Scènes de vie villageoise d’Amos

Voyager pour Lire/Lire pour voyager

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De ce roman – ou recueil de 8 nouvelles – se dégage un sentiment de nostalgie.

Tchékov? La Cerisaie, pourquoi pas?

Tel-Ilan, village fondé par des pionniers a perdu son dynamisme, ses habitants ont vieilli, les fermes sont délaissées et seule paraît active la spéculation immobilière, les magasins de bibelots, de meubles asiatiques destinés aux résidences secondaires des citadins. »La Provence en Israël!…la Toscane » s’enthousiasme l’homme d’affaire dans la nouvelle « les héritiers« .les enfants de spionniers ont bien vieilli, ils n’ont plus d’illusions. L’esprit pionnier s’est dilué. Seules restent les récriminations de Pessah, octogénaire,ex-député ; qui se souvient des querelles entre les différentes tendances du sionisme socialiste et marxiste? Amertume du vieil homme. Fatigue des femme. Pas d’enfants, seul l’agent immobilier a deux filles, mais elles sont en colonie de vacances. Kolbi, adolescent,est amoureux de la bibliothécaire qui accuse le double de son âge – amour sans espoir.

Qui est-ce qui sape les fondations de la vieille ferme, dans la nouvelle Creuser? Autre maison promise à la démolition dans Perdre

De l’esprit des pionniers il ne reste que les chansons anciennes qui réunissent périodiquement une trentaine de villageois…

Constat  de la fin d’un monde. Israël , que nous voyions comme le pays du kibboutz, du socialisme, a perdu son rêve, s’est urbanisé, le solcialisme s’est dissous, perdues les illusions et l’enthousiasme? La dernière nouvelle Ailleurs, dans un autre temps parle de moustiques, de marais à assécher comme dans les anciens temps, ailleurs? ou peut être du temps des premiers villageois.

La Femme à sa fenêtre d’Amos oz

Lire pour Voyager/Voyager pour lire

Invitation au Voyage et à la Lecture

Ce n’est pas le titre d’un livre. C’est un discours prononcé par l’auteur Israélien à la réception d’un prix littéraire à Madrid. Ce texte a circulé , à propos de la polémique autour du boycott des auteurs israéliens au salon du livre, il y a quelques mois.A propos d’un autre boycott, au cinéma cette fois-ci, je me suis souvenue de ce texte. Coïncidence je viens de lire les Scènes de vie villageoise qui est sorti récemment

Par ailleurs, je suis une fidèle lectrice d’Amos Oz.

La femme à sa fenêtre
Amos Oz
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant

« Si vous vous payez un billet d¹avion et vous rendez dans un autre pays, vous pourrez voir les montagnes, les palais et les places, les musées, les paysages et les sites historiques. Si la chance est de votre côté, vous aurez peut-être l¹occasion de discuter avec quelques habitants de là-bas.
Après quoi, vous rentrerez chez vous, avec une collection de photographies et cartes postales.
Mais si vous lisez un roman, vous vous payez en réalité un billet d¹entrée dans les labyrinthes les plus secrets d¹un autre pays et d¹un autre peuple.
Lire un roman, c’est s’inviter au domicile d¹autres gens et visiter tous ses recoins.
Touriste, peut-être aurez-vous l¹occasion de vous trouver dans une rue quelconque, de contempler une maison du vieux quartier de la ville et d¹apercevoir une femme qui regarde par la fenêtre. Puis, vous tournerez les talons et poursuivrez ton chemin.Lecteur, vous ne contemplerez pas seulement cette femme à sa fenêtre, vous serez avec elle, dans sa chambre, voire dans sa tête.Quand on lit un roman d¹un autre pays, on se trouve en réalité invité dans le salon d¹autres gens, dans la chambre de leurs enfants, dans la pièce où ils travaillent, et même dans leur chambre à coucher. On visite leurs douleurs secrètes, leurs réjouissances familiales, leurs rêves.C¹est pourquoi je crois que la littérature peut jouer le rôle de pont entre les peuples. Je crois que la curiosité est une valeur morale. Je crois que la capacité de se représenter l¹autre est un vaccin contre le fanatisme. La capacité de se représenter l¹autre ne fait pas seulement de vous un meilleur homme d¹affaires, un meilleur amant ; elle fait de vous un être humain encore plus humain.La tragédie israélo-palestinienne est, en partie, l¹incapacité de nombreux d¹entre nous, juifs comme arabes, de nous représenter l¹un l¹autre. Se le représenter vraiment : avec ses amours, ses angoisses, sa colère, ses passions. Il y a entre nous trop d¹hostilité et pas assez de curiosité.Les Juifs et les Arabes ont quelque chose en commun : tous deux, dans le passé, ont subi la violence de l¹Europe. Les Arabes ont été victimes de l¹impérialisme, du colonialisme, de l¹exploitation, de l¹humiliation. Les Juifs ont été victimes de la persécution, de la ségrégation, de l¹exil, et pour finir, de l¹assassinat d¹un tiers du peuple juif.On aurait pu se dire que deux victimes, de surcroît deux victimes du même persécuteur, auraient développé entre elles une sorte de solidarité. A notre grand regret, les choses ne se passent pas ainsi, ni dans les romans, ni dans la vie. Au contraire : les conflits les plus durs sont souvent ceux qui opposent deux victimes d¹un même persécuteur. Deux enfants d¹un père violent ne s¹aiment pas obligatoirement. Souvent, chacun voit en l¹autre l¹image du parent tortionnaire.Telle est la situation entre les Juifs et les Arabes au Proche-Orient. Les Arabes voient en les Juifs les nouveaux Croisés, un nouvel avatar de l¹Europe colonialiste. Les Juifs voient en les Arabes une réincarnation de leurs persécuteurs d¹hier : les auteurs des pogroms nazis.Cette situation fait porter à l¹Europe une responsabilité particulière dans la solution du conflit israélo-arabe. Au lieu de pointer un doigt accusateur en direction de l¹un ou l¹autre des côtés, les Européens feraient mieux d¹apporter sympathie, compréhension et aide à ces deux côtés. Vous n¹avez plus à choisir entre être pro-palestiniens ou pro-israéliens. Vous devez être pour la paix. La femme à sa fenêtre pourrait être une Palestinienne à Naplouse ou une Israélienne à Tel Aviv. Si vous souhaitez contribuer à faire advenir la paix entre ces deux femmes à leur fenêtre, vous feriez bien de lire davantage sur elles. Lisez des romans, mes amis. A travers eux, vous en apprendrez beaucoup. Il serait bien aussi que ces deux femmes se lisent l¹une l¹autre. Ne serait-ce que pour savoir ce qui, chez l¹autre femme à sa fenêtre, fait naître la peur, la colère ou l¹espoir.Je ne suis pas venu ici ce soir pour vous dire que la lecture des livres changera le monde. Mais je vous dis, et j¹y crois vraiment, que la littérature est l¹un des meilleurs moyens de comprendre qu¹au bout du compte, toutes les femmes à toutes les fenêtres ont un besoin urgent de paix.Je voudrais remercier les membres du jury qui m¹ont décerné ce magnifique Prix du Prince des Asturies. Merci, et que la paix soit sur vous. »Amos OzPar delà la dimension politique, je trouve que c’est une des plus belles invitations à la lecture pour les voyageurs.

Hirbat-Hiza – S.Yizhar

En ces jours où l’on parle de boycott de films israeliens, où le dialogue paraît difficile, lisons plutôt ce qu’a écrit Yizhar au sujet de la déportation des villageois palestiniens en 1948. Au lieu de les baillonner, laissons exprimer ce que j’appellerais  la conscience des intellectuels israëliens. Leurs écrits, leurs films, leur parole ramènera peut-être un peu de raison dans la déraison des extrémismes.

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Écrit en 1949, édité en français par Galaade Edition
(traduction Laurent Schuman)- postface David Shulman

Ce court récit(98p)est d’une beauté fulgurante et d’une actualité criante.

Dans la postface, D Shulman  analyse le texte en hébreu. Il me fait regretter de ne pas avoir abordé ce texte en VO,  classique de la littérature hébraïque qui, à ma grande surprise, figure au programme de littérature des lycées.

Le narrateur,  un beau matin d’hiver 1949, part en mission afin de « regrouper les habitants de la zone située en deçà des points X et Y…en vue du transfert des populations autochtone hors des frontières; détruire à l’explosif les bâtiments de pierre…. » c’est à dire « brûler-dynamiter-capturer-embarquer-expulser » dans les règles de l’art… »

Dès les premières lignes, l’auteur est clair.

Et pourtant, malgré cette mission sinistre, le texte adopte d’abord un ton élégiaque. C’est le plus beau chant à la terre palestinienne, cultivée dans l’harmonie et la beauté, qui puisse être écrit. Les jeunes soldats y sont tous sensibles, comme à la beauté sauvage d’un jeune poulain.

Dans l’attente de l’action – comme l’attente est commune chez les militaires! – ils admirent la beauté de cette campagne.

– « le diable les emporte! s’écria Gabby. C’est trop beau pour eux! »

Yizhar, fait un compte-rendu, d’abord neutre, de l’action. Ne pas oublier que ce récit se déroule pendant la guerre d’indépendance. Il était alors officier de renseignements.

Lorsque la conquête facile du village déserté par les combattants est achevée, commence la mission d’expulsion. Expulsion de pauvres diables, de vieillards d’enfants de femmes. Devant l’humiliation des villageois, les doutes font surface. la plupart des soldats les font taire par des bravades ou des brutalités, des vantardises. Le narrateur soulève la question :

« Est-ce bien raisonnable d’expulser ces gens?…
– on ne discute pas les ordres!
– Mais c’est injuste…
 »

La mission devient encore plus glauque. Une mare inonde la chaussée là où l’on devait embarquer les déportés dans des camions. La boue.

Ce texte m’a poursuivie. Sur Internet j’ai trouvé un texte se référant à cette boue, et à la boue de Kippour, le film d’Amos Gitaï.

L’actualité de ce récit est évidente.

Hier, coïncidence? la Gauche israélienne manifestait contre les colonies tandis que les Palestiniens commémoraient la Naqbah, cette déportation que raconte Hirbat-Hiza.

Et toujours je rumine :

comment les lycéens israéliens qui ont étudié ce texte peuvent ils continuer ainsi sans se poser plus de questions?

Comment ai-je pu passer à côté d’un tel texte pendant tant d’années?