Gorée

CARNET SÉNÉGALAIS

 

Gorée vue du Castel, au loin Dakar

Le port de Gorée est minuscule, la chaloupe accoste à un ponton de ciment tandis que deux petits bateaux se balancent et que les pirogues ressemblent à celles des pêcheurs en miniature et dans moteur. Des bâtiments jaunes aux volets de bois vert alternent avec des maisons roses ou rouge foncé, balcons de bois des maisons coloniales ressemblant aux sobredos capverdiens. Quelques unes sont en ruine, façades écaillées, toits crevés. Les restaurations sont sous le contrôle de l’UNESCO il faut respecter les couleurs d’origine et cela décourage les bonnes volontés. A l’extrémité se trouve une batterie militaire – fort d’Estrée, arrondi portant encore des canons.

l’Hostellerie du Chevalier de Boufflers

L’Hostellerie du Chevallier de Boufflers occupe un angle, le restaurant est très bien situé, la vue st merveilleuse de la terrasse. Ce n’est pas vraiment un hôtel, plutôt des chambres d’hôtes dans des maisons rénovées (mais pas trop) peintes en rouge sang dans des rues étroites bordées de plantes vertes : caoutchoucs, sansevierias et hibiscus. , Rue de la Pointe et rue de Hesse. Gorée est soignée, ls rues possèdent toutes des plaques. On pousse un portail de fer forgé, entre dans un noir couloir , gravit un étroit escalier aux hautes marches malaisées et parvient sur une terrasse de bois meublée de deux fauteuils de cuir, deux tabourets et une table basse. Une haute porte protégée de persiennes bleu-vert s’ouvre sur une pièce très vaste, très haute de plafond, au parquet laqué de blanc cassé au plafond de bois reposant sur des poutres apparentes. Deux grands lits recouverts de batik bleu, un canapé, une décoration murale du même batik. La taille des pièces, la hauteur de plafond me font penser à Cuba.

place du gouvernement

Sans tarder nous visitons les environs. On fait le tour du bastion circulaire, découvrant de minuscules plages où on loue parasols et nattes. Les petites rues agrémentées de verdure sont très calmes dans le soir. Des vendeuses nous proposent d’aller voir leur petit marché, sans insistance, Gorée ne manque pas de touristes. La rampe qui monte au Castel est un peu la Butte Montmartre locale : des tableaux sont suspendus des deux côtés ou étalés sur le sol. La plupart sont stéréotypés, faits en série, certains sont intéressants : collages de tissus africains repeint ensuite à l’acrylique à motifs de baobab ou villageois. D’autres intègrent toutes sortes d’objets, téléphones ou cuillers. J’aurais bien aimé en photographier mais c’est impensable. Les artistes sont très vigilants. La seule solution est de filmer à la sauvette.

Pour notre dernier repas ensemble, Bouba a revêtu sa plus belle tenue africaine. J’ai oublié dans la valise qui est restée à Dakar le haut de ma tenue béninoise, je n’ai qu’un chèche marocain bleu à revêtir en drapé pour faire un semblant d’élégance. Les crevettes à l’ail sont délicieuses ainsi que les brochettes de lotte et les crêpes. Bouba a commandé pour nous nos plats favoris.

 

Vendredi 15 mars : Gorée

Dans la salle à manger de l’Hostellerie du Chevalier de Boufflers je trouve le portrait du Chevalier : Stanislas-Jean, Chevalier de Boufflers (Lunéville, 1738 – Paris, 1815), gouverneur de Saint Louis, poète qui s’installa à Gorée avec sa concubine signare (à propos vois le film Caprice d’un Fleuve de Bernard Girodeau) .De  très mignons tableaux naïfs « sous-verres » encadrés artistiquement dans du bois brut, cloué de travers, me plaisent bien. Ils sont à vendre (pas de photo) 15.000CFA le plus petit, 40.000CFA le plus grand. Pour la plupart ce sont des scènes de rue de Gorée.

9h, Baye, notre guide pour Gorée paraît. Il a grande allure avec son boubou sans manche, sa chemise blanche impeccable au col mao, sa cafiyiah et son grand chapelet. Fière allure, mais mal embouché. Dans une première altercation avec le garçon, au milieu du wolof j’entends « enculé ». Baye nous conduit d’abord sur la place du gouvernement de Gorée. Il présente l’île : 900m dce long, 300m de large, 1800 habitants, 2/3 musulmans, 1 /3 catholiques. Avant l’arrivée des Portugais l’île était habitée par des pêcheurs. Les Portugais la nommèrent Las Palmas, les Hollandais Goede Reede(bon port) dont la déformation donna Gorée. L’histoire de Gorée fut complexe. Le congrès de Vienne 1815 l’attribua à la France , attribution confirmée lors du partage de l’Afrique en 1885.

Une plaque est dédiée à Blaise Diagne, le 1er député du Sénégal à l’Assemblée Nationale (1914-1935). Natif de Gorée il bénéficiait de la nationalité française (comme ceux de Saint Louis, Rufisque et Dakar). C’est sur son intervention que les tirailleurs sénégalais participèrent aux combats de la Première Guerre mondiale. Sur cette Place du gouvernement un autre monument rappelle le souvenir des médecins et pharmaciens qui donnèrent leur vie en combattant l’épidémie de fièvre jaune en 1878. Un côté de la Glace du gouvernement est occupé par le Palais du Gouverneur Roume en piteux état qui fut transformé dans les années 50 en hôtel ; Il est question qu’on le restaure pour lui redonner cette fonction.

Les premières constructions de l’île furent donc portugaises puis hollandaises, les françaises ne datent que de 1857. Au centre de la place se trouve un vieux kiosque à musique. L’école Normale d’Instituteurs et un petit commissariat de police ferment le quadrilatère. Ce dernier occupe une ancienne chapelle portugaise.

église Charles de Borromée

En chemin vers le Castel on passe devant l’Eglise Saint Charles de Borromée, bâtie sous Charles X, très simple bâtiment jaune. Dans une maison jaune se trouvait une école de médecine africaine où étudia Houphouët Boigny . Le chemin du charroi qui monte à la colline fut équipé d’un rail pour hisser les lourdes pièces d’artillerie installées au sommet de l’île.(36m d’altitude – coulée volcanique dont les prismes de basalte se voient de la mer). Les galeristes installent leurs tableaux. L’un d’eux rince au jet les acryliques. Des milans planent au dessus de nous. Au tournant de la route, Baye nous montre les toits de Gorée. On surplombe l’école des filles Mariama Bâ (100% de réussite au bac, le seul internat féminin du pays). Nous trouverons dans la chaloupe du retour ces jeunes filles en uniforme soigné.

au sommet du Castel, monument coque de navires esclavagistes et carapace de tortue

Au tournant suivant du charroi, le sémaphore. Le castel, sommet de la colline est coiffé d’une sculpture moderne de ciment peint en blanc avec des alvéoles creusée : deux parties : une demi-pirogue pointue, coqué rappelant les bateaux négriers transportant les esclaves, à l’arrière la carapace d’une tortue symbolisant la patience.

En plus du gros canon, trois télémètres destinés à en régler le tir. Le canon fut installé en 1907 par la Marine française (240mm – 14km de portée). Il n’a servi qu’une fois, servi par les pétainiste qui coulèrent un navire gaulliste de ravitaillement. L’épave repose toujours dans le port de Dakar et les navires marchants doivent le contourner. « Vue panoramique » de Dakar(on découvre de loin les Mamelles et la très grande statue. Baye  nous montre la petite mosquée sana minaret 1892, le Palais du Chevalier de Boufflers qui accueillit le Premier Festival d’Art Nègre. Dans le patio d’origine on a installé des gradins de bois pour les spectacles. Dans un jardin entre la Maison des Esclaves et une autre esclaverie, actuellement le presbytère, se trouve la statue symbolisant la Libération des esclaves réalisé par Jean et Christian Morsa, guadeloupéens : un homme brandit ses chaines et serre dans ses bras une femme en pagne- une africaine ? tous deux sont debouts sur un  djembé.Le djembé avait son importance dans les plantations. Les tambours permettaient aux esclaves de communiquer sans être compris du Maître.

l’esc lave brandit ses chaînes

Près de la statue, sur une plaque le poème  d’un écrivain canadien

Celui qui a dit « Gorée est une île »

Celui-là a menti

Cette île n’est pas une  île

Elle est continent de l’esprit

La Maison des Esclaves de Gorée est mondialement connue. De la Porte du Voyage sans Retour, le pape Jean PaulII a imploré le pardon pour l’Eglise. C’est sur l’image de cette porte que s’ouvre le film Little Senegal. Cette maison est classée au Patrimoine mondial de l’Humanité

« Le Peuple sénégalais a su garder

L’actuelle maison des esclaves

Afin de rappeler à tout africain

Qu’une partie de lui-même a transité par ce sanctuaire. »

Jo N’Diaye (conservateur de la Maison des Esclaves)

La maison des esclaves n’est pas la seule esclaverie sur l’île. Il y en eut sur Gorée jusqu’à 28. Gorée ne fut pas le port esclavagiste le plus important à cause du manque d’eau douce. Au Bénin Ouidah et Alladah, au Ghana Elmira, Fort James en Gambie.

la maison des esclaves

150 à 200 esclaves étaient prisonniers au rez de chaussée de la Maison des Esclaves. Les familles étaient dispersées ; femmes et enfants vendus séparément et parfois pour des destinations très éloignées comme le Brésil ou les Antilles. Ils prennent ensuite le nom de l’acquéreur. Dans la chambre des hommes 15 à 20 hommes étaient enchaînés nus, assis. On ne les laissait sortir sur la plage qu’une fois pour se soulager. Dans ces conditions la mortalité était élevée. En 1779, la peste décima les esclaves. L’ethnie la plus chère était les Yorubas qui apportèrent au Brésil et aux Antilles le vaudou. Les propriétaires usaient du droit de cuissage. Si une jeune fille était enceinte d’un exploitant elle était libérée. Ces métissent libres devenaient les Signares. Un poids minimum de 60kg pour un homme était exigé. Ceux qui n’atteignaient pas ce poids étaient engraissés avec des haricots africains farineux dans la cellule des Inaptes temporaires. Sous les escaliers dans de petits réduits sans fenêtre était le cachot des récalcitrants : le conservateur raconte que Nelson Mandela s’y glissa, y resta quelques temps et ressortit les larmes aux yeux, se remémorant peut être son séjour carcéral.

Le conservateur essaie d’expliquer la responsabilité des Africains dans la traite. Sans la nier il la relativise. D’une part, l’esclavage a toujours existé en Afrique ; cet esclavage africain a toujours existé mais il était moins violent et moins systématique. L’autre argument est que les souverains africains ont collaboré par la contrainte : les Européens divisaient pour régner exacerbant les guerres tribales et dispersant les armes à feu qui n’existaient pas avant leur arrivée.

Les esclaves sortaient par la Porte du Voyage Sans Retour sur un ponton sur pilotis car les navires ne pouvaient pas approcher du rivage rocheux. Ceux qui tentaient de fuir étaient dévorés par les requins attirés par les cadavres de ceux qui étaient morts dans les cachots.

A l’étage, vivaient les exploitants de l’esclaverie. Comment vivre quand des hommes étaient détenus en dessous, est un mystère. Ces vastes pièces sont maintenant des salles d’exposition avec des tableaux  explicatifs illustrés par des gravures d’époque (provenant  souvent du Musée de Nantes).

Baye nous conduit ensuite au Jardin Botanique. Michel Adanson (1727-1808), élève de Jussieu, employé de la Compagnie des Indes, a aménagé ici un jardin botanique en 1750. Il publia en 1763 un  tome sur la flore et en 1777 dans l’Histoire Naturelle du Sénégal un tome sur les coquillages.

Gorée vue du bateau du retour

La promenade avec Baye s’arrête là. Je complète la visite de Gorée au Fort d’Estrée (fort rond à l’extrémité de l’île) transformé en Musée Historique.

J’ai regretté d’avoir peu de temps pour tout lire. Deux salles sont consacrées à la Préhistoire : outils de pierre taillée qui se ressemblent tous et partout et qu’i n’intéressent que les spécialistes. Beaucoup plus originales, les salles racontant l’histoire des différents royaumes africains. Des listes des rois ont été établies depuis le 13ème siècle. Pour punition au calamiteux discours de Dakar on devrait y enfermer Sarkozy et lui faire recopier et apprendre ces listes ! Il est tout à afit étonnant que les noms et les dates précises aient traversé les siècles en l’absence d’archives écrites ; Ceux qui étaient musulmans savaient écrire, mais les animistes ? Est-ce l’œuvre des griots que d’avoir maintenu ces généalogies ?

Une salle est consacrée à la christianisation (statue de bois de Saint Charles de Borromée). Uen autre à l’Islam avec des explications détaillées sur les confréries et Touba.

Les portraits des différents hommes politiques et des acteurs de la décolonisation sont aussi présentés . Je découvre un autre Senghor (Lamine) qui fut communiste.

Malheureusement, j’ai bâclé la visite. Après avoir soigneusement noté tous les détails plus tôt, je n’ai ni le temps ni la patience de continuer à recopier les explications. J’aurais du faire cette visite hier à notre arrivée.

Autre visite hors programme : sur une terrasse dominant la Place du Gouvernement et surplombant le port, sou l’égide du Musée Dapper, des photographies et des sculptures.

Déjeuner dans une petite cantine : salade de tomates, poulet grillé au barbecue et une banane.

La chaloupe quitte Gorée à 14h. Les élèves de l’école Mariam Bâ sont toutes endimanchées

la maison des Esclaves vue de la mer et la Porte du voyage sans retour

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

3 réflexions sur « Gorée »

    1. @dominique : le nom de l’hôtel correspond à une figure très célèbre à Gorée. le chevalier de Boufflers a inspiré le scénario du film Les Caprices du Fleuve que j’ai revu récemment avec beaucoup de plaisir

      J’aime

  1. J’ai l’honneur du aller régulièrement y passer quelques jours. Alors voyageurs du monde restez sur place vous infuser de son histoire qui ne différencie plus les blancs ou les noirs. Ce continent de l’esprit vous envoûte et vous pousse aux recueillements. Parler avec les goreens qui sont des gens merveilleux. Le calme et la douceur vous enivrerons de bien être.

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