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Ce Portail fermait l’entrée principale de l’Ambassade de France, où la Communauté des expatriés au Cambodge s’était réfugiée, évacuée après la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Ce livre, Le Portail, est un témoignage racontant la captivité de Bizot dans la jungle en 1971 puis les dernières semaines vécues dans l’ambassade en 1975.
Acheté à la suite de recommandations d’inconnus sur les forums de voyageurs, j’ai longtemps hésité avant de commencer cet ouvrage. Je n’aime pas les films ou la littérature de guerre. Le sang m’effraie, les héros m’agacent…Et puis, je ne l’ai plus lâché. C’est un grand livre, très bien écrit et passionnant.
Quand on raconte un génocide c’est facile. Il y a les victimes et les bourreaux.
On peut aussi voir autrement : les impérialistes américains et leurs valets, laquets, on se souvient de la terminologie en cours, et en face la juste lutte des peuples, les fronts de libération nationale…les peuples-frères. Adolescente j’ai vibré à ces slogans, soutenu la juste lutte du peuple vietnamien, puis cambodgien…plus tard j’ai été catastrophée quand le Vietnam a fait la guerre au peuple-frère… sans rien comprendre.
Avec Bizot, l’analyse ne vient pas de l’idéologie mais du terrain. En 1971, quand il est fait prisonnier des Khmers rouges, il voit les troupes nord-vietnamiennes qui avancent derrière les Khmers rouges, il décrypte le discours qui vient de Chine, il devine la catastrophe à venir, il en discute ouvertement avec son geolier Douch . Et il a reproché l’aveuglement de Lacouture et des expatriés communistes qui, après la prise de Phnom Penh, croyaient encore assister à la fête de la libération et qui, encore déguisés en Khmers, sont venus se réfugier à l’ambassade.
Ce livre n’est pas un témoignage à charge au tribunal de l’Histoire qui a déjà condamné le massacre, c’est bien plus. Bizot parle khmer et connaît mieux le boudhisme khmer que les « camarades » illettrés qui récitent des formules apprises par coeur. Il peut dialoguer avec Douch dans la jungle, et, plus tard, il est l’interprète des diplomates français auprès de Nehm. Il comprend non seulement leur langue de bois mais aussi leurs mimiques. Il utilise leur psychologie pour négocier avec les adversaires. Il gagne leur estime. Le livre rend compte avec finesse de ces dialogues, sortes de jeux d’échecs où il convient de flatter, d’exiger, de reculer, au bon moment.
Le Portail ne se résume pas non plus à l’analyse politique. Bizot sait merveilleusement bien raconterla nature Cambodgienne. Il nomme chaque arbre avec son nom latin. Il sait nous faire sentir la touffeur, l’humidité, l’électricité d’une soirée d’orage. Leçon d’humanité quand il raconte le respect pour la nourriture de ceux qui en ont été privés. Mais aussi les mesquineries au sein des centaines de réfugiés. Point de manichéisme, tel chef de guerre fait montre d’une lâcheté insondable et quelque temps plus tard de courage. Les Khmers rouges sont toujours montrés comme des hommes et non pas comme des monstres. Bizot décortique leurs contradictions. Il peut aussi montrer l’affection qu’il porte à son chien, à une poule. Ce livre rend compte de la complexité de l’humain et dépasse largement le témoignage et l e cadre cambodgien.
C’est un livre remarquable. La description du comportement de Jean Lacouture lors de la réception (à l’ambassade ? je ne me rappelle plus) est le parfait exemple de l’aveuglement content de soi des « élites » occidentales à l’époque. Ce qui m’a beaucoup frappé à l’époque où j’ai lu ce livre, il y a plusieurs années, c’est le caractère ambigu de la relation de Bizot avec Douch, alors en début de « carrière », son geôlier et tortionnaire, mais qui se bat pour obtenir qu’il ne soit pas exécuté et, en définitive, auquel il doit la vie.
Douch, jugé responsable de la torture et de l’exécution d’au moins 15.000 personnes, a été condamné en 2010 à 30 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité,
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….. »impérialistes américains et leurs valets, laquets »… »la juste lutte des peuples », « les fronts de libération nationale »… »les peuples-frères »….j’ai connu tres bien ces mots, mais « je n’ai pas vibre » jamais, car tout le monde ici savait qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on entendre, meme si ces mots arrivent par l’aide de la propaganda nationale et/ou internationale a radio et tv…
Personne ne pouvait pas nous faire croire que ceux qui sont a l’Est de la Roumanie avait des bonnes intentions /ont fait des choses positifs pour nous, quand tous nos parents et toute notre histoire ecrite nous a dit un autre chose…c’est purquoi, quand nous avons commence la 5eme a l’ecole et ils nous ont demande quelle langue nous voulons etudier, j’ai choisi la langue francais, pas la langue russe, a cause de la tradition dans ma famille et dans plusieurs autres familles de mes copains/copines… Ca c’etait du vrai courage pendant les anees ’60, je ne sais pas, mais ceux qui n’ont jamais tremble de peur en regardant la voiture Volga noire de la « securitate » pres de la porte de leur maison, ne peuvent jamais comprendre certains choses…
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@george : je comprends très bien votre réaction venant de Roumanie. Votre vécu dans les années 70 très différent de celui de la France de l’après 68, vous fait considérer très différemment cette terminologie . Heureusement, le mur de Berlin est tombé et la guerre froide avec. Mais ne soyons pas amnésiques! Si une bonne partie de la gauche française a soutenu des aberrations il faut aussi s’en souvenir.
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Vous avez raison….Ce sont des souvenirs appartenant au passe….un melange de images , des moments et des mots….le mur est tombe, la guerre froide aussi mais ce sont les effets de longue duree qui sont encore vivant dans la memoire et la vie des plusieurs gens… mais j’ai aussi des belles souvenirs des anees ’70, quand mon petit ville d’enfance etait toujours plein des etrangers(francais, anglais) , et la vie c’etait comme chez vous…c’etait comme une oasis cache dans l’immensite du desert.
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