Murano, île des verriers

Cinq jours à Venise

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Je  débarque du vaporetto sous un beau phare blanc en pierre d’Istrie. Les rues tranquilles sont bordées de galeries et de magasins vendant une unique marchandise : le verre de Murano. Ce dernier se décline sous des versions innombrables qui vont de la petite perle de verroterie (venant probablement de Chine) à la statue de taille humaine en verre transparent, en passant par le lustre classique à corolles irisées (on en a un dans la chambre d’hôtel) . Tous les prix aussi : du petit cheval transparent bordé de bleu au pendentif mordoré d’une dizaine d’€, au plat ou au vase, pièce unique, étiqueté 5000€. On craint la concurrence chinoise et on l’affiche. Les boutiques de souvenirs pour touristes vendent surtout des statuettes je remarque un rabbin très moderne en solde 50%, 54€, pourquoi un tel rabais sur les rabbins ? Le commerçant est il un juif anticlérical ou un antisémite ? Dans les galeries design, le verre est une matière étonnante qui peut perdre sa transparence au profit de coloris intenses : rouge à l’état pur, bleu ou jaune qu’on croirait sortis d’un tube de gouache. Pour garder l’exclusivité ou pour faire fuir les maladroits il est interdit de photographier. J’entre dans un atelier pour voir souffler le verre. Les pièces fabriquées en public n’ont aucune originalité. Après une heure de lèche-vitrine je parviens au débarcadère Columna : le 41 m’emmène en une demi-heure Piazza Roma. A l’arrière du bateau je regarde s’éloigner les îles avec une pensée pour Casanova qui a failli se noyer dans la lagune une nuit de tempête  déguisé en Pierrot. Où était donc le couvent où était enfermée sa » petite femme » C.C. de 15 ans et M.M. la nonne séductrice ?

mais que mangent donc les vénitiens?

Cinq jours à Venise,

Un grand supermarché Coop  est en face du débarcadère Piazza Roma. Le ravitaillement des Vénitiens était pour nous une énigme. Ils ne mangent quand même pas au restaurant ou des sandwiches ! Enfin, nous trouvons les fruits et les yaourts, notre régime alimentaire d’été. Nous achetons un melon et du jambon pour un dîner frais (pas de réception à éviter à l’hôtel Airone ni de restaurant).

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Nous commençons à apprécier notre chambre avec vue sur le Grand Canal. Si on oublie la vilaine  porte ordinaire, la télé noire accrochée au mur, elle aurait presque de la distinction avec son papier peint damassé doré aux motifs floraux. Le tapissier a fini son travail avec une cordonnette qui fait le tour de la fenêtre et les angles des murs. Un galon court au plafond. L’étroitesse de la pièce est compensée par la hauteur de plafond. Je m’installe au petit bureau laqué pour écrire.

Venice by night.

Cinq jours à Venise

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 la Lista di Spagna est bordée de boutiques pour touristes et de restaurants,.j’arrive à la monumentale église santa Lucia, enjambe le canal Cannaregio découvert ce matin, continue le Rio San Leonardo occupé par un marché de fruits et légumes. Je suis les flèches Rialto et San Marco. De temps en temps je prends les ruelles jusqu’au grand Canal. Je découvre ainsi l’entrée de la Ca d’Oro (mon palais préféré) et celle du Casino : plaque commémorative : là est mort Richard Wagner.la promenade à la fraîcheur est très agréable. Ici les gens mangent « sans façon » sur des tables dans la rue (menus bien chers). La nuit tombe vers 21h. Je décide de poursuivre jusqu’à San Marco pour voir la place de nuit et y prendre le vaporetto. Dans les ruelles sinueuses, cela se complique. Je perds les panneaux jaunes, m’égare, découvre des monuments magnifiques et immenses. La façade de l’hôpital est surprenante toute de marbre sculptée. San Giovanni et Paolo spectaculaire. Je passe devant une statue équestre et la statue de Sarpi. Les panneaux indiquent maintenant Fundamenta  Nuove. Je suis perdue, sans carte, très loin de San Marco. Et il fait nuit. Episodiquement je retrouve des indications « San Marco », je franchis des ponts, passe par des ruelles noires, même sous des passages couverts. Je mets à l’épreuve mon sens de l’orientation. Je crois m’approcher de San Marco c’est le Rialto. Je rentre dans un vaporetto bondé de touristes américains. Le Canal illuminé n’apparaitra qu’entre  la tête et les épaules d’une grosse hollandaise. Par malchance la batterie de l’Olympus est à plat !

Eglises avec la Carte Chorus

cinqu jours à Venise

Grève des transports. Notre Carte Venice étant terminée cela ne nous dérange pas trop. Mais quid des musées et des églises ? On nous avait prévenues des grèves en Grèce mais pas en Italie. Cela ne m’étonne pas, les mêmes causes produisant les mêmes effets : crise, rigueur, coupes dans les traitements des fonctionnaires, retraites repoussées. Berlusconi et Sarkozy tiennent le même discours. L’Europe sociale n’avance pas et c’est bien dommage !

Nous suivons l’itinéraire du guide Evasion p.125 à p.129

Santa Maria Gloriosa dei Frari

A Santa Maria Gloriosa dei Frari, sur présentation de la Venice Card,  on nous donne la carte Chorus valable un an, qui nous permet de visiter une quinzaine d’églises.

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Cette énorme église possède de nombreux trésors. Au fond dans le chœur, l’Assomption de Marie du Titien « le plus beau tableau du monde » aux couleurs chatoyantes. A côté se trouve le tombeau de Monteverdi : sur un  lutrin on a posé l’Hymne à la Vierge. Une rose blanche se trouve sur la pierre tombale.

Le triptyque de Bellini a un relief étonnant avec des anges musiciens, flûtistes et tambour, les quatre personnages nous regardent sévèrement.

Dans un grand cloître,des statues.

Le monument de Titien représente le peintre barbu sévère, couronné de lauriers et entouré de femmes portant des couronnes de palme sous un arc de triomphe. En face le monument de Canova est une horrible pyramide avec un beau lion ailé couché les pattes sur un livre.

Un autre tableau du Titien possède un charme particulier ; une jeune fille dans un coin regarde le spectateur qui ne peut pas détourner son regard de ce personnage pourtant secondaire.

Scuola San Rocco

Non loin de la grande église se trouve la Scuola San Rocco

C’est le siège d’une confrérie. Le bâtiment baroque est magnifique, blanc éblouissant avec des décors variés même des petits chiens sur les colonnes.

A l’intérieur la salle est presque aussi grande que les grandes salles du palais des doges. Comme j’étais naïve en croyant que c’était l’apanage du pouvoir ! Comme était riche Venise au 16ème siècle ! Et riches et puissantes les confréries ! Tintoret a décoré cette Scuola. Quel plaisir de voir les tableaux in-situ, et non pas enfermés dans un musée, art pour l’art magnifié.

La salle est sombre, il faut habituer les yeux à la pénombre. Nous commençons la visite à l’étage (3* d’après Evasion). Le plafond est splendide : les énormes tableaux du Tintoret sont enchâssés dans une marqueterie très ouvragée, ils représentent des scènes de la Bible. On a mis à la disposition des visiteurs des miroirs qui permettent d’admirer les tableaux sans se tordre le cou. . Au fond une Annonciation du Titien (Titien est toujours mon préféré). Au mur d’immenses tableaux du Tintoret.

L’Adoration des Bergers : la Nativité est dans une vraie bergerie mais au grenier, les animaux sont en dessous

Baptême : les femmes portent des mousselines aériennes en regardant le baptême.

Saint Pantalon

Le plafond en trompe-l’œil est étonnant. Au dessus des corniches de pierre la peinture donne l’impression d’une arche surmontée d’un escalier où se tiennent soldats et cavaliers. Le plafond semble crevé : une nuée d’anges tournoient jusqu’au ciel d’un blanc lumineux.

Campo Santa Margarita

Un petit marché y est installé.

San Sebastiano

Cette église est décorée par Véronèse, malheureusement en restauration. Le magnifique plafond a perdu ses toiles, on ne verra que les échafaudages. Le Titien a été remplacé par le San Sebastiano de Véronèse. Pas d’histoire d’Esther comme annoncé ! la sacristie se visite avec un plafond de Véronèse.les couleurs sont somptueuse ; je cherche sans le trouver le vert Véronèse (d’où vient cette expression ?) mais des orange lumineux.

Santa Maria del Rosario Gesuati

Ne pas confondre Gesuati et jésuites. Les Gesuati sont un ordre qui a disparu remplacé par les dominicains. Tiepolo a décoré le plafond. Dans les chapelles on peut voir un Ricci (fraîches couleurs) et un Tintoret.

Les vaporetti sont en grève. Seules fonctionnent les navettes vers la Giudecca. Il faut donc rentrer à pied. Comme il est midi nous achetons des tramezzini : crevette et roquette, un autre de viande rouge très tendre, très fine peu salée (carpaccio ou braciola ?). Sous de grands parasols carrés de toile beige, sur le Campo San Barnaba , on prend un café et un verre de vin blanc. Il fait très bon avec un petit vent. J’adore ces pauses au café, y dessiner, écrire, regarder les passants (sans compter que c’est l’unique moyen d’aller aux toilettes). Au milieu de la place il y a un grand puits octogonal en pierre d’Istrie recouvert par un hémisphère métallique.

promenades à Cannaregio et à Santa Croce

Carnet de Venise , 4ème jour,

Ca de la Gare Santa Lucia à la CA d’Oro (Itinéraire proposé par le guide Evasion p.116)

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Je reprends   le Rio Terra Lista di Spagna (j’ai trouvé le sens de cette appellation compliqué : Lista désigne une voie limitée par des pierres blanches où l’on jouissait jadis de l’immunité diplomatique puisque la rue conduisait à la résidence d’un ambassadeur. Cette Lista di Spagna est bordée de magasins. J’achèterais volontiers une parure de draps à 39€. Les suspensions en verre de Murano ne se négocient pas à moins de 85€ la plus petite tulipe colorée d’orange, rouge et noire.

Le long du Cannaregio je suis la fundamenta à l’ombre jusqu’au pont à trois arches afin de visiter San Giobbe (carte chorus) mais San Giobbe est fermé l’après midi. J’en suis quitte pour traverser le Cannaregio et suivre l’autre quai en plein soleil jusqu’au Guglie pour obliquer vers le Ghetto. Calme d’une petite place. La synagogue se trouve à l’étage dans u n immeuble. Pour visiter il faut s’adresser au musée. Un restaurant cacher, des galeries d’art sur des thèmes juifs, un magasin de souvenirs proposant des mezouzot en verre de Murano (pas de rabbins). Nous sommes bien dans le quartier juif. Un jeune homme aux papillotes enroulées me propose des bougies pour Chabat (ce soir). Malgré mon agacement devant ces ultra-orthodoxes, je me sens attirée par ce ghetto qui n’a rien de pittoresque à photographier.

Traversant un petit canal puis un autre tout calme s’ouvrant au loin sur la lagune, je prends des ruelles si étroites que le soleil ne doit jamais les réchauffer. Je suis loin des boutiques pour touristes, loin de l’agitation de la ville, des beaux palais. Ce coin de Cannaregio est vraiment très tranquille.

Sant Alvise possède un plafond en trompe l’œil de Toni (17ème siècle) moins spectaculaire que celui de San Pantalon , trois chefs d’œuvre de Tiepolo et un tableau très naïf en six vignettes dont j’ai oublié l’auteur ;

J’arrive juste à temps pour entrer dans l’église de la Madonna del Orto. Le grand bâtiment de brique ressemble un  peu à Santa Maria Gloriosa. Encore des Tintoret (c’est le jour !) et une très belle Vierge à l’Enfant de Bellini.

Les statues enturbannées du Campo del Mori rappellent Rioba Sandi et Afani, marchands originaires du Péloponnèse riches de milliers de baquets ( ???) . La maison de Tintoret est signalée par une plaque.

Promenade à Santa Croce

Après dîner je pars explorer Santa Croce par des ruelles étroites qui tortillent, passent de petits ponts, contournent les palais. Ces ruelles permettent parfois juste de se faufiler . Chaque fois que je le peux je rejoins le Grand Canal espérant approcher les palazzi aperçus du vaporetto. Je suis les flèches fundaco turchi  ou Musée d’Histoire naturelle, bâtiment très orné qui me fait rêver : un caravansérail à Venise ! Malheureusement on ne devine rien par derrière. Même déception pour la Ca Pesaro , le petit jardin moderne ne laisse rien deviner de la splendeur de la façade. De peur de me perdre encore dans les ruelles la nuit, je rentre plus tôt.

Venise au petit matin

Cinq jours à Venise en juillet

6h30, heure du balayage à Venise. Les sacs d’ordures en tas au coin des canaux, attendent que le chaland-poubelle vert passe. Un goéland tire un petit sac au milieu du campo et entreprend de l’ouvrir. Avec son bec, il trie, ôte les cartons et les papiers, trouve un quignon de pain qu’il ne juge pas comestible et le laisse aux pigeons. Un joli sachet possède des anses que l’oiseau saisit délicatement. Ayant tout passé en revue, il cherche une autre aubaine. Les grands sacs noirs sont trop lourds. Les autres ne sentent rien. Le goéland s’éloigne.

En dehors des balayeurs, je croise des touristes faisant rouler des valises à roulettes bruyantes.

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.Je passe par les mêmes ruelles qu’hier soir.Un nom  m’intrigue : ruelle du Tentor. Qui est ce Tentor ? Un tentateur ? Suivant les flèches j’arrive au Rialto. On décharge des caissettes  de polystyrène contenant du poisson. Les caisses volent de mains en mains. Le marché au poisson est installé dans de belles halles de brique avec des parements de pierre d’Istrie(comme à l’église des Frari). L’erbaria est le marché aux légumes et la caseria celui des produits laitiers.

Elisabeth CROUZET-PAVAN Venise Triomphante – les horizons d’un mythe

                 Voyager pour lire – lire pour voyager!

Venise sera notre première étape dans l’Odyssée qui doit nous conduire à Corfou en passant par Céphalonie et Ithaque . Venise, nous l’avons rencontrée en premier à Nauplie, puis en Crète, à Chypre… enfin Tinos où nous avons passé la fin avril fut Vénitienne plus de 5 siècles. Cest en quittant Tinos que j’ai eu envie de suivre la Serenissime...

Elisabeth CROUZET-PAVAN Venise Triomphante – les horizons d’un mythe -bibliothèque Albin Michel Histoire :

Livre très sérieux, bourré de notes de références. L’auteur est une universitaire qui n’avance rien sans citer ses sources. Néanmoins c’est un livre passionnant qui retrace l’histoire de la ville de sa naissance dans la lagune à la suite des invasions lombardes.

Une cité née sur les eaux – réminiscence de l’histoire de Hanoï, rien à voir ? – conquête d’une terre ferme sur la lagune, assèchement, lotissement mais aussi gestion complexe de l’eau, eau douce pour approvisionner une ville importante, eau saumâtre de la lagune, mais aussi eau de mer…érosion des marées mais aussi sédimentation par les alluvions. Une administration pour gérer tous ces flux…eaux- remparts pour une ville ouverte sur l’Adriatique. Gestion urbaine, marchés, entrepôts, arsenal.

Une ville qui épousa la merépousailles ritualisées par la cérémonie de la Sensa : le doge, dès le 11ème siècle offrait un anneau à la mer. Moins symbolique, la conquête de l’Adriatique et de la Méditerranée orientale par le commerce. Grain des Pouilles, épices d’Orient,  draps, soieries … toutes les richesses d’Orient mais aussi les foires d’Europe transitaient par Venise. Rivalité avec Gènes. Rôle très ambigu des Doges pendant les Croisades.

Le lion et la Terre : d’une puissance maritime Venise va à la conquête de la terre ferme…

Seul regret : l’auteur est une médiéviste,  l’histoire ne raconte pas la Venise de Titien de Tintoret ou de  Goldoni, encore moins Casanova

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/venise_triomphante.asp

Robert DESSAIX : Corfou

Lire pour voyager, voyager pour lire!

Cet été nos sommes en partance pour les îles de la Mer Ionienne

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  J’ai pris ce livre au hasard à la bibliothèque.

Le narrateur, un acteur australien, s’installe à Gastouri sur l’île de Corfou, dans la maison que loue un écrivain, Kester Berwick .

Le décor est planté, comme figurants, s’invitent Ulysse mais aussi Sissi dont le palais est proche. Même si le milieu  des expatriés britanniques ou australien ressemble au monde de Durrell, Dessaix, ou son narrateur, ne sont pas Durrell et Corfou n’st pas l’île de Prospero.  Durrell, parfait îlomane, savait restituer l’atmosphère solaire, les saveurs, les odeurs, la simplicité de la vie grecque,. Pour Dessaix, Corfou n’est que décor et non sujet. D’ailleurs, une partie du roman se déroule à Molyvos sur l’île de Lesbos où Berwick a rédigé son roman : la Tête d’Orphée chante, prétexte pour citer Sappho.

Le sujet du roman est une biographie (romancée ??) de la vie de Kester Berwick, acteur et écrivain australien. Autre thème récurrent et très bien détaillé, le théâtre de Tchekov. Avec beaucoup d’intelligence le narrateur mêle mise en scène des Trois Sœurs, de la Cerisaie et d’Oncle Vania aux péripéties de ses relations, de ses amours et de ses désirs.

Corfou n’est pas un grand roman, mais c’est un puzzle très littéraire et intelligent où abondent des citations bien expliquées. Sappho et Cavafy y sont disséqués pour mon plus grand plaisir.

Une réserve cependant : ce roman pourrait être classé « littérature gay », pourtant il comporte des assertions désagréables envers les lesbiennes en short sur l’île de Lesbos, pourquoi de tels clichés ?