De Dakar vers la Somone sur la RN1 dans la chaleur, sans évènement marquant. Un peu ensuquées, nous découvrons notre dernière étape, notre dernier hôtel : La Lagune .
Notre case ronde, couleur terre, recouverte de chaume, au milieu d’un jardin fleuri, est partagée en deux chambres. Un très grand lit occupe toute la chambre mais il y a une penderie dans le couloir de la salle d’eau. Nous réglons la climatisation sur 25° et négligeons la grande moustiquaire. Mal nous en a pris ! A minuit, un bourdonnement désagréable nous a éveillées. Catastrophe ! 15 jours, au bord de l’eau, en brousse, nous n’avons pas été piquées et ce serait sur la Petite Côte, bien touristique que nous craindrions le palu ! Nous, qui avions décidé d’arrêter la doxycycline au retour puisque nous n’avions pas été piquées !
La salle à manger se trouve dans une grande paillote ronde. Au centre : le bar avec d’énormes fauteuils de rotin, on dîne sur une dizaine de tables disposées à l’extérieur en couronne, sous des lustres métalliques évidés comme des citrouilles ou des masques allongés cachant des tubes de néon. Après une vingtaine de bassins dans la piscine, une belle promenade le long de l’eau, nous dînons de calamars et d’un filet de poisson avec des crêpes.
Samedi 16 mars : La Lagune
Une journée de farniente sous les cocotiers: faire le tri dans les photos, mettre à jour mon carnet de bord, profiter de la jolie piscine et de la plage. Quand la mer est haute, les vagues se brisent sur une barrières rocheuse avec une belle écume mais il n’y a presque plus de plage. L’érosion gagne même les murs des hôtels et des villas dont certains escalier s’effondrent. Pour protéger la plage, on a disposé de gros blocs de roche volcanique brun-rouge en brise-lames. Quelques rochers affleurent, insuffisants pour retenir le sable.
Comme souvent au Sénégal, la plage n’est pas lieu de baignade, ni de bronzette mais plutôt le domaine des sportifs qui développent une musculature sculpturale. Tous les exercices sont bons pour ces athlètes : course, avec ou sans chaussures, pompes, mouvement de gymnastique, de préférence accomplis collectivement. Certains jouent au foot (deux paires de chaussures suffisent pour matérialiser les buts). Des lutteurs combattent deux à deux. Le sport national est la Lutte sénégalaise. Une trentaine d’enfants s’exercent aux combats. Il y a même du foot féminin(en maillot et short réglementaire). Malheureusement l’une des joueuses est handicapée par sa petite sœur-bébé dans les bras.
J’aime marcher dans la frange d’écume. Mais je suis souvent importunée ; Chaque fois la même technique d’approche :
– « Ca va ? – Ca va ! – comment t’appelles-tu ? »
après cela varie :
– « j’ai des belles oursins »
-»viens voir ma galerie ! »…
Je me débarrasse des vendeurs : en robe de plage sans poches, je n’ai pas d’argent. Plus difficile d’éconduire ceux qui offrent des coquillages ou leur amitié, qui prétendent qu’ils veulent seulement bavarder avec les touristes. L’un d’eux raconte que la police espagnole aux Canaries l’a recueilli et renvoyé à Dakar ; C’est l’histoire du film « La Pirogue ». Peut -être, est–ce la sienne ? Je lui dit qu’il y a plus de 3 millions de chômeurs en France en ce moment et que l’hiver a été très long. Il insiste :
– « Voulez vous aller au marché de M’bour, j’ai un copain qui a une voiture ? », « voulez vous faire de la pirogue ? J’ai un copain qui vous fera un bon prix. » »il n’y a pas de travail pour nous. Nous n’avons que vous, les touristes… »
J’ai honte d’être désagréable. Est-ce qu’ils importunent les hommes qui se promènent sur la plage ?
La cuisine de La Lagune, la gentillesse de Ibou et des serveuses nous ont conquises. Tout le monde se met en 4 pour nous faire plaisir. Au déjeuner : salade d’espadon, poivrons et rondelles d’oignon, une truite de mer meunière, et une assiette de fruits découpés, ananas frais, melon quart d’orange et pomme ; Au dîner calamar à la sicilienne avec de la crème aigre-douce, deux soles meunières et encore une assiette de fruits.
Dimanche 17 mars : lagune de la Somone, retour en avion.
La Somone est aussi une rivière dont l’estuaire se termine par une jolie lagune de 8km ? Nous avons réservé une promenade en barque à 10h30 (marée haute. Les barques partent de l’hôtel Baobab Lookea qui est une structure monstrueuse occupant au moins 500m en bord de plage. les bungalow sont jolis, fleuris. Le restaurant est immense. il y a une très grande piscine, des magasins…Les lits tous identiques et parallèles sous un parasol de chaume inamovible ne sont pas choquants. Ce qui l’est, ce sont les vigiles chaussés de rangers, en uniforme paramilitaires, installés tous les 150m. Que font-ils sur la plage ?En tout cas pas maîtres-nageurs avec leurs grosses chaussures. Cela agace Ibou, de La Lagune, qui dit que cette bunkérisation introduit un sentiment d’insécurité qui n’a pas lieu d’être. Sont-ils là pour décourager les marchands ambulants ou les sportifs sénégalais?
La promenade en pirogue est plaisante, nous avons toujours plaisir à observer les oiseaux. Le piroguier nous montre les belles villas des gens riches et des Français. Nous sommes loin des réserves! Il y a même des parcs à huitres pour les restaurants.
Il reste quelques heures pour profiter de la plage, des cocotiers. Les pêcheurs ont hissé les pirogues sur le sable, peu de temps plus tard, une très jeune fille arrive avec une bassine métallique pleine de poissons encore vivants sur la tête. Nous les mangerons à midi. Pour cette raison, le chef est incapable d’écrire le menu du jour avant la pêche : des soles excellentes.
A l’enregistrement, on nous prévient:
– « votre avion aura du retard. Si vous habitez Dakar, rentrez chez vous! »
En lot de consolation, un bon pour une boisson (une canette de coca) et un sandwich (petit). Nous nous traînons sans trouver où nous asseoir. C’est pareil dans tous les aéroports, avant de passer les sécurités et la police, il n’y a de salut que dans les restaurants, et encore! Dans les salons d’embarquement trois avions partent en même temps, celui d’Istanbul, de Casablanca et le vol Corsair. Les sièges ne sont pas suffisants. Comme nous sommes arrivées très en avance je m’allonge sur deux sièges, munie de mon matériel – masques et bouchons d’oreilles – Quelques temps après, une jeune femme me réveille, je plaide que demain je dois être fraîche, devant mes élèves.
– « collègue, qu’enseignes-tu? moi, c’est Histoire-Géo! »
Elle est charmante, aucune raison pour ne pas lui permettre de s’asseoir avec nous. D a mal à la tête, elle a de l’aspirine mais pas d’eau puisqu’on doit jeter les bouteilles à la sécurité. Une jeune femme nous a entendu. Elle tend un fond de bouteille :
– « c’est ce qu’il reste du biberon du bébé, je n’en ai plus l’usage »
tout le monde attend de longues heures, personne ne proteste, on fait connaissance, on s’entraide. Une jeune femme en vêtements très amples veut faire lever une de nous trois.
– « j’ai très mal dans le dos! »
– « mais tu es enceinte! comme j’aimerais l’être aussi, viens! » dit la jeune prof d’histoire.
On se tasse maintenant à 4 sur la banquette qui ne comporte que trois places. Les deux jeunes femmes bavardent maintenant en wolof. De temps en temps elles repassent au français pour que l’on puisse participer à la conversation et nous ennuyer un peu moins. Une dernière manifestation de la gentillesse et de la solidarité sénégalaise.