », je hasarde
– « Elle est occupée, les locataires ont prolongé. La femme est malade. » invente la femme.
Le nouvel appartement est à 75€ alors que le 8 était à 65€ et la mini suite à 35€ . De plus, il faudra déménager demain. C’est la maison des escaliers : la chambre est au 1er étage par un escalier carrelé blanc et turquoise. Par un escalier intérieur on accède à la cuisine – très bien équipée – il y a une chambre-salon au 3ème niveau, un escalier en colimaçon conduit à la terrasse. L’appartement est ravissant mais malcommode et très cher. J’ai surtout l’impression de me faire avoir. La femme n’insiste pas :
– « Je ne suis que la femme de ménage »
En bas le porteur s’impatiente. Il prend la tête de notre expédition et nous entraîne plus avant dans la médina. Il sonne – sans succès – à une porte. Deux touristes allemandes sortent :
– « La Madame n’est pas là !»
Le Bastion
La nuit tombe. Nouvel arrêt. Escaliers, on arrive à une pièce biscornue, pas de vue, la cuisine au niveau inférieur, au rez de chaussée W.C. et douche. Au 3ème un salon à partager encore plus haut la terrasse.
– « Pour 3 jours je vous ferai un bon prix ! 900 » – « € ou dirhams ? » – « Dirhams ! »
Moins de 30 € la nuit, c’est un bon prix. Restent les escaliers. Il faut descendre 2 étages pour faire pipi, des marches très hautes et inégales. Je donne 50 dirhams au porteur qui les mérite bien.
Notre maison biscornue de la médina est très jolie. La chambre a une curieuse forme d’un triangle tronqué, pleine de recoins de niches et de corniches. Des murs crépis d’un blanc éclatant, au sol des carreaux d’un très joli vert sont recouverts de tapis colorés. Les luminaires sont les plus beaux ornements : une lanterne octogonale en dentelle de laiton est suspendue au dessus de la table. Deux grosses boules à pointes en vitrail éclairent l’alcôve et le coin salon où se trouve un canapé. Une applique ajourée domine l’escalier. Des rideaux de satin bleu tranchent sur le blanc. La base du triangle contient un lit double recouvert d’un dessus de lit rouge orange parsemé de coussins. La pointe est meublée d’un canapé multicolore de poufs et de coussins. Pas d’effort de décoration dans la cuisine. La douche est minimaliste.
la terrasse au Bastion
D grippée, n’a pas d’appétit. La dame ne cuisine pas pour une seule personne. J’ai apporté de la soupe en sachets. Cela ne suffira pas. Nous descendons faire les courses. A côté de notre porte se trouvent deux épiceries minuscules dont le comptoir s’ouvre sur la rue. On y achète de l’eau en bouteille. Des conserves de sardine de tomates garnissent les rayons. Des dosettes de shampoing en guirlande pendent du plafond. Une petite fille se fait servir de la farine au détail. L’épicier emballe quelque chose de pâteux dans un papier : de la levure ( ?) de la margarine ( ?) des cartons d’œufs sont empilés. Dans un garde manger grillagé et fermé : des galettes de pain. Plus loin une autre épicerie, dans une pièce à peine plus grande, vend des yaourts.
Notre rue est sombre. Les façades sont austères. Il faudra prendre des repères pour retrouver notre porte. Nous avons oublié la carte « Le Bastion ». Par une ruelle sombre qui passe sous des maisons, nous découvrons des menuisiers qui travaillent le bois odorant du thuya. Nous aboutissons à une rue animée. Des lampes de cuir serviront de borne pour indiquer qu’il faut tourner. J’achète un sandwich : une demi baguette garnie de 5 boulettes minuscules de viande hachée, de salade de tomates, d’une généreuse part d’oignons et de carottes. Le marchand l’emballe soigneusement dans du papier. Je complète ce dîner avec des bananes achetées à un vieux marchand qui trône assis dans son étalage au milieu des oranges derrière une balance Roberval.
Atlantique, AntiAtlas, Atlas et Riads des 1001 nuits
170km séparent Marrakech d’Essaouira.
La route d’Agadir est très chargée : grands taxis jaunes de Marrakech, grands taxis bleus, camions croulants sous la paille retenue dans un filet ou empilant sur le toit pneumatiques, vélos et bidons, charrettes tirées par des ânes…
Il faut être vigilant avec les limites de vitesse : 100 sur route 60 en agglomération. A l’entrée de chaque village, les gendarmes surveillent à la jumelle. De nombreux barrages contraignent les autos à rouler au pas. Nous n’avions jamais remarqué une telle présence policière. Sarkozy a-t-il fait des émules? Ces barrages ont-ils une autre fonction que celle de limiter la vitesse? De toutes les façons, les camions poussifs ralentissent le trafic.
Nous mettrons trois bonnes heures pour arriver à Essaouira.
Nous traversons une étendue pierreuse : le désert ou les champs en hiver ? Les maisons basses allongées se confondent avec le sol. D’étranges volumes à base rectangulaire et à section triangulaire accompagnent les maisons. La paille ou le fourrage sont protégés ainsi d’une pellicule de boue séchée. On prélève ce dont on a besoin en cassant un côté.
Les troupeaux de moutons et de petites chèvres noires sont gardés par des bergers. Qui sont ils ? Curieusement, il n’y a pas de règle. Des adolescents nous font des signes amicaux. Des vieux enveloppés de burnous à capuchon pointu s’appuient sur des bâtons. Des enfants, des femmes gardent aussi.
Les ânes bâtés qui circulent sur les bas côtés, sont nombreux. Montés par des hommes encapuchonnés ou par des enfants, ils seraient de bons sujets de photo ou de dessin. La lumière ne s’y prête pas. La présence de ces animaux me ravit. Plus loin, une paire de dromadaires tire une charrue.
Derrière nous, l’Atlas enneigé offre un spectacle somptueux qui nous accompagne longtemps après Marrakech.
Chichoua : le paysage verdit. Les champs de blé ou d’orge sont entourés par de grands murs surmontés d’épines, sans doute pour arrêter moutons et chèvres. Les maisons sont souvent chaulées de blanc. Les premiers pêchers fleurissent. Les touristes sont attirés par des inscriptions « coopérative des femmes » ou « Huile d’arganier », des tentes berbères brunes ou grisâtres sont dressées sur le bord de la route. Des tapis sont exposés, oranges éclatant rouges, avec de curieux motifs multicolores en damier ou avec des ondulations originales. Enfin ! Des arganiers, épaisse ramure sur un ensemble de troncs en bouquet ?
A l’approche de la mer, les thuyas sont leur apparition.La marqueterie du bois de thuya est une spécialité d’Essaouira. Peut-être ont-ils été trop exploités ? Ils sont plutôt rabougris. A moins que ce soit la pauvreté du sol ou la sécheresse qui explique qu’on ne trouve pas de spécimen de grande taille comme les thuyas majestueux de Roscoff. Arrivée sur Essaouira :d’un belvédère, on découvre la ville et l’océan. On passe par une zone d’hôtels de luxe, puis la plage est bordée de petits bâtiments blancs, hôtels et restaurants. Comme Houssine l’avait expliqué, nous laissons la voiture au parking en bordure de la médina près du port. Des porteurs attendent avec de grosses charrettes à bras. Pour trois jours, nous nous acquittons de 80 dirhams . Le reçu est un minuscule ticket bleu griffonné à la main. C’est sûrement le tarif « touriste » mais qu’importe 8€ pour 3 jours !